Peau noire

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Introduction :

L’étude de la dermatologie sur peau noire est encore pauvre et hormis quelques ouvrages de qualité, les publications sont rares, particulièrement en Afrique où les affections cutanéomuqueuses isolées ou révélatrices d’une infection ou d’une maladie systémique constituent pourtant un secteur majeur de consultation avec un impact évident en matière de santé publique.

Peau noireCertes les grandes endémies (mycobactéries, tréponématoses et autres maladies vénériennes, infections à pyogènes…) ont bénéficié de travaux privilégiés.

Il demeure en tous cas difficile de trouver des études statistiquement fiables tant en termes de prévalence des affections qu’en matière de sémiologie et de thérapeutique.

La plupart des auteurs se basent sur une expérience non chiffrée. Désormais, en raison des importantes migrations de population, chaque dermatologue est confronté dans les grandes cités européennes à la pathologie sur peau noire.

Notre dessein est ainsi de présenter les particularités de la peau noire ou brune et d’illustrer les dermatoses courantes contractées en dehors des tropiques ou bien importées après un séjour dans le pays d’origine, en faisant abstraction des grandes infections (lèpre, mycoses profondes, parasitoses…) hormis pour le diagnostic différentiel.

L’approche clinique aurait pu se faire selon le type de maladie (tumorales, inflammatoires, infectieuses…) mais il paraît plus pragmatique d’envisager sans exhaustivité les dermatoses selon leur « spécificité » et leur prévalence estimée dans la population noire en réservant à deux grands cadres symptomatiques, les dyschromies et le prurit, une place privilégiée.

Épidémiologie :

La plupart des études épidémiologiques sont rétrospectives et basées sur les motifs de consultation ou/et d’hospitalisation ; elles n’ont par conséquent pas de valeur statistique générale.

La comparaison entre ces études est bien entendu impossible en raison des multiples biais de recrutement et des difficultés techniques de diagnostic (histologie cutanée, microbiologie…).

Il est tout de même intéressant d’observer les différences énormes entre les chiffres rapportés et de noter l’absence de certaines affections selon l’étude.

De rares enquêtes répondent aux règles statistiques modernes et permettent d’estimer la prévalence des affections dermatologiques dans la population.

Il est clair qu’en milieu tropical, les infections prédominent et sont essentiellement bactériennes notamment à pyogènes.

Elles surinfectent volontiers les ectoparasitoses dont la plus fréquente est la gale.

Les maladies sexuellement transmissibles demeurent un important problème de santé publique malgré les campagnes de prévention fondées sur l’utilisation du préservatif afin de se protéger de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

La lèpre constitue encore une endémie majeure, la tuberculose cutanée ou/et ganglionnaire demeurant rare comparativement aux formes pulmonaires et osseuses.

Les dermatoses classiques ne constituent pas, de ce fait, sauf dans les villes en voie d’industrialisation, le motif essentiel des consultations.

On voit bien ainsi la différence de proportions des diverses affections dermatologiques entre la population noire en Afrique et aux États-Unis ou à Londres ; l’augmentation du niveau socioéconomique entraîne une diminution des infections favorisées par la promiscuité et augmente de façon réelle ou simplement de manière relative les dermatoses bénignes (comme l’acné par exemple alors qu’elle n’est pas rare en Afrique où elle est notamment favorisée par les topiques dépigmentants à base de corticoïdes).

Les différences observées entre enfants et adultes sont dans l’ensemble les mêmes que sur peau blanche avec bien entendu, une révélation dans l’enfance des génodermatoses (albinisme, xeroderma pigmentosum, neurofibromatose…), une plus grande fréquence des exanthèmes viraux et des ectoparasitoses….

Différences cliniques et histologiques entre peau noire et peau blanche :

La pigmentation cutanée constitue l’élément majeur de différenciation clinique des peaux noires et blanches avec tous les intermédiaires de dégradés qu’autorisent l’origine ethnique et le métissage ; les peaux asiatiques et la palette de couleurs observée en Amérique du Sud et en Australie-Indonésie pouvant s’intégrer à ce continuum.

La coloration cutanée varie du noir ébène (Bantou) au marron foncé (Toucouleur), au marron clair (Peuhl) jusqu’au beige (Éthiopien) avec des variations considérables au sein d’un même pays en raison de la multitude des peuples qui l’habitent (Djibouti) ou des nombreux métissages (Antillais, Noirs américains).

