Pathologie unguéale

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Embryologie. Anatomie :

L’appareil unguéal se forme à la neuvième semaine de gestation.

À cette date, l’extrémité digitale est formée d’une couche épithéliale embryonnaire surmontant un tissu fait de cellules mésenchymateuses indifférenciées ; à partir d’invaginations de l’épithélium apparaissent un sillon proximal, un sillon distal et deux sillons latéraux qui délimitent l’aire unguéale primitive.

Pathologie unguéaleVers la onzième semaine, s’identifient, à la partie distale de l’aire unguéale, juste avant le sillon distal, des crêtes épithéliales transversales qui constitueront l’hyponychium, épiderme situé sous le rebord libre de la lame unguéale.

C’est également aux alentours de la onzième semaine qu’une travée de cellules épithéliales issues du sillon proximal s’enfoncent obliquement, en arrière et en profondeur, pour former la matrice primordiale, isolant un triangle tissulaire sus-jacent qui deviendra plus tard le repli sus-unguéal.

La matrice primordiale se différencie rapidement en une couche superficielle qui formera la face inférieure du repli sus-unguéal et une couche inférieure, l’épithélium matriciel.

Dès la treizième semaine, l’épithélium matriciel commence à produire une lame unguéale qui progresse et s’allonge sur l’épithélium de l’aire unguéale qui formera le lit unguéal.

L’embryogenèse de l’appareil unguéal s’achève à la vingtième semaine ; l’appareil unguéal est ainsi constitué de quatre structures épithéliales (repli sus-unguéal, matrice, lit, hyponychium) et d’une plaque de kératine semi-dure, la lame ou tablette unguéale.

De face, la lame unguéale quadrangulaire, à grand axe longitudinal aux doigts, transversal aux orteils, est entourée par deux sillons latéraux bordés des deux replis latéraux, et par un sillon proximal terminant le repli sus-unguéal, sous lequel elle s’enfonce ; le sillon proximal et les sillons latéraux sont reliés.

La partie visible de la tablette lisse, brillante présente plusieurs aspects successifs :

– aspect de croissant blanc à convexité distale (lunule), en regard de la matrice distale, visible sur les trois premiers doigts et surtout le pouce ;

– une coloration rosée à convexité distale en regard du lit de l’ongle, terminée par une ligne plus érythémateuse précédant une fine bande plus pâle, translucide appelée bande onychodermique, de 0,1 à 1 mm de largeur, qui correspond à la jonction lit-hyponychium (point le plus distal d’attachement de la lame sur son lit) ;

– extrémité libre blanche en regard de l’hyponychium, sur lequel elle n’adhère pas (l’interposition d’air sous la lame étant responsable de la coloration blanche).

La partie toute proximale de la lame, fine, est masquée par le repli sus-unguéal.

La cuticule, expansion cornée du repli sus-unguéal, borde le sillon proximal, adhère à la tablette et ferme l’espace virtuel entre le repli sus-unguéal et la tablette naissante, afin de protéger la région matricielle.

Une coupe sagittale de l’appareil unguéal obtenue par résonance magnétique nucléaire en étudie particulièrement bien le profil.

L’épithélium de la face dorsale du repli sus-unguéal s’invagine en arrière pour former l’épithélium de la face inférieure du repli sus-unguéal qui est en fait le toit du sillon proximal, puis s’invagine à nouveau vers l’avant, formant le cul-de-sac unguéal (matrice débutante), qui se poursuit par la matrice proximale puis distale (région lunulaire) ; suivent ensuite le lit de l’ongle et l’hyponychium surmontés de la lame unguéale ; l’hyponychium est en fait une expansion de l’épiderme de l’extrémité digitale ; la région sous-unguéale distale se termine par un sillon distal.

La cuticule est faite de deux couches cornées, l’une provenant de l’épithélium de la partie supérieure du repli sus-unguéal, l’autre de sa partie inférieure.

La lame unguéale est formée principalement par la matrice proximale ; au niveau de la région lunulaire, la lame unguéale a déjà 90 % de son épaisseur.

La participation du lit unguéal dans la formation de l’ongle est mineure.

L’épaisseur de l’ongle (0,5 à 0,75 mm aux doigts, jusqu’à 1 mm aux orteils) dépend surtout de la longueur de la matrice. Le derme matriciel et du lit de l’ongle est directement au contact de l’os sans interposition de tissu sous-cutané.

Histologie :

Les particularités histologiques de l’appareil unguéal doivent être connues.

L’épithélium de la face ventrale du repli sus-unguéal ne présente pas de papilles dermiques ni d’annexes.

L’épithélium matriciel hyperpapillomateux ne présente pas de couche granuleuse ; il est constitué d’une assise de cellules basales, d’une dizaine de couches de kératinocytes intermédiaires qui se différencient (aplatissement puis fragmentation des noyaux, majoration ou apparition d’une éosinophilie) aboutissant à la production d’onychocytes (cellules de la lame unguéale), ne contenant pas de grains de kératohyaline.

On observe une hypergranulose et l’apparition de grains de kératohyaline au cours de divers processus inflammatoires (psoriasis, lichen, …).

L’épithélium adhère faiblement à la lame unguéale naissante dont il se sépare facilement.

Les mélanocytes matriciels sont moins nombreux que dans l’épiderme, et sont situés principalement dans la matrice distale au niveau des couches inférieures (de la deuxième à la quatrième) ; ils sont normalement quiescents.

La région matricielle est entourée de tissu conjonctif fixé latéralement sur la phalange, expliquant en partie la courbure transversale de l’ongle.

La papillomatose de l’épithélium du lit de l’ongle est particulière par l’alignement longitudinal des crêtes épidermiques, parallèles entre elles, allant de la lunule à l’hyponychium et en partie responsables de sa forte adhérence à la face inférieure de la tablette ; la couche granuleuse est absente et la couche cornée presque inexistante, adhérente à la lame.

Les cellules basales du lit unguéal migrent de la lunule jusqu’à l’hyponychium à la même vitesse que la kératine unguéale formée par la matrice. Le lit de l’ongle contient peu de mélanocytes.

Il n’y a pas de structures annexielles au niveau de la matrice et du lit de l’ongle.

Le derme du lit est amarré sur la phalange sous-jacente par des travées conjonctives denses verticales ou obliques sans interposition de tissu sous-cutané ; il est riche en vaisseaux, terminaisons nerveuses, et glomus de Masson.

