Traitements non chirurgicaux des tumeurs des os : chimiothérapie et radiothérapie

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Introduction :

La chimiothérapie représente le grand progrès des 20 dernières années en matière de traitement des tumeurs malignes des os.

Elle a permis de multiplier par trois ou quatre le pourcentage des guérisons de la plupart de ces affections.

La radiothérapie (RT) est une discipline en pleine évolution qui a largement bénéficié des développements techniques des 10 dernières années.

Traitements non chirurgicaux des tumeurs des os : chimiothérapie et radiothérapieSes outils et sa procédure de mise en oeuvre requièrent une étroite collaboration entre radiothérapeutes, physiciens et manipulatrices, seule garant du maintien de la précision de distribution de la dose au volume tumoral et de la protection des organes critiques environnants.

Mais les tumeurs osseuses représentent un groupe hétérogène en termes de radio- ou de chimiosensibilité.

Ceci souligne la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire réunissant les anatomopathologistes, les radiologues, les chirurgiens, les oncologues médicaux ou pédiatriques et les radiothérapeutes.

Chimiothérapie des tumeurs osseuses :

A – OBJECTIFS DE LA CHIMIOTHÉRAPIE :

La chimiothérapie cytotoxique administrée par voie générale est destinée à détruire la tumeur en place mais également la maladie métastatique infraclinique.

La majorité des tumeurs osseuses malignes sont diagnostiquées en phase localisée.

Les objectifs de l’administration d’une chimiothérapie en phase localisée de la maladie vont alors être multiples en permettant :

– un traitement précoce de la maladie micrométastatique, qui peut être ultérieurement responsable de la rechute et du décès du patient ;

– une réduction de la taille de la tumeur facilitant le geste du chirurgien ;

– une chirurgie de conservation du membre, adéquate sur le plan carcinologique lorsque celle-ci n’est pas réalisable initialement ;

– une réduction de la taille d’une tumeur localement avancée initialement inextirpable, autorisant un geste chirurgical selon les standards de traitements carcinologiques ;

– de différer le traitement chirurgical pour la fabrication d’une prothèse adaptée au patient.

Le plus souvent, lorsqu’un traitement par chimiothérapie néoadjuvante est instauré, c’est dans le but de répondre à ces différents objectifs.

Lorsque la tumeur est métastatique, en revanche, la chimiothérapie est considérée le plus souvent comme un traitement strictement palliatif, bien que 10 à 20 % des patients puissent bénéficier dans cette situation de rémissions complètes prolongées.

De fait, les tumeurs osseuses malignes métastatiques peuvent bénéficier de stratégies curatives intégrant la chimiothérapie, la chirurgie et la RT, et parfois des procédures de chimiothérapies à hautes doses suivies de greffe de cellules souches du sang périphérique.

En situation localisée ou métastatique, la chimiothérapie s’intègre donc dans une stratégie multidisciplinaire de prise en charge des tumeurs osseuses, en association avec la chirurgie et la RT.

Le but de ce chapitre est de revoir les différentes catégories de médicaments utilisés dans le traitement des tumeurs osseuses les plus fréquentes, les mécanismes biologiques de résistance à ces différents traitements, et enfin, les différentes circonstances dans lesquelles ils peuvent être administrés pour les traitements de ces affections.

B – ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DE LA CHIMIOTHÉRAPIE :

Dans les différentes publications de la littérature, l’évaluation de l’activité antitumorale des agents cytotoxiques dans les ostéosarcomes ou les autres tumeurs osseuses malignes utilise trois types de critères :

– des critères de réponse objective morphologique, avec une évaluation du taux de réponse selon les pratiques habituelles ;

– des critères de survie sans rechute, sans progression ou de survie globale, dans les études de chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante, en général dans des études randomisées avec un bras témoin ou après comparaison avec des séries historiques ;

– des critères de réponse histologique, sur la tumeur primitive, chez les patients ayant reçu une chimiothérapie néoadjuvante.

Cette réponse histologique est exprimée le plus souvent en termes de pourcentage de cellules résiduelles viables dans le volume tumoral initial, selon une classification initialement décrite par Huvos et al ; elle permet de définir la notion de « bons répondeurs/ mauvais répondeurs ».

La plupart des équipes distingue quatre groupes de tumeurs en fonction du pourcentage de cellules résiduelles dans la tumeur primitive après chimiothérapie néoadjuvante :

– les patients présentant 0 % de cellules tumorales viables, et ceux en ayant de 1 à 5%, sont considérés comme bons répondeurs ;

– ceux qui en ont entre 5 et 50 %, et ceux qui en ont plus de 50 % sont les mauvais répondeurs.

