Ostéomalacies

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Rappels physiologiques :

A – MÉTABOLISME DE LA VITAMINE D :

La vitamine D circulante a deux origines : exogène alimentaire et endogène par synthèse cutanée à partir d’un précurseur.

Pendant l’exposition solaire de la peau, le 7-déhydrocholestérol (ou provitamine D3) est transformé par les rayons ultraviolets B (UV B) (290-315 nm) en prévitamine D3 qui est secondairement isomérisée en vitamine D3 (cholécalciférol).

OstéomalaciesLa vitamine D3 passe dans le sang circulant, transportée jusqu’au foie grâce à une protéine porteuse la vitamin D-binding protein (VDBP).

La mélanine est un excellent écran solaire et entre en compétition avec le 7-déhydrocholestérol pour les rayons UVB.

Ainsi, les sujets à peau foncée nécessitent plus de temps pour synthétiser de la vitamine D3 que les sujets à peau claire.

La quantité de 7-déhydrocholestérol stockée dans la peau diminue avec l’âge, ce qui induit une nette diminution de la synthèse cutanée de vitamine D3 au cours du vieillissement.

La vitamine D d’origine cutanée représente la majeure partie de la vitamine D circulante.

Ceci explique le fait que les taux circulants de vitamine D varient selon les saisons et la latitude, donc le degré d’ensoleillement.

La vitamine D3 (cholécalciférol) d’origine alimentaire est présente dans les poissons gras (thon, saumon, maquereau) ou leurs produits dérivés et la vitamine D2 (ergocalciférol) est contenue dans les levures et les plantes.

Elles n’ont aucune différence d’activité biologique. En France, l’alimentation n’apporte en moyenne que 120 à 200 UI/j (3-5 mg/j) alors que les besoins sont de 400 à 800 UI/j.

L’apport alimentaire devient crucial lorsque l’exposition solaire est insuffisante (confinement lié à l’âge ou à des habitudes culturelles, climat, pollution, pigmentation cutanée, crèmes antisolaires, crainte du mélanome…).

Comme les vitamines A, E et K, la vitamine D est liposoluble et nécessite un apport en graisse par l’alimentation pour être absorbée par l’intestin, d’où la possibilité de développer une ostéomalacie à l’occasion de malabsorption digestive et de stéatorrhée.

Dès qu’elle arrive dans le foie, la vitamine D3 est hydroxylée en position 25 par la 25-hydroxylase-cytochrome P 450 et ainsi transformée en 25-OH-vitamine D ou calcidiol.

L’activité de cette enzyme hépatique n’est pas régulée de façon précise, ce qui fait de la 25-OH-vitamine D est la forme de stockage et celle que l’on dose pour apprécier un état de carence ou d’intoxication.

Elle est transportée par la circulation générale jusqu’au rein où elle est hydroxylée en position 1 et transformée par la 25-hydroxyvitamine D-1-alpha hydroxylase en 1,25 (OH)2 vitamine D ou calcitriol. Tout récemment, il a été montré que la 25-OH-vitamine D, liée à sa protéine porteuse (VDBP) était filtrée par le glomérule et réabsorbée par les cellules tubulaires grâce à un récepteur appelé mégaline qui permet l’endocytose du complexe vitamine D/VDBP.

Les souris dont le gène de la mégaline a été invalidé (knock-out) sont alors incapables de transformer la vitamine D3 en métabolite actif et présentent donc une ostéomalacie.

Le rein est à l’origine de l’essentiel du calcitriol circulant, néanmoins certaines cellules de l’organisme, telles que les monocytes, les kératinocytes ou les cellules placentaires, produisent du calcitriol dont la place dans l’homéostasie calcique est inconnue.

Lors d’une baisse de la calcémie, la 1-alpha-hydroxylase rénale est stimulée par la parathormone (PTH) dont la sécrétion est induite par l’hypocalcémie.

Le calcitriol ainsi formé est à son tour un puissant inhibiteur de la synthèse de l’acide ribonucléique messager (ARNm) de la prépro-PTH (rétrocontrôle négatif).

L’hyperphosphatémie diminue l’activité de la 1-alpha-hydroxylase rénale.

La 25-OHvitamine D peut être également hydroxylée en 24 dans le rein par une 24-hydroxylase.

La 24,25 (OH)2 vitamine D ne semble pas jouer de rôle physiologique dans l’homéostasie calcique. Le calcitriol est par la suite métabolisé dans ses tissus-cibles.

Son mode d’action est double.

La vitamine D est avant tout une hormone stéroïdienne.

Comme les oestrogènes ou le cortisol, elle traverse la membrane plasmique et se fixe sur un récepteur spécifique (VDR) qui a une affinité plus de 1 000 fois supérieure pour le calcitriol que pour la 25-OH-vitamine D alors que le taux de 25-OH-vitamine D circulante est 1 000 fois supérieur à celui du calcitriol.

De ce fait, la 25-OH-vitamine D était, encore il y a peu de temps, reconnue comme biologiquement inactive.

Néanmoins, des données récentes font soulever l’hypothèse d’une activité biologique propre de la 25-OH-vitamine D, indépendante du calcitriol.

En effet, après avoir étudié l’effet des métabolites de la vitamine D sur l’absorption digestive du calcium (45Ca) chez des sujets sains, Heaney et al montrent que l’efficacité biologique de la 25-OH-vitamine D n’est que de 100 fois inférieure à celle du calcitriol et concluent qu’un taux physiologique de 25-OHvitamine D circulante explique à lui seul un huitième de l’absorption digestive du calcium.

Une fois formé dans la cellule, le couple VDR-vitamine D s’hétérodimérise avec le récepteur X aux rétinoïdes, passe la membrane nucléaire, et va se fixer sur les séquences promotrices de l’acide désoxyribonucléique (ADN) de gènes-cibles tels que celui de la calcium binding protein (Ca BP) intestinale et réguler ainsi la transcription de leur ARNm.

Grâce à cette action dite « génomique » la vitamine D stimule l’absorption intestinale du calcium, notamment au niveau du duodénum.

Elle accroît également l’absorption du phosphate au niveau du jéjunum et de l’iléon.

Les cellules osseuses possèdent des récepteurs de la vitamine D.

Le calcitriol participe à la différenciation ostéoclastique.

Chez les ostéoblastes, la vitamine D stimule la synthèse de molécules de matrice extracellulaire comme l’ostéocalcine et l’ostéopontine, ainsi que de certaines cytokines.

En revanche, bien que la vitamine D soit indispensable à la minéralisation de la matrice osseuse synthétisée par les ostéoblastes puisqu’elle permet l’absorption intestinale des minéraux, son rôle actif dans le processus de minéralisation n’est pas démontré.

On décrit également une action « non génomique » de la vitamine D dont la place dans l’homéostasie calcique est encore mal précisée.

En effet, la vitamine D est capable d’induire dans ses cellules-cibles l’activation des voies de transduction du signal ne passant pas par son récepteur nucléaire.

B – RAPPELS DE PHYSIOLOGIE OSSEUSE :

L’os est le siège d’un constant renouvellement appelé remodelage osseux.

Il est sous la dépendance de cellules ostéoformatrices, les ostéoblastes, et de cellules qui résorbent la matrice osseuse minéralisée : les ostéoclastes, dont les activités sont couplées dans le temps et dans l’espace.

Ainsi, le remodelage osseux s’effectue selon une séquence bien décrite.

Après une phase d’activation, une « unité de remodelage » naît à la surface d’une travée sous la forme, dans un premier temps, d’un groupe d’ostéoclastes qui vont résorber la matrice osseuse.

Après une phase transitoire dite de « réversion », une équipe d’ostéoblastes prend place au sein de la lacune formée précédemment par les ostéoclastes et appose un tissu essentiellement collagénique appelé tissu ostéoïde (OT).

La vitesse de cette apposition varie dans le temps : rapide au début (2 à 3 µm/j), elle se ralentit de façon progressive jusqu’à la fin de la phase de formation.

La morphologie des ostéoblastes suit ce changement : ils sont cuboïdes et riches en organites de synthèse au début et s’applatissent à mesure que la lacune se remplit jusqu’à devenir des cellules bordantes.

Après un laps de temps de 15 à 30 jours chez l’homme adulte sain, cette matrice se minéralise par déposition progressive de cristaux d’apatite de calcium au sein des fibres de collagène.

La vitesse de minéralisation (MAR) est elle aussi très rapide au début de cette phase, puis diminue peu à peu.

Elle est en moyenne de 0,72 µm/j et ne semble pas diminuer avec l’âge.

