Panaris

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Le panaris est défini par une infection aiguë, primitive d’un doigt.

L’usage exclut les plaies négligées, les infections postopératoires et par voie hématogène.

Cette infection digitale intéresse les tissus cutanés et sous-cutanés et lorsqu’il existe une infection profonde, le terme est fonction du tissu atteint (ostéite, ostéoarthrite, phlegmon d’une gaine synoviale ou d’un espace celluleux…).

Diagnostic :

1- Examen clinique :

PanarisNous décrivons le tableau clinique le plus typique qui est celui du panaris périunguéal secondaire à une excoriation cutanée par inoculation de staphylocoque doré.

Il est habituellement diagnostiqué au stade de collection car la douleur est devenue intense, pulsatile et insomniante.

  • L’interrogatoire précise le terrain (sexe, âge, antécédents, tares, traitement, allergie).

Il précise le côté dominant, la profession et le mode de vie.

Il faut apprécier l’état de santé du patient à la recherche de facteurs favorisant le développement d’une infection par affaiblissement des défenses immunitaires : diabète, alcool, prise d’immuno-suppresseurs, corticothérapie au long cours, toxicomanie…

L’état de la vaccination antitétanique sera systématiquement vérifié et contrôlé sur le carnet de vaccination.

L’interrogatoire recherche une lésion à l’origine de l’inoculation (piqûre, plaie…).

  • L’inspection de la main précise la localisation exacte et recherche une porte d’entrée : le doigt est rouge, chaud, tendu.

La peau périunguéale est tuméfiée et soulevée par une poche blanchâtre tendue dont la palpation est impossible du fait d’une douleur intense, pulsatile et insomniante.

  • Il est essentiel de faire un examen complet à la recherche de complications par diffusion locale, régionale ou générale.
  • La réalisation d’une radiographie centrée de face et de profil est systématique pour rechercher des signes d’ostéo- arthrite (ostéolyse, pincement articulaire) ou la présence d’un corps étranger radio-opaque.
  • L’examen clinique palpe les culs-de-sac synoviaux.

Il recherche des signes de lymphangite et palpe les aires ganglionnaires.

La notion de frissons est recherchée et la température est prise.

2- Conduite à tenir :

Le diagnostic de panaris collecté est évident et la conduite à tenir univoque : hospitalisation en urgence ; patient laissé à jeun ; bilan préopératoire (groupe Rhésus et hémostase) et bilan biologique minimal qui permet de retrouver une hyperleucocytose modérée et de rechercher de principe un diabète méconnu ; apprécier l’état des vaccinations antitétaniques ; prévenir le bloc opératoire et l’anesthésiste de la nécessité d’opérer en urgence, une fois le patient à jeun (délai classique de 6 heures à respecter depuis la dernière ingestion de solides ou de liquides).

Formes cliniques :

Il existe de nombreuses formes cliniques en fonction de nombreux paramètres.

1- Stade de développement de l’infection :

  • Stade phlegmasique : le patient consulte pour un doigt légèrement inflammatoire avec une sensation désagréable de brûlure sans réelle douleur.

Cette sensation de cuisson n’est pas pulsatile et n’entrave pas le sommeil.

Elle correspond à une simple inflammation locale mal limitée.

Il n’y a aucun signe de diffusion locale, régionale ou générale.

Cette lésion débutante peut, soit rétrocéder spontanément ou avec l’aide d’un traitement médical sous stricte surveillance médicale, soit évoluer vers le stade de collection.

  • Stade de collection : le tableau clinique est celui décrit dans la forme typique avec une douleur lancinante, pulsatile et insomniante qui correspond à la collection infectée sous tension.

Il faut systématiquement rechercher des signes de diffusion locale, régionale ou générale.

Ce stade est irréversible et aboutit, en l’absence de traitement chirurgical, à des complications.

  • Stade de complications par diffusion : locale à la peau (fistulisation), à l’os et aux articulations (arthrite et ostéo-arthrite), aux espaces celluleux et aux gaines synoviales (phlegmons) ; régionale avec lymphangite et adénite (épitrochléenne et axillaire) ; générale avec bactériémie à l’origine de frissons et fièvre.

2- Localisation :

  • Topographie : panaris périunguéal ou sous-unguéal ; panaris pulpaire avec perte de la pseudo-fluctuation physiologique de la pulpe ; panaris à la face dorsale de P1 du doigt (panaris anthracoïde) qui correspond à un panaris centré sur un follicule pilo-sébacé réalisant l’équivalent d’un furoncle.

Il s’agit des localisations les plus habituelles mais un panaris peut se trouver sur n’importe quelle face palmaire, dorsale ou latérale d’un doigt dès lors qu’une inoculation a eu lieu.

  • Profondeur : panaris cutané, sous-cutané, ou mixte (bouton de chemise) : il faut distinguer les panaris superficiels développés dans le revêtement cutané, des panaris sous-cutanés.

Enfin, il existe une forme particulière intermédiaire réalisant le panaris en bouton de chemise qui se développe dans les plans cutanés et souscutanés avec une communication par un pertuis ; panaris avec envahissement des tissus adjacents : os, articulation, gaines synoviales ou espaces celluleux.

3- Bactériologie :

Les germes en cause sont, dans la très grande majorité des cas, les germes situés sur la peau du sujet qui, lors de l’inoculation par blessure, franchissent la barrière cutanée.

Tous les germes peuvent être retrouvés et s’associer mais si certains sont fréquents, d’autres sont rares et surviennent dans des conditions particulières : staphylocoque doré (70 %) du fait d’un portage physiologique (en particulier, en abondance dans l’appendice nasal) ; entérobactéries (20 %) ; streptocoque (10 %) avec une virulence particulière du fait d’une évolution rapidement nécrotique de l’infection.