On parle généralement pour ces quatre groupes de réponse histologique de grades 4, 3, 2 et 1 respectivement. Les valeurs-seuils utilisées pour identifier les grades varient selon les équipes et les publications, de 5 % à 10 % par exemple pour distinguer les grades 3 et les grades 2.

Cependant, la valeur pronostique de ce pourcentage pour la survie sans rechute et pour la survie globale est retrouvée dans la très grande majorité des études cliniques rapportées dans la littérature, et pour la plupart, ce grade constitue le facteur pronostique essentiel pour la survie sans rechute et la survie globale dans les analyses multivariées.

La valeur pronostique du pourcentage de cellules vivaces après chimiothérapie adjuvante est retrouvée dans d’autres tumeurs osseuses, notamment les sarcomes d’Ewing, les fibrohistiocytomes malins (MFH) et les fibrosarcomes osseux.

La valeur pronostique de ce grade, dans ces autres tumeurs, a cependant été moins documentée dans ces affections que dans l’ostéosarcome.

C – MÉDICAMENTS CYTOTOXIQUES ACTIFS : MODES D’ACTION, EFFETS SECONDAIRES, TAUX DE RÉPONSE

1- Activité antitumorale des cytotoxiques :

Elle varie selon les tumeurs osseuses.

Les sarcomes ostéogéniques de haut grade constituent le modèle tumoral dans lequel les règles de l’utilisation de la chimiothérapie des tumeurs malignes osseuses localisées ont été établies.

Quatre médicaments cytotoxiques principaux sont efficaces pour le traitement de cette affection : le méthotrexate administré à hautes doses, la doxorubicine, le cisplatine, et l’ifosfamide.

Les autres agents cytotoxiques sont peu ou pas actifs dans l’ostéosarcome ou dans les sarcomes osseux dont l’histologie est celle de sarcomes des tissus mous, tels que les MFH osseux, les fibrosarcomes ou les léiomyosarcomes osseux.

Plusieurs autres médicaments sont actifs dans les sarcomes d’Ewing, notamment le cyclophosphamide, l’actinomycine D, la vincristine, le melphalan et le VP16.

En revanche, les chondrosarcomes demeurent une affection réputée chimiorésistante et pour laquelle, de fait, les taux de réponse à la chimiothérapie rapportés dans la littérature demeurent très faibles dans des séries de patients de petite taille, et le plus souvent rétrospectives.

Nous décrivons ici les quatre médicaments les plus utilisés dans le traitement des sarcomes osseux.

2- Méthotrexate :

C’est un agent cytotoxique antimétabolite qui agit en inhibant une enzyme-clé de la synthèse de la thymidine, la dihydrofolate réductase.

Ce médicament a été administré de manière très variable dans le traitement des ostéosarcomes, avec des posologies qui vont varier d’un facteur 1 à 500.

Une corrélation entre la dose administrée et l’efficacité antitumorale du méthotrexate a ainsi pu être démontrée, dans des essais de phase II successifs ou dans des études randomisées pour le traitement du sarcome ostéogénique.

Les taux de réponse de 0 à 80 % ont été rapportés en fonction de la dose administrée et de la dose intensité.

Ce médicament est en revanche peu utilisé dans le traitement des autres sarcomes osseux, notamment le sarcome d’Ewing.

Les posologies qui ont été évaluées dans les traitements des ostéosarcomes localement avancés ou métastatiques varient de 100 à 18 000 mg/m2.

Après l’injection de méthotrexate à doses élevées (supérieures à 100 mg/m2), il est nécessaire d’administrer, dès la 24e heure après l’administration, l’antidote de ce médicament qui est l’acide folinique, tout en surveillant la vitesse de décroissance de la concentration sérique de méthotrexate dans les 72 heures suivant l’administration du médicament, et parfois même au-delà en cas d’insuffisance rénale.

Pour le traitement des sarcomes ostéogéniques, le méthotrexate est administré à des doses de 8 à 12 g/m2, à un rythme hebdomadaire, le plus souvent dans des protocoles complexes en alternance avec les trois autres médicaments actifs dans cette affection.

Le méthotrexate à hautes doses est toujours administré avec une hyperhydratation en partie alcaline, en particulier avec du sérum bicarbonaté à 1,4 %.

Les principaux effets secondaires immédiats ou précoces de ce médicament sont la toxicité hématologique, muqueuse, rénale et neurologique centrale.

Les deux premiers types d’effets secondaires toxiques sont prévenus par l’administration d’acide folinique, quoi qu’ils puissent être observés avec la répétition des cycles de méthotrexate.

La toxicité hématologique porte notamment sur la lignée neutrophile et plaquettaire.

