Ostéolyse, acro-ostéolyse

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Ostéolyse massive à partir d’un foyer unique : maladie de Gorham 

La maladie de Gorham, ou syndrome de Gorham-Stout, se traduit par une destruction progressive de tout ou partie d’un os, toujours à partir d’un foyer unique, expliquant une terminologie évocatrice :

os évanescent, disparaissant, os fantomatique, ostéolyse massive. 

Tous les os de l’organisme peuvent être atteints, particulièrement ceux du squelette thoracique et pelvien, des épaules, la mandibule. 

Ostéolyse, acro-ostéolyseLe diagnostic est porté dans l’enfance et chez des adultes de moins de 40 ans, souvent après un traumatisme. Une douleur osseuse persistante conduit à faire une radiographie qui découvre l’ostéolyse. 

L’os pathologique disparaît, s’évanouit, sans aucune réaction de l’os sain voisin ni du périoste, sans expansion. 

L’infiltration des tissus mous adjacents est uniquement en regard et à partir des lésions osseuses. 

L’ostéolyse ne respecte pas les articulations, envahit les os voisins. 

Elle se traduit en imagerie par résonance magnétique (IRM) de façon variable : hyposignal sur les coupes pondérées en T1, hypersignal T2 ou, plus évocateur, hypersignal T1 avec en son sein des zones nodulaires en hyposignal et hypersignal plus intense T2, avec une prise de gadolinium en périphérie, en faveur d’un tissu hémangiomateux. 

L’IRM délimite bien les zones pathologiques et saines. Histologiquement, il existe une prolifération de capillaires analogue à celle d’un hémangiome, au sein d’un tissu fibreux plus ou moins extensif remplaçant l’os détruit, sans cellules néoplasiques, sans réaction ostéoblastique.

L’ostéolyse massive dans certaines observations arrête sa progression, mais elle n’est pas réversible. 

La maladie peut aboutir à la mort, surtout dans les localisations costales et vertébrales thoraciques. 

Face à un nouveau cas de cette pathologie rare pour laquelle, selon Maroteaux, il n’y a pratiquement aucun traitement efficace, une interrogation de la littérature récente est nécessaire pour noter s’il y a une nouvelle possibilité thérapeutique. 

Cette affection est par définition différente de l’angiomatose osseuse polykystique, qui n’a pas une traduction uniquement locorégionale : les lésions angiomateuses touchent les os longs, le crâne, le rachis avec des images lacunaires bien limitées. 

Elles sont constituées d’une prolifération de vaisseaux anastomosés, à paroi mince, de largeur grande (angiomatose caverneuse) ou petite (angiomatose capillaire), contenant des hématies (hémangiomatose) ou des lymphocytes (lymphangiomatose). 

La survenue d’un chylothorax est toujours une complication grave.

Ostéolyse post-traumatique, postfracturaire :

A – LOCALISATION CLAVICULAIRE EXTERNE :

L’ostéolyse post-traumatique de l’extrémité distale de la clavicule est la plus décrite. 

Elle est définie par une perte de substance osseuse localisée à la partie distale de la clavicule, dans les semaines ou mois suivant un traumatisme franc ou des traumatismes répétés de la région acromioclaviculaire. 

La gêne douloureuse et l’impotence fonctionnelle s’installent sur quelques semaines. 

Il y a présence d’un point douloureux exquis, d’une tuméfaction, ou une sorte de defect osseux localisé à proximité de l’articulation acromioclaviculaire. 

La lyse osseuse, localisée aux derniers centimètres de l’extrémité distale de la clavicule, est vue sur de nouvelles radiographies (les premières au moment du traumatisme étant normales) avec un acromion en radiologie conventionnelle en règle indemne. 

L’évolution se ferait en deux phases, d’abord lytique pendant 6 à 18 mois, puis reconstructive, aboutissant à la guérison clinique. 

Certains patients ont eu une résection de l’extrémité de la clavicule, avec en histologie mise en évidence d’un tissu fibreux. 

La synoviale dans certains cas paraît avoir un aspect pseudoangiomateux. 

Chez 17 patients (14 hommes, trois femmes, âgés de 16 à 55 ans, sept avec un traumatisme unique, dix avec des microtraumatismes répétés), l’IRM a objectivé sur des séquences STIR (séquences d’inversionrécupération) et T2 avec suppression de graisse, un oedème de la portion distale de la clavicule dans 17 cas, mais aussi de l’acromion dans huit cas, avec des anomalies de l’articulation acromioclaviculaire (capsule épaissie chez 14 patients, épanchement synovial chez huit patients, irrégularité corticale chez 12, fragmentation osseuse chez six d’entre eux).

B – AUTRES SITES D’OSTÉOLYSE POST-TRAUMATIQUE :

Des ostéolyses viennent compliquer des fractures au cours de l’ostéoporose chez l’homme ou la femme âgé(e). 