Au terme d’une séquence de remodelage chez un sujet sain, le bilan tissulaire est nul et la lacune creusée par les ostéoclastes est comblée par de la matrice minéralisée formant ainsi une unité structurale ou ostéon.

La durée totale de la période de formation est de l’ordre de 150 jours chez l’adulte sain.

Une partie du remodelage osseux peut être mesurée de façon très précise grâce à l’histomorphométrie osseuse quantitative (pour revue).

Elle s’effectue sur une biopsie osseuse réalisée sur la crête iliaque, près de l’épine iliaque antérosupérieure, avec un trocart de 8 mm de diamètre interne.

Avant la biopsie, on a pris soin de donner au patient du chlorhydrate de tétracycline (25 mg/kg/j).

La tétracycline se dépose à la jonction entre tissu ostéoïde et tissu minéralisé appelée « front de minéralisation » et a la propriété d’émettre une fluorescence jaune lorsqu’elle est observée en lumière UV.

Deux prises de tétracycline réalisées à 15 jours d’intervalle entraînent la présence de deux marquages fluorescents sur les travées, correspondant à la progression du front de minéralisation entre les deux prises de tétracycline.

Après inclusion et coloration des coupes, les paramètres mesurés sont statiques et dynamiques (ne sont décrits ici que les paramètres de formation nécessaires au diagnostic de l’ostéomalacie, les noms entre parenthèses correspondent à la nomenclature internationale).

1- Paramètres statiques :

Les surfaces ostéoïdes (OS/BS) représentent le pourcentage de surfaces osseuses trabéculaires recouvertes de tissu ostéoïde.

Leur étendue varie avec l’âge et le sexe (N < 20 %) et dépend d’une part, du délai de minéralisation (mineralization lag time [MLT]) et d’autre part, du nombre d’unités de remodelage en activité au moment où la biopsie a été réalisée.

L’épaisseur moyenne du tissu ostéoïde (OT) qui dépend à la fois de la vitesse à laquelle les ostéoblastes apposent la matrice collagénique et de la vitesse avec laquelle cette matrice est minéralisée.

Dans l’os normal, cette épaisseur varie sur une coupe, d’une bordure ostéoïde à l’autre, selon que la coupe passe par une zone de l’ostéon où l’apposition est en pleine activité (10-15 µm) ou en train de s’achever (4-6 µm).

L’épaisseur moyenne normale (mesurée sur tous les liserés ostéoïdes de cinq coupes non séquentielles) est inférieure à 13 µm.

Le volume ostéoïde (OV/BV) est le pourcentage d’os trabéculaire occupé par du tissu ostéoïde.

Il dépend à la fois des surfaces ostéoïdes et de l’épaisseur des liserés ostéoïdes.

Il est inférieur à 5 %.

2- Paramètres dynamiques :

La vitesse de minéralisation (MAR) est la distance moyenne entre deux marquages de tétracycline (N = 0,72 ± 0,12 µm/j).

Les surfaces en cours de minéralisation (MS/BS) est le pourcentage de surfaces osseuses trabéculaires présentant au moins un marquage à la tétracycline.

Leur étendue varie avec l’âge et le sexe.

Le délai de minéralisation (MLT) est le nombre de jours entre l’apposition ostéoïde et le début de la minéralisation qui, normalement, est de 24 ± 7 jours.

Il est calculé selon la formule :

MLT = OT / [(MS/BS / OS/BS) × MAR]

Ainsi, un accroissement du MLT (= augmentation) induit une accumulation ostéoïde (= augmentation de OT et de OV/BV)…

Le taux de formation osseuse (BFR/BS) représente la quantité de tissu osseux minéralisé apposée par unité de surface de tissu osseux et par jour :

BFR/BS = (MS/BS × MAR)/100 en µm3/µm2/j

L’ostéomalacie est caractérisée par une accumulation de tissu ostéoïde liée à un défaut de minéralisation associés à une diminution du taux de formation osseuse.

Le diagnostic histologique repose donc sur l’augmentation de l’épaisseur et du volume ostéoïde et l’allongement du MLT.

Dans les ostéomalacies florides (OV/BV à 20-30 % et MLT > 100 jours), le diagnostic est évident au premier coup d’oeil.

En revanche, dans les ostéomalacies débutantes ou les formes focales, seule la quantification précise peut faire le diagnostic.

C’est dans ces formes que la biopsie trouve tout son intérêt.

Signes cliniques :

Les manifestations cliniques de l’ostéomalacie sont d’intensité variable, dépendent de sa cause et de l’âge auquel elle survient.

On retrouve les symptômes classiques : des douleurs osseuses diffuses, souvent en rapport avec des fractures ou fissures, et la faiblesse musculaire liée à la myopathie proximale caractérisée par une nette difficulté à la marche.

La classique démarche dandinante (penguin gait des Anglo-Saxons) peut être le fruit de l’association de la myopathie et de l’atteinte osseuse du bassin ou des fémurs, et caractérise toujours des ostéomalacies sévères. Chez le sujet âgé, les signes cliniques d’ostéomalacie peuvent être discrets ou bien sont proches de ceux de l’ostéoporose.

Les déformations sont observées lorsque la maladie s’est installée dans l’enfance ou l’adolescence, ou chez l’adulte jeune.

A – DOULEURS OSSEUSES ET FRACTURES :

Les douleurs osseuses sont souvent diffuses et symétriques, aggravées par la marche.

Elles siègent d’abord à la colonne lombaire, puis s’étendent au pelvis, aux hanches et aux côtes.

À l’examen clinique, la palpation des reliefs osseux, notamment la pression sternale, costale et la face antérieure des tibias, peut être douloureuse.

Ces phénomènes sont surtout observés dans les ostéomalacies liées à une carence en vitamine D, mais sont absents chez les patients atteints d’hypophosphatémie liée à l’X, probablement parce que les lésions corticales sont moindres.

Les fractures surviennent, d’une part, en raison de l’accumulation de tissu ostéoïde, et il est classique de dire que le risque fracturaire est atteint lorsque le volume ostéoïde est supérieur à 20 % si le volume trabéculaire osseux est normal, mais peut augmenter si les patients ont déjà perdu de l’os trabéculaire.

D’autre part, dans les ostéomalacies carentielles, l’hyperparathyroïdie secondaire augmente la porosité corticale et il en résulte une fragilité corticale accrue.

Les fractures sont plus proximales et plus nombreuses dans l’ostéomalacie que dans l’ostéoporose. Elles sont souvent spontanées et pas toujours symptomatiques.

Elles caractérisent surtout l’atteinte de l’adulte car, chez l’enfant, les os sont plus « mous » que fragiles et les déformations sont alors plus fréquentes.

Elles surviennent sur les branches ilio- et ischiopubiennes, aux côtes, au tiers supérieur du fémur mais aussi aux métatarsiens, au calcanéus et au tiers inférieur du tibia.

Certaines localisations évoquent fortement le diagnostic d’ostéomalacie telle que la fissure de l’omoplate ou la fracture de la diaphyse fémorale.

La fracture spontanée du sternum est essentiellement décrite lors d’ostéomalacies de l’adulte ou de myélomes.

Parfois, il peut néanmoins s’agir de fractures plus courantes telles qu’un tassement vertébral ou une fracture de l’extrémité supérieure du fémur, surtout si une ostéoporose est associée à l’ostéomalacie.

B – OSTÉOMALACIE ET FRACTURE DU COL DU FÉMUR :

Il est maintenant bien établi que la carence en vitamine D favorise la survenue d’une fracture du col du fémur et que la supplémentation en vitamine D de sujets carencés prévient une partie de ces fractures.

Cette augmentation du risque fracturaire chez ces sujets est majoritairement expliquée par l’hyperparathyroïdie secondaire qui accompagne la carence vitaminique et qui provoque une hyperrésorption ostéoclastique.

En revanche, la prévalence de l’ostéomalacie carentielle chez les patients présentant une fracture du col du fémur est très variable selon les séries et dépend de la population étudiée et des critères retenus par les auteurs pour le diagnostic histologique de l’ostéomalacie.

Elle varie de 16 % dans une étude scandinave, à 65 % dans une étude indienne, à moins de 2 % dans une étude portant sur 1 000 patients britanniques et à 16 % dans une autre étude anglaise où elle augmente avec l’âge (30 % d’ostéomalacies après 90 ans).

C – DÉFORMATIONS :

Dans des formes sévères, devenues exceptionnelles, on peut observer un thorax en « cloche » ou en « violon », un sternum en « carène », une forte perte de taille ou une déformation des membres inférieurs avec genu valgum ou varum.

La protrusion acétabulaire et la déformation du bassin, responsables de dystocie, sont l’apanage des séquelles de rachitisme sévère.

D – MYOPATHIE :

Son incidence dans l’ostéomalacie est estimée de 10 à 90 % selon que la maladie est détectée précocement ou non.

La sensation de faiblesse musculaire en est le symptôme initial le plus fréquent.

La sévérité de l’atteinte va d’un déficit musculaire uniquement décelable lors d’un examen clinique attentif, tel qu’un discret signe du « tabouret », à une extrême impotence fonctionnelle.

Le déficit musculaire est proximal et plus marqué aux muscles fessiers qu’aux fléchisseurs de hanche.

On ne note pas d’atrophie musculaire ni de fasciculation alors que le tonus peut être altéré.

Les réflexes ostéotendineux sont normaux ou vifs.

Les études histologiques montrent une diminution du diamètre des fibres musculaires avec une perte préférentielle des fibres de type II sans spécificité.

Les enzymes musculaires sont normales.

Les mécanismes de cette myopathie sont multiples.

Les données de la littérature suggèrent que, d’une part, l’excès d’hormone parathyroïdienne et, d’autre part, le déficit en vitamine D contribuent à l’altération de la fonction musculaire.

Les taux de calcium ou de phosphate sériques ne sont en revanche pas corrélés avec la sévérité d’une myopathie.

Néanmoins, il semble que l’hypophosphatémie puisse être en partie à l’origine de la myopathie puisque la déplétion phosphatée entraîne per se une myopathie qui disparaît à la correction de ce trouble métabolique.

Par ailleurs, il est maintenant largement établi que la cellule musculaire squelettique est une cellule-cible de la vitamine D et de ses métabolites, et il semblerait que le vieillissement diminue ses capacités de réponse à la vitamine D.

E – MANIFESTATIONS ARTICULAIRES :

1- Arthropathies :

Les arthropathies dégénératives des membres inférieurs, de type arthrosique, sont le fait de déformations survenues pendant la croissance et sont le plus souvent observées au cours de rachitismes vitaminorésistants.

2- Algodystrophie :

Venant ou non compliquer une fissure, elle peut être un mode de découverte d’une ostéomalacie.

Imagerie :

A – SIGNES RADIOLOGIQUES :

Lorsqu’elle est généralisée, une ostéomalacie se caractérise par une déminéralisation osseuse dont on dit classiquement que la trame osseuse a un aspect flou, cotonneux, de « mauvais cliché ».

On peut observer des vertèbres biconcaves multiples. La lésion la plus caractéristique, mais non pathognomonique, de l’ostéomalacie est la fissure ou strie de Looser-Milkmann.

Il s’agit d’une solution de continuité corticale apparaissant comme une zone claire étroite et bordée par un liseré de condensation, perpendiculaire à l’axe de l’os.

Leur localisation et leur caractère multiple et symétrique évoquent fortement le diagnostic d’ostéomalacie.

Elles sont situées sur les omoplates, les côtes, les branches pubiennes et l’extrémité supérieure du fémur.

Le cal de réparation est le plus souvent absent.

Dans d’autres cas, le type de fracture est plus banal et peut être facilement confondu avec une ostéoporose : tassement vertébral, fracture du col du fémur, fissure du calcanéus, du pilon tibial ou d’un métatarsien.

Le risque de fracture, qui augmente avec la quantité de tissu ostéoïde (non minéralisé donc peu résistant sur le plan biomécanique), est majeur si le volume ostéoïde est supérieur à 20 %.

On trouve parfois, dans les ostéomalacies très évoluées, des signes associés d’hyperparathyroïdie secondaire tels qu’une résorption des houppes phalangiennes et des érosions sous-périostées.

Les signes radiologiques des ostéomalacies vitaminorésistantes sont décrits.

B – SCINTIGRAPHIE OSSEUSE :

Les patients atteints d’ostéomalacie floride ont souvent, sur la scintigraphie, de multiples foyers d’hyperfixation, dont certains correspondent à des foyers de fissures ou de fractures en cours de consolidation.

Les fixations costales étagées et alignées, les fixations du bord interne des omoplates et des branches pubiennes de façon bilatérale et symétrique sont assez évocatrices.

À cet aspect peut se surajouter une image de « superscan » (augmentation diffuse de la fixation du traceur), liée à l’hyperparathyroïdie secondaire.

En l’absence de renseignements cliniques et biologiques, l’aspect de cette scintigraphie peut évoquer la présence de métastases osseuses multiples.

C – DENSITOMÉTRIE OSSEUSE :

Du fait de la diminution de la quantité de minéral au sein du tissu osseux, la densitométrie osseuse lombaire et fémorale, mesurée par DEXA, est le plus souvent très basse, avec un T-score nettement inférieur à -2,5 déviations standards (DS).

Signes biologiques :

Les signes biologiques observés au cours d’une ostéomalacie dépendent, bien sûr, de sa cause et de son stade d’évolution.

A – MÉTABOLISME PHOSPHOCALCIQUE :

L’hypocalcémie (< 2,2 mmol/L) est observée dans les ostéomalacies carentielles dans 60 à 70 % des cas selon les séries, mais n’est pas retrouvée lors de celles liées à un trouble du métabolisme du phosphate.

L’hypophosphatémie (< 1,0 mmol/L) est présente dans plus de 70 % des cas dans les ostéomalacies carentielles et est présente par définition dans celles liées à un trouble du métabolisme du phosphate.

L’hypocalciurie (< 2 mmol/j) est un signe précoce de carence en vitamine D, en l’absence d’insuffisance rénale.

Il est important de mesurer la calciurie des 24 heures qui reflète le mieux la réserve en calcium, alors que la calciurie à jeun reflète plutôt la résorption ostéoclastique.

Cependant, chez le sujet âgé, elle n’est par toujours facile à réaliser.

Cette hypocalciurie a deux origines : d’une part, la diminution de la quantité de calcium filtrée (due à une réduction de l’absorption intestinale du calcium) et, d’autre part, à une augmentation de la réabsorption tubulaire du calcium, conséquence de l’hyperparathyroïdie secondaire.

La diminution du taux de 25-OH-vitamine D circulante (inférieurs à 10 ng/mL) est constante dans les ostéomalacies carentielles, car la 25-OH-vitamine D est le meilleur reflet de la réserve vitaminique.

En revanche, le taux de calcitriol est bas ou normal selon les séries et, en pratique courante, son dosage est inutile si l’on suspecte une ostéomalacie carentielle.

L’hyperparathyroïdie secondaire n’est observée qu’en cas d’ostéomalacie liée à un trouble du métabolisme de la vitamine D.

Elle apparaît pour un taux de 25-OH-vitamine D qui n’est pas toujours inférieur à la normale.

Elle est liée, d’une part, à l’hypocalcémie et, d’autre part, à une action frénatrice moindre du calcitriol sur la synthèse d’ARNm de la pré-pro-PTH.

Elle aggrave l’hypophosphatémie car elle entraîne une diminution de la réabsorption tubulaire du phosphate et a une action délétère sur le tissu osseux en stimulant puissamment la résorption ostéoclastique.

B – PARAMÈTRES BIOCHIMIQUES DU REMODELAGE OSSEUX :

Malheureusement, peu de travaux ont été consacrés à l’apport des marqueurs biochimiques du remodelage osseux dans le diagnostic de l’ostéomalacie au niveau individuel.

Demiaux et al ont montré que l’ostéocalcine, marqueur de l’activité ostéoblastique, est deux fois plus élevée en moyenne dans un groupe d’ostéomalaciques par rapport à des témoins normaux.

Dans cette série, l’ostéocalcine est corrélée avec les paramètres ostéoïdes statiques (OS/BS et OV/BV), mais pas avec les paramètres dynamiques comme la vitesse de minéralisation ou le BFR/BS.

L’ostéocalcine est corrélée négativement avec le taux de 25-OH-vitamine D mais pas avec le taux de calcitriol.

Dans une autre étude, Hoshino et al ont comparé les taux de plusieurs marqueurs chez des ostéomalaciques et dans d’autres pathologies osseuses métaboliques (ostéodystrophie rénale, ostéoporose, hyperparathyroïdie primaire).

Il apparaît que les phosphatases alcalines sont plus discriminantes dans l’ostéomalacie que ne sont les taux d’ostéocalcine et de propeptide carboxyterminal du collagène de type I (P1CP).

Le P1CP a été trouvé élevé dans l’ostéomalacie par d’autres auteurs, mais avec de fortes variations individuelles pouvant peut être correspondre à des stades d’évolution différents de la maladie.

Les marqueurs de la résorption sont augmentés quand il existe une hyperparathyroïde secondaire.

Signes histologiques :

Le diagnostic histologique de l’ostéomalacie est attribué à Pommer, un anatomopathologiste allemand du XIXe siècle qui le premier a pu la différencier de l’ostéoporose.

