Broncho-alvéolite du nourrisson

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« Bronchiolite » signifie inflammation des bronchioles. Chez le nourrisson, ce terme est habituellement employé pour caractériser un syndrome clinique comprenant une polypnée avec tirage et « wheezing ». La bronchiolite touche principalement les nourrissons entre 2 et 6 mois et représente une des causes majeures d’hospitalisation chez l’enfant de moins de 1an.

PHYSIOPATHOLOGIE :

Étiologies :

Broncho-alvéolite du nourrisson* Le virus respiratoire syncytial (VRS) est de loin le principal agent de la bronchiolite (50% des cas).

* Les autres virus en cause sont l’Adénovirus (15%), les virus Para-influenza de types 1 et 3 (25%), l’Entérovirus et le virus Influenza.

Dissémination de la maladie :

Les infections à VRS surviennent par épidémie durant l’automne et l’hiver et touchent essentiellement les nourrissons mais aussi les enfants plus âgés et les adultes.

* La dissémination du VRS est rapide et le rôle du portage par les personnes au contact d’un enfant infecté est important dans la propagation de l’infection.

– Ainsi, 45% des membres d’une famille deviennent infectés après introduction du VRS par un de ses membres.

– La transmission se fait essentiellement par les sécrétions de sujets infectés.

– En milieu hospitalier, des précautions simples comme le lavage des mains, le port d’une casaque et d’un masque diminuent considérablement la diffusion nosocomiale de l’infection.

* Le virus est présent dans les sécrétions nasales pendant en moyenne 9 jours chez le nourrisson, mais ce délai peut aller jusqu’à plusieurs mois, notamment chez le sujet immuno-incompétent.

* L’ensemble des sujets infectés, y compris les adultes, développent des symptômes comme toux et congestion nasale. Toutefois, seuls les nourrissons développent une bronchiolite. Plusieurs particularités du nourrisson permettent d’expliquer ce fait.

Facteurs sensibilisants du nourrisson :

Mécanismes immunopathologiques :

Des mécanismes immunopathologiques particuliers contribuent aux manifestations de l’infection à VRS chez le nourrisson.

* Deux types de réponses semblent impliqués:

– d’une part, une réponse immune cellulaire avec accumulation de lymphocytes autour des voies aériennes périphériques.

– et d’autre part, une réponse IgE médiée, avec libération de nombreux médiateurs.

* Toutefois, les différents marqueurs de ces réponses ne sont pas constamment retrouvés, sans explication satisfaisante à ce fait.

Propriétés mécaniques respiratoires

Des propriétés mécaniques respiratoires particulières au nourrisson jouent également un rôle.

* Chez le nourrisson, contrairement à l’enfant plus âgé ou à l’adulte, une grande proportion des résistances bronchiques réside dans les petites voies aériennes. La distribution de la ventilation est donc très dépendante à cet âge des petites voies aériennes.

* Par ailleurs, plusieurs travaux ont évoqué une compliance plus grande des petites voies aériennes chez les nourrissons « siffleurs », entraînant une plus grande facilité au collapsus.

* Enfin, il est probable que la dynamique des voies aériennes supérieures, et notamment du larynx, joue un rôle particulièrement important dans l’adaptation ventilatoire du nourrisson, et contribue au phénomène de « wheezing ».

Histologie :

Sur le plan histologique, la bronchiolite à VRS est marquée par une destruction de l’épithélium respiratoire, et notamment des cellules épithéliales ciliées, suivie d’une infiltration lymphocytaire péribronchiolaire.

* Il existe un œdème de la sous-muqueuse, mais sans destruction de collagène ou de fibres élastiques. Les débris cellulaires et la fibrine forment des bouchons dans les bronchioles, alors que les alvéoles sont le plus souvent normales. Toutefois, dans quelques cas, les alvéoles peuvent être touchées (broncho-alvéolite) avec, au maximum, un tableau de pneumonie sévère.