Le traumatisme est potentiellement double : l’élément événementiel responsable de la fracture et en fait pour la pièce osseuse la fracture elle-même, qu’elle soit post-traumatique ou spontanée. 

De telles ostéolyses se produisent après fractures de corps vertébraux lombaires ou de la charnière dorsolombaire, du col fémoral et surtout du pubis ou du cadre ischiopubien. 

L’ostéolyse est inquiétante de par son importance. 

Elle simule une métastase osseuse ou un chondrosarcome. 

Mais le plus souvent, le diagnostic d’ostéolyse post-traumatique est facile car le patient a déjà bénéficié d’une ou deux radiographies dans les semaines suivant la survenue de la douleur et l’analyse de toutes ces radiographies permet de conclure que l’ostéolyse s’est installée très rapidement. 

D’autres sites osseux sont également possibles (carpe, odontoïde, radius, cubitus). 

Une ostéolyse est un passage initial obligé dans le processus de réparation d’une fracture : il faut détruire pour reconstruire. 

Son intensité est extrême ici et n’est pas sans rappeler des complications de fractures trabéculaires des membres inférieurs. 

La connaissance de telles ostéolyses ou ostéoporoses sévères localisées aggravées dans la suites d’un épisode postfracturaire au cours de l’ostéoporose féminine ou masculine est importante, pour ne pas envisager, sur un faisceau de preuves cliniques (persistance de douleurs) et d’imagerie (images pseudotumorales), une radiothérapie sans preuve histologique chez un sujet âgé.

Acro-ostéolyse :

L’acro-ostéolyse ne désigne pour certains auteurs que l’ostéolyse de la dernière phalange. 

Nous adoptons toutefois la définition de Maroteaux : « Les acro-ostéolyses provoquent la disparition progressive des os de la main et du pied. » 

L’ostéolyse digitale est en bande horizontale, amputant le plus souvent le tiers moyen de la phalange, laissant persister ou non un fragment osseux distal ; elle peut être également longitudinale, effilant alors la houppe phalangienne, donnant aux doigts un aspect dit parfois en « sucre d’orge » éventuellement « sucé » ou en « crayon taillé ». 

Les doigts sont raccourcis avec un aspect carré ou en « lorgnette ». 

Les ongles prennent une forme elliptique par diminution de hauteur (pseudohippocratisme digital). 

L’acroostéolyse est dite essentielle en l’absence de causes, affections traumatiques, toxiques, hormonales, rhumatismales et systémiques, vasculaires, neurologiques ou avec signes dermatologiques. 

Elle survient en règle avant l’âge adulte. 

Ses formes principales sont le syndrome de Hajdu-Cheney, l’acroostéolyse familiale des phalanges et l’ostéolyse multicentrique idiopathique du carpe et du tarse.

A – SYNDROME DE HAJDU-CHENEY :

Il associe, chez un sujet de taille petite ou moyenne, ayant une intelligence normale, une acro-ostéolyse, une ostéoporose zonale en particulier vertébrale, une surdité de transmission, une déformation des os longs, un genu valgum, une hyperlaxité ligamentaire, des malformations craniofaciales multiples, avec faciès assez caractéristique, aplasie des maxillaires, chute précoce des dents, agénésie des sinus frontaux, bathrocéphalie, allongement en « chignon » de l’écaille occipitale, sutures élargies, os wormiens, anomalie de taille de la selle turcique (le plus souvent large), platybasie, impression basilaire, avec risque de complications neurologiques (hydrocéphalie, instabilité cervicale). 

L’acro-ostéolyse en bande ou des houppes phalangiennes débute dans l’enfance vers la dixième année, parfois plus tardivement à l’âge adulte. 

Elle intéresse initialement les phalanges distales des doigts et des orteils et peut s’étendre à des zones d’autres os. Certains doigts sont plus touchés que d’autres. 

Le diagnostic est réalisé vers l’adolescence ou à l’âge adulte, parfois devant un tassement vertébral chez un sujet jeune, ou lors d’une enquête familiale. 

La transmission est parfois sporadique. 

Un rapprochement est fait entre le syndrome de Hajdu-Cheney et le serpentine fibula-polycystic kidney syndrome.

B – ACRO-OSTÉOLYSE FAMILIALE DES PHALANGES :

Elle survient dans la petite enfance entre 5 et 10 ans. 

L’ostéolyse commence de façon parallèle par l’extrémité distale des dernières phalanges des doigts et des orteils. 

Ultérieurement, d’autres os sont possiblement atteints : phalanges proximales, métacarpes/ métatarses, parfois le carpe ou le tarse. 

L’ostéolyse est plus ou moins marquée selon les doigts, volontiers en bande horizontale laissant ou non persister des fragments ossifiés ou des îlots de calcifications, ou encore en « sucre d’orge sucé ». 