L’ostéomalacie est définie histologiquement par une accumulation de tissu non minéralisé (tissu ostéoïde), due à un défaut de la minéralisation osseuse.

Ainsi, le diagnostic histologique de l’ostéomalacie ne peut se faire que si l’on pratique une analyse de l’os non décalcifié qui, grâce aux colorations spécifiques, permet de quantifier le tissu ostéoïde.

Le diagnostic d’une ostéomalacie se fait sur un faisceau d’arguments cliniques biologiques et parfois radiologiques.

Néanmoins, il est parfois nécessaire de réaliser une biopsie osseuse afin d’affirmer ce diagnostic, notamment dans les cas complexes dans lesquels les signes biologiques sont difficilement interprétables comme dans l’ostéodystrophie rénale.

Avant que la technique d’histomorphométrie osseuse quantitative soit répandue et relativement normalisée, on pouvait faire le diagnostic histologique en comptant le nombre de lamelles formant un liseré ostéoïde qui est normalement inférieur à quatre.

Néanmoins, seul un double marquage de l’os par la tétracycline, réalisé avant la biopsie osseuse, permet d’affirmer le trouble de la minéralisation.

En effet, en l’absence de données histodynamiques, on ne peut que constater un état d’hyperostéoïdose, qui certes existe dans l’ostéomalacie, mais est rencontrée également lors de l’hyperparathyroïdie ou de la maladie de Paget, dans lesquelles l’augmentation des valeurs des paramètres de formation statiques est due à l’accroissement du nombre d’unités de remodelage en activité sans qu’il existe de trouble de la minéralisation.

Les critères diagnostiques histomorphométriques de l’ostéomalacie sont une augmentation de l’épaisseur des liserés ostéoïdes (OT) et une augmentation du volume ostéoïde (OV/BV) associées à un accroissement du MLT.

Cette augmentation du MLT est liée à une diminution de la vitesse de minéralisation et du rapport existant entre l’étendue des surfaces ostéoïdes et des surfaces en cours de minéralisation (MS/BS).

La vitesse de minéralisation peut être effondrée à tel point que les deux marquages de la tétracycline sont fusionnés.

La conséquence au niveau tissulaire est la diminution du taux de formation osseuse (BFR/BS).

Une diminution isolée de la vitesse de minéralisation, sans accumulation d’ostéoïde, n’est pas synonyme d’ostéomalacie.

On peut en effet la rencontrer dans l’ostéopathie adynamique observée au cours de l’insuffisance rénale, ce qui traduit une profonde dépression de l’apposition ostéoblastique.

Dans la préostéomalacie, on note des signes importants d’hyperparathyroïdie secondaire ainsi que dans les formes débutantes des ostéomalacies généralisées d’origine carentielle : les ostéoblastes sont nombreux et développés, ils synthétisent abondamment de la matrice, on note une augmentation des surfaces ostéoclastiques.

Dans la corticale, il existe une augmentation de la porosité liée à l’hyperostéoclastose.

Plus tard, on peut voir apparaître une tunnélisation des travées par les ostéoclastes, en revanche la fibrose péritrabéculaire est rare.

Dans les ostéomalacies sévères, il est possible d’observer des ostéoclastes en train de résorber de l’ostéoïde.

À ce stade, les ostéoblastes sont peu actifs, ils ont un aspect applati et ressemblent aux cellules bordantes.

L’étendue des surfaces marquées par la tétracycline diminue peu à peu jusqu’à disparition complète de tout marquage dans les formes les plus sévères.

Diagnostic :

Il se fait sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et radiologiques.

Dans les formes historiques, où tous les signes sont présents, une biopsie osseuse n’est pas nécessaire.

Dans d’autres cas, et notamment chez le sujet âgé, les signes cliniques et radiologiques peuvent parfois se confondre avec une ostéoporose et tous les signes biologiques ne sont pas présents.

À partir de données recueillies chez des patients atteints soit d’ostéoporose, soit d’ostéomalacie et ayant eu une biopsie osseuse, certains auteurs se sont attachés à combiner ces différents paramètres afin de créer un score diagnostique permettant d’exclure les ostéoporoses et les ostéomalacies certaines, et de réserver la biopsie osseuse aux formes dont les fractures sont de cause incertaine.

Ces études avaient de plus l’avantage de montrer que les signes biologiques cardinaux de l’ostéomalacie n’étaient pas toujours présents.

Il apparaissait que les signes biologiques les plus sensibles étaient l’hypocalciurie et l’augmentation des phosphatases alcalines et le signe biologique le plus spécifique mais le moins sensible était l’hypophosphatémie.

Étiologie :

A – OSTÉOMALACIES LIÉES À UN TROUBLE DU MÉTABOLISME DE LA VITAMINE D :

1- Manque d’exposition solaire et carence d’apport alimentaire en vitamine D :

L’anhélie ou absence d’exposition solaire est un facteur essentiel de l’ostéomalacie carentielle, car la vitamine D circulante est majoritairement d’origine cutanée.

Elle se surajoute souvent aux carences d’apports alimentaires en vitamine D, les populations à risque étant, sous nos climats, les immigrés à peau foncée vivant dans des conditions économiques précaires.

Cette situation a été particulièrement bien étudiée chez les immigrés asiatiques au Royaume-Uni, et notamment chez les Hindous qui, pour des raisons culturelles, sont parfois exclusivement végétariens.

En France, la carence en vitamine D a été étudiée. Dans une population d’adultes sains, une concentration en 25-OH-vitamine D inférieure à 12 ng/mL a été retrouvée chez 14 % des sujets.

Le taux de vitamine D circulante était corrélé à la latitude (donc au degré d’ensoleillement).

Chez les sujets âgés institutionnalisés qui, eux aussi, cumulent les facteurs de risque (défaut d’ensoleillement lié au confinement, altération de la synthèse cutanée de provitamine D due au vieillissement, diminution des apports alimentaires), il a été montré que 98 % des sujets avaient un taux de 25-OH-vitamine D inférieur à 10 ng/mL.

On retrouve parfois une carence en vitamine D chez les sujets suivant un régime strict, pauvre en graisses pour une hypercholestérolémie, et chez les religieuses cloîtrées qui combinent l’anhélie et, souvent, la restriction alimentaire.

Chez l’anorexique mentale, l’ostéomalacie est possible mais exceptionnelle bien que les apports alimentaires en vitamine D soient extrêmement réduits.

Cela est probablement dû au fait que l’ensoleillement est préservé chez ces patientes.

2- Malabsorption de la vitamine D :

Elle est liposoluble et nécessite par conséquent une absorption correcte des graisses, une surface intestinale suffisamment étendue pour permettre cette absorption et un métabolisme normal des sels biliaires.

Le diagnostic d’une malabsorption digestive de la vitamine D est difficile car il n’existe pas de test spécifique simple.

En effet, la mesure des taux plasmatiques de calcidiol après une dose de charge orale n’est pas fiable dans les maladies digestives.

La mesure du taux sérique de calcitriol n’est pas non plus utile car des cas d’ostéomalacie par malabsorption digestive, prouvés histologiquement, ont été décrits sans diminution de la 1-25 dihydroxyvitamine D circulante.

On décrit ainsi des cas d’ostéomalacie lors de malabsorption d’origine intestinale, la maladie coeliaque étant la cause la plus fréquente.

La diminution de l’absorption intestinale du calcium accélère souvent l’apparition d’un trouble de la minéralisation.

L’ostéomalacie est fréquente (50 à 70 % des patients selon les séries) et peut révéler la maladie car elle peut survenir en l’absence de stéatorrhée évidente.

Le dosage des anticorps antigliadine et des anticorps antiendomysiaux est donc très utile dans la détection des formes frustes et le diagnostic de cette maladie.

Sa guérison dépend alors d’un régime sans gluten.

Le déficit en vitamine D est fréquent au cours de la maladie de Crohn, mais les ostéomalacies sont plutôt décrites chez les patients ayant subi une résection intestinale ou traités par la cholestyramine.

Après un by-pass intestinal pour obésité il est fréquent d’observer une diminution du taux de calcidiol dans l’année qui suit la chirurgie.

Une ostéomalacie est présente dans 4 à 15 % des cas selon les séries.

La gastrectomie, surtout large, est aussi une cause de moins en moins fréquente de malabsorption vitaminique D car ces interventions sont plus rarement pratiquées.

L’ostéomalacie apparaît au moins 5 ans après l’intervention.

La pullulation microbienne dans l’anse borgne intestinale induisant une inactivation de la lipase, ainsi qu’une diminution de l’activité des sels biliaires contribuent à l’éclosion d’une ostéomalacie.

Des signes biologiques d’insuffisance vitaminique D doivent être cherchés chez tout gastrectomisé, le signe le plus précoce semblant être l’élévation des phosphatases alcalines.

Néanmoins, dans une autre étude comprenant une évaluation histomorphométrique osseuse chez 68 patients gastrectomisés dont 18 % d’ostéomalaciques, les auteurs insistent sur le caractère limité de l’apport des marqueurs sériques pour le diagnostic puisque six patients ostéomalaciques présentaient une calcémie et des phosphatases alcalines normales.

L’ostéomalacie est rare mais possible dans la pancréatite chronique, surtout si elle entraîne une stéatorrhée.

3- Altération de l’hydroxylation en 25 de la vitamine D :

La plupart des maladies hépatiques entraînent plutôt une ostéoporose ou une ostéopénie à turn-over osseux bas (cirrhose biliaire primitive, cirrhose alcoolique, etc).

Néanmoins, quelques cas d’ostéomalacie associée à des maladies hépatiques sont rapportées.

Le trouble du métabolisme de la vitamine D est d’origine multiple et ne peut se résumer à une altération de l’activité de la 25-hydroxylase hépatique. Dans la cirrhose biliaire primitive, l’ostéomalacie est surtout liée à un défaut d’absorption des graisses induit par le déficit en excrétion de sels biliaires.

Chez l’éthylique chronique, la dénutrition et la carence d’apports alimentaires en vitamine D est fréquente, mais l’ostéopathie la plus fréquente est une ostéoporose avec, sur le plan histologique, une augmentation des surfaces de résorption liée à une hyperparathyroïdie secondaire.

Dans l’insuffisance hépatique, on note une diminution de la synthèse de la protéine porteuse de la vitamine D (VDBP) qui contribue néanmoins très faiblement à la diminution du taux de 25- OH-vitamine D circulante car la VDBP est très peu saturée (< 5 %).

De plus, une insuffisance hépatique sévère au point de conduire à une diminution de la 25-hydroxylase provoque souvent le décès du patient bien avant qu’il ait eu le temps de développer une ostéomalacie. Un seul cas de déficit génétique de l’activité de la 25-hydroxylase hépatique est à ce jour rapporté.

4- Déficit en 1-alpha-hydroxylase rénale :

Il existe un déficit génétique de l’activité de la 1-alpha-hydroxylase rénale de type autosomique récessif (mutation localisée sur le chromosome 12q13-14) appelé rachitisme vitaminodépendant de type I ou rachitisme pseudocarentiel de Prader.

Il se manifeste très tôt au cours des 6 premiers mois de la vie et se caractérise par une hypocalcémie, une hypophosphatémie et une hypocalciurie associées à un taux de 25-OH-vitamine D circulante normal ou élevé et un taux de calcitriol effondré.

L’activité de la 24-hydroxylase est en revanche normale. Ces sujets sont insensibles au traitement par le calcidiol et guérissent sous calcitriol.

Dans l’insuffisance rénale chronique, la réduction néphronique entraîne une diminution du taux de calcitriol à partir d’une clairance de la créatinine inférieure à 50mL/min et peut donc conduire à une ostéomalacie.

L’incidence de l’ostéomalacie dans l’ostéodystrophie rénale est mal connue, varie selon les séries et dépend surtout de la charge des patients en aluminium, qui peut induire à lui seul une ostéomalacie pour des raisons indépendantes de la baisse de calcitriol.

Le plus souvent, elle s’associe à des lésions d’hyperparathyroïdie secondaire dans le cadre d’une ostéopathie mixte.

Rapporter une ostéomalacie chez l’insuffisant rénal à un déficit en calcitriol impose l’élimination des autres causes : l’acidose, la carence d’apport en vitamine D, la déplétion phosphatée par excès de chélateurs des phosphates.

5- Accélération du catabolisme de la vitamine D :

La vitamine D non utilisée et non stockée est catabolisée par le foie par une série d’oxydations conduisant à la formation de métabolites non actifs dont le métabolite terminal, l’acide calcitroïque.

Les enzymes hépatiques responsables de cette dégradation peuvent être stimulées essentiellement par les anticonvulsivants (barbituriques, carbamazépine et diphényl-hydantoïne) et la rifampicine.

Ces traitements au long cours peuvent modifier le catabolisme de la vitamine D, et donc potentiellement induire une ostéomalacie.

Cette hypothèse a été évoquée dans les années soixante-dix et certains auteurs ont rapporté, alors, chez des épileptiques, une fréquence accrue d’hypocalcémies et une diminution du taux de 25-OH-vitamine D circulante.

Elle semblait être en relation avec la dose et la durée du traitement antiépileptique et des cas d’ostéomalacie ont été décrits.

Plus tard, il a été reconnu que l’ostéomalacie développée sous antiépileptiques était possible mais rare et souvent associée à un déficit d’apport alimentaire en vitamine D ou à une anhélie, notamment chez les sujets institutionnalisés.

Chez ces derniers, l’incidence des fractures a été évaluée à 10 % dans une population de 155 patients par Nilsson et al. Par ailleurs, il a été montré que les barbituriques et la phénitoïne pouvaient inhiber directement le transport digestif du calcium, indépendamment du métabolisme de la vitamine D.

De plus, la phénitoïne est capable, in vitro, de réduire la réponse ostéoclastique à la PTH et au calcitriol.

Ces données montrent bien qu’une hypocalcémie observée sous anticonvulsivants est d’origine multifactorielle.

Quelque soit son mécanisme, il apparaît néanmoins que les épileptiques traités ont des besoins accrus en vitamine D même s’ils ne sont pas institutionnalisés.

6- Pertes urinaires de 25-OH-vitamine D :

Elles sont décrites au cours du syndrome néphrotique, en l’absence d’insuffisance rénale et sont liées à la fuite urinaire de la protéine porteuse de la vitamine D.

Chez ces patients qui présentent une hypocalcémie en partie liée à l’hypoalbuminémie, le taux de PTH peut être élevé.

Le taux de 25 OH-vitamine D est effondré et celui du calcitriol est diminué ainsi que le taux de leur protéine porteuse VDBP.

Néanmoins, le dosage du calcitriol libre est normal.

Une étude histomorphométrique portant sur les patients présentant un syndrome néphrotique depuis 3 ans en moyenne, a mis en évidence une ostéomalacie dans la moitié des cas.

Le MLT était positivement corrélé avec la durée du syndrome néphrotique et l’importance de la protéinurie.

7- Anomalies du récepteur de la 1-25 dihydroxyvitamine D :

En 1978, Brooks et al ont décrit un patient présentant une hypocalcémie et une ostéomalacie associées à un taux très élevé de calcitriol évoquant une résistance des organes-cibles au calcitriol.

Cette maladie, de type autosomique récessif, est appelée rachitisme vitaminodépendant de type II et est liée à des anomalies du récepteur de la vitamine D.

Ces anomalies sont polymorphes : il peut s’agir d’une diminution du nombre des récepteurs, d’un défaut ou de l’absence d’affinité du récepteur pour le calcitriol, d’un défaut de translocation nucléaire d’un récepteur d’affinité normale, ou d’une altération de la capacité de liaison du récepteur à l’ADN des séquences promotrices des gènes-cibles.

Cinquante fratries sont connues.

La plupart des sujets présentent des symptômes dans l’enfance, un cas de révélation à l’âge adulte a été décrit.

Les deux tiers des patients ont une alopécie et certains présentent des anomalies dentaires ou des kystes épidermiques.

Les signes biologiques comportent une hypocalcémie, une hypophosphatémie et une augmentation importante du taux de PTH.

Les lésions d’hyperparathyroïdie secondaire prédominent sur le plan histologique.

B – RACHITISMES OU OSTÉOMALACIES NON LIÉS À UN TROUBLE DU MÉTABOLISME DE LA VITAMINE D :

Ostéomalacies liées à un trouble du métabolisme du phosphate :

* Déplétion phosphatée :

Il s’agit d’une cause rare d’ostéomalacie, car la carence d’apport en phosphates est exceptionnelle.

Elle peut être liée à la prise chronique (durant au moins 2 ans) d’antiacides à visée antiulcéreuse contenant des gels d’alumine et de magnésium ou de sucralfate dont la propriété est de chélater le phosphate intestinal qui n’est donc plus absorbé. On note une nette prédominance féminine.

La calcémie est normale, la phosphatémie est basse et les phosphatases alcalines sont élevées.

L’élimination phosphatée rénale est effondrée alors que la calciurie est souvent augmentée et le taux de calcitriol circulant est normal ou élevé.

La biopsie osseuse objective un trouble de la minéralisation classique.