Histologiquement la distinction ne relève pas d’une différence quantitative significative sur le plan cellulaire des kératinocytes, des cellules de Langerhans, de Merkel ou bien des mélanocytes mais résulte d’une mélanisation (formation des grains de pigment élémentaires ou mélanosomes dans les mélanocytes) et d’une pigmentation (transfert du pigment dans les kératinocytes) différentes.

Les mélanosomes de la peau noire sont de plus grande taille (0,6 x 0,25 µm) et restent dispersés dans le cytoplasme des kératinocytes après leur transfert contrairement à ceux de la peau blanche qui sont groupés, envacuolés dans des lysosomes et plus petits (0,5 x 0,2 µm). De plus, ils ne sont pratiquement pas dégradés et parviennent intacts jusque dans la couche cornée.

C’est ce qui explique la coloration d’un coton imbibé d’éther après frottement de la peau noire.

La photoprotection du sujet noir est évidemment nettement améliorée par l’hyperpigmentation mélanique, et le filtrage des ultraviolets (UV) B s’effectue principalement dans les couches vivantes de l’épiderme et non pas seulement dans la couche cornée contrairement au sujet blanc de phototype foncé.

Les UVB réussissant à pénétrer l’épiderme noir induisent une stimulation des lymphocytes natural killer (contrairement au sujet blanc) ce qui, outre le plus faible taux d’UVB transmis, interviendrait dans la moindre carcinogenèse photoinduite.

L’inconvénient de ce filtrage est la carence en vitamine D avec risque d’ostéomalacie.

La protection contre les UVA est moindre (bien que nettement meilleure que chez l’individu blanc) et la proportion atteignant le derme n’est pas négligeable expliquant l’existence non exceptionnelle de photoallergies de contact et de photosensibilité endogène chez le sujet noir.

L’altération élastosique des fibres élastiques et l’atrophie épidermique favorisées par l’exposition solaire prolongée sont minimes au niveau de la face de femmes noires ; pourtant, la comparaison histologique ne montre pas de différence significative quant au vieillissement cutané malgré cette protection solaire naturelle de l’individu noir.

L’épaisseur du stratum corneum est en revanche identique bien que le nombre de couches cellulaires soit supérieur chez le sujet noir.

L’interprétation est variable selon les auteurs : certains considèrent qu’il existe une meilleure cohérence cellulaire avec un caractère plus compact de la couche cornée, d’autres au contraire retrouvent une desquamation spontanée augmentée.

Il semble y avoir une moins bonne absorption percutanée des topiques, la fonction barrière de la couche cornée étant majorée ; la peau noire apparaît également plus résistante aux irritations superficielles bien qu’il n’y ait pas d’incidence franche sur la susceptibilité aux sensibilisations allergiques.

Les glandes sudorales eccrines et apocrines ne comportent pas de caractère spécifique même si leur fonctionnement semble augmenté du fait de la plus grande absorption calorique de la peau noire imposant une majoration de la thermolyse évaporatoire.

D’ailleurs, les sujets noirs sont aussi exposés au coup de chaleur en cas d’hygrométrie élevée et d’exposition solaire.

De même, il n’y a pas de différence significative morphologique ou fonctionnelle concernant les glandes sébacées hormis peut-être une concentration plus élevée de sébum résiduel à la surface cutanée.

Mais là encore, les études sont contradictoires puisque, en tout cas chez le sujet âgé noir, la xérose diffuse est très fréquente ; chez le jeune, l’acné non cosmétique est globalement moins fréquente et chez le volontaire sain lors d’expérimentations, il existe une moins grande conductivité électrique cutanée (résistance plus élevée) témoignant d’une faible hydratation de la peau et surtout des variations nettes selon le site exploré.

Les odeurs corporelles, très variables selon les individus au sein d’une même population, sont tout de même assez typiques dans certaines ethnies, et relèveraient plus d’habitudes cosmétiques et alimentaires que de particularités fonctionnelles ou morphologiques des glandes apocrines.

De plus, le rôle de la colonisation bactérienne des zones apocrines, notamment axillaires, est important bien qu’il n’y ait pas d’études objectivant une différence significative de la flore cutanée hormis pour Propionibacterium acnes paradoxalement plus présent sur peau noire.

Il n’y a pas de variations objectivables entre le tissu conjonctif de la peau noire et celui de la population blanche et la plus grande fréquence des chéloïdes résulte d’une prédisposition génétique favorisant la prolifération fibroblastique et collagénique qu’on peut d’ailleurs observer aussi chez les sujets caucasiens.