Tous les autres germes peuvent être retrouvés mais ils sont rares et surviennent dans des conditions particulières comme

Pasteurella après morsure humaine ou animale, sur infection mycotique unguéale préalable par Candida albicans ou dermatophytes.

Rappelons que le pus est formé d’un ensemble d’éléments qui proviennent de la lutte antimicrobienne : débris cellulaires, polynucléaires altérés, macrophages détruits…

4- Cas particulier : panaris abâtardi par les antibiotiques

Un panaris collecté traité à tort par antibiothérapie isolée sans excision chirurgicale a une évolution torpide qui est le plus souvent méconnue car les signes cliniques sont amoindris alors que le processus infectieux persiste et se développe.

Localement, il existe un placard inflammatoire mal délimité avec parfois une suppuration traînante sans signes fonctionnels majeurs.

Les signes de diffusion locale, régionale ou générale sont masqués par l’antibiothérapie alors qu’il peut exister des destructions radiologiques, un début de phlegmon ou des destructions unguéales.

5- Cas particulier : le panaris après morsure

Les morsures humaines ou animales sont hautement septiques et réalisent une urgence infectieuse. L’excision de la porte d’entrée et des tissus avoisinants doit être chirurgicale et généreuse.

Une antibiothérapie dirigée contre les germes intracellulaires (Pasteurella…) doit être systématiquement prescrite (cyclines) pour éradiquer les agents microbiens intracellulaires.

Évolution :

Il est habituel de distinguer plusieurs tableaux cliniques en fonction de l’évolution en plusieurs stades : le stade d’inoculation, le plus souvent méconnu mais qui se caractérise par une douleur précise qui rétrocède rapidement ; il existe un intervalle libre jusqu’au stade suivant ; le stade phlegmasique ou inflammatoire qui correspond au développement des signes inflammatoires locaux (rougeur, chaleur, douleur, tumeur).

Les signes fonctionnels sont modérés et se résument à une sensation désagréable de brûlure mal systématisée.

Il n’y a pas de douleurs réelles et la gêne ressentie n’entrave pas le sommeil ; le stade de collection, l’infection a été circonscrite par les processus de défense de l’organisme.

Il existe une collection purulente.

La gêne a fait place à une douleur intense, pulsatile permanente qui est, caractère essentiel, insomniante.

L’examen clinique objective une collection bien limitée remplie de pus et dont la palpation est excessivement douloureuse voire impossible ; il faut alors rechercher des signes de diffusion du processus infectieux ; le stade des complications, car l’infection peut diffuser à la peau par fistulisation (ce qui peut être un mode de guérison spontané), aux tissus adjacents avec atteinte osseuse et (ou) articulaire (ostéite, ostéo-arthrite), envahissement des gaines (phlegmon), au système lymphatique (lymphangite, adénite), au système sanguin (septicémie avec frissons par décharge bactériémique et fièvre).

Traitement :

Quelles que soient les modalités du traitement, celui-ci doit amener une guérison immédiate, et tout retard à la guérison avec une évolution traînante (au-delà de 24 à 48 h) doit faire suspecter un traitement insuffisant ou une évolution torpide.

1- Stade phlegmasique :

Lorsque le panaris est diagnostiqué tôt au stade phlegmasique, il est possible de proposer un traitement médical avec des pansements à base d’antiseptique cutané (Hexomédine, Dakin…), une immobilisation relative par pansement et une antibiothérapie antistaphylococcique.

Le patient doit être surveillé quotidiennement et la guérison être obtenue dans les 48 h sinon le diagnostic doit être remis en cause et il faut craindre d’avoir méconnu un panaris déjà en voie de collection.

2- Autres stades d’évolution :

Au stade de collection et (ou) de diffusion (complications locales, régionales et générales), le traitement est chirurgical pour exciser les tissus infectés.

Le patient est opéré au bloc opératoire sous stricte asepsie.

L’intervention a lieu sous anesthésie générale et sous garrot pneumatique (après avoir simplement surélevé le membre pour diminuer le remplissage veineux mais sans avoir vidé le membre par une bande d’Esmarch pour éviter d’envoyer d’éventuels emboles septiques).

Il faut réaliser une excision de tous les tissus infectés, cutanés et sous-cutanés.

La réalisation d’une simple incision d’une poche collectée de pus est à proscrire car le risque est de laisser évoluer une infection à bas bruit et de méconnaître une diffusion de l’infection aux tissus adjacents.

Après excision chirurgicale, la plaie est laissée ouverte sur des tissus sains vivants et des pansements gras favoriseront la cicatrisation dirigée.

Lorsque le panaris est compliqué d’atteintes profondes, cette excision doit être étendue aux tissus infectés : synovectomie en cas d’atteinte des gaines synoviales, cartilagineuse et osseuse en cas d’ostéo-arthrite.

La réalisation de prélèvements bactériologiques doit être systématique.

En effet, si des complications surviennent, la connaissance de l’agent microbien sera utile pour adapter le traitement.

Dans les cas extrêmes d’infection digitale majeure compliquée sur des terrains débilités, une amputation digitale peut être nécessaire.

Le traitement doit être rapidement efficace et surveillé quotidiennement les premiers jours post-opératoires.

Le patient retrouve le sommeil dès la première nuit et dès le lendemain au premier pansement (à J1), la plaie est propre et bien vascularisée.

La cicatrisation se fait habituellement en 2 à 3 semaines.

La rééducation est débutée dès la cessation des phénomènes inflammatoires pour lutter contre l’enraidissement digital.

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