Anémie chez l’enfant

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L’anémie, qu’elle soit à traduction clinique ou qu’elle soit purement biologique, est toujours pathologique. La baisse du taux d’hémoglobine, n’est pas suffisante pour la caractériser ; il faut systématiquement obtenir le volume globulaire moyen et la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine. Seuls, ces deux paramètres, pourront permettre de classer les différents types d’anémie.

L’anémie de l’enfant est définie par un taux d’hémoglobine (Hb) inférieur à la norme pour l’âge:

– sachant qu’à la naissance le taux normal se situe entre 17 et 22g/dl.

– pour atteindre environ 11g/dl à 3 mois.

– et se stabiliser entre 12 et 14g/dl jusqu’à l’âge adulte.

Anémie chez l'enfantComme chez l’adulte, les anémies sont régénératives ou arégénératives et microcytaires ou macrocytaires, le volume globulaire moyen (VGM) variant:

– de 110 à la naissance.

– à 90 à 3 mois.

– et à 80 à 6 mois.

– pour remonter progressivement vers les valeurs de l’adulte.

Poser le diagnostic :

SYNDROME ANÉMIQUE CLINIQUE :

* Le syndrome anémique clinique se manifeste par une pâleur cutanéo-muqueuse et l’examen retrouve un souffle systolique.

* Sa tolérance est liée à l’intensité de l’anémie et à la rapidité de son installation.

– Elle est jugée sur la présence d’une asthénie, d’une polypnée, d’une tachycardie, voire d’une chute tensionnelle.

– L’installation progressive de l’anémie explique sa bonne tolérance.

* Chez le tout-petit, une splénomégalie peut être présente.

BIOLOGIE :

Le diagnostic positif repose sur la numération formule sanguine.

PARTICULARITES DU TRAITEMENT  PAR TRANSFUSION :

Le traitement de l’anémie est plus ou moins urgent, selon qu’il s’agit d’une anémie aiguë mal tolérée ou d’une anémie chronique pouvant longtemps passer inaperçue.

La transfusion reste le traitement de secours d’urgence (globules rouges ou sang total).

* Quel que soit le degré d’urgence, les règles de sécurité transfusionnelle doivent être respectées.

– Il faut déterminer le groupe ABO de l’enfant et rechercher des agglutinines irrégulières.

– Au lit du malade, il faut vérifier la compatibilité du sang à transfuser avec celui du patient.

– Dans le cas d’une indication transfusionnelle urgente, avec un risque vital immédiat, on transfusera du sang O rhésus négatif.

* La quantité à transfuser est évaluée au mieux par le taux d’Hb du patient anémique selon la formule: quantité à transfuser = (Hb souhaitée – Hb actuelle) x poids corporel x 3.

* Le risque immédiat lors d’une transfusion est dû à la surcharge (durée idéale de transfusion égale à 3 heures), à la contamination bactérienne du culot globulaire et à l’incompatibilité immunologique des sangs du donneur et du receveur. Le risque viral, de manifestation plus tardive, n’est pas négligeable.

* Dans le cadre de transfusions répétées, la surcharge martiale doit être prévenue.

* Le traitement s’adapte ensuite à la cause de l’anémie.

Diagnostic étiologique :

DÉMARCHE ÉTIOLOGIQUE :

* La NFS permet de distinguer les anémies microcytaires et macrocytaires (VGM), et le taux de réticulocytes différencie les anémies régénératives et arégénératives.

* Dans le cadre des anémies arégénératives, le myélogramme se justifie pour explorer la capacité de fabrication de la moelle osseuse.

* Ces examens s’échelonneront dans la démarche diagnostique.

EXAMENS COMPLEMENTAIRES  DANS L’ANÉMIE :

Numération formule sanguine

* Volume globulaire moyen: hématocrite (l/l)/nombre de globules rouges = fentolitre (fl).

* Teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH): hémoglobine (g/dl)/nombre de globules rouges = picogramme (pg).

* Concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH): hémoglobine (g/dl)/hématocrite (l/l).