En revanche, les différences capillaires sont importantes avec, chez les Noirs africains, la présence de cheveux, de poils de barbe, des plis axillaires et du pubis, crépus, noirs (eumélaniques sauf chez les albinos où ils peuvent prendre une coloration variant du blanc au jaune orangé et roux) et moins denses, plus clairsemés ; les follicules pilaires anagènes ont une implantation dermique profonde presque horizontale et les tiges pilaires qui en sont issues ont une section elliptique et un trajet en hélice serrée dont la spirale s’amorce avec l’émergence du cheveu à la surface cutanée (le trajet est rectiligne et la section est ronde chez les Caucasiens, les Asiatiques et les Mélanésiens).

La composition biochimique des cheveux est en revanche identique quelle que soit l’ethnie.

En somme, la différence entre la peau noire et la peau blanche est essentiellement d’ordre pigmentaire et de toute façon, il existe un véritable continuum entre les extrêmes que constituent schématiquement le tissu cutané d’un roux nordique et celui de l’Africain noir ébène, d’un nouveau-né à peau blanche et d’un vieillard à peau noire exposé aux intempéries, les variations de texture, d’hydratation ou d’élasticité n’étant pas automatiquement ou intrinsèquement liées à l’ethnie et à la couleur de la peau…

Modifications pigmentaires :

A – VARIATIONS PIGMENTAIRES PHYSIOLOGIQUES DE LA PEAU NOIRE :

La pigmentation naturelle du sujet noir n’est ni homogène ni uniforme. Ainsi les paumes et les plantes sont moins pigmentées (hormis sur les plis de flexion) à l’inverse des zones périorbitaires et des zones particulièrement photoexposées.

Il existe des lignes pigmentaires dites de « démarcation » qui sont peu visibles chez le sujet à peau claire et qui sont bien mieux visualisées et individualisées chez les sujets noirs, asiatiques ou métis.

Ainsi on note une moindre pigmentation de la face antéro-interne du bras comparativement à la zone postéroexterne définissant ainsi une ligne de démarcation dite de Futcher-Voigt qui peut plus rarement s’apercevoir à l’avant-bras et au niveau du premier métacarpien.

L’extension de cette ligne en transpectoral selon un dessin variable (rectiligne ou courbe épousant les seins) est possible.

Mais on observe surtout une ligne médiosternale hypopigmentée, présente chez un tiers des enfants noirs.

Très souvent présente dès la naissance chez le nouveau-né noir, maghrébin ou asiatique, préférentiellement dans la région lombosacrée, unique ou multiple, la tache mongolique est une macule mal limitée, bleutée ou gris ardoisé qui correspond à l’accumulation dermique de mélanocytes par arrêt de leur migration ; elle disparaît spontanément durant l’enfance.

La mélanose pustuleuse néonatale transitoire, bien qu’assez rarement observée, serait l’équivalent de l’érythème toxiallergique du nouveau-né qui survient chez près de la moitié des nouveau-nés et correspondrait à un phénomène maturatif de la réponse inflammatoire tissulaire.

Elle se traduit à la naissance ou le lendemain, chez le nourrisson noir, par une pustulose amicrobienne généralisée isolée laissant des macules lentigineuses pigmentées entourées d’une collerette desquamative, disparaissant spontanément en quelques semaines.

L’hyperpigmentation mélanique gris bleuté ou brune de la muqueuse buccale, notamment des faces vestibulaires des gencives, de la face interne des joues, parfois de la langue (bords latéraux ou pointe) est physiologique et n’apparaît nettement qu’à l’adolescence.

On note aussi souvent un film grisâtre opalescent ou leucoedème sur la muqueuse buccale qui correspond à l’absence de desquamation des cellules superficielles de la couche cornée.

Il existe, chez plus de la moitié des sujets noirs, des macules hyperpigmentées plantaires plus que palmaires, ovoïdes, comportant des mélanocytes dendritiques avec un regroupement pigmentaire au sommet des crêtes épidermiques ; cette hyperpigmentation a été récemment rapprochée du syndrome de Laugier-Hunziker.

Le diagnostic différentiel habituellement aisé doit se faire avec un mélanome (unique et plutôt hétérogène) et des syphilides pigmentées (multiples, le plus souvent infiltrées).

La matrice unguéale comporte des mélanocytes pouvant pigmenter la tablette unguéale sous forme de mélanonychies longitudinales.

Le caractère homogène et stable de ces bandes unguéales, leur multiplicité à plusieurs doigts sont des critères rassurants. En revanche, une bande unique hétérogène avec débord pigmentaire au niveau de la pulpe ou de la cuticule, a fortiori au niveau d’un pouce ou d’un premier orteil, impose une histologie comme chez le sujet à peau claire afin d’éliminer un mélanome.

Cependant, l’hyperpigmentation cuticulaire est fréquente chez le sujet noir et doit être distinguée d’un signe de Hutchinson.

De plus les onychomycoses peuvent favoriser des mélanonychies et des prélèvements mycologiques doivent être réalisés à la recherche notamment de moisissures (Scytalidium dimidiatum et hyalinum).

B – MODIFICATIONS PIGMENTAIRES PATHOLOGIQUES DE LA PEAU NOIRE :

Le diagnostic des principales dermatoses est modifié sur peau noire essentiellement en raison de cette différence de pigmentation et de l’évolution nettement dyschromique de nombreuses dermatoses : pigmentogène lors d’incontinence pigmentaire dermique postinflammatoire (soit par effraction de la couche basale et passage de mélanine dans le derme lors de lichen, soit par nécrose cellulaire lors d’érythème pigmenté fixe, soit encore par spongiose, inflammation et dissociation cellulaire lors d’eczéma lichénifié par exemple), hypochrome lors d’accélération de la kératinisation avec diminution du transfert de mélanine dans les kératinocytes (dermite séborrhéique, eczématides, parapsoriasis…), ou variable selon le mécanisme (atteinte des mélanocytes lors de pityriasis versicolor ou au contraire pigments sécrétés par certains dermatophytes, atrophie épidermique lors de sclérodermie, infiltrats inflammatoires lors de lèpre avec modification de la mélanisation et du transfert kératinocytaire, production d’anticorps et/ou de molécules endogènes ou exogènes cytotoxiques inhibant le processus de mélanogenèse lors du vitiligo).

La conjonction d’hypo- et d’hyperchromie est fréquente parce qu’on peut observer simultanément des lésions séquellaires et des éléments actifs de la dermatose (lupus, leucomélanodermie pintoïde, sclérodermie), ou bien parce que les mécanismes pigmentogènes et achromiants se combinent (onchocercose, prurigo excorié).

Bien entendu les génodermatoses résultent de processus différents (déficit dans le système enzymatique des tyrosinases lors d’albinisme).

La particularité de la sémiologie sur peau noire résulte donc surtout de cette différence de coloration cutanée.

Ainsi la rougeole, outre sa classique gravité en milieu tropical, ne se traduit pas par un érythème mais par un teint grisâtre, un aspect velouté à jour frisant, papuleux au toucher, suivi d’une pigmentation maculeuse « tigroïde » et d’une desquamation fine, furfuracée, plus marquée que sur peau blanche.

L’érythrodermie ou « homme rouge de Hallopeau » correspond à l’homme gris ardoisé même si sur peau peu pigmentée, l’aspect inflammatoire d’une dermatose peut se voir notamment sur la face où l’on perçoit une coloration rosée.

L’eczéma, les toxidermies et les lymphomes cutanés T épidermotropes constituent les causes essentielles, le psoriasis étant moins fréquent que dans nos contrées.

Le purpura est difficile à distinguer sur une peau très foncée et on l’évoque devant des pétéchies violettes ne s’effaçant pas à la vitropression.

Les hypo- ou achromies sont mieux visualisées et le vitiligo peut ainsi être particulièrement affichant ; chez l’Africain, il persiste souvent une zone hypochrome brune à la jonction du centre achromique et de la périphérie volontiers hyperpigmentée donnant un aspect « trichrome » au vitiligo.

L’hypomélanose en gouttes ou achromie lenticulaire idiopathique est également plus visible et prédomine aux membres inférieurs.

Le problème majeur des hypochromies localisées est évidemment de les distinguer en zone d’endémie d’une lèpre intermédiaire ; la recherche d’une hypoesthésie et surtout d’un trouble de la sudation doit être systématique.

Les hypermélanoses acquises sont fréquentes ; d’une part le sujet noir peut bronzer : cette pigmentation augmente le contraste entre les inégalités de coloration congénitales (ligne de Voigt) ou bien les variations pigmentaires cicatricielles existantes.