La structure de l’hyponychium et l’arrangement de ses papilles dermiques sont similaires à ce que l’on observe dans les régions palmoplantaires.

La tablette unguéale présente, à l’histologie, trois couches d’affinités tinctoriales différentes correspondant vraisemblablement à la kératine formée par la matrice proximale, par la matrice distale et par le lit unguéal.

En microscopie électronique, elle semble faite de deux couches, la plus superficielle contenant des onychocytes très aplatis, avec une membrane peu indentée et des dilatations ampullaires entre les cellules ; la couche profonde contient des onychocytes plus épais, avec des digitations membranaires importantes et des noeuds d’ancrage qui les unissent.

Les fibres de kératine sont orientées transversalement, perpendiculairement à l’axe de croissance de l’ongle, parallèles à sa surface, dans des directions multiples au niveau de la couche supérieure et régulièrement disposées au niveau de la couche inférieure.

Physiologie :

La matrice unguéale produit la lame unguéale de façon continue à la vitesse d’un dixième de millimètre par jour aux mains, moitié moins vite aux pieds.

Il faut donc 4 à 6 mois pour renouveler un ongle de main, et 12 à 18 mois pour renouveler un ongle de pied.

La croissance plus rapide de la couche supérieure explique en partie l’hypercourbure longitudinale de la lame.

A – FACTEURS INFLUENÇANT LA CROISSANCE UNGUÉALE :

Certains facteurs accélèrent la croissance unguéale, d’autres la ralentissent.

B – COMPOSITION DE LA LAME UNGUÉALE :

La lame unguéale est composée de kératine, scléroprotéine riche en acides aminés soufrés (cystine, arginine) ; les chaînes peptidiques longitudinales sont réunies entre elles par des chames latérales : ponts disulfures, liaisons hydrogènes, liaisons acidobasiques et forces électrostatiques de Van der Waals.

La lame contient ainsi 5 % de soufre, 5 % de lipides (cholestérol, acides gras surtout insaturés), du zinc, des minéraux, du fer surtout chez l’enfant.

Le contenu en calcium est sans rapport avec la dureté de l’ongle ; il y a plus de calcium dans l’ongle des sujets âgés que dans ceux des sujets jeunes.

La teneur en eau optimale pour l’élasticité de la tablette unguéale est de 16 %, et dépend principalement du degré hygrométrique dans les conditions normales.

Définitions et principaux symptômes en pathologie unguéale :

A – ANOMALIES DE LA TABLETTE UNGUÉALE :

1- Anomalies du volume ou de la taille de la tablette :

* Anonychie :

C’est l’absence d’ongle.

Exemples : malformation congénitale, isolée (onychodysplasie congénitale des index ou maladie d’Iso-Kikushi), ou non (nail patella syndrome).

* Onychatrophie :

C’est l’atrophie de tout ou d’une partie de l’ongle secondaire à un processus pathologique.

Exemples : psoriasis sévère, lichen, onychotillomanies, pemphigoïde cicatricielle, séquelles de toxidermie bulleuse, acrosclérose.

* Macronychie :

L’ongle est anormalement grand.

Exemple : macrodactylie de la maladie de Recklinghausen.

* Micronychie :

L’ongle est anormalement petit, phénomène en général congénital.

Exemples : dysplasies ectodermiques, anomalies chromosomiques, maladie de Kikushi, nail patella syndrome.

* Dolichonychie :

L’ongle est anormalement long (plus long que large).

Exemples : maladie de Marfan, syndrome d’Ehlers-Danlos, dysplasies ectodermiques.

* Brachyonychie :

L’ongle est anormalement court, anomalie congénitale ou acquise.

Exemples : pouces en raquette, désaxation congénitale des ongles des orteils, onychophagie, acro-ostéolyse toxique ou de l’hyperparathyroïdie.

* Pachyonychie ou onychauxis :

C’est l’épaississement de la lame unguéale, qui est à différencier de l’hyperkératose sous-unguéale ; la distinction entre les deux phénomènes n’est pas toujours facile, car les deux symptômes peuvent s’associer et avoir les mêmes étiologies.

Exemples : pachyonychie congénitale, psoriasis, syndrome des ongles jaunes.

* Onychogryphose :

C’est l’épaississement et l’hypertrophie de la tablette qui prend un aspect en griffe ou en corne de bélier ; elle est observée en général chez le sujet âgé, et est polyfactorielle.

* Onychoptose :

C’est la chute de l’ongle post-traumatique, secondaire à une onychomadèse ou à une onycholyse totale.

* Onychophagie :

C’est le tic consistant à se ronger les ongles. Onychotillomanie

Théoriquement, il s’agit du tic d’arrachage de l’ongle et de son pourtour (« envies ») ; mais elle peut en fait être attribuée à toutes les manipulations autoagressives envers l’appareil unguéal et incluant l’onychophagie.

2- Anomalies des rapports de la lame avec les structures voisines :

* Onycholyse :

C’est le décollement de la lame par rupture de ses attaches ventrales, empêchant son adhérence au lit de l’ongle et permettant l’accumulation, sous la tablette, de diverses substances et microorganismes.

Ce symptôme est peu spécifique puisque tout processus pathologique sous-unguéal peut rompre les attaches de la lame ; les étiologies sont nombreuses.

Les onycholyses des ongles des mains soumises à de nombreux facteurs extérieurs sont avant tout candidosiques (rôle de l’humidité), cosmétiques, psoriasiques, et professionnelles (traumatiques, corps étrangers, dermites irritatives ou de contact) ; les autres causes sont plus rares (autres dermatoses, tumeurs sous-unguéales, étiologies systémiques, médicaments).

Le diagnostic nécessite un interrogatoire et un examen clinique approfondis, un découpage de l’ongle à la jonction ongle sain-ongle décollé pour observer l’aspect du lit (hyperkératose sous-unguéale, tumeur), réaliser un prélèvement mycologique et/ou un examen histologique de la kératine sous-unguéale, voire une biopsie.

Le traitement comprend, en plus du traitement étiologique, des mesures indispensables à la guérison :

– découpage à ras des ongles concernés jusqu’à réaccollement ;

– éviction des traumatismes et des contacts avec des produits irritants ou caustiques ;

– éviction de l’eau (port de gants de coton surmontés d’une paire de gants de caoutchouc pour tous les travaux humides et/ou caustiques y compris pour l’épluchage des fruits et légumes, les shampooings, limitation du nombre de lavages des mains quotidiens et utilisation d’un pain surgras, lotions nettoyantes type Cétaphilt ou Physiogelt pour les nettoyages supplémentaires).