Numération des réticulocytes

La numération des réticulocytes permet de définir le caractère régénératif ou arégénératif de l’anémie.

Frottis sanguin

Le frottis sanguin détecte:

* les anomalies de forme des globules rouges:

– sphérocytes (microsphérocytose, hémolyse immunologique).

– cellules cibles (thalassémie, hémoglobinopathies).

– cellules en faucille (hémoglobine S).

– schizocytes (hémolyses mécaniques).

* Inclusions érythrocytaires:

– corps de Jolly (dysérythropoïèse, post-splénectomie).

– granulations basophiles (saturnisme).

– corps de Heinz (enzymopathies, hémoglobinopathies).

Examen de la moelle osseuse

Examen de la moelle osseuse rarement utile:

* myélogramme (ponction):

– richesse.

– équilibre.

– aspect des cellules.

* biopsie ostéo-médullaire (carotte):

– organisation du tissu.

– population anormale.

Cas des anémies microcytaires :

Les anémies microcytaires nécessitent une mesure du fer sérique, du coefficient de la transferrine et du dosage de la ferritine. On distingue alors les anémies hyposidérémiques et les anémies normosidérémiques voire hypersidérémiques.

ANÉMIE PAR CARENCE MARTIALE :

Le fer et son métabolisme :

* A la naissance, le stock de fer est de 75mg/kg.

* La réserve est constituée, pour les deux tiers, au cours du 3e trimestre de grossesse. Elle est suffisante pour les 4 premiers mois de vie, sauf chez les prématurés (2e-3e mois). Ensuite, le fer provient de l’alimentation. Il est absorbé à 10-20% au niveau duodéno-jéjunal proximal. Lors des besoins accrus (croissance), l’absorption peut augmenter de 10 à 20%. Le fer, sous forme héminique telle qu’on la trouve dans les viandes, est mieux absorbé que le fer non héminique.

* Les sources alimentaires principales sont également le jaune d’œuf, le poisson, les légumes verts, les fruits secs et le vin rouge.

– L’alimentation au sein permet des apports suffisants grâce à une grande disponibilité du fer du lait maternel (50%).

– Les laits « 2e âge » sont supplémentés en fer, d’où l’intérêt de les donner jusqu’à l’âge de 1 an à la place du lait de vache.

* Les deux tiers du fer de l’organisme sont stockés dans les globules rouges. le reste étant réparti sous forme de myoglobine ou d’enzymes héminiques.

– Le fer non utilisé est stocké sous forme de ferritine et d’hémosidérine, qui est sa forme dégradée. le taux de ferritine sérique est corrélé au réserve en fer (1µg/l de ferritine correspond à 10mg de fer) et, en cas de surcharge, l’hémosidérémie augmente également.

– Le fer est transporté, dans la circulation sanguine, par la transferrine qui est normalement saturée à 20 à 45%.

Besoins en fer :

* Chez le fœtus, les variations des taux de transferrine et de ferritine semblent liées au débit sanguin placentaire et à l’oxygénation fœtale avec stimulation de l’érythropoïèse et déplétion des stocks martiaux en cas d’hypoxie.

* Le nouveau-né perd environ 1g/dl d’hémoglobine par semaine, ce qui permet une économie de fer.

– Vers le 2e mois, l’activité érythropoïétique augmente, pour maintenir un taux d’hémoglobine stable, alors que le poids triple en un an.

– Ensuite, les stocks s’amenuisent, d’autant que l’alimentation n’est pas riche en fer (0,8mg/j) et ne représente que 30% du fer nécessaire à l’érythropoïèse.

* L’enfant a des besoins facilement compensés par les apports.

* L’adolescent, en croissance, a des besoins accrus. Chez la jeune fille, la survenue des menstruations augmente les besoins de 0,5mg/j.

Les carences en fer :

Lorsque le stock de fer est insuffisant pour approvisionner l’érythropoïèse médullaire, une anémie peut survenir.