Lorsque l’ingestion de gel d’alumine a été prédominante, ce trouble de la minéralisation peut être aggravé par une intoxication à l’aluminium.

Les signes disparaissent après l’arrêt des gels d’alumine et une supplémentation phosphatée.

Des ostéomalacies ont été rapportées chez des insuffisants rénaux non dialysés sous restriction phosphatée sévère prolongée ; néanmoins, aucune hypophosphatémie n’avait été mise en évidence tout au long du suivi.

Par ailleurs, en dehors de l’insuffisance rénale, une hypophosphatémie modérée chronique en l’absence de carence en phosphate, entraîne plutôt une ostéoporose à bas niveau de remodelage qu’une ostéomalacie.

Le déficit d’apport en phosphates comme cause d’ostéomalacie a pu être rapporté au début de l’utilisation de la nutrition parentérale ; le trouble de la minéralisation se résolvait si l’on supplémentait les enfants en phosphates.

De même, l’allaitement au sein peut entraîner des troubles de la minéralisation en l’absence de supplémentation en phosphates chez les prématurés.

* Perte rénale de phosphates :

+ Rachitisme vitaminorésistant hypophosphatémique familial lié à l’X (RHX) :

C’est la cause la plus fréquente de rachitisme héréditaire liée à une perte rénale de phosphate.

Sa fréquence est de 1 / 20 000 naissances.

Le phénotype se caractérise par une perte sélective rénale du phosphate due à un trouble de la réabsorption tubulaire du phosphate, une anomalie de l’absorption intestinale du phosphate et du calcium et un défaut de minéralisation du squelette.

Elle se transmet sur un mode dominant lié au chromosome X, mais d’autres modes de transmission, de type récessif, ont été rapportés.

La maladie est plus fréquente chez les femmes, mais plus sévère chez l’homme.

Ces anomalies ne sont pas corrigées par des doses physiologiques de vitamine D.

– Aspects cliniques.

Chez l’adolescent, il existe des déformations des membres inférieurs (coxa vara, genu varum ou valgum) des douleurs osseuses et une petite taille.

À cet âge, les fractures ou fissures sont possibles mais rares.

Les symptômes s’atténuent à la fin de la puberté mais, si l’on réalise une biopsie osseuse à l’âge adulte, le trouble de la minéralisation persiste.

Chez l’adulte, les fissures se font moins rares et leur fréquence augmente avec l’âge.

– Aspects radiologiques.

Chez l’adulte, ce qui frappe le plus est la propension à développer des enthésopathies (ossifications des insertions tendineuses) assez exubérantes.

Elles se localisent au bassin, au rachis aux épaules et aux coudes.

La masse osseuse a tendance à augmenter avec l’âge peut-être du fait de ces enthésopathies, mais il existe aussi une augmentation du volume trabéculaire osseux à la biopsie.

– Profil biologique.

Ces anomalies se traduisent sur le plan biologique par l’association d’une hypophosphatémie, de phosphatases alcalines élevées et d’un taux anormalement bas de calcitriol compte tenu l’hypophosphatémie.

Le taux de PTH est normal.

– Particularités histologiques.

Outre le trouble de la minéralisation, on note la présence de zones hypominéralisées autour des lacunes ostéocytaires qui peuvent persister même après traitement efficace du trouble de la minéralisation.

– Physiopatholgie du RHX.

Les études génétiques ont pu montrer que le gène du RHX est situé sur la partie distale du bras court du chromosome X dans la région Xp22.1-p22.2.

Un modèle animal (la souris HYP) a permis de mieux étudier cette anomalie.

Le taux anormalement bas de calcitriol est dû à une augmentation de sa dégradation par augmentation de l’activité de la 1-25 (OH)2 vitamine D3-24-hydroxylase rénale.

Le défaut de transport de phosphate rénal est plutôt rapporté à une diminution de la réabsorption tubulaire de phosphate dans le tube contourné proximal.

Chez la souris HYP, il a été montré que l’expression du Na+ /PO4 – cotransporteur NPT2 était diminuée, précisément dans le tube contourné proximal.

Le défaut de minéralisation n’est probablement pas dû uniquement au manque de phosphate circulant.

En effet, des études in vitro objectivent un trouble intrinsèque de la minéralisation d’ostéoblastes issus de souris HYP alors qu’il ne semble pas exister de trouble du transport de phosphate chez les ostéoblastes HYP.

De plus, la transplantation d’ostéoblastes de souris HYP dans des souris normales ne corrige pas les altérations de la formation osseuse.

En 1995, le gène responsable de RHX a été cloné.

Ce gène, appelé PHEX (phosphate regulating gene with homologies with endopeptidases on the X chromosome ou rachitisme vitaminorésistant hypophosphatémique familial lié à l’X), appartient à la famille des métalloendopeptidases qui comprend également l’enzyme de clivage responsable de l’activation de l’endothéline.

PHEX est exprimé dans les lymphocytes B, le poumon de l’adulte, le foie du foetus, et les ostéoblastes.

On ne connaît pas en revanche le substrat de l’enzyme produite par le gène PHEX, mais on suspecte qu’il s’agit d’un facteur humoral puisque l’expérience de circulations croisées entre une souris HYP et une souris normale conduit à une fuite phosphatée chez la souris normale.

On a donné le nom de « phosphatonine » à ce facteur humoral encore inconnu, qui pourrait être synthétisé par le foie.

Les formes apparaissant à l’âge adulte sont, elles aussi, liées à une mutation du gène PHEX.

+ Ostéomalacie oncogénique hypophosphatémique :

Il s’agit d’un trouble rare (moins de 100 cas publiés).

L’ostéomalacie hypophosphatémique est liée à la présence d’une tumeur mésenchymateuse le plus souvent bénigne, dont l’ablation quand elle est possible, ce qui n’est pas toujours le cas, guérit la maladie.

Le trouble métabolique est comparable à celui du RHX.

Il se caractérise également par un défaut de réabsorption tubulaire des phosphates associé à un taux anormalement bas (voire indétectable) de calcitriol en présence d’une hypophosphatémie, du fait d’un déficit de l’activité de la 1-alpha-hydroxylase rénale.

Les symptômes apparaissent entre 20 et 50 ans (extrêmes : de 6 à 88 ans) et le délai entre le début des signes d’ostéomalacie et la découverte de la tumeur varie de 5 ans, en moyenne, à 15 ans.

Contrairement au RHX, ces patients, ont des douleurs osseuses et une myopathie mais ne développent jamais d’enthésopathies.

Le milieu conditionné provenant de lignées cellulaires originaires de ces tumeurs sont capables d’inhiber in vitro le transport de phosphate dans des cellules rénales.

Ces données suggèrent l’existence, comme dans le RHX, d’un facteur humoral hypophosphatémiant sécrété par la tumeur.

Ce facteur n’est ni la PTH ou la PTHrP (PTH-related protein, responsable des hypercalcémies paranéoplasiques), ni la stanniocalcine, une hormone récemment découverte chez l’homme et stimulant la réabsorption tubulaire du phosphate.

Les tumeurs décrites sont le plus souvent des hémangiopéricytomes, mais l’association avec une dysplasie fibreuse, une neurofibromatose, des tumeurs malignes pulmonaires, ou un histiocytome malin a été rapportée.

En l’absence de localisation de la tumeur ou de possibilité d’ablation de la lésion un apport de phosphate et de calcitriol améliore les signes.

De nombreux auteurs ont rapporté une ostéomalacie survenant chez des patients présentant des métastases ostéocondensantes de cancer de la prostate.

Parmi eux, certains identifient ce trouble de la minéralisation à une ostéomalacie de type oncogénique hypophosphatémique.

En réalité, il a été largement démontré que ces patients ont en fait une carence calcique du fait de la demande accrue de minéral liée à formation osseuse d’origine métastatique, ou « syndrome d’avidité osseuse » (hungry bone syndrome).

Ces patients d’ailleurs associent souvent une hypocalcémie et une hypocalciurie à l’hypophosphatémie, ou présentent une hyperparathyroïdie secondaire importante, responsable de l’élévation du taux de 1-25 (OH)2 vitamine D circulante.

Ils sont fréquemment symptomatiques (douleurs diffuses, fractures) et les symptômes cliniques et les signes histologiques d’ostéomalacie s’améliorent sous traitement vitaminocalcique.

+ Hypophosphatémie avec lésions osseuses :

Elle a été décrite comme étant une entité différente du rachitisme hypophosphatémique.

Elle n’est pas liée à l’X et est responsable d’une ostéomalacie histologique.

+ Rachitisme hypophosphatémique autosomique dominant :

La fuite rénale de phosphates est associée à des taux anormalement bas de calcitriol.

