Parapsoriasis en « gouttes »

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Introduction :

Le parapsoriasis en « gouttes », dénommé pityriasis lichenoides dans la littérature anglo-saxonne, est une dermatose d’étiologie inconnue caractérisée par une éruption constituée de nombreux éléments maculopapuleux et squameux.

Parapsoriasis en « gouttes »Sous la dénomination parapsoriasis en « gouttes », sont regroupées trois formes cliniques différentes : le parapsoriasis en « gouttes » chronique, le parapsoriasis en « gouttes » aigu varioliforme et le parapsoriasis en « gouttes » leucomélanodermique.

La forme chronique a été décrite en 1889 par Juliusberg.

La forme aiguë nécrotique du parapsoriasis a été individualisée en 1916 par Mucha puis en 1925 par Habermann.

En 1951, Civatte sépare le parapsoriasis en « gouttes » des formes de parapsoriasis en « plaques » auxquelles il a été initialement intégré.

Le parapsoriasis en « gouttes » est l’apanage de l’adulte jeune avec une nette prédominance masculine.

Parmi la population infantile, 20 % des cas sont enregistrés avant l’âge de 10 ans.

Deux pics de fréquence s’individualisent à 5 et 10 ans.

L’étiopathogénie de cette affection reste inconnue.

Une hypersensibilité à un agent bactérien, parasitaire ou viral a été suspectée sur certains cas d’association à une infection évolutive ou de guérison après traitement d’un foyer infectieux sous-jacent.

Plusieurs auteurs ont évoqué un lien potentiel avec une infection à Toxoplasma gondii ou à streptocoque â-hémolytique.

Pour certains, la survenue d’un parapsoriasis en « gouttes » aigu varioliforme au cours de l’infection à virus de l’immunodéficience humaine (VIH), serait un marqueur de stade précoce de la maladie.

Une origine toximédicamenteuse a également été évoquée sur la présence dans certains cas d’une vasculite leucocytoclasique.

Cette hypothèse n’a jamais reçu de confirmation, cependant il faut signaler un cas de parapsoriasis aigu en « gouttes » en lien avec la prise d’astémizole.

Description clinique :

Les trois formes cliniques de parapsoriasis sont regroupées en raison d’une image histologique commune et surtout du fait de formes de passage fréquentes avec coexistence de lésions caractéristiques de chaque forme.

Il faut souligner le fait que la distinction entre la forme chronique et la forme aiguë repose sur l’analyse séméiologique et non sur les données évolutives comme le caractère chronique des lésions.

A – PARAPSORIASIS EN « GOUTTES » CHRONIQUE :

L’éruption se localise principalement sur le tronc et les plis de flexion des membres.

Elle épargne le plus souvent les paumes et les plantes.

L’atteinte du visage, du cuir chevelu ou des muqueuses est également exceptionnelle.

Les lésions sont isolées sans prurit, ni signes généraux. La caractéristique principale de cette éruption réside dans son aspect bigarré avec coexistence de lésions d’âge différent.

La lésion élémentaire est une papule érythémateuse, lisse de 5 mm de diamètre en moyenne.

En quelques jours, cette papule devient plus foncée et squameuse.

Cette squame se détache à la curette d’un bloc sans provoquer de saignement réalisant le classique signe de la squame en « pain à cacheter ».

La papule disparaît en une quinzaine de jours, laissant une tache pigmentée qui s’estompe en plusieurs mois.

L’évolution peut être prolongée sur des mois, voire des années, entrecoupées de phases de rémission, favorisées par l’exposition solaire.

Certains auteurs ont différencié chez l’enfant trois tableaux cliniques selon leur topographie lésionnelle : une forme centrale dans laquelle les lésions sont localisées exclusivement au tronc, une forme périphérique localisée aux extrémités et enfin une forme superposable au tableau clinique de l’adulte.

Les diagnostics discutés devant cette éruption sont représentés par le psoriasis en « gouttes », le pityriasis rosé de Gibert ou encore des syphilides secondaires.

B – PARAPSORIASIS EN « GOUTTES » AIGU VARIOLIFORME :

Cette éruption brutale et souvent intense s’accompagne à son début de signes généraux tels que fièvre, asthénie et arthromyalgies.

Elle atteint préférentiellement le tronc, la racine des membres et est plus marquée aux plis de flexion.

Une atteinte palmoplantaire est parfois observée ainsi qu’une atteinte des muqueuses sous forme d’ulcérations buccales ou génitales.

Elle comporte non seulement des éléments papulosquameux mais aussi de nombreux éléments nécrotiques.

La lésion initiale est une vésiculopustule ombiliquée qui évolue vers une nécrose centrale en quelques jours.

Cette lésion nécrotique guérit en quelques semaines en laissant une cicatrice varioliforme.

L’évolution se fait vers la guérison en 1 à 6 mois.

Des rechutes sont parfois observées sous la même forme nécrotique ou sous une forme plus chronique papulosquameuse.

Cette éruption peut faire discuter les diagnostics de varicelle ou autres infections des virus du groupe Herpès, des syphilides varioliformes ou encore des lésions de vasculite leucocytoclasique.

La forme ulcéronécrotique hyperthermique a été individualisée par Degos en 1966. Depuis sa description, une quinzaine de cas ont été colligés dans la littérature.

Cette forme clinique serait plus fréquemment rencontrée chez l’enfant.

La maladie débute le plus souvent comme un parapsoriasis aigu varioliforme typique puis, après une période de 2 à 6 semaines, les lésions cutanées deviennent brutalement extensives avec apparition de lésions bulleuses hémorragiques ou pustuleuses, évoluant vers la nécrose et l’ulcération.

Les signes généraux sont marqués : fièvre élevée, myalgies, prostration ou agitation, douleurs abdominales.

La surinfection des lésions cutanées est fréquente.

L’étiopathogénie de cette forme ulcéronécrotique est également inconnue.

Le mécanisme évoqué par plusieurs auteurs est celui d’une réaction d’hypersensibilité à un agent infectieux.

C – PRAPSORIASIS EN « GOUTTES » LEUCOMÉLANODERMIQUE :

Cette forme clinique est caractérisée par la présence de macules achromiantes arrondies non squameuses, siégeant préférentiellement sur le cou, les bras et les épaules.

Ces lésions peuvent s’observer dans le cadre de l’évolution d’un parapsoriasis en « gouttes » chroniques.

Certains auteurs ont rapporté des formes d’emblée achromiantes qui sont beaucoup plus exceptionnelles.

Cette forme clinique peut faire discuter les diagnostics de syphilides secondaires, eczématides achromiantes, pityriasis versicolor achromiant, de vitiligo et enfin de lichen scléroatrophique ou de sclérodermie en « gouttes ».

Données morphologiques :

A – HISTOLOGIE STANDARD :

L’image histologique dépend du stade évolutif et de la forme clinique.

L’image du parapsoriasis chronique est une parakératose compacte, épaisse, bien limitée tenant dans le champ du microscope au faible grossissement.

Elle est associée à une exocytose intraépidermique de cellules mononucléées, souvent nettement supérieure à la spongiose, contrairement aux dermites spongiformes.

Le derme superficiel est le siège d’infiltrats de cellules mononucléées à tropisme périvasculaire. Dans le parapsoriasis aigu varioliforme, les nécroses kératinocytaires sont au premier plan et l’atteinte vasculaire est plus marquée avec des images de vasculite leucocytoclasique.

Le derme superficiel est très oedémateux.

L’analyse de la peau lésionnelle en immunofluorescence directe peut révéler des dépôts d’immonoglobulines M (IgM) et/ou C3 sur les parois vasculaires.

Entre ces deux tableaux caricaturaux, toutes les images intermédiaires peuvent être observées en fonction du stade évolutif.

B – IMMUNOPHÉNOTYPE :

L’infiltrat cellulaire au cours des deux formes chronique et aiguë de parapsoriasis est constitué majoritairement de lymphocytes T et de macrophages. La plupart de ces lymphocytes T expriment le marqueur human leukocyte antigen DR (HLA-DR).

Les cellules de Langerhans représentent une faible proportion de l’infiltrat dermique et sont également en nombre réduit dans l’épiderme lésé.

Certains auteurs ont étudié le phénotype de l’infiltrat selon la forme clinique.

Au cours du parapsoriasis aigu varioliforme, les lymphocytes T, notamment épidermiques, semblent exprimer principalement le marqueur CD8, alors que les lymphocytes auraient un phénotype essentiellement CD4 dans la forme chronique.

C – MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE :

Les études ultrastructurales n’apportent pas de renseignements supplémentaires pour le diagnostic et ne sont pas pratiquées en routine.

Elles ont permis de confirmer l’atteinte vasculaire composée d’une ballonnisation des cellules endothéliales et de brèches intercellulaires.

D – BIOLOGIE MOLÉCULAIRE :

L’étude de l’infiltrat lymphocytaire cutané par les techniques de biologie moléculaire n’a été réalisée que dans un faible nombre de cas.

L’existence d’un réarrangement monoclonal des gènes du récepteur T a été mise en évidence dans trois cas de parapsoriasis en « gouttes » par Weiss et al en 1987.

La technique utilisée était une technique de Southern Blot. Depuis, la meilleure sensibilité de la technique de dymérisation en chaîne (PCR-DGGE) a été clairement établie pour le diagnostic des infiltrats lymphocytaires cutanés.

Malgré ces progrès techniques, peu de cas ont été étudiés : Panhans et al ont publié un cas de parapsoriasis aigu varioliforme au cours duquel il existait un réarrangement clonal des gènes du récepteur T.

Nous avons également observé trois cas similaires dans lesquels une population clonale a été objectivée.

Ces données récentes font désormais classer cette affection dans les désordres lymphoprolifératifs.

La valeur pronostique d’un réarrangement des gènes du T-cell receptor (TCR) est cependant difficile à préciser.

Cette éventuelle valeur pronostique est d’autant plus importante à évaluer qu’il existe dans la littérature deux cas de parapsoriasis en « gouttes » ayant évolué vers un lymphome.

Ces deux cas n’ont pas fait l’objet d’une étude des populations lymphocytaires en biologie moléculaire.

Il semble licite de proposer une telle étude au cours du parapsoriasis en « gouttes ».

En effet, l’existence d’une population clonale inciterait à une surveillance prolongée de ces patients.

Liens entre parapsoriasis en « gouttes » et papulose lymphomatoïde :

L’existence d’une relation entre parapsoriasis en « gouttes » et papulose lymphomatoïde a été discutée par de nombreux auteurs sur la similitude des tableaux cliniques et histologiques.

Les éléments en faveur du diagnostic de papulose seraient un âge plus tardif, des lésions plus nodulaires et l’absence de signes généraux.

Cependant, de nombreux cas de papulose lymphomatoïde ont été décrits chez l’enfant et la distinction entre ces deux affections est très difficile sur les seuls examens cliniques et/ou histologiques.

L’étude immunohistochimique de l’infiltrat peut parfois apporter des éléments distinctifs : au cours de la papulose lymphomatoïde de type A, on retrouve théoriquement un infiltrat composé de grandes cellules atypiques exprimant de manière variable, le marqueur CD30.

Cependant, certains cas de papulose lymphomatoïde de type B n’expriment que peu ou pas le marqueur CD30 et d’autre part, il a été décrit des cas de parapsoriasis avec « cellules atypiques CD30 ».

Nous avons personnellement observé chez un malade, dont le tableau clinique correspondait à un parapsoriasis en « gouttes » aigu varioliforme, un infiltrat lymphocytaire comportant 10 % de cellules exprimant le marqueur CD30.

Ces observations illustrent le chevauchement entre parapsoriasis en « gouttes » et papulose lymphomatoïde.

La présence d’un réarrangement clonal des gènes du TCR, rapporté dans quelques cas de parapsoriasis en « gouttes » et plus classiquement observé dans la papulose lymphomatoïde, constitue un argument supplémentaire pour situer ces deux maladies dans un même spectre pathogénique.

Traitement :

De nombreuses thérapeutiques ont été utilisées au cours du parapsoriasis en « gouttes » en raison des différentes hypothèses étiopathogéniques proposées.

Ainsi, différents antibiotiques ont été utilisés avec des résultats inconstants.

Les macrolides ont été largement prescrits, en particulier chez les enfants, du fait de leur bonne tolérance.

Des cas isolés de traitement par les tétracyclines, la pénicilline ou la rifampicine, sont retrouvés dans la littérature.

La dapsone aurait donné des résultats satisfaisants dans les deux formes aiguës et chroniques. Le méthotrexate a également été utilisé avec une certaine efficacité dans quelques cas de parapsoriasis ulcéronécrotique, ainsi que la pentoxifylline et l’acide niflumique.

La corticothérapie orale est réservée aux formes aiguës hyperthermiques, à la dose de 15 mg de prednisone/j.

Le traitement de référence reste la photothérapie. L’héliothérapie est classiquement efficace dans les formes papulosquameuses.

La PUVAthérapie est employée de manière superposable au psoriasis.

Les rémissions sont en général complètes avec toutefois rechutes possibles nécessitant une reprise du traitement.

La photothérapie à ultraviolets B (UVB) peut constituer une autre alternative.

En pratique, dans les formes bénignes, on proposera une héliothérapie voire une PUVAthérapie.

Les formes aiguës varioliformes relèvent d’une PUVAthérapie ; une corticothérapie orale ou un traitement par dapsone peut être indiqué selon l’intensité des signes généraux.

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