Les causes de carence martiale chez l’enfant sont liées:

* à des carences d’apports.

* à des malabsorptions digestives.

* à des besoins augmentés (cardiopathies cyanogènes avec polyglobulie).

* ou à des pertes excessives. Ces dernières se voient:

– lors des prélèvements sanguins répétés (en particulier chez le prématuré).

– lors d’hémorragies digestives (œsophagite, parasitoses, diverticule de Meckel).

– ou lors d’autres hémorragies répétées en rapport avec des troubles de l’hémostase, et lors des hémosidéroses pulmonaires.

Forme clinique :

La forme clinique habituelle de l’anémie se complète, de façon plus spécifique, d’une sécheresse cutanée, d’une perlèche, d’une sensibilité accrue aux infections ORL et respiratoires.

Biologie :

Dans l’anémie par carence martiale, le VGM est bas, ainsi que le fer sérique, le coefficient de saturation de la transferrine et la ferritine. Une thrombocytose est associée.

Traitement :

* Le fer se prescrit à la posologie de 3mg/kg de fer en deux à trois fois:

– fumarate de fer (Fumater*), 1 cuillère mesure: 33mg de fer.

– férédate de sodium (Ferrostrane*), 1 cuillère à café: 34mg.

– ascorbate ferreux (Ascofer*), 1 gélule: 33mg de fer.

– heplogluconnate ferreux (Héliofer*), 1 cuillère à café: 51mg.

* Durée du traitement: de 3 à 5 mois.

* Réponse au 8e-10e jour avec une crise réticulocytaire et une normalisation de l’Hb en 2 mois.

* Guérison à la normalisation de la ferritinémie.

SATURNISME :

Epidémiologie

L’intoxication par le plomb est un problème de santé publique important:

– la céruse, pigment blanc dérivé du plomb, a été employée dans la fabrication de peintures. Son utilisation est interdite depuis 1948 mais, dans certains logements vétustes, les enfants s’intoxiquent encore, en léchant les peintures ou en respirant leurs poussières.

– on incrimine aussi la pollution de l’air par l’essence et la présence de résidus sur les canalisations.

Physiopathologie

* L’absorption digestive est importante (50% chez l’enfant) et est favorisée par les carences martiales et calciques.

* La demi-vie du plomb dans l’organisme est de 20 à 30 jours.

* Le plomb est stocké dans l’os, dans les dents, et se fixe aussi dans le rein, la moelle osseuse, le foie, la rate et le cerveau.

Aspect clinique

L’enfant, pâle, asthénique, d’un milieu souvent défavorisé, a des douleurs abdominales et des troubles du comportement pouvant aller jusqu’aux convulsions et au coma.

Biologie

* Les dérivés du plomb entravent la fabrication de l’Hb en agissant au niveau de la delta-aminolévulinique déshydrogénase et de l’hème synthétase. Il en résulte une augmentation des taux urinaires d’acide delta-aminolévulinique (ALA) et de protoporphyrines érythrocytaires (PPZ).

* L’anémie est microcytaire et hypochrome.

* Le frottis met en évidence des hématies ponctuées contenant des granulations basophiles réparties en couronnes à la périphérie de la cellule. Le diagnostic est suspecté devant la présence d’images digestives radio-opaques à la radiographie de l’abdomen sans préparation.

* Le diagnostic est affirmé par le dosage de la plombémie (supérieure à 150µg/l) et des protoporphyrines érythrocytaires. La plomburie provoquée reflète la quantité de plomb mobilisable.

* La classification du « Center for disease control » (CDC) a établi cinq classes de gravité, croissante en fonction de la plombémie.

Traitement

* Mesures: identification des sources d’intoxication, correction des carences martiales et calciques.

* Chélation du plomb.

– Cures de BAL: 300mg/m2/j pendant 5 jours, par voie intramusculaire.

– Cures d’EDTA: 1000mg/m2/j pendant 5 jours, par voie veineuse.

– Cure de DMSA: 1000mg/m2/j pendant 3 jours, par voie orale.

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