Les onycholyses des ongles des orteils soumis à la pression des chaussures sont avant tout traumatiques (microtraumatismes répétés), mycosiques ; les autres causes sont plus rares (tumeurs sous-unguéales, désaxation congénitale, psoriasis).

* Hyperkératose sous-unguéale :

C’est l’hypertrophie des tissus sous-unguéaux, lit de l’ongle et hyponychium.

Une pachyonychie peut être associée, de même qu’une onycholyse secondaire.

Il s’agit d’un symptôme peu spécifique dont les étiologies sont multiples ; toute inflammation de la région sous-unguéale est susceptible de générer une réaction hyperkératosique.

Un examen histologique d’un fragment de kératine sous-unguéale et un prélèvement mycologique sont les deux premiers examens diagnostiques à réaliser.

Toute lésion hyperkératosique traînante, non expliquée, surtout si elle est monodactylique, doit être biopsiée dans l’hypothèse d’une lésion tumorale.

* Ptérygion :

C’est la fusion entre le repli sus-unguéal et la lame (ptérygion dorsal) (exemples : forme congénitale, post-traumatique, lichen, pemphigoïde cicatricielle, séquelles de toxidermie bulleuse, radiodermite, troubles circulatoires) ; ou entre la face inférieure de la lame et l’hyponychium (ptérygion ventral) (exemples : forme congénitale ou post-traumatique, troubles circulatoires, sclérodermie, maladie de Raynaud).

3- Anomalies de la surface de la tablette :

* Criblures ou dépressions ponctuées :

Ce sont de petits defects cupuliformes observés à la surface de la lame unguéale des ongles des doigts (exceptionnellement des orteils), et réalisant, lorsqu’ils sont nombreux, l’aspect de l’ongle en dé à coudre ; ils correspondent à des atteintes focales et transitoires de la matrice proximale.

Quelques dépressions ponctuées peuvent être physiologiques (< 5).

Le psoriasis et la maladie de Reiter, l’eczéma (quelle qu’en soit la variété), la pelade, les microtraumatismes répétés (manipulation d’engins vibrants par exemple) sont les principales étiologies ; on les rencontre exceptionnellement au cours du lichen.

Elles peuvent précéder l’atteinte cutanée et représenter la seule manifestation de la dermatose.

Classiquement au cours du psoriasis, les dépressions ponctuées sont profondes, disposées au hasard sur la lame unguéale, souvent associées à d’autres signes de psoriasis unguéal simultanément ou dans le temps.

Dans les autres étiologies, les dépressions ponctuées sont plutôt superficielles, et, au cours de la pelade, alignées, disposées suivant des lignes géométriques longitudinales ou transversales donnant parfois des aspects en « vagues de sable ».

* Onychorrhexis :

C’est une hyperstriation longitudinale fine, superficielle, donnant un aspect sale à la lame.

* Trachyonychie :

C’est la rugosité de la tablette.

Touchant les vingt ongles de façon simultanée, sans atteinte extra-unguéale, elle avait été appelée twenty nail dystrophy of childhood et étiquetée idiopathique par Hazelrigg.

Depuis, cette entité a été observée chez l’adulte, peut ne toucher que les ongles des mains ou que quelques ongles, et a été rapportée avec preuve histologique à un lichen, un psoriasis.

Ce terme ne doit donc plus être employé ; il s’agit d’un symptôme pouvant rester isolé, précéder ou suivre l’apparition d’une pelade, d’un psoriasis, d’un lichen.

La forme atteignant les vingt ongles est plus fréquente chez l’enfant.

Les trachyonychies isolées ont le plus souvent une histologie inflammatoire et spongiotique, et pourraient représenter une forme de pelade limitée à l’appareil unguéal.

Deux types cliniques ont été définis par Baran en 1978 ; le type observé ne permet pas d’orienter le diagnostic étiologique :

– dans la première variété, la lame unguéale est parcourue de fines stries longitudinales, qui lui donnent un aspect terne dépoli ; l’extrémité distale est souvent fendillée, ébréchée ;

– dans la deuxième variété, l’hyperstriation longitudinale donne à la lame un aspect brillant ; le bord libre de l’ongle est moins altéré.

On peut observer des dépressions ponctuées enserrées dans le réseau de stries longitudinales dans les deux variétés.

Plus rarement, une trachyonychie peut s’observer au cours des dysplasies ectodermiques, de lichtyose.

* Accentuation du relief des lignes longitudinales avec ou sans fissurations distales :

C’est l’accentuation anormale des lignes longitudinales physiologiques (exemples : sénescence, troubles vasculaires distaux, psoriasis, lichen, pelade, radiodermite, polyarthrite rhumatoïde, collagénoses et maladie de Raynaud, maladie de Darier).

* Lignes de Beau :

C’est une dépression linéaire transversale barrant la surface de la lame.

* Onychomadèse :

C’est une fracture transversale avec décollement de la lame partant de la partie proximale.

Les lignes de Beau et l’onychomadèse correspondent respectivement à un ralentissement ou à un arrêt transitoire de la pousse de l’ongle ; elles partagent les mêmes étiologies, l’onychomadèse étant une forme plus sévère du même phénomène ; elles peuvent d’ailleurs coexister sur le même ongle (différentes poussées de retentissement unguéal plus ou moins grave) ou sur des ongles différents.

Elles peuvent toucher tous les ongles, quelques-uns ou un seul, en fonction de l’étiologie générale, locorégionale ou locale ; cependant, le retentissement unguéal peut être différent d’un ongle à l’autre, et une cause systémique peut ne se manifester que sur certains d’entre eux.

Elles apparaissent en retard aux ongles des orteils.

La distance les séparant du repli sus-unguéal permet de dater l’événement responsable.

Les causes sont multiples : fièvre élevée, période néonatale, postpartum, chimiothérapie, toxidermie bulleuse, périonyxis (paronychie chronique, psoriasis, eczéma), traumatisme, onychotillomanie (refoulement des cuticules).

* Onychoschizie :

C’est le dédoublement lamellaire de la lame, le plus souvent distal (exposition à l’eau et aux détergents, ou à des produits chimiques divers, sénescence) ; plus rarement proximal (lichen, psoriasis, rétinoïdes).

* Fissure longitudinale :

Elle peut correspondre à des processus divers (post-traumatique, dystrophie canaliforme de Heller, lichen, lichen striatus, tumeur glomique ou maligne).