Les atteintes toxiques cutanées et hépatiques sont également rares si les précautions d’administration, en particulier l’hyperdiurèse alcaline, et la surveillance de l’élimination du médicament avec adaptation éventuelle de la dose et de la durée d’administration de l’acide folinique sont respectées.

La toxicité rénale résulte de la précipitation du méthotrexate dans les tubules rénaux.

Cette complication est prévenue par l’hyperdiurèse alcaline et le maintien d’un pH urinaire alcalin.

Une toxicité neurologique centrale peut s’observer après méthotrexate à hautes doses, avec des symptômes variés, notamment des troubles des fonctions supérieures : crises comitiales, déficit moteur, coma.

L’incidence de ces deux types de toxicité paraît plus importante chez le sujet adulte (de plus de 20 ans) que chez les enfants.

Cette constatation a conduit certaines équipes à ne plus administrer ce médicament dans les protocoles de chimiothérapie de première ligne destinés aux patients adultes.

Le méthotrexate à hautes doses, administré de manière hebdomadaire ou toutes les 3 semaines, a donné un taux de réponse de 42 % à 80 % dans l’ostéosarcome dans des études anciennes.

Une étude randomisée comparant une dose de méthotrexate intermédiaire à une haute dose en néoadjuvant a montré que les taux de bonne réponse histologique et de survie sans récidive étaient significativement supérieurs chez les patients traités par méthotrexate à hautes doses.

3- Doxorubicine :

C’est un agent cytotoxique considéré initialement comme un intercalant, qui agit également en inhibant des enzymes impliquées dans le désenroulement de l’acide désoxyribonucléique (ADN), les topo-isomérases de type II.

Ce médicament est en général administré toutes les 3 semaines ou, selon des schémas d’administration séquentiels, intercalés avec d’autres médicaments.

La posologie de la doxorubicine dans un schéma d’administration toutes les 3 semaines varie le plus souvent de 60-à 90 mg/m2 dans les principales études.

Les principaux effets secondaires immédiats ou précoces de ce médicament sont la toxicité hématologique, notamment sur la lignée neutrophile, l’alopécie et la toxicité muqueuse.

Cette toxicité est dépendante de la dose et du schéma d’administration : l’administration en bolus est associée à une toxicité hématologique plus importante, tandis que l’administration en perfusion continue augmente le risque de toxicité muqueuse.

Les toxicités les plus préoccupantes avec ces traitements demeurent cependant les toxicités tardives, notamment la toxicité cardiaque cumulative, et les tumeurs secondaires, notamment les leucémies.

Il existe deux types de toxicité cardiaque de ces médicaments : une toxicité immédiate, sous la forme de troubles du rythme régressifs, non cumulative, et une toxicité retardée, cumulative, sur la fibre myocardique qui expose les longs survivants d’affections néoplasiques traités par doxorubicine à un risque d’insuffisance cardiaque grave pouvant requérir une chirurgie de greffe cardiaque.

Cette toxicité sur la fibre musculaire cardiaque est détectable sur le plan histologique dès que le patient a reçu une dose cumulée de 300 mg/m2.

Sa prévalence augmente très rapidement au-delà de 450 mg/m2, ce qui conduit parfois à interrompre ce traitement chez les patients avec une espérance de vie prolongée.

Cette toxicité myocardique survient plus souvent chez l’enfant, avec un mode d’administration en bolus, tandis que l’administration en perfusion continue sur 48 heures et plus, ou fractionnée (hebdomadaire), semble réduire l’incidence de cette complication.

L’administration de dexrazoxane avant la perfusion de doxorubicine réduit l’incidence de survenue de cette complication, mais ce médicament ne dispose pas d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement dès la première exposition à l’anthracycline.

En outre, l’impact de ce protecteur sur le devenir des patients (taux de réponse, survie) n’a jamais été évalué par rapport à un groupe contrôle dans cette affection.

Bien que la doxorubicine soit un médicament majeur dans le traitement de la plupart des sarcomes, avec un bénéfice prouvé sur la survie des patients, notamment dans les ostéosarcomes et les sarcomes d’Ewing, la constatation de toxicités graves et potentiellement létales chez de longs survivants de ces affections a conduit plusieurs groupes coopératifs à envisager une modification des schémas d’utilisation de ce médicament dans ces affections néoplasiques curables.

La doxorubicine a donné un taux de réponse de 26 % dans l’ostéosarcome avancé en monothérapie et une corrélation entre la dose administrée et la réponse au traitement a été bien documentée dans cette affection.

Dans le sarcome d’Ewing, la doxorubicine a donné un taux de réponse de 41 % en monothérapie.

Dans l’ostéosarcome, une étude randomisée comparant en néoadjuvant une association de méthotrexate à hautes doses avec bléomycine, actinomycine D et cyclