Otites séromuqueuses

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Définition :

L’otite séromuqueuse est une otite chronique caractérisée par l’inflammation et la métaplasie de l’épithélium d’oreille moyenne, et accompagnée par une collection liquidienne dans les cavités d’oreille moyenne sans signes ni symptômes d’infection aiguë.

Prévalence et épidémiologie :

A – PRÉVALENCE :

Otites séromuqueusesL’otite séromuqueuse est une affection de l’enfant, puisque l’immense majorité des patients est âgée de moins de 8 à 10 ans.

Sur une population occidentale, urbaine ou suburbaine, sans facteur de risque majeur (intubation nasotrachéale, fente vélaire…), la prévalence de la maladie est considérée comme étant de 0 % à la naissance, de 5 à 13 % à 1 an, de 11 à 20 % à 3 ans, de 13 à 18 % à 5 ans, de 6 % à 6-7 ans et de 2,5 % à 8 ans.

Les âges extrêmes que sont l’adulte et le nourrisson représentent respectivement 10 % et 20 % des cas.

La bilatéralité est la règle chez l’enfant puisque retrouvée dans 80 % des cas ; elle est d’autant plus fréquente que l’enfant est jeune, tandis que chez l’adulte, elle regroupe un tiers d’entre eux seulement.

Parmi les études de populations suivies sur une longue période, deux paraissent intéressantes à analyser, car leurs caractéristiques socioéconomiques sont proches des nôtres.

L’expérience de Tos au Danemark repose sur le diagnostic tympanométrique de l’otite séromuqueuse de nombreuses cohortes suivies à Copenhague pendant plusieurs années.

Il existe un pic de fréquence entre 1 et 2 ans, où environ 14 % des enfants testés ont une courbe plate.

Puis, la fréquence diminue progressivement jusqu’à l’âge de 6 à 7 ans, pour rejoindre celle d’une population adulte, soit environ 2 %.

Lors des contrôles effectués tous les 3 mois, la récupération spontanée d’une tympanométrie normale a été observée dans plus de 50 % des cas, ce qui doit rendre très critique pour apprécier l’efficacité d’un test thérapeutique.

Cette constatation justifie la référence médicale opposable (RMO), selon laquelle l’aérateur transtympanique n’est pas indiqué si les données de l’examen otoscopique et des examens complémentaires signant l’existence d’un symptôme anatomique et/ou fonctionnel ne sont pas documentées depuis plus de 2 mois.

Par ailleurs, si l’évolution des tympanométries avant l’âge de 1 an va surtout dans le sens d’une aggravation, à l’opposé, l’évolution favorable des tympanométries devient la règle au-delà de l’âge de 6 ans.

L’expérience de Casselbrant aux États-Unis repose sur un diagnostic d’otite séromuqueuse à la fois otoscopique et tympanométrique dans deux écoles de Pittsburgh.

Les résultats, concernant l’incidence, sont donnés en fonction de l’âge de scolarité, séparant le groupe des enfants âgés de 2 à 5 ans et celui des enfants âgés de 5 à 12 ans.

Soixante-six pour cent des enfants d’âge préscolaire ont eu au moins un épisode d’épanchement séromuqueux sur au moins une oreille, contre 22 % pour les enfants d’âge scolaire.

Un système de score a été élaboré pour permettre de séparer le nombre moyen d’épanchements : 5,9 pour le groupe préscolaire, et 1,73 pour le groupe scolaire (p < 0,001).

Cette étude note également que l’évolution spontanée de l’affection se fait vers l’amélioration, avec 60 % de guérison dans le mois et 80 % dans les 2 mois.

Ces considérations montrent aussi que le dépistage par tympanométrie ne peut être fiable que s’il est répété à plusieurs semaines d’intervalle.

B – ÉPIDÉMIOLOGIE :

L’otite séromuqueuse est une affection multifactorielle où de nombreux paramètres s’intriquent pour induire et pérenniser la maladie.

Le risque ne paraît pas être le même pour tous les patients.

1- Facteurs d’environnement :

* Climat :

L’influence climatique est particulièrement illustrée par l’étude de Casselbrant : en septembre, 80 % des enfants de moins de 5 ans ont un examen normal, contre 45 % au mois de janvier.

De même, 90 % des enfants porteurs d’une otite séromuqueuse ont développé un épanchement au mois de février.

Cette recrudescence saisonnière peut être expliquée par la fréquence des infections, surtout chez les enfants d’âge préscolaire : au cours d’une infection des voies respiratoires supérieures, 32 % des enfants présentent une otite séromuqueuse au moins d’un côté.

De même, le pic de fréquence hivernal des otites séromuqueuses correspond au pic de fréquence des otites moyennes aiguës.

Ces chiffres sont à mettre en rapport avec les facteurs pathogéniques.