Un sous-groupe de sujets atteints présente à l’âge adulte des douleurs osseuses, des fractures sans déformations des membres inférieurs, alors qu’un autre sous-groupe présente des signes de rachitisme dans l’enfance avec déformations des membres inférieurs.

Curieusement, chez certains de ces sujets, la fuite rénale phosphatée disparaît à la puberté.

La mutation transmise de façon autosomique dominante est située sur le locus 12p13.

+ Rachitisme hypophosphatémique récessif :

Il en existe deux types.

D’une part, il peut s’agir de cas très rares de rachitisme sévère hypophophatémique à transmission autosomique récessive, persistant à l’âge adulte sous forme d’ostéomalacie associé à une ostéosclérose et des ossifications extrasquelettiques.

D’autre part, ont été rapportés des cas de rachitisme hypophosphatémique récessif lié à l’X qui associent une néphrocalcinose et des lithiases dans l’enfance, ainsi que des anomalies tubulaires proximales entraînant une protéinurie modérée.

L’anomalie génétique responsable de cette dernière maladie a été localisée à la région 11.2p du chromosome X et correspond à une mutation d’un canal chlore rénal CLCN5.

+ Hypercalciurie hypophosphatémique héréditaire :

Cette anomalie est décrite dans des populations de bédouins.

Les signes cliniques sont ceux du rachitisme.

Sur le plan biologique, on constate une hypophosphatémie liée à une diminution du taux de réabsorption tubulaire du phosphate et une hypercalciurie.

La calcémie et le taux de calcidiol circulant sont normaux.

Le taux de calcitriol est élevé, ce qui est probablement secondaire à l’hypophosphatémie et responsable de l’hypercalciurie.

La PTH est normale ou basse.

Les anomalies biologiques (sauf la fuite rénale du phosphate) et histologiques sont corrigées par un apport accru en phosphate.

Certains sujets ont une hypercalciurie et une hypophosphatémie modérée mais pas d’ostéomalacie.

+ Syndrome de Fanconi :

L’hypophosphatémie est liée à une perte rénale des phosphates en rapport avec une tubulopathie.

La fuite des phosphates peut être isolée ou associée à une perte rénale de glucose, d’acides aminés, de calcium et parfois de bicarbonates conduisant à une acidose sans anomalie de la fonction rénale.

Le syndrome de Fanconi peut être acquis ou héréditaire.

Le taux de calcitriol circulant est le plus souvent bas, témoignant probablement d’un défaut de sa synthèse rénale.

+ Acidose tubulaire distale :

Lorsqu’elle est héréditaire, il s’agit d’une maladie de transmission autosomique dominante à pénétrance variable.

Elle associe des lithiases rénales à répétition et une hypotonie musculaire, liée à une hypokaliémie.

Sur le plan biologique, outre l’hypophosphatémie qui reste modérée, il existe une acidose métabolique hyperchlorémique avec une alcalinité paradoxale des urines.

Le taux de calcitriol est normal.

On note une hyperchlorémie et une hypercalciurie contribuant à la survenue des lithiases.

L’ostéomalacie est devenue rare car le traitement de l’acidose commence tôt.

L’acidose tubulaire distale peut être acquise et secondaire, entre autres à une néphropathie interstitielle, un syndrome de Gougerot-Sjögren ou une intoxication iatrogène en oxyde de fer.

+ Hyperparathyroïdie primaire :

Elle peut être responsable d’une hypophosphatémie sévère et d’une fuite importante de phosphates liée directement à l’action tubulaire de la PTH et peut donc, dans de rares cas, induire une ostéomalacie, surtout si l’hyperparathyroïdie a évolué longtemps.

C- INHIBITION DIRECTE DE LA MINÉRALISATION :

1- Toxiques osseux inhibant la minéralisation :

* Composés fluorés :

Ils ont été décrits comme susceptibles d’entraîner une ostéomalacie : l’eau de Vichyt, l’acide niflumique et le fluorure de sodium ou le monofluorophosphate disodique lorsqu’ils étaient prescrits dans le traitement de l’ostéoporose.

Chez l’insuffisant rénal, la boisson d’eaux légèrement fluorées, et éventuellement le fluor contenu dans les bains de dialyse, pourraient être à l’origine de certaines ostéomalacies.

* Bisphosphonates :

Ce sont des analogues structuraux des pyrophosphates qui, de ce fait, se localisent préférentiellement dans le tissu osseux.

Ils inhibent la résorption ostéoclastique et sont utilisés dans le traitement de la maladie de Paget, de l’ostéoporose et des ostéopathies malignes.

Les bisphosphonates de première génération comme l’étidronate (EHDP) peuvent entraîner l’apparition d’un trouble de la minéralisation conduisant à l’apparition de lésions ostéolytiques et parfois de fractures.

Cela a été montré à plusieurs reprises dans la maladie de Paget pour des doses élevées d’étidronate (20 mg/kg/j) mais également, et de façon beaucoup plus rare, pour des doses plus faibles, habituellement utilisées (5 mg/kg/j).

Une ostéomalacie focale a été rapportée après un an d’étidronate dans le cadre de traitement de l’ostéoporose, (400 mg/j, 14 jours tous les 3 mois).

La fourchette thérapeutique des bisphosphonates de deuxième et troisième générations est bien plus large, néanmoins un défaut de minéralisation a été rapporté chez des patients pagétiques traités par pamidronate intraveineux.

Aucune ostéomalacie n’a été notée à ce jour sous alendronate.

* Aluminium :

Chez l’insuffisant rénal chronique, l’excès de gels d’alumine, utilisés pour chélater le phosphate intestinal, peut entraîner une ostéomalacie.

L’aluminium des bains de dialyse, responsable pendant un temps d’une charge aluminique accrue, a été éliminé depuis plusieurs années.

La charge aluminique des patients peut être évaluée par dosage de l’aluminium sérique pendant un test à la desferrioxamine, utilisée également pour le traitement de cette intoxication.

Le diagnostic spécifique est histologique grâce à une coloration spéciale à l’Aluminont.

L’aluminium peut également induire un autre trouble osseux métabolique : l’ostéopathie adynamique caractérisée par un effondrement du taux de formation osseuse comme dans l’ostéomalacie mais sans accumulation d’ostéoïde.

Chez des patients traités par nutrition parentérale, des ostéomalacies par intoxication aluminique ont pu être décrites, néanmoins la lésion histologique rapportée le plus souvent est une ostéopathie adynamique avec turn-over osseux lent.

Elle était liée à un apport excessif d’aluminium dans les solutés perfusés.

* Strontium :

Une concentration osseuse de strontium anormalement élevée a été trouvée chez les patients insuffisant rénaux ayant une ostéomalacie.

Or, on sait que le strontium peut induire expérimentalement une ostéomalacie chez le rat urémique.

Il se pourrait donc que l’accumulation osseuse de strontium présent comme contaminant dans les bains de dialyse puisse être la cause de certaines ostéomalacies chez l’insuffisant rénal.

* Cadmium :

Des ostéomalacies survenant chez des sujets exposés à de fortes doses de cadmium ont été surtout décrites au Japon (maladie de Itai-Itai).

La physiopathologie du défaut de minéralisation est complexe car le cadmium peut interférer avec le métabolisme de la vitamine D, induire une insuffisance rénale, et inhiber la minéralisation osseuse soit directement, soit en favorisant le dépôts d’autres métaux.

* Thorium :

De rares cas d’ostéomalacies ont été rapportées après exposition au thorotrast.

2- Acidose :

Au cours de l’insuffisance rénale, l’acidose aggrave la diminution de l’activité de la 1-alpha-hydroxylase rénale, mais elle agit aussi probablement plus directement sur la minéralisation osseuse.

On peut observer des ostéomalacies hypophosphatémiques liées à l’acidose métabolique dans les anastomoses urétérodigestives comme l’urétérosigmoïdostomie.

3- Carence en calcium :

Les troubles de la minéralisation dus à une carence en calcium en l’absence de carence en vitamine D ont été surtout rapportés chez des enfants.

Chez l’adulte, un défaut d’absorption digestive du calcium lié à un régime riche en phytates apportés par des céréales a été évoqué comme une cause éventuellement additive d’ostéomalacie chez des immigrés asiatiques en Angleterre.

Enfin, la nutrition parentérale à ses débuts a pu être responsable de quelques cas d’ostéomalacies par insuffisance d’apport en calcium.

4- Hypophosphatasie :

Il s’agit d’une maladie génétique dont la prévalence est de 1/1 000 000 naissances et qui est liée à un défaut d’activité de l’isoenzyme non spécifique (os/foie/rein) de la phosphatase alcaline et dont la transmission est de type autosomique récessive.