Les phénomènes de photosensibilisation ou de phototoxicité sont fréquents ; le mélasma (chloasma) n’est pas rare surtout depuis la généralisation de la contraception orale.

Les agressions cutanées physiques sont nombreuses (friction avec un gant de crin, une pierre ponce, du sable, des fibres de coco tressées… ; utilisation de brasero favorisant une dermite des chaufferettes à type de livedo fixe, à mailles épaisses et très pigmentées).

Même la prière musulmane pratiquée de façon intensive peut entraîner des lésions pigmentées hyperkératosiques du front, des genoux et de la zone antéroexterne prémalléolaire des chevilles.

De tous temps, dans le cadre de pratiques traditionnelles, les individus noirs ont cherché à modifier leur apparence soit de façon temporaire par l’intermédiaire de colorants, soit de façon plus durable par application de topiques le plus souvent décolorant ou défrisant, soit de façon définitive par le biais de tatouages, scarifications ou circoncisions.

En Afrique noire (études épidémiologiques notamment à Bamako et Dakar), l’utilisation de corticoïdes à visée dépigmentante est ainsi fréquente et outre l’hypochromie, on observe les autres effets secondaires que sont l’acné, les vergetures, l’atrophie cutanée, les infections cutanées fongiques (dermatophytie), bactériennes (folliculite) ou virales (herpès).

Les autres produits le plus fréquemment utilisés sont des topiques à base d’hydroquinone, des dérivés mercuriels ou des crèmes traditionnelles.

Les complications résultent aussi bien de la technique de dépigmentation utilisant initialement des produits caustiques (avec effet « peeling » laissant des séquelles à la fois hyper- et hypopigmentées) que de l’évolution imprévue de l’action dépigmentante avec fréquemment une accentuation des contrastes entre les zones naturellement hypo- ou hyperpigmentées.

L’ochronose exogène est une complication de l’utilisation cosmétique répétée de produits contenant de l’hydroquinone, peutêtre par effet phototoxique.

Elle concerne généralement des femmes et se traduit par de vastes placards brun foncé, cartonnés, parsemés de micropapules confluentes, contrastant avec les zones adjacentes éclaircies par les dépigmentants.

La face et les régions découvertes (cou, épaule, décolleté) sont les plus touchées.

Les oreilles peuvent prendre une coloration bleutée.

L’alcaptonurie, les hyperpigmentations favorisées par la prise d’antipaludéens de synthèse, de résorcine, de phénol ou de mercure constituent les principaux diagnostics différentiels cliniques.

Les formes débutantes faciales peuvent être confondues avec un chloasma.

Histologiquement, il existe une désorganisation (en « banane ») des fibres collagènes épaissies et de coloration ocre ; on note des dépôts microgranuleux bruns dermiques parfois intramacrophagiques.

La dermatose ne régresse pas, même après l’arrêt des dépigmentants.

Une « épidémie » de leucomélanodermie a été rapportée en Afrique du Sud touchant essentiellement les femmes adultes ; l’enquête épidémiologique a permis de suspecter un contaminant (monobenzone) d’une crème hydratante.

Un symptôme fréquent : le prurit

Le prurit est tout comme pour le sujet blanc, un important motif de consultation chez l’individu noir.

Certaines étiologies sont plus fréquentes, soit en raison de la provenance tropicale du malade, soit du fait de la fréquente sécheresse cutanée aggravée par nos climats à faible hygrométrie et nos eaux calcaires.

A – PRURIT PARASITAIRE :

1- Scabiose :

La gale humaine ou scabiose à Sarcoptes scabiei hominis est systématiquement évoquée a fortiori lors de conditions de vie difficiles avec une importante promiscuité.

La conjonction de nodules scrotaux, de papulopustules prurigineuses des emmanchures axillaires antérieures, des régions aréolomamelonnaires et des fesses, des espaces interdigitaux palmaires et des faces antérieures des poignets est quasi pathognomonique.

L’échec d’un traitement local antiscabieux n’est pas un argument d’élimination du diagnostic car d’une part l’application du topique a pu être mal effectuée, d’autre part le malade a pu se contaminer à nouveau avec son entourage, enfin l’antiparasitaire local a pu entraîner une exacerbation du prurit par eczématisation secondaire des lésions, a fortiori sur un terrain atopique.

L’existence d’un prurit dans l’entourage proche (conjoint, enfants), la découverte d’une acropustulose chez le nourrisson, la notion d’un rapport sexuel à risque sont des arguments supplémentaires car la transmission se fait par contact humain direct généralement prolongé et souvent intime.