Van Cauwenberge a démontré qu’en Belgique, la différence de prévalence entre hiver et été peut atteindre 60 %.

Ainsi, l’influence saisonnière est un facteur non négligeable à envisager, puisque la fréquence de l’otite séromuqueuse est plus grande entre octobre et mars avec, pour cette période, une durée moyenne de l’épisode otitique près de trois fois plus longue qu’en saison chaude.

* Conditions socioéconomiques :

Les résultats de l’évaluation du statut socioéconomique des parents comme facteur de risque d’otite séromuqueuse sont surprenants.

Dewey a suivi une cohorte de 1 560 enfants âgés de 8 mois au moment de l’inclusion jusqu’à un âge de 43 mois. Un examen tympanométrique a été mené tous les 3 mois, et le diagnostic d’otite séromuqueuse était posé pour un tympanogramme de type B bilatéral.

Le diagnostic était moins fréquent chez les enfants de moins de 2 ans ayant un statut économique bas.

Le rôle de l’antibiothérapie systématique au cours d’otites dans les pays développés, comme facteur favorisant l’apparition d’une otite séromuqueuse, bien que largement repris par de nombreux auteurs, n’a pas encore été complètement démontré.

* Mode de vie :

Le mode de garde des enfants et le contact avec des frères et soeurs conditionnent directement la fréquence des épisodes d’otite séromuqueuse.

Dewey a clairement démontré que la présence de plus de quatre enfants à domicile et la fréquentation d’une garderie formaient, par leur association, un facteur de risque chez l’enfant de moins de 3 ans.

Le tabagisme passif a été à la fois incriminé et « blanchi » dans des études récentes.

En réalité, ces travaux sont peu comparables, en raison des difficultés à déterminer des critères fiables de mesure pour ce type d’exposition.

Il en est de même de l’abus de narcotiques, d’alcool ou de tabac par la mère, au cours de la grossesse.

L’alimentation au sein est couramment admise comme étant un facteur préventif des infections en général.

Selon Engels, l’allaitement maternel protègerait de l’otite séromuqueuse pendant et après le sevrage.

Toutefois, le risque d’otite séromuqueuse augmenterait à distance du sevrage, proportionnellement plus par rapport aux enfants n’ayant pas bénéficié d’un tel allaitement.

Cette susceptibilité paradoxale s’expliquerait par un déficit relatif en immunoglobulines (Ig)A à l’arrêt de l’allaitement.

Dans l’étude de Dewey, aucune influence de l’allaitement maternel n’a été mise en évidence.

La prématurité et un faible poids de naissance sont deux facteurs de risque indépendants démontrés par Engels.

Pour cela, une étude prospective a permis de suivre durant 2 ans, 250 enfants inclus dans l’étude précocement après leur naissance.

Un suivi trimestriel par otoscopie et tympanométrie a été mené.

De basses concentrations d’IgG et d’IgA chez le prématuré et le nouveau-né de faible poids seraient responsables d’un risque majoré d’infections des voies aériennes supérieures, et par conséquent d’un risque plus important d’otite séromuqueuse.

2- Facteurs congénitaux :

La gravité des tableaux infectieux, c’est-à-dire la longueur des épisodes et leur fréquence, suggère la responsabilité de facteurs anatomiques, physiologiques ou immunologiques dans la dysfonction du tractus respiratoire supérieur, et particulièrement au niveau de la trompe d’Eustache et de l’oreille moyenne.

* Otite séromuqueuse et première année de la vie :

L’âge du premier épisode semble être actuellement un facteur pronostique de premier plan, mais les études épidémiologiques se heurtent aux problèmes méthodologiques du diagnostic de masse de cette affection sur cette population particulière.

Un enfant dont le premier épisode d’otite moyenne aiguë a lieu avant l’âge de 2 mois, a six fois plus de risques de développer des infections à répétition de l’oreille qu’un enfant dont le premier épisode a lieu à 18 mois.

* Sexe :

Il était classique de considérer que le garçon était plus exposé.

En réalité, si certaines études ont montré que ceux-ci ont, certes, une incidence plus précoce des pathologies de l’oreille, il n’existe au total aucune différence entre les sexes en matière d’otite séromuqueuse.

* Race :

Toutes les ethnies n’ont pas la même susceptibilité vis-à-vis de l’otite séromuqueuse.

Il semblerait que les sujets de race blanche soient plus exposés, non seulement à l’otite séromuqueuse mais également à toutes les pathologies de l’oreille, sans qu’il existe d’explication claire. Cette influence de la race n’est pourtant pas certaine.

En effet, Casselbrant a étudié l’incidence de l’otite séromuqueuse, en examinant mensuellement jusqu’à l’âge de 2 ans une cohorte de 60 enfants de couleur blanche, et une cohorte de 134 enfants de couleur noire à Pittsburgh.