* Gouttière longitudinale :

Elle est en rapport avec une compression matricielle par une tumeur (pseudokyste mucoïde, verrue, fibrokératome) ; ou creusée par un refoulement sévère des cuticules.

4- Anomalies de la forme de la tablette :

* Koïlonychie :

C’est la déformation en cuillère de la lame unguéale, concave vers le haut, capable de retenir une goutte d’eau ; les ongles fins et mous se déforment plus facilement.

Il existe parfois une hyperkératose sousunguéale.

Les koïlonychies acquises sont les plus fréquentes, ne touchant en général que quelques ongles.

Les causes sont nombreuses :

– idiopathique ;

– héréditaire isolée ou associée à d’autres manifestations (dysplasies ectodermiques, maladie de Darier, hypoplasie dermique en aires, acrogéria, nail patella syndrome, … ;

– koïlonychie physiologique des ongles des orteils de l’enfant ;

– secondaire à une onychopathie (psoriasis, lichen, pelade, mycose, …) ;

– professionnelle (huiles de moteur, acide thioglycolique des coiffeurs, ciment, port de sacs pesants, … ;

– onychotillomanie (pression) ;

– syndrome ou maladie de Raynaud ;

– causes générales : carence en fer, hémochromatose, porphyrie cutanée tardive, dysthyroïdies, acromégalie, malnutrition…

* Hippocratisme digital :

C’est une hypercourbure de la lame unguéale dans les sens transversal et longitudinal, associée à une hypertrophie des parties molles périunguéales, à une cyanose locale inconstante, touchant en général les ongles des doigts de façon symétrique, voire ceux des orteils.

L’anomalie, plus ou moins prononcée, entraîne de profil une ouverture de l’angle entre le repli sus-unguéal et la lame unguéale (angle de Lovibond), qui devient supérieur à 180°.

Une approche diagnostique aisée consiste à mettre bord à bord les deux phalanges distales de deux doigts symétriques ; il existe normalement un espace où les lames ne sont plus en contact, de forme losangique, appelé fenêtre de Schamroth ; en revanche, les parties distales des lames se touchent.

Dans l’hippocratisme, la fenêtre losangique s’efface et les parties distales des deux lames ne sont plus en contact.

On élimine ainsi les pseudohippocratismes (hypercourbure du syndrome des ongles jaunes, volumineux périonyxis des paronychies chroniques, ongle en griffe).

La matrice est aisément mobilisable par rapport à la phalange, en raison de l’hyperplasie du tissu fibrovasculaire sous-jacent.

Il peut exister une déminéralisation osseuse sous-jacente.

Les modifications sont vraisemblablement dues à une hypervascularisation distale par ouverture de shunts le plus souvent en rapport avec une hypoxie.

Les étiologies sont multiples ; 80 % sont liés à une pathologie intrathoracique :

– formes congénitales (isolées ou dans le cadre d’une pachydermopériostose), forme physiologique transitoire du nouveau-né ;

– infections bronchopulmonaires, en particulier les suppurations chroniques, bronchiectasies ;

– néoplasies intrathoraciques et en particulier cancer bronchopulmonaire (ostéoarthropathie hypertrophiante de Pierre Marie) ;

– maladie d’Osler, coeur pulmonaire chronique, insuffisance cardiaque ;

– étiologies digestives : néoplasies digestives, colites inflammatoires (maladie de Crohn), hépatites chroniques, cirrhoses, diarrhées chroniques (laxatifs) ;

– polyglobulie avec hypoxémie ;

– intoxications (alcool, arsenic, mercure, héroïne, chlorure de vinyle), hypervitaminose A, prostaglandines ;

– endocrinopathie (syndrome de Diamond) ;

– malnutrition.

Les formes unilatérales sont rares et de cause locorégionale (anévrisme, fistule artérioveineuse, atteinte du plexus brachial).

Un aspect hippocratique d’un seul doigt fait en premier lieu évoquer une tumeur (enchondrome, métastase, …), un tophus goutteux, une localisation de sarcoïdose, une séquelle post-traumatique. Une atteinte isolée des ongles des orteils est exceptionnelle (surinfection d’une prothèse aortique).

* Hypercourbure longitudinale :

Les ongles sont en bec de perroquet, en griffe (idiopathique, posttraumatique avec raccourcissement de la phalange distale, par pression et microtraumatismes aux ongles des orteils).

* Hypercourbure transversale :

Ongles des orteils en pince, syndrome des ongles jaunes, dysplasies ectodermiques.

5- Anomalies de la couleur de la tablette :

* Chromonychie :

La couleur de l’ongle peut prendre des teintes diverses.

Les dyschromies endogènes suivent le contour de la lunule et ont donc une concavité proximale, alors que les formes exogènes présentent une concavité distale (contour du repli sus-unguéal au moment de la coloration) et disparaissent à l’abrasion des couches superficielles de la tablette.

* Leuconychie :

C’est la coloration blanche de l’ongle, totale ou partielle (punctiforme, striée, ou en bande).

On en distingue plusieurs types, d’étiologies multiples et variées :

– les leuconychies vraies correspondent à une atteinte primitive de la lame par dysfonctionnement matriciel et troubles de la kératinisation (persistance des noyaux et grains de kératohyaline) que l’on peut observer à l’histologie.

Elles progressent avec la pousse de l’ongle et sont le plus souvent secondaires à des traumatismes matriciels (lors des manucuries par exemple) ou au cours du psoriasis matriciel ;

– les pseudoleuconychies (atteinte secondaire de la lame par un processus pathologique).

Les causes les plus fréquentes sont les mycoses, les granulations de kératine par friabilité superficielle due au port continu et prolongé de vernis à ongle ;

– les leuconychies apparentes (modification du lit unguéal sous-jacent ou onycholyse et/ou hyperkératose sous-unguéale) qui ne changent pas avec la pousse de l’ongle et qui peuvent apparaître et disparaître rapidement :

– une onycholyse est responsable d’accumulation d’air sous la partie non accolée de la lame et donc d’une coloration blanche ;

– l’ongle de Terry chez le cirrhotique, avec leuconychie subtotale, lunule non identifiable, et respect d’un croissant distal des vingt ongles ;

– l’ongle équisegmenté hyperazotémique (half-and-half nail) où l’ongle est blanc dans sa partie proximale, rouge ou brun ;

– les lignes de Muehrcke, deux lignes blanches transversales parallèles à la lunule, séparées d’elle et entre elles par des bandes rosées normales, qui surviennent lors de la chute de l’albuminémie et disparaissent après sa correction ;

– pâleur du lit unguéal au cours de l’anémie, des troubles vasculaires distaux, du syndrome de Raynaud. Les causes les plus souvent rencontrées en pratique courante sont :

– au niveau des doigts : leuconychies traumatiques, psoriasis, mycoses ;

– au niveau des orteils : leuconychies traumatiques, mycoses.

* Nigritie unguéale :

L’ongle est noir ; hormis les pigmentations mélaniques, une coloration noire ou brune peut s’observer dans plusieurs circonstances (ex : pigmentation exogène [henné, KMNO4, coiffeur], hématome, infections fongiques, infections à Proteus, pigmentation médicamenteuse).

* Mélanonychie :

C’est la coloration brune ou noire de l’ongle par du pigment mélanique ; elle peut être totale ou partielle (bande longitudinale ou tache).

Les problèmes diagnostiques des mélanonychies sont traités plus loin.

* Xanthonychie :

L’ongle est de couleur jaune (onychomycose, onycholyse psoriasique, syndrome des ongles jaunes, pigmentation due aux vernis, au tabac, prises médicamenteuses [cyclines avec lunule fluorescente, D-pénicillamine, mépacrine, avec coloration jaune du lit]).

* Chloronychie :

C’est la coloration verte de l’ongle en règle associée à une paronychie ou à une onycholyse (infection à pyocyanique surtout, onycholyse psoriasique, infection à Aspergillus), le rôle du Candida est discuté.

Un test de solubilité réalisé en plaçant un fragment d’ongle vert dans de l’eau ou du chloroforme permet de confirmer la présence de pigments pyocyaniques solubles.

* Coloration bleue :

Elle est en règle d’origine toxique ou médicamenteuse, avec aspect de lunule bleutée, de coloration du lit ou encore de bandes transversales (maladie de Wilson, argyrie, antipaludéens, cyclines, adriamycine, 5-fluorouracile, phénothiazines, phénolphtaléine).

* Coloration rouge orangé :

Il peut s’agir d’une rougeur diffuse de la lunule (insuffisance cardiaque, polyarthrite rhumatoïde, lupus, lichen) ; d’une tache érythémateuse lunulaire (tumeur glomique, lichen) ; d’une lunule mouchetée de taches érythémateuses (pelade, psoriasis, lichen) ; d’un érythème du lit de l’ongle en tache (angiome, tumeur anévrismale, tache saumon rouge orangé du psoriasis, papule de lichen) ; de ligne longitudinale unique (tumeur glomique), ou de lignes longitudinales multiples (maladie de Darier).

* Hémorragies filiformes :

Elles apparaissent le plus souvent au niveau du tiers distal de l’ongle, se manifestant par de petites lignes verticales de quelques millimètres de hauteur, violacées au début et devenant noires en quelques jours.

La rupture de capillaires distaux résulte en une extravasation sanguine qui épouse la configuration de l’épithélium du lit de l’ongle et fuse dans les sillons longitudinaux.

La majorité d’entre elles surviennent dans les suites de microtraumatismes, touchant surtout les trois premiers doigts, par exemple chez les travailleurs manuels, ou au cours de pathologies unguéales s’accompagnant d’une hyperkératose sous-unguéale (psoriasis, mycose, maladie de Darier), facilitant la traction et la rupture des capillaires.

Certaines affections systémiques sont à rechercher en cas d’hémorragies filiformes multiples et/ou récidivantes (embolies septiques, endocardite, septicémie, néphropathies, néoplasies, collagénoses, maladie de Raynaud, cryoglobulinémie, vascularite, dyscrasie sanguine, hypertension artérielle, cirrhose, photoonycholyses avec photohémorragies aux psoralènes ou cyclines, thyrotoxicose, …)

6- Anomalies de la consistance de la tablette :

* Hapalonychie :

Les ongles sont mous.

Exemple : origine professionnelle (eau).

B – ANOMALIES DU POURTOUR UNGUÉAL :

* Paronychie ou périonyxis :

C’est l’inflammation aiguë ou chronique des tissus périunguéaux, replis sus-et latéraux unguéaux (paronychie bactérienne aiguë, paronychie chronique, incarnation avec inflammation du repli latéral, onychotillomanies, paronychie psoriasique ou du syndrome de Bazex, érythème périunguéal des connectivites, …).

C – DOULEURS DE L’APPAREIL UNGUÉAL :

* Onychalgies ou onychodynies :

Elles peuvent être de types variés : traumatisme, ongle en pince, incarnation, tumeur sous-unguéale (tumeur glomique, kératome, exostose, verrue, kératoacanthome, …), infections (paronychie aiguë, herpès), engelures, syndrome de Raynaud…

Dermatoses de localisation unguéale :

A – PSORIASIS :

1- Épidémiologie :

L’atteinte unguéale est fréquente au cours du psoriasis et se rencontre à tous les âges ; elle touche environ 50 % (jusqu’à 78 %) des adultes, et 10 % des enfants.

Cependant, il est probable que quasiment tous les patients présentent à un moment donné au cours de leur vie une atteinte unguéale pouvant être minime et/ou transitoire.

L’atteinte unguéale semble plus fréquente au cours des psoriasis anciens, après l’âge de 50 ans et au cours des psoriasis sévères.

Les patients porteurs d’un psoriasis avec atteinte articulaire ont une atteinte unguéale dans plus de 80 % des cas.

Elle est presque constante en cas d’atteinte des articulations distales ; elle est souvent présente au début de la maladie articulaire et peut la précéder.

Le psoriasis atteint plus fréquemment les ongles des mains que ceux des pieds.

Le diagnostic est aisé en cas de localisation cutanée associée.

Le psoriasis unguéal isolé peut être de diagnostic difficile.

Considéré comme rare (5 %), sa fréquence est vraisemblablement sous-estimée.

2- Sémiologie :

L’aspect sémiologique dépend du site anatomique des lésions.

* Atteinte de la matrice proximale :

Elle se traduit par des anomalies de surface : dépressions ponctuées, onychorrhexis, trachyonychie, lignes de Beau.

Les dépressions ponctuées, un des symptômes les plus fréquents, correspondent à de petits foyers de parakératose matriciels qui, avec la formation de la kératine unguéale et la pousse de l’ongle, se retrouvent à la surface de la tablette.

La mauvaise cohésion des cellules parakératosiques entre elles entraîne leur desquamation et l’apparition de dépressions cupuliformes.

Une dépression ponctuée traduit une atteinte matricielle focale et transitoire.

L’onychorrhexis correspond à de multiples atteintes focales mais prolongées ; les lignes transversales, en revanche, traduisent une atteinte transitoire fugace de toute la largeur de la matrice.

Les dépressions ponctuées du psoriasis sont variables, mais classiquement profondes et disposées au hasard sur la tablette.

Lorsqu’elles sont très nombreuses, elles réalisent l’aspect d’« ongle en dé à coudre ».

Une atteinte importante de la matrice proximale peut se traduire par une leuconychie souvent rugueuse et peu adhérente (parakératose).

L’inflammation prolongée du repli sus-unguéal peut être responsable d’anomalies de surface qu’il est cliniquement difficile de différencier d’une atteinte de la matrice proximale elle-même.

* Atteinte de la matrice distale :

Elle se traduit par un érythème de la lunule, un aspect tacheté de la lunule (spotted lunula), une onycholyse focale (séparation entre la lunule et la tablette) et un amincissement de la tablette (par absence ou anomalies des couches profondes).

* Atteinte matricielle totale :

Elle entraîne une destruction de la tablette remplacée par une structure parakératosique friable.

* Atteinte du lit de l’ongle et/ou de l’hyponychium :

Elle se traduit le plus souvent par une onycholyse jaunâtre (exsudation de glycoprotéines sériques) bordée d’un liseré érythémateux hautement évocateur, des taches orangées médiounguéales, (salmon patch, oil drop), ou une hyperkératose sousunguéale parfois majeure pouvant conduire au soulèvement de la tablette unguéale ; elle donne à l’ongle une coloration blanche ou argentée, voire jaune-vert.

Des hémorragies filiformes sont fréquentes au niveau du tiers distal des ongles des doigts, favorisées par des traumatismes, représentant l’équivalent du signe d’Auspitz.

Les atteintes du lit à type d’onycholyse (avec minime hyperkératose sous-unguéale) sont plus fréquentes que les formes avec hyperkératose majeure, volontiers rencontrées au cours des psoriasis palmoplantaires sévères avec atteinte pustuleuse.

L’atteinte de plusieurs structures est très fréquente, responsable d’un polymorphisme lésionnel, les associations les plus classiques étant celles de dépressions ponctuées et d’une onycholyse.

3- Quelques formes particulières :

Le psoriasis pustuleux des régions unguéales est de diagnostic facile lorsqu’il est associé à une atteinte cutanée ; isolé, il reste très souvent non diagnostiqué, pris pour une atteinte infectieuse récidivante.

Dans l’acropustulose (acrodermatite continue de Hallopeau), l’atteinte est le plus souvent monodigitale (pouce, gros orteil surtout), mais peut toucher plusieurs, voire tous les ongles ; les pustules péri-et/ou sous-unguéales, évoluant par poussées, peuvent passer inaperçues surtout lorsqu’elles siègent sur le lit de l’ongle ; la lame est alors soulevée par des croûtes et des sérosités puriformes.

La notion de dermatose unguéale et périunguéale avec périonyxis inflammatoire douloureux évoluant par poussées (panaris récidivant) permet d’évoquer le diagnostic.

La disparition de l’ongle avec atrophie cutanée peut survenir, de même qu’une ostéolyse avec résorption de la phalange distale et raccourcissement des extrémités digitales.

L’onycho-pachydermo-périostite psoriasique associe à l’atteinte unguéale souvent du pouce ou du gros orteil, un gonflement érythémateux sensible des tissus périunguéaux et une atteinte osseuse sous-jacente (ostéolyse et appositions périostées) donnant un aspect spiculé de la phalange distale.

Des arthrites distales lui sont parfois associées.

Un périonyxis avec dystrophie unguéale secondaire et éventuellement pulpite s’intègrent parfois dans le cadre d’une atteinte palmaire érythémateuse, sèche et fissuraire difficile à différencier d’un eczéma (tests épicutanés).

Le diagnostic est surtout clinique.

Il repose sur la recherche d’antécédents personnels ou familiaux de psoriasis, l’évolutivité (fluctuations, changement de symptomatologie, épisodes de rémission spontanée), la sémiologie clinique avec polymorphisme lésionnel simultanément ou dans le temps.

On peut avoir recours à l’examen histologique d’un fragment de kératine sous-unguéale, très évocateur lorsqu’il retrouve une parakératose majeure contenant des amas de polynucléaires neutrophiles et l’absence de filaments mycéliens.

En présence de filaments mycéliens, son interprétation est plus difficile et nécessite un prélèvement mycologique, car une parakératose et des amas de polynucléaires neutrophiles peuvent s’observer en cas d’onychomycose, et des filaments mycéliens peuvent contaminer un psoriasis.

En effet, psoriasis et mycose, parfois très difficiles à différencier cliniquement, peuvent être associés, qu’il s’agisse de la surinfection fongique de l’ongle psoriasique (surinfection à Candida ou moisissures le plus souvent, rarement à dermatophytes et surtout au niveau des orteils) ou de la survenue d’un psoriasis sur une mycose par effet Koebner.

Le diagnostic résulte de la confrontation d’arguments que sont l’impression clinique, l’examen histologique de la kératine, le prélèvement mycologique, la réponse à une thérapeutique antifongique prescrite en cas de participation fongique prouvée.

Une biopsie de la matrice, du lit de l’ongle, ou la biopsie latérolongitudinale peuvent permettre de confirmer le diagnostic.

Cependant, une histologie non spécifique ne peut éliminer formellement le diagnostic, les atteintes focales étant fréquentes.

L’évolution du psoriasis unguéal est chronique ; des rémissions spontanées sont souvent observées.

L’évolution vers une atteinte cicatricielle est exceptionnelle.

4- Traitement :

Le traitement du psoriasis unguéal est difficile, long, astreignant, il nécessite un choix thérapeutique adapté, et une motivation suffisante du patient.

Compte tenu de ces données, il faut bien sûr s’abstenir de traiter les formes mineures, les enfants et les patients non soucieux de la gêne engendrée par leur onychopathie et qui ne demandent pas de traitement.

Il faut, par principe, limiter les traumatismes unguéaux (manucurie abusive, refoulement des cuticules) pour éviter un phénomène de Koebner.