Il faut systématiquement alors rechercher une pédiculose à Phtirius pubis qui d’ailleurs peut se localiser à toutes les zones pileuses.

De même il faut dépister une maladie sexuellement transmissible associée, contractée au cours de la transmission de la gale ou même bien avant, lors d’un précédent rapport à risque.

De plus une gale profuse dite « norvégienne » avec érythrodermie croûteuse, hyperkératose sous-unguéale, doit faire rechercher une immunodépression sous-jacente.

2- Gale bilharzienne :

Elle résulte d’une réaction d’hypersensibilité retardée à la pénétration de furcocercaires lors d’un bain infestant chez un patient préalablement sensibilisé (elle se distingue de la dermatite cercarienne qui correspond à la première pénétration des parasites et du prurigo en « éclaboussures » de la bilharziose constituée).

La dermatite des nageurs (qui s’observe aussi bien en Europe que sous les tropiques) est plus trompeuse car elle ne s’accompagne pas du riche cortège syndromique de la dermatite cercarienne à Schistosoma mansoni ou japonicum ; elle est due à la pénétration de microcercaires parasitant le bétail ou les oiseaux migrateurs (Schistosoma bovis, Trichobilharzia ocellata).

3- Gale filarienne ou onchocercose :

Elle comporte initialement un prurit évoluant par poussées, prédominant à la ceinture pelvienne, à la face postéroexterne des membres supérieurs et au dos.

Secondairement apparaissent des placards lichénifiés en « peau de crocodile » typiquement rétrotrochantériens, lombofessiers ou à la face externe des bras, des papulopustules croûteuses impétiginisées par le grattage, une dyschromie hétérogène en « peau de léopard » puis des onchocercomes ou nodules durs indolores surtout aux coudes et aux genoux.

Le séjour en zone d’endémie à proximité de rivières où prolifèrent les simulies, la longue période d’incubation silencieuse, la présence d’une atteinte oculaire, facilitent l’évocation du diagnostic, motivant une biopsie cutanée exsangue à la recherche de microfilaires, une biopsie d’onchocercome (macrofilaires, Onchocerca volvulus) et des sérologies.

4- Autres causes parasitaires de prurit :

– La « gale des pigeons » (Dermanyssus gallinae) et la « gale des céréales » (Pyemotes tricitis), qui ont une topographie plus diffuse et une symptomatologie plus fruste, sont évoquées également sur l’anamnèse.

– La révélation d’une trypanosomiase par le prurit est plus exceptionnelle (il faut savoir y penser devant une hyperimmunoglobulinémie M).

– De même la loase est plutôt évoquée par un lymphoedème circonscrit ou la migration sous-conjonctivale de la filaire.

– Les larva migrans sont assez facilement diagnostiquées grâce aux sillons serpigineux des ankylostomes en impasse contractés sur les plages où rodent des chiens errants, et les myiases devant les lésions furonculoïdes douloureuses alors que le linge a été exposé à la ponte des mouches sans avoir été repassé ensuite.

La larva currens comporte un cordon serpigineux plus large, plus court et plus fugace ; elle révèle une anguillulose qui peut aussi se traduire par un prurit plus diffus lors de la phase de pénétration des larves strongyloïdes au contact du sol infesté, ou par une urticaire lors des manifestations allergiques de migration tissulaire.

B – PRURIT NON PARASITAIRE :

Les dermatoses classiquement prurigineuses, notamment l’eczéma, la miliaire sudorale et le lichen, les causes systémiques de prurit, surtout les facteurs de cholestase et d’anémie ainsi que les toxidermies sont bien entendu systématiquement passées en revue.

Le prurigo qui consiste en l’apparition de papulonodules prurigineux, d’évolution volontiers pigmentée chez le sujet noir, mérite une mention particulière en raison de sa prévalence : d’une part parce qu’il peut résulter de la piqûre d’arthropodes ou de plantes urticantes évidemment plus abondants et agressifs sous les tropiques (expliquant la topographie du prurigo prédominant aux membres), d’autre part parce qu’il s’associe de façon significative aux infections à rétrovirus (VIH1-2, human T-cell lymphoma virus [HTLV]1), enfin parce qu’il est pérennisé par la surinfection.

Enfin, il faut souligner la classique xérose du sujet noir, notamment âgé, favorisée par les carences alimentaires et l’agression climatique.

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