À l’âge de 2 ans, l’incidence cumulée d’otites séromuqueuses était de 86 % et de 85 % respectivement chez les enfants noirs et blancs.

Il n’y avait pas d’influence de race dans cette étude.

* Malformations congénitales :

Les enfants présentant un syndrome de Down (trisomie 21), une maladie de Crouzon, un syndrome d’Apert, une mucopolysaccharidose, sont les plus exposés à développer une otite séromuqueuse.

Chez ces enfants, l’otite a tendance à passer inaperçue à côté des autres handicaps associés, et à aggraver le déficit neurosensoriel dont souffrent beaucoup d’entre eux.

Les enfants porteurs d’une fente palatine sont également très exposés, et chez eux l’otite séromuqueuse est presque la règle.

La prévalence décroît légèrement avec l’âge, mais reste importante même après traitement.

Toutefois, l’épanchement n’est pas invariable dans le temps, ce qui suppose qu’il existe d’autres facteurs étiopathogéniques que les anomalies de la trompe d’Eustache.

Les cas présentant une division sous-muqueuse sont une population difficile à cerner et à surveiller, l’incidence de l’otite séromuqueuse serait estimée entre 35 et 80 % des cas.

* Facteurs allergiques :

Le rôle de l’allergie est discuté, car il est actuellement difficile d’établir une corrélation entre l’otite séromuqueuse et d’autres manifestations de l’allergie.

Récemment, Alles a étudié la prévalence de la rhinite atopique chez 209 enfants suivis pour otite séromuqueuse chronique ou récurrente.

La rhinite allergique avait une prévalence de 89 %, alors qu’elle est estimée à 20 % pour les enfants en général.

L’otite séromuqueuse apparaîtrait comme une complication d’une affection allergique.

De plus, il n’y a pas de marqueur biologique spécifique d’une otite séromuqueuse allergique, et la seule découverte d’IgE dans le liquide d’épanchement ne permet pas de conclure à une relation de causalité.

Ces immunoglobulines seraient présentes par transsudation passive, et non pas synthétisées localement.

* Reflux gastro-oesophagien :

Le reflux gastro-oesophagien (RGO) a été incriminé comme agent causal de l’otite séromuqueuse.

Le reflux gastrique refluerait dans l’oreille moyenne via la trompe d’Eustache lors du décubitus dorsal de l’enfant.

L’inflammation locale produite favoriserait une colonisation bactérienne secondaire et expliquerait l’otite séromuqueuse.

Selon cette hypothèse étiologique, Tasker a quantifié les concentrations de pepsine et de pepsinogène sur des prélèvements d’oreille moyenne de 54 enfants âgés de 2 à 8 ans et souffrant d’otite séromuqueuse.

Les concentrations de pepsine et de pepsinogène mesurées dans les sérosités étaient mille fois supérieures à celles relevées dans le sérum.

Des travaux immunohistochimiques préliminaires, réalisés sur des biopsies de muqueuse d’oreille moyenne, avaient permis d’éliminer l’hypothèse d’une synthèse locale de pepsine.

Le rôle favorisant, démontré dans ce travail, du RGO dans l’apparition ou l’entretien de l’otite séromuqueuse devrait rendre licite l’utilisation d’un traitement antireflux.

De nombreux facteurs pronostiques ont été individualisés, avec des conclusions parfois contradictoires. Les interactions entre plusieurs facteurs pronostiques sont encore plus difficiles à interpréter pour le clinicien.

L’étude de Rovers menée sur une cohorte initiale de 30 099 enfants nés entre 1996 et 1997 était révélatrice.

Dans ce travail prospectif ont été évalués de nombreux facteurs pronostiques de l’otite séromuqueuse tels le sexe, les antécédents d’otites moyennes aiguës, le nombre d’infections des voies aériennes supérieures, l’histoire familiale d’otite, la présence de frères plus âgés, la fréquentation d’une garderie, l’allaitement maternel, la prématurité, le tabagisme passif et l’atopie.

Quatre facteurs qui sont un nombre d’infections des voies aériennes égal ou supérieur à 4, la fréquentation de la garderie, l’histoire familiale d’otite et la présence d’une fratrie plus âgée, ont été corrélés à un risque d’otite séromuqueuse.

En l’absence de ces quatre facteurs pronostiques, la prévalence de l’otite séromuqueuse était de 0,3 %, alors qu’elle était de 5,5 % en leur présence.

De tels résultats résument les difficultés rencontrées pour discriminer des enfants qui développeront ou pas une otite séromuqueuse.

Étiopathogénie :

Si l’otite séromuqueuse reste un sujet d’actualité, c’est bien parce que de nombreuses questions sur le mécanisme de production de son épanchement restent sans réponse.

Parmi les nombreux travaux de ces dernières années, ceux ayant trait au rôle de l’inflammation et de la ventilation de l’oreille moyenne ont permis d’apporter quelques éclaircissements sur l’étiopathogénie de cette affection.

A – INFECTION BACTÉRIENNE :

De nombreux arguments sont en faveur d’un rôle prépondérant de l’infection bactérienne dans l’étiopathogénie de l’otite séromuqueuse.

Parmi eux, une étude menée par Gok en 2001 sur 37 liquides d’aspiration de 20 enfants âgés de 2 à 14 ans a objectivé une présence bactérienne dans plus de 94 % des cas, en utilisant une technique de polymérisation en chaîne (PCR : polymerase chain reaction) pour identifier l’acide désoxyribonucléique (ADN) bactérien d’Haemophilus influenzae, de Streptococcus pneumoniae et de Moraxella catarrhalis.

Dans la même étude, la positivité des cultures bactériologiques standards était notée dans 24,3 %.

La persistance ou la récidive d’un épanchement peuvent être dues à des interactions entre l’hôte et la bactérie, qui mettraient en jeu, d’une part les médiateurs de l’inflammation et dans ce cas les prostaglandines joueraient un rôle essentiel, d’autre part une réponse immunitaire qui potentialiserait les effets de cette réponse inflammatoire.

On note aussi, avec une grande fréquence, une identité des prélèvements bactériologiques au niveau de l’oreille moyenne et du pharynx, ce qui suggère que le passage des bactéries à l’intérieur de l’oreille moyenne peut se faire à la faveur d’un dysfonctionnement tubaire par anomalie anatomique, infection ou phénomène allergique.

Ce processus pourrait également être la conséquence d’une altération de la clairance mucociliaire de l’épithélium de l’oreille moyenne.

B – SYSTÈME IMMUNITAIRE LOCAL :

Sa participation paraît intéressante pour comprendre la physiopathologie de l’otite séromuqueuse.

Il a été démontré, dans les épanchements des otites séromuqueuses, l’existence d’une certaine quantité d’IgA sécrétoires, qui est la première ligne de défense immunologique de l’organisme contre l’invasion des microorganismes bactériens ou viraux.

Tout comme cela se passe au niveau des muqueuses nasale, digestive et des sécrétions salivaires, la présence de cette immunoglobuline sous-entend que l’acquisition de cette immunité locale au niveau de l’oreille moyenne est sous la dépendance de contacts antigéniques répétés.

Bien que le mécanisme d’action de cette immunoglobuline ne soit pas totalement défini, elle inhiberait l’adhérence bactérienne à la surface muqueuse de l’oreille moyenne, la préservant ainsi des colonisations bactériennes.

Mogi précise que la valeur moyenne du taux de cette immunoglobuline est plus importante dans les épanchements muqueux que séreux, ce qui lui permet de conclure que, si les liquides séreux sont un mélange de transsudation passive et de sécrétions normales, les liquides de type muqueux seraient plutôt un mélange de transsudation passive et de sécrétions locales activées.

C – VENTILATION DE L’OREILLE MOYENNE :

La trompe d’Eustache joue un rôle non négligeable dans les phénomènes de ventilation de l’oreille moyenne.

Il a été largement prouvé, expérimentalement et cliniquement, qu’une obstruction tubaire durable était responsable de troubles majeurs de l’oreille moyenne.

En réalité, il semble qu’il n’existe pas de facteurs univoques pouvant expliquer mécaniquement la genèse de l’otite séromuqueuse, car la mastoïde semblerait jouer aussi un rôle de réservoir aérien.

Il est, en effet, classiquement admis l’existence d’une faible pneumatisation mastoïdienne chez les patients porteurs d’une otite séromuqueuse.

L’intérêt que l’on peut porter à la physiopathologie de la mastoïde est double, d’une part scientifique, mais excessivement débattu, envisageant le degré de développement mastoïdien dans ses relations avec l’apparition du phénomène otitique, d’autre part chirurgical, quand on place l’antromastoïdectomie dans l’arsenal thérapeutique de l’otite séromuqueuse.

La composition des gaz, au sein des cavités de l’oreille moyenne, est différente de celle de l’air du rhinopharynx, et semble plutôt en équilibre avec la pression partielle des gaz du sang veineux, car liée à l’existence d’un gradient constant entre la pression partielle des gaz mastoïdiens et veineux.

Pour maintenir ce gradient, une certaine quantité de gaz est continuellement absorbée à travers la muqueuse.

Il a été démontré que cette fonction d’échange gazeux est altérée dans la moitié des oreilles ayant une otite séromuqueuse, et cette altération est corrélée à l’absence d’aération de l’oreille moyenne.

Or, le contrôle de la fonction équipressive est sous la dépendance de plusieurs phénomènes, dont deux sont bien connus : d’une part, une régulation lente par diffusion des gaz au niveau de la muqueuse de la mastoïde, d’autre part, une régulation rapide par ouverture tubaire contribuant à compenser les gaz absorbés.

Bien qu’il soit difficile de savoir si un défaut de pneumatisation mastoïdienne constituerait la cause ou, au contraire, la conséquence de l’otite séromuqueuse, l’absence rapide d’interface air-liquide dans les mastoïdes hypopneumatisées est source de dysrégulation gazeuse.

Il a ainsi été démontré qu’un traitement antibiotique était efficace sur la résolution de l’otite séromuqueuse en fonction de la mobilité tympanique persistante préthérapeutique évaluée par une otoscopie pneumatique.

Symptomatologie clinique :

L’otite séreuse est une affection protéiforme, caractérisée par une évolution fluctuante et par une extraordinaire latence qui peut la rendre totalement asymptomatique.

A – SIGNES CLINIQUES :

1- Hypoacousie :

L’otite séromuqueuse est la plus fréquente cause de surdité chez l’enfant.

Ce mode de révélation est habituel, quand l’oreille moyenne est occupée en quasi-totalité par l’épanchement liquidien.

Dans ce type d’expression, l’enfant augmente le volume sonore de la télévision ou de la radio, ne répond pas quand on l’appelle d’une pièce à l’autre, entend mal au téléphone, confond certains phonèmes et paraît même distrait à l’école.

C’est ainsi que toute modification du comportement d’un enfant doit alerter les parents et les enseignants, faire évoquer une hypoacousie et conduire à un examen otoscopique.

L’attention du milieu familial reste un facteur important dans la précocité de la découverte de l’affection.

Chez l’enfant plus petit, c’est un discret retard de langage qui attire l’attention, celui-ci étant toujours plus facilement dépisté chez un deuxième ou troisième enfant que chez un premier-né.

L’hypoacousie chez l’enfant est le plus souvent bilatérale, à l’inverse de l’adulte où elle semble le plus souvent unilatérale.

L’importance du déficit auditif est variable, la moyenne se situant pour Fria, à partir d’une étude réalisée sur 977 otites séromuqueuses, à 24,6 db pour les enfants avant l’âge de 2 ans, et à 27 db pour les enfants entre 2 et 12 ans.

Une autre étude a déterminé que la perte auditive est inférieure à 30 db dans 95 % des cas, et que seulement 5 % des enfants ont une perte supérieure à 40 db.

Ceci explique les retentissements différents de la maladie sur le langage et son acquisition.

On estime qu’une hypoacousie bilatérale supérieure à 30 db peut entraîner des conséquences dommageables sur le développement du langage et les acquisitions scolaires de l’enfant.

En dessous de ce seuil, ou bien en cas d’hypoacousie unilatérale, il n’existe pas de conséquence fâcheuse.

L’hypoacousie est particulière pour sa variabilité dans le temps.

Certains jours, l’enfant semble bien entendre, d’autres jours il fait tout répéter, ce que les parents rapportent comme une certaine distraction ou simulation.

Parfois, l’audition varie suivant la position de la tête, le patient entendant souvent mieux en position allongée sur le côté opposé à celui de l’oreille atteinte.

2- Otalgie :

L’otalgie sans fièvre peut être un autre mode de révélation de l’otite séromuqueuse.

Il peut s’agir d’otalgies fugaces, durant quelques minutes ou quelques heures, en particulier au cours des rhinopharyngites.

Ces douleurs (il s’agirait plutôt de « blocage ou tension auriculaire ») peuvent réveiller l’enfant la nuit mais, bien vite, après un cri, un mouchage ou un bâillement, celui-ci se rendort instantanément.

Ailleurs, la persistance de ces douleurs doit faire penser à une surinfection de l’épanchement.

3- Otites moyennes aiguës récidivantes :

Des accès d’otites moyennes aiguës récidivantes peuvent révéler une otite séromuqueuse.

Ce tableau est très particulier au nourrisson, mais pour porter le diagnostic d’otite séreuse sous-jacente, il est indispensable d’examiner l’enfant en dehors de l’épisode d’otite moyenne aiguë.

4- Autres symptômes :

Concernant les autres symptômes, il arrive que les adultes et les grands enfants signalent une sensation d’oreille pleine, de bruit étouffé, de blocage, de liquide changeant de place, et de vertige.

Afin d’apprécier l’importance de ce dernier symptôme, Grace a comparé l’incidence des troubles de l’équilibre chez 154 enfants présentant une otite muqueuse, et chez 51 enfants ayant des oreilles saines, constituant le groupe témoin.

Cet auteur observe des symptômes allant du vertige vrai à l’ataxie légère chez 22 % des enfants souffrant d’otite séromuqueuse, alors qu’il n’en note aucun dans le groupe témoin.

Les périodes de déséquilibre correspondaient aux épisodes d’otalgie dans 64 % des cas, mais leur incidence n’augmente pas, que l’épanchement soit uni- ou bilatéral.

La mise en place d’aérateurs a permis la régression complète de la symptomatologie dans 85 % des cas.

Il convient donc de vérifier l’état tympanique de tout enfant alléguant des troubles de l’équilibre.

Enfin, peuvent être observés quelques cas de paralysies faciales, tous régressifs sous traitement médical antibiocorticoïde et paracentèse.

L’explication du mécanisme étiopathogénique pourrait certainement invoquer l’irritation d’un nerf à nu, dans une caisse du tympan très inflammatoire.

B – FACTEURS DE RISQUE ET ANTÉCÉDENTS :

Ils sont recherchés par l’interrogatoire.

En effet, indépendamment des facteurs climatiques, sexuels et de l’âge, le risque n’est pas le même pour tous les enfants.

Dans les antécédents des enfants porteurs d’une otite séreuse, on retrouve avec une plus grande fréquence que dans la population générale, la notion de prématurité, d’hypotrophie et de réanimation néonatale.

De même, sont recherchés les antécédents d’otite moyenne aiguë, car plus précoce aura été la première otite muqueuse aiguë, plus élevé est le risque d’otite séreuse. Un terrain allergique, individuel ou familial doit être noté.

Le mode de garde de l’enfant (domicile, crèche…) est précisé, ainsi que l’existence éventuelle d’un tabagisme passif. Les signes de reflux gastro-oesophagien sont systématiquement évoqués.

Le mode de respiration de l’enfant est analysé, car une respiration par la bouche est considérée comme un facteur de risque d’otite séromuqueuse chez les enfants d’âge préscolaire.

Le ronflement n’est pas corrélé à un risque accru d’otite séromuqueuse.

Enfin, la notion d’irradiation du massif facial supérieur doit être toujours connue.

L’otoscopie et l’impédancemétrie font partie des examens de surveillance systématique des patients ayant subi une telle irradiation.

Examen clinique :

Il doit tenter de retrouver une cause, ou tout au moins des facteurs favorisants, à cette otite séromuqueuse.

On recherche une division vélaire ou vélopalatine, même dans sa forme sous-muqueuse, voire une luette bifide.

Chez ces enfants, même lorsque la fente a été fermée chirurgicalement, l’otite apparaît souvent très tôt, et peut se prolonger fort longtemps.

Les complications telles que les rétractions tympaniques, la perforation et le cholestéatome y sont assez fréquentes.

Les autres anomalies malformatives sont souvent évidentes dès l’examen (trisomie 21, maladie de Crouzon…).

À tout âge, la hantise d’une tumeur du cavum doit être présente à l’esprit, car l’otite séromuqueuse peut en être un mode de révélation.

Les tumeurs de la fosse infratemporale ou de l’apex pétreux peuvent, elles aussi, atteindre la trompe d’Eustache et avoir la même symptomatologie.

C’est dire la nécessité de réaliser une exploration de ces régions, clinique par une fibroscopie nasopharyngée, et radiologique, si nécessaire, par un examen tomodensitométrique ou imagerie par résonance magnétique (IRM) de la base du crâne.

Tout doute doit conduire à la pratique d’une biopsie muqueuse, qui pourra aussi révéler une maladie de système débutante.

Chez l’enfant, le rôle de l’hypertrophie adénoïdienne est controversé, mais celle-ci interviendrait par le biais notamment de l’infection. Dans tous les cas, l’examen du rhinopharynx doit bénéficier de la fibroscopie souple par voie nasale.

Le reste de l’examen oto-rhino-laryngologique (ORL) recherche un facteur de dysperméabilité nasale, comme l’hypertrophie des cornets ou la déviation septale.

McNicoll retrouve une association particulièrement fréquente entre l’otite séromuqueuse et une déformation au niveau de la suture ethmoïdovomérienne.

Les sinusites chroniques chez l’enfant sont des facteurs favorisants, tandis qu’il est surprenant de constater que les enfants mucoviscidosiques n’ont pas d’antécédents otitiques.

Enfin, un écoulement de liquide céphalorachidien dans la caisse du tympan, d’origine traumatique ou malformative, peut simuler en tout point une otite séromuqueuse.

Diagnostic :

Le diagnostic d’otite séromuqueuse est avant tout otoscopique.

L’examen audiométrique confirme le diagnostic, et surtout apprécie l’importance de la perte auditive.

A – OTOSCOPIE :

Au cours d’une otite séromuqueuse, le tympan est pratiquement toujours modifié.

Il est parfois considéré comme normal lors d’un examen rapide et sans grossissement, mais l’examen au microscope ou à l’optique, éventuellement complété par le spéculum pneumatique, montre toujours une anomalie.

Les modifications tympaniques portent sur sa couleur, sa texture et sa mobilité.

L’aspect le plus habituel est celui d’un tympan qui perd sa semitransparence, prend un aspect plus épais, comme oedématié.

Les reliefs restent cependant bien visibles, à la différence de ce que l’on observe dans les otites moyennes aiguës collectées.

Il existe presque constamment des vaisseaux radiaires à la périphérie de la membrane tympanique, dans la région adjacente au conduit auditif externe.

Pour interpréter correctement cet examen, il faut en avoir l’habitude, car l’otite séromuqueuse étant dans l’immense majorité des cas bilatérale chez l’enfant, on ne peut pas s’aider d’une comparaison avec le côté opposé.

Concernant les autres aspects de sa coloration, il est rare d’observer un tympan bleu.

Celui-ci est généralement le témoin d’une longue évolution avec constitution, dans les cavités de l’oreille moyenne, de granulomes à cholestérine, où s’accumulent des dépôts d’hémosidérine responsables de la couleur si particulière de l’épanchement.

Concernant l’épaisseur du tympan, un aspect très aminci, rétracté, atrophique, correspond aussi à une évolution ancienne.

La rétraction peut occuper toute la membrane, ou siéger dans sa partie postérosupérieure.

Cette situation, qui peut être un état séquellaire, peut aussi précéder le stade de la poche de rétraction, et évoluer vers les complications que sont l’otite adhésive et le cholestéatome.

Lorsque le tympan a encore gardé sa transparence, un ou plusieurs niveaux liquides, ou des bulles au sein même du liquide, peuvent être spontanément visibles.

L’étude des modifications de la mobilité du tympan part du principe que, si la membrane tympanique bouge peu ou pas sous l’effet de l’hyperpression, cela signifie que du liquide est présent dans la caisse de l’oreille moyenne.

Cette constatation mérite une certaine habitude, pour faire aisément la part entre une mobilité normale et des mouvements plus « paresseux » que la normale.

Concernant le type d’épanchement rétrotympanique, l’otoscopie ne permet pas toujours de faire la distinction entre les trois types séreux, muqueux et purulent.

B – EXAMENS AUDIOMÉTRIQUES :

L’impédancemétrie et l’audiométrie tonale permettent de confirmer le diagnostic et de connaître exactement l’importance de l’hypoacousie, ce qui est indispensable pour préciser les indications thérapeutiques.

1- Audiométrie tonale :

La surdité de transmission est d’intensité variable.

À partir d’une étude menée sur 977 enfants porteurs d’otite séromuqueuse, l’audiométrie tonale révèle une surdité de transmission de 27 db en moyenne sur le 500, le 1 000 et le 4 000 Hz, et de 20 db sur le 2 000 Hz.

La présence de niveaux hydroaériques ou de bulles paraît minorer l’atteinte auditive, avec un gain de 8 db en moyenne.

Chez le jeune enfant, pourtant le plus exposé à l’otite séromuqueuse, il n’est pas possible de faire un examen audiométrique aussi précis, au casque, à oreilles séparées, avec étude des seuils en conductions aérienne et osseuse.

Un bon élément de présomption est donné lors de la réalisation d’un réflexe d’orientation conditionné ou d’un cinéshow, par l’existence d’une courbe ascendante des graves vers les aigus.

Rappelons que l’otite séromuqueuse peut venir aggraver une surdité de perception préexistante et que, dans ce cas, le traitement de l’otite séreuse facilite toujours la réhabilitation de la surdité.

Selon l’American Academy of Pediatrics, l’évaluation auditive doit être réalisée, chez un enfant porteur d’une otite séromuqueuse depuis plus de 3 mois.

Avant 3 mois, l’évaluation auditive est optionnelle.

2- Tympanométrie :

Elle complète l’examen audiométrique pour orienter vers l’existence d’un contenu liquidien dans la caisse du tympan, et rapporter le déficit auditif à cette cause.

La classification des tympanogrammes acoustiques en trois classes (A, B, C) semble davantage utilisée, tout au moins en France, que celle en cinq types (I à V).

La courbe A correspond à un tympanogramme normal. Elle a une forme en « toit de pagode », une amplitude de quatre à 10 unités relatives, et se situe entre -200 et +200 mm d’eau.

La courbe de type As correspond à une diminution de l’amplitude traduisant une augmentation de la rigidité tympano-ossiculaire ; la courbe AD correspond à une augmentation de l’amplitude, et traduit une flaccidité de la membrane ou une rupture de la chaîne ossiculaire.

La courbe B correspond à un tracé plat traduisant une diminution importante de la mobilité tympanique.

Elle caractérise un épanchement, ou un tympan totalement rétracté. Naturellement, l’otoscopie a au préalable éliminé une perforation tympanique ou un bouchon de cérumen, qui peuvent donner le même type de courbe.