Dans des formes mineures ou localisées à quelques ongles, les femmes peuvent utiliser des vernis colorés pour masquer les lésions.

L’avulsion chimique à l’urée peut être utile dans certains cas (pachyonychie).

Le choix thérapeutique dépend du site anatomique des lésions et de leur aspect sémiologique.

En cas de surinfection fongique associée, un traitement antifongique doit précéder le traitement spécifique.

– L’application d’un dermocorticoïde de classe I ou II en massages biquotidiens sur le repli sus-unguéal et/ou sur le lit unguéal (après découpage de l’ongle décollé ou avulsion à l’urée de l’hyperkératose) est astreignante et souvent décevante, sauf pour les atteintes périunguéales : périonyxis, pulpite.

L’occlusion augmente l’efficacité mais ne peut être utilisée pour les onycholyses (macération gênant le réacollement de la lame).

– Les injections intralésionnelles de corticoïdes : l’apport du principe actif directement au site lésionnel limite l’inefficacité liée à la mauvaise pénétration du dermocorticoïde.

On utilise l’acétonide de triamcinolone (dosé à 10 mg/mL et dilué à 50 % dans du sérum physiologique) qui est injecté avec une aiguille fine ; la quantité totale ne devant pas dépasser 0,3 à 0,4 mL pour un site lésionnel.

On utilise aussi la dexaméthasone (Dectancylt) diluée ou pure qui semble moins atrophiante.

Les injections peuvent être répétées toutes les 3 à 4 semaines pendant 3 à 6 mois.

Elles se font dans la matrice et/ou le lit unguéal ; avec anesthésie (bloc digital) pour les injections du lit unguéal.

L’hyperstriation longitudinale, la pachyonychie, répondent mieux au traitement que les dépressions ponctuées ; l’hyperkératose sous-unguéale mieux que l’onycholyse.

La corticothérapie intralésionnelle donne également des résultats dans l’acropustulose.

Si l’efficacité de la corticothérapie intralésionnelle n’est plus à démontrer, reste le problème des récidives et d’un éventuel schéma thérapeutique d’entretien pour les éviter ou au moins les retarder.

En effet, dans les études réalisées, lorsque le suivi est mentionné, le taux de récidive après arrêt du traitement est d’au moins 50 % dans un délai allant de 1 à 12 mois (moyenne 6 mois).

Le recul n’est jamais supérieur à 2 ans. Un traitement d’entretien avec espacement des injections pourrait être efficace après rémission induite par le traitement d’attaque.

Les complications sont représentées par la douleur au moment de l’injection, les hématomes sous-unguéaux proximaux ; l’atrophie du repli sus-unguéal régressive à l’arrêt du traitement est rare.

– Le calcipotriol (Daivonext), analogue de la vitamine D, donne des résultats intéressants en applications locales biquotidiennes prolongées, dans les atteintes du lit unguéal, et l’acropustulose (efficacité dans environ 50 % des cas).

Aussi efficace que l’association dermocorticoïde et acide salicylique dans les hyperkératoses du lit unguéal, il représente une bonne alternative thérapeutique.

– Les rétinoïdes : il faut les réserver aux psoriasis pustuleux sévères (atteinte pluridactylique, atteinte cutanée palmoplantaire invalidante associée), et aux formes très hyperkératosiques avec hyperkératose sous-unguéale et pachyonychie importantes.

Le dithranol (0,4-2 %) appliqué une fois par jour, laissé en place 30 min, ceci pendant plusieurs mois, améliore la pachyonychie et l’onycholyse.

– La PUVAthérapie : son efficacité sur le psoriasis unguéal a été notée chez des patients traités pour un psoriasis cutané diffus et n’ayant pas particulièrement exposé leurs ongles lors des séances.

Les améliorations concernent surtout les sites lésionnels accessibles aux rayonnements ultraviolets A (UVA).

L’atteinte du repli sus-unguéal répond bien.

La matrice distale, le lit unguéal et l’hyponychium reçoivent 15 à 20 % des UVA à travers la lame ; les taches orangées (parakératose du lit), les onycholyses peuvent être améliorées ; il est évident qu’une atteinte du lit de l’ongle à type d’hyperkératose sous-unguéale majeure avec pachyonychie ne sera pas influencée par les UVA incapables d’atteindre le site lésionnel.

Une PUVAthérapie locale a été essayée avec applications d’une solution de 8 MOP (1 %) sur les replis proximaux et exposition aux UVA (3 mW/cm2) à une distance de 20 cm ; la dose initiale faible est progressivement augmentée jusqu’à un maximum de 2 J par séance.

Les résultats sont surtout intéressants dans les onycholyses, mais sont tardifs (dose totale de 50-60 J).

Les résultats seraient peut-être meilleurs avec une administration orale de psoralène.

De nouvelles lampes à haute énergie UVA (440 mW/cm2) se sont adaptées à la PUVAthérapie des ongles, permettant en un temps d’irradiation très court, de délivrer des doses d’UVA suffisantes à travers la lame unguéale.

Des études complémentaires sont indispensables. Les effets secondaires sont représentés par les photoonycholyses, photohémorragies et les pigmentations.

– Le 5-fluorouracile a été utilisé dans le traitement du psoriasis unguéal avec quelques succès, mais les études sont peu nombreuses et peu précises.

On utilise une solution 1 ou 2 % en applications biquotidiennes sur les replis périunguéaux.

Les améliorations se voient surtout dans les atteintes matricielles, quelques cas d’acropustulose ; elles sont moindres dans les taches saumon et dans l’hyperkératose sous-unguéale.

C’est pourquoi un auteur a essayé une préparation associant le 5-fluorouracile à de l’urée à 20 % avec une amélioration dans 50 % des cas.

Une protection de la peau saine voisine évite en principe les irritations locales mais une inflammation modérée est possible ; d’autres effets secondaires sont possibles (lignes de Beau, hyperpigmentation, télangiectasies) et surtout une onycholyse (concentration trop forte, occlusion) qui font contre-indiquer le 5-fluorouracile dans le psoriasis unguéal à type d’onycholyse.

– Le méthotrexate et la ciclosporine ne peuvent être proposés dans le traitement du psoriasis unguéal isolé, malgré l’efficacité notée sur l’atteinte unguéale des patients porteurs d’un psoriasis cutané sévère recevant ces traitements.

La ciclosporine est efficace à la dose initiale de 3 mg/kg/j.

La ciclosporine topique s’est avérée décevante.