* La régénération de l’épithélium bronchiolaire débute après 3 ou 4 jours d’évolution, mais les cils ne réapparaissent pas avant 15 jours.

Conséquences thérapeutiques :

Tous ces éléments permettent de comprendre les différentes manifestations de la bronchiolite, et les conséquences thérapeutiques :

* la réduction du calibre des petites voies aériennes entraîne des troubles de ventilation (atélectasie ou emphysème obstructif). Le rôle joué par un spasme bronchique reste discuté.

* sur le plan fonctionnel respiratoire, les nourrissons augmentent leur capacité résiduelle fonctionnelle (rôle des voies aériennes supérieures?) et diminuent leur compliance dynamique, notamment par distribution inhomogène des résistances bronchiques.

* les modifications du rapport ventilation/perfusion sont à l’origine de l’hypoxémie artérielle.

* la prédominance de bouchons muqueux et les particularités mécaniques du nourrisson expliquent la faible action des bronchodilatateurs et des corticoïdes sur la symptomatologie et l’intérêt de la kinésithérapie.

Présentation clinique :

FORME HABITUELLE :

* Après 24 à 48 heures, marquées par une rhinorrhée et de la toux, s’installent une polypnée, un tirage (tirage intercostal, battement des ailes du nez), et un « wheezing » (sifflement audible à distance).

– S’y associent fréquemment une irritabilité, des troubles de l’alimentation et des vomissements.

– La température est très variable, parfois supérieure à 40°C.

* L’auscultation retrouve habituellement des ronchus et des sibilants diffus dans les deux champs pulmonaires, mais peut être normale.

* La constatation d’une cyanose est un signe de gravité, mais c’est un signe peu sensible et son absence n’exclut nullement l’existence d’un trouble sévère des échanges gazeux.

* L’intensité de la polypnée s’avère beaucoup plus sensible, et une fréquence respiratoire supérieure à 60/min est le plus souvent associée avec une hypoxémie et une augmentation de la PCO2.

* Les manifestations radiologiques sont non spécifiques et pauvres, représentées par une distension, éventuellement accompagnée d’infiltrats mal limités et péribronchiques.

* L’évolution clinique est habituellement courte et l’amélioration est nette après 3 ou 4 jours. La guérison totale est, en règle, obtenue en moins de 15 jours.

COMPLICATIONS :

* Diverses complications peuvent survenir:

– des apnées parfois inaugurales. Leur cause est mal connue, mais semble liée à une obstruction des voies aériennes supérieures et à l’hypoxie.

– des signes neurologiques : une hypotonie, voire des convulsions.

– une détresse respiratoire majeure, avec épuisement progressif, pouvant nécessiter une assistance ventilatoire mécanique: irrégularité respiratoire; encombrement majeur, troubles de conscience.

– une surinfection bactérienne broncho-pulmonaire secondaire.

– une évolution traînante, avec « wheezing » persistant pendant plusieurs mois.

* Une évolution compliquée est d’autant plus à craindre qu’il existe un terrain à risque: dysplasie broncho-pulmonaire; cardiopathie congénitale avec « shunt » gauche-droit; immunodépression; âge inférieur à 3 mois.

Diagnostic :

Le diagnostic est le plus souvent simple devant la présentation clinique, l’âge de l’enfant, et la notion d’une épidémie à VRS.

* L’identification du VRS (ou des autres virus) peut être rapidement confirmée par l’étude en immunofluorescence des sécrétions nasales.

* Parmi les autres examens complémentaires, seule la radiographie de thorax présente un intérêt pour dépister les complications (notamment atélectasies).

* Cette simplicité apparente ne doit pas faire méconnaître d’autres pathologies pouvant simuler en tous points une bronchiolite:

– obstruction nasopharyngée (notamment chez le tout-petit).

– obstruction au niveau du larynx, de la trachée, ou des bronches souches (corps étranger, malacie, anomalie vasculaire).

– insuffisance cardiaque.

– emphysème lobaire géant.

* Une évolution anormalement traînante doit faire évoquer systématiquement un de ces diagnostics.