Le tracé est plus ou moins plat selon l’importance ou la viscosité de l’épanchement.

Une courbe pratiquement confondue avec l’axe des abscisses est la plus caractéristique de l’otite séromuqueuse constituée.

La courbe C correspond à une dépression importante dans l’oreille moyenne, au-delà de -100 mm d’eau.

L’amplitude du pic est variable.

Cet aspect est compatible avec un dysfonctionnement tubaire important et un tympan rétracté. Les dépressions inférieures à 300 mm d’eau peuvent donner un faux aspect de courbe plate car le pic, trop décalé vers la gauche, n’est plus visible.

Ces tracés correspondent souvent à un épanchement incomplet.

Tous les types de tympanogrammes peuvent être observés en cas d’otite séromuqueuse.

Cependant, la valeur prédictive positive de rencontrer une myringotomie positive est évaluée entre 49 % et 99 %.

Dans le cas extrême, seulement 50 % des tympanogrammes de type B peuvent être associés à une otite séromuqueuse.

En revanche, la valeur prédictive négative de la tympanométrie avoisine les 95 %, ce qui correspond à la probabilité d’une oreille moyenne saine si la courbe est de type A.

La possibilité d’un tympanogramme de type A dans cette pathologie reste difficile à expliquer.

Le liquide séreux ou muqueux est-il séquestré dans une partie de la caisse du tympan par des mésos naturels ou secondaires ?

Ceci laisserait à une zone assez large du tympan une compliance satisfaisante, et à une partie de la caisse du tympan une cavité aérique suffisante.

Il convient donc de rester prudent et de ne pas conclure trop rapidement, en cas d’otoscopie douteuse, à une absence d’otite séromuqueuse parce qu’un tympanogramme est de type A.

À l’inverse, la myringotomie peut s’avérer négative en cas de tympanogramme pathologique de type B.

Dans ce cas, il ne s’agit probablement pas d’otite séromuqueuse, mais plutôt d’otite cicatricielle ou de myringosclérose sévère. Ainsi, la comparaison du tympanogramme et du réflexe stapédien est d’un grand intérêt, principalement dans les types A et C.

L’absence d’enregistrement du réflexe stapédien ou la modification de sa dynamique augmentent l’apport diagnostique de la tympanométrie.

Classiquement, il n’existe aucune corrélation entre l’aspect du tympanogramme et l’importance de la surdité. Cependant, Renvall constate expérimentalement que le tympanogramme s’arrondit lorsque le liquide atteint le niveau du manche du marteau, et devient plat lorsque la cavité est remplie de liquide. Parallèlement, certains auteurs pensent que l’hypoacousie dépendrait de la quantité du volume liquide présent dans la caisse.

Ils concluent sur l’existence d’une corrélation entre le volume de l’épanchement, le type de courbe tympanométrique et le degré de perte auditive.

Ceci paraît particulièrement intéressant chez les nourrissons et chez les enfants non coopérants, où l’audiométrie tonale est impossible.

À l’inverse, d’autres auteurs notent l’absence de corrélation exacte entre l’audiogramme et l’impédancemétrie.

En effet, il n’est pas rare d’observer des impédances plates avec un audiogramme normal.

D’autres facteurs doivent être pris en considération, tels que la viscosité de l’épanchement, l’épaisseur de la membrane tympanique, la position de la tête durant l’examen.

Par ailleurs, l’anesthésie générale peut modifier la tympanométrie.

Ainsi, lorsque le diagnostic d’otite séromuqueuse est établi et la mise en place d’un aérateur transtympanique décidée sous anesthésie générale, le protoxyde d’azote a tendance à créer une surpression endotympanique et une ouverture passive de la trompe d’Eustache, susceptibles de négativer la tympanotomie et de modifier le tympanogramme.

Il en découle que la décision de mettre en place un aérateur doit être prise avant l’intervention.

Étant donné sa rapidité, son objectivité et sa fiabilité, quelle est la place de l’impédancemétrie dans le dépistage de l’otite séromuqueuse ?

Elle a comme limite essentielle de n’analyser une situation donnée qu’à un moment déterminé.

Elle ne tient pas compte de la guérison spontanée de la maladie séromuqueuse fréquente chez le jeune enfant, puisque comprise entre 50 et 84 % selon l’âge.

Elle ne permet pas, parmi tous les tympanogrammes pathologiques, de dépister les 4 à 5 % des enfants qui évolueront vers une otite moyenne chronique.

Cette limite fait considérer le dépistage de l’otite séromuqueuse par un examen tympanométrique annuel ou biannuel, hormis son intérêt statistique, comme peu utile et onéreux sur le plan de la santé publique. Pour être efficace, le dépistage doit être répétitif et régulier, comme il est réalisé dans les pays scandinaves.

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