Les lésions progressent ou restent stables. L’aspect est différent du syndrome microgéodique des phalanges survenant chez l’enfant, favorisé par le froid, avec une peau rouge, violacée, une vitesse de sédimentation augmentée et une guérison spontanée en quelques mois, décrit en 1970 par Maroteaux.

C – OSTÉOLYSE MULTICENTRIQUE IDIOPATHIQUE DU CARPE ET DU TARSE :

Elle apparaît dans la petite enfance entre 2 et 6 ans et en premier au carpe et au tarse. 

Elle est précédée d’une phase d’avance de l’âge osseux. 

Les os du carpe peuvent disparaître presque totalement. L’ostéolyse gagne les os de l’avant-bras et les métacarpiens. 

Au pied, l’ostéolyse prédomine dans la région médiotarsienne (scaphoïde, cuboïde, cunéiformes), mais la disparition des os du tarse n’est jamais complète. 

Des signes inflammatoires locaux par poussées font parfois poser à tort le diagnostic d’arthrite chronique juvénile.

Il n’y a pas de réaction de phase aiguë. Vers la dixième année, les déformations sont caractéristiques : mains botes, avant-bras raccourcis, pieds creux cubiques, contrastant avec un aspect normal des doigts. Les lésions osseuses sont stables à l’adolescence. 

L’ostéolyse peut atteindre d’autres pièces squelettiques. 

Différentes malformations osseuses et une dysmorphie faciale sont souvent associées. 

La transmission est autosomique, le plus souvent dominante. 

Certains patients ayant une telle ostéolyse (mais plus carpienne que tarsienne) développent dans la deuxième ou troisième décennie de leur vie une néphropathie avec hématurie, protéinurie, hypertension artérielle, puis une insuffisance rénale grave, potentiellement mortelle, de transmission non héréditaire. 

Une ostéolyse fait partie d’autres syndromes rares, que nous ne pouvons pas tous passer en revue ici. 

Le syndrome de Winchester comporte ainsi une ostéolyse sévère, carpotarsienne, aux coudes, une ostéoporose, une résorption des houppes phalangiennes, en plus des autres anomalies : nanisme, opacités cornéennes, peau épaisse. 

L’ostéolyse carpotarsienne de la très rare dystrophie dermo-chondro-cornéenne de François est associée à des opacités cornéennes, des nodules xanthomateux de la peau sur la face d’extension des articulations des doigts, des orteils, du coude, sur les pavillons de l’oreille ou le nez, une hypercholestérolémie précoce, une protéinurie.

Ostéolyses et acro-ostéolyses de causes reconnues :

Les ostéolyses et acro-ostéolyses décrites ci-dessus s’opposent à d’autres dont la cause est reconnue.

Dans la pycnodysostose, la lésion principale est une condensation diffuse du squelette, sans défaut de modelage, mais les dernières phalanges des doigts sont volontiers grêles et souvent leur extrémité distale est amputée, fragmentée. 

L’on sait désormais que cette affection est une maladie lysosomiale causée par un déficit en cathepsine K normalement très présente dans les ostéoclastes. 

La description de l’acro-ostéolyse liée au chlorure de vinyl démontre le rôle direct d’un facteur d’environnement professionnel. 

Certains ouvriers travaillant dans la polymérisation du chlorure de vinyl développent, après 6 mois à 2 ans d’exposition, un phénomène de Raynaud, des modifications cutanées sclérodermiques, une ostéolyse, précédés d’une phase prolongée clinique de fatigue, nervosité, gonflement des doigts induit par le froid, douleurs des mains, syndrome du canal carpien. 

L’acro-ostéolyse, volontiers au pouce, débute par des érosions corticales modérées, produisant in fine une ostéolyse transversale de la phalangette, avec fragmentation et résorption du fragment distal. 

Des érosions corticales ou des aspects de sclérose peuvent survenir dans d’autres sites osseux, en particulier sacro-ilaques, clavicules distales, mandibule. 

Les mesures préventives ont nettement fait diminuer son incidence. 

Il faut toujours rechercher devant une ostéolyse un facteur toxique, car d’autres vapeurs de matériaux synthétiques utilisés pour la production de produits plastiques peuvent entraîner des anomalies similaires.  

Soulignons toutefois la description récente de l’ostéolyse extensive familiale. 

Elle se traduit sur un mode familial, à la fin de l’adolescence ou à l’âge adulte, par le développement progressif de lacunes arrondies dans la métaphyse ou la diaphyse des os longs, dont les aspects pourraient faire discuter une maladie de Paget osseuse. 

Une surdité précoce et une chute prématurée des dents peut précéder ces lésions. 

Le gène responsable serait localisé sur le bras long du chromosome 18 en q21.1-q22. 

Les ostéoclastes, dans cette affection, ont également les mêmes inclusions que celles décrites dans la maladie de Paget, les tumeurs à cellules géantes, l’ostéopétrose, la pycnodysostose.

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