– La radiothérapie ne semble pas légitime compte tenu de ses risques (appareils non adaptés), de l’inconstance de l’efficacité et des récidives.

B – LICHEN :

Environ 10 % des patients présentant un lichen ont une atteinte unguéale.

Le lichen de localisation strictement unguéale est rare, touchant les vingt ongles, les ongles des doigts ou seulement quelques ongles, plus volontiers ceux des doigts que des orteils.

La maladie unguéale apparaît soit simultanément sur tous les ongles à la fois, soit plus progressivement, atteignant les ongles les uns après les autres ; elle se rencontre surtout chez des sujets d’âge mûr (cinquième et sixième décennies).

Elle précède souvent l’apparition d’un lichen cutané, du cuir chevelu ou des muqueuses, ou apparaît dans les années qui suivent, indépendamment de la sévérité de l’atteinte extra-unguéale.

Les signes extra-unguéaux sont parfois minimes, et des examens cliniques réguliers et minutieux sont nécessaires pour les dépister.

La caractéristique du lichen unguéal est son évolution cicatricielle, nécessitant donc un diagnostic et un traitement précoces afin d’éviter des lésions définitives.

La sémiologie de l’atteinte unguéale dépend du site des lésions, de leur sévérité et de leur ancienneté. Une coloration érythémateuse ou violacée du repli sus-unguéal peut témoigner d’une atteinte de sa face ventrale.

L’atteinte matricielle, la plus fréquente, se traduit le plus souvent par une onychorrhexis, une hyperstriation longitudinale (alternance de crêtes constituées en fait de kératine unguéale d’épaisseur normale, et de sillons, constitués d’une kératine amincie en rapport avec le dysfonctionnement de la matrice en regard), avec fragilité et fissurations distales. Lorsqu’une papule lichénienne envahit toute la longueur de la matrice, on observe alors un defect longitudinal bordé latéralement de deux ailerons latéraux, parfois koïlonychiques ; ce defect longitudinal est souvent comblé au stade cicatriciel par un ptérygion.

L’atteinte matricielle peut également se traduire par un amincissement total ou localisé de la tablette unguéale, une onychomadèse.

Une atteinte matricielle totale peut aboutir à l’anonychie, avec au stade cicatriciel, possibilité de ptérygion.

Le ptérygion, loin d’être constant est un signe très évocateur du lichen, même s’il n’est pas complètement pathognomonique.

Un aspect de trachyonychie parfois observé chez l’enfant peut traduire un lichen de la matrice proximale, de pronostic favorable sans évolution cicatricielle.

On peut également observer une onychoschizie proximale, une mélanonychie longitudinale, un érythème lunulaire ou des taches érythémateuses lunulaires.

Les atteintes du lit de l’ongle et de l’hyponychium peuvent se traduire par des papules rondes ou linéaires, érythémateuses ou violacées, visibles à travers la lame unguéale, ou encore par une onycholyse avec ou sans hyperkératose sous-unguéale, majeure dans certains cas, soulevant alors la tablette unguéale.

À un stade avancé, le lit de l’ongle peut être totalement cicatriciel et atrophique, ne permettant plus à la tablette unguéale, ou aux vestiges de kératine unguéale en cas d’atteinte matricielle sévère, de s’y accoler.

Certaines formes de lichen évoluées, sévères, aboutissent à une atrophie cicatricielle totale de l’aire unguéale.

Il est probable que l’atrophie idiopathique des ongles survenant pendant les deux premières décennies le plus souvent, corresponde à une variété de lichen.

En cas de suspicion de lichen unguéal isolé, une confirmation diagnostique est préférable avant la mise en route du traitement (biopsie pour examen histologique).

L’évolutivité du lichen unguéal varie suivant les sujets ; certains patients présentent une atteinte destructrice rapide, d’autres ont une évolution plus lente ; des rémissions spontanées sont possibles.

Les trachyonychies lichéniennes n’ont en général pas d’évolution cicatricielle.

Le traitement repose sur la corticothérapie générale : une injection intramusculaire mensuelle de Kenacort Retardt pendant 6 mois (80 mg pendant 1 ou 2 mois, puis 40 mg par mois).

L’association à une corticothérapie intralésionnelle est parfois nécessaire, dans les formes graves.

L’amélioration survient après 2 à 3 mois de traitement.

Des récidives sont possibles, même plusieurs années après, nécessitant alors la reprise du traitement.

Lorsque la maladie n’atteint que quelques ongles, la corticothérapie intralésionnelle seule est souhaitable (1 injection par mois pendant 3 à 6 mois).

Les rétinoïdes constituent une alternative thérapeutique, en cas de contre-indication à la corticothérapie générale ou d’échec de celle-ci.

C – PELADE :

La pelade s’accompagne d’une atteinte unguéale dans 7 à 66 % des cas, 25 % sur une série de 1 095 patients peladiques examinés à la recherche d’une atteinte unguéale.

L’atteinte unguéale semble corrélée à la brutalité de l’affection ; elle peut précéder, accompagner ou suivre l’atteinte capillaire, et peut persister des années après sa résolution.

Les dépressions ponctuées sont le symptôme le plus fréquemment observé ; les criblures sont plutôt de petite taille, superficielles, disposées géométriquement transversalement, réalisant des aspects en « vague de sable », ou alignées longitudinalement.

Les atteintes matricielles peuvent également se traduire par une trachyonychie (3,5 % des atteintes capillaires), de type 1 ou surtout 2, avec des dépressions ponctuées enserrées dans un réseau à mailles longitudinales, par des lignes de Beau, une onychomadèse, un érythème de la lunule diffus ou en taches.

Des dyschromies peuvent être observées : leuconychies ponctuées ou striées, coloration jaunâtre, grisâtre ou brune.

Hyperkératose sous-unguéale, onycholyse, amincissement ou épaississement de la lame, koïlonychie, altérations majeures de la lame aboutissant à sa quasi-destruction sont plus rares.

La maladie touche le plus souvent plusieurs ongles, voire les vingt ongles, de façon polymorphe avec symptômes variés suivant les ongles, ou de façon monomorphe comme dans la trachyonychie.

L’histologie des trachyonychies peladiques met en évidence un infiltrat inflammatoire du derme superficiel, avec exocytose intraépidermique de cellules inflammatoires, et une spongiose modérée, souvent majeures au niveau de la matrice proximale.

Le traitement est difficile ; des améliorations ont été observées lors du traitement de l’atteinte capillaire.

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