Il en existe quatre formes classées selon le moment de leur apparition au cours de la vie.

Chez l’adulte (type IV), elle peut se manifester à la cinquantaine par la survenue récurrente de fractures des métatarsiens.

La plupart des adultes atteints rapportent des anomalies dentaires, comme la perte précoce des dents de lait pendant l’enfance.

Sur le plan histologique, on trouve une accumulation de tissu ostéoïde classique.

La physiopathologie fait intervenir l’accumulation des pyrophosphates (non dégradés par la phosphatase alcaline déficiente) qui sont des inhibiteurs de la minéralisation et qui expliqueraient la fréquente association à une chondrocalcinose.

D – AUTRES OSTÉOMALACIES ACQUISES RARES DE MÉCANISME INCONNU :

1- Fibrogenèse imparfaite :

C’est une maladie exceptionnelle (moins de 20 cas publiés). Elle se caractérise par l’apparition de fractures-arrachements au niveau des points d’insertion tendineux (trochanter, olécrane, rotule).

La multiplication de ces fractures, associée à une déformation progressive des côtes et à une cyphose, conduit souvent à un état grabataire et au décès des patients.

Elle survient le plus souvent chez l’adulte de plus de 50 ans et est parfois associée à une gammapathie monoclonale bénigne.

Les clichés radiographiques objectivent, outre la déminéralisation, une trame osseuse grossière et fibrillaire. Le diagnostic est histologique grâce à l’analyse en lumière polarisée.

L’ostéoïde accumulé n’est pas lamellaire, il se présente sous la forme d’une substance amorphe qui n’a pas non plus l’aspect tissé.

Un seul cas d’amélioration du trouble de la minéralisation a été rapporté grâce à l’association melphalan/prednisone.

2- Ostéomalacie axiale :

Elle est caractérisée par la présence d’une trame osseuse irrégulière et grossière localisée uniquement au squelette axial et épargnant le squelette appendiculaire.

Elle est décrite principalement chez des hommes de la cinquantaine et est paucisymptomatique (douleurs osseuses, pas de fractures).

Les radiographies peuvent parfois mimer une spondylarthropathie dans sa forme axiale.

Les paramètres du métabolisme phosphocalcique sont normaux, sauf la phosphatase alcaline qui peut être augmentée.

Aucun traitement efficace n’a été à ce jour rapporté.

3- Splénomégalie myéloïde :

Lors de la métaplasie myéloïde de la rate, on peut observer une ostéomalacie histologique dans les formes avancées, notamment lorsque la fraction d’os tissé est importante.

La relation entre douleurs osseuses et ostéomalacie reste néanmoins incertaine.

4- Pseudohypoparathyroïdie :

Une ostéomalacie a été rapportée au cours d’une pseudohypoparathyroïdie (résistance congénitale à la PTH) entraînant une hypocalcémie et une hyperphosphatémie et dont les mécanismes physiopathologiques sont mal expliqués.

Traitement :

Il dépend de la cause. Les ostéomalacies carentielles ou par malabsorption digestive guérissent en 6 à 8 mois par la vitamine D2 ou D3 à des doses de 2 000 et 4 000 UI/j.

L’association d’un supplément calcique d’au moins 1 g/ j est indispensable.

La régression des douleurs osseuses et de la faiblesse musculaire s’effectue de façon spectaculaire en 1 à 2 mois, suivie par la disparition des fissures.

Le traitement par vitamine D corrige les anomalies musculaires et mitochondriales musculaires observées chez des animaux carencés en vitamine D.

La calcémie est la première à augmenter et se normalise, la plupart du temps, dès le premier mois.

La phosphatémie augmente parallèlement à la calcémie en début de traitement pour atteindre des valeurs parfois supérieures de la normale pendant quelques semaines pour se normaliser dans un second temps.

Les phosphatases alcalines peuvent augmenter en début de traitement.

La PTH diminue progressivement et cette régression l’hyperparathyroïdie secondaire contribue à améliorer le taux de réabsorption tubulaire des phosphates et la phosphatémie.

On peut évaluer, tous les 3 mois, la reminéralisation du squelette par la mesure de la densité minérale osseuse qui peut ainsi augmenter jusqu’à 20 % en 6 mois.

Les doses de vitamine D sont ensuite réduites, mais on recommande une prévention des rechutes par un supplément quotidien de 600 à 1 000 UI/j ou une administration de 200 000 UI de vitamine D deux fois par an, associée à des mesures diététiques et une meilleure exposition solaire.

Il est à noter que la biodisponibilité des formes injectables est moins bonne que celle des formes orales.

Une étude prospective portant chez des sujets ostéomalaciques traités pendant deux ans en moyenne a montré que le traitement par la vitamine D corrigeait le trouble de la minéralisation (réduction du volume ostéoïde et augmentation du volume trabéculaire osseux minéralisé) dans les deux compartiments osseux cortical et trabéculaire.

Néanmoins, on notait une perte osseuse corticale irréversible, liée à l’amincissement des corticales, conséquence de l’hyper-résorption endostéale induite par l’hyperparathyroïdie secondaire.

Les ostéomalacies liées au défaut d’hydroxylation en 25 relèvent de la 25 (OH) vitamine D à raison de 25 à 50 µg/j (1 µg = 40 UI).

Les ostéomalacies par défaut de la 1-hydroxylation rénale doivent être traitées par le 1,25 (OH)2 vitamine D3 ou la 1-alpha-vitamine D.

La dose de 1,25 (OH)2 D3 est de l’ordre de 1 à 3 µg/j, avec surveillance régulière de la calcémie et de la calciurie chez les insuffisants rénaux qui ont une diurèse maintenue.

Le traitement préventif relève de doses plus faibles de l’ordre de 0,25 à 1 µg/j car il faut éviter la survenue d’ostéopathie adynamique, d’hypercalcémie et de calcifications extrasquelettiques.

On traite le rachitisme ou l’ostéomalacie liés à l’X avec de fortes doses de calcitriol (1 à 3 µg/j) ou de 1-alpha vitamine D (2 à 6 µg/j), la dose de ces derniers étant ajustée en fonction de l’évolution de la calcémie et de la calciurie, et du phosphate (1 à 4 g de phosphateélément/ j répartis en quatre à cinq prises).

La tolérance digestive du phosphate peut être un élément limitant.

La perte urinaire de calcium et de phosphate peut être réduite par l’adjonction d’un diurétique thiazidique.

Ceci est particulièrement observé chez les patients plutôt traités par 25-OH-vitamine D qu’avec le calcitriol.

Le traitement doit être surveillé avec soin car de trop fortes doses de phosphate peuvent conduire à une hyperparathyroïdie secondaire, puis tertiaire.

Néanmoins, depuis l’avènement du calcitriol, le contrôle de la sécrétion de PTH est plus facile.

Toutefois, du fait d’un taux élevé de 1,25 (OH)2 vitamine D circulante sous traitement on peut augmenter l’absorption digestive de calcium et induire une hypercalciurie, voire une hypercalcémie.

Un élément limitant est donc la possible toxicité à long terme de la vitamine D sur le rein.

De façon intéressante, il semble que les filles hétérozygotes (X muté, X) répondent mieux au traitement que les garçons hémizygotes (X muté, Y) soutenant ainsi l’hypothèse d’un effet-dose du gène dans cette affection dominante liée à l’X.

La poursuite du traitement à l’âge adulte a été discutée, néanmoins, l’amélioration des patients symptomatiques sous phosphate et calcitriol la justifie.

Le problème est alors la compliance au traitement et, notamment, de respect des cinq prises de phosphate par jour.

Des études évaluant la prise isolée de calcitriol à la dose de 1 à 2 µg/j semblent être encourageantes.

On peut guérir l’ostéomalacie non hypophosphatémique liée à l’acidose par une simple alcalinisation : c’est le cas notamment de l’ostéomalacie liée aux anastomoses urétérodigestives et de l’insuffisance rénale dans certains cas.

Si l’on choisi d’adjoindre au traitement du calcium, le carbonate de calcium est le sel de calcium de choix car le plus alcalin.

L’ostéomalacie oncogénique relève de l’exérèse de la tumeur lorsqu’elle est identifiée.

Si la tumeur n’est pas localisée, une association phosphate-1,25 (OH)2 vitamine D peut améliorer la maladie, sans la guérir.

L’ostéomalacie liée à l’accumulation de toxiques dans l’os ne sont généralement pas sensibles à l’adjonction de calcium ou de vitamine D.

Seul le traitement par la desferrioxamine est capable de chélater l’aluminium et est largement utilisé chez l’insuffisant rénal.

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