Prise en charge thérapeutique :

MOYENS THERAPEUTIQUES :

Les différents moyens thérapeutiques offerts au praticien, et dont il peut attendre un bénéfice, sont pauvres:

* l’administration systématique d’antibiotiques est sans intérêt. Elle a même été soupçonnée de favoriser les infections bactériennes secondaires.

* le rôle des bronchodilatateurs est controversé. Les récents travaux étudiant l’intérêt des nébulisations de salbutamol à la phase aiguë des bronchiolites ne permettent pas d’affirmer l’efficacité de cette thérapeutique.

* les corticostéroïdes prescrits dès la phase initiale se sont également avérés sans effet significatif.

* la kinésithérapie respiratoire permet de faciliter le drainage des sécrétions et de lutter contre l’obstruction des voies aériennes:

– elle semble être théoriquement le moyen thérapeutique le plus adapté à la bronchiolite.

– toutefois, aucune étude n’a évalué sa réelle efficacité, et elle n’est même pas mentionnée dans les ouvrages anglo-saxons.

* l’oxygénothérapie et le « nursing » soigneux (alimentation par gavage naso-gastrique, hydratation et aspirations nasopharyngées) sont, en fait, les éléments principaux de la thérapeutique et ne peuvent être réalisés qu’en milieu hospitalier.

Un des rôles essentiels du praticien est donc de dépister les indices qui imposent l’hospitalisation de l’enfant. Ceux-ci sont résumés dans le tableau.

EN PRATIQUE :

De façon systématique :

La prescription d’un enfant hospitalisé pour bronchiolite doit toujours comporter les éléments suivants:

* kinésithérapie respiratoire biquotidienne avec technique d’accélération du flux.

* lavage et aspiration nasopharyngées, au moins quatre fois par jour.

* position demi-assise.

* surveillance:

– scope cardio-respiratoire (pouls, FR).

– temps de recoloration cutanée et SAO2 toutes les 3 heures, poids toutes les 24 heures.

* mesures d’hygiène:

– isolement, port de masque (pour le personnel et les parents).

– port d’une casaque dans la chambre.

– lavage des mains à l’entrée et à la sortie de la chambre.

En fonction du tableau clinique :

* Si troubles digestifs:

– alimentation nasogastrique adaptée à la tolérance digestive (en règle discontinue), voire arrêt de l’alimentation dans les détresses les plus sévères (et hydratation par voie veineuse: 150ml/kg/24h).

– en cas de participation alvéolaire importante, les apports hydriques doivent être réduits et une surveillance ionique est indispensable.

* Si SaO2 inférieure à 94%: oxygénothérapie, le plus souvent par l’intermédiaire de « lunettes ».

Nébulisations de salbutamol :

Peut être licite un essai de trois nébulisations de salbutamol (0,03ml/kg de solution à 0,5%) à 20 minutes d’intervalle avec évaluation du bénéfice clinique:

– soit amélioration nette de la détresse respiratoire et les nébulisations peuvent alors être poursuivies toutes les 4 à 6 heures.

– soit absence d’effet net et les nébulisations doivent être stoppées.

Relations entre bronchiolites et asthme :

* Les nourrissons présentant une première bronchiolite sont à risque de récidive et de développement d’un asthme ultérieur.

– Les études les plus récentes retrouvent la notion d’au moins un épisode de sibilance chez environ 30% des enfants de moins de 3 ans.

– Seulement 30 à 40% d’entre eux continueront à avoir des épisodes de sibilance à l’âge de 6 ans.

* L’existence d’un terrain atopique familial ou personnel constitue un facteur de risque important pour la persistance de ces épisodes avec l’âge.

* Le rôle des infections virales, et en particulier du VRS, reste discuté:

– simple révélateur d’une hyperréactivité bronchique chez des sujets génétiquement prédisposés.

– ou inducteur par lui-même d’une hyperréactivité bronchique et d’une inflammation de type asthmatique, éventuellement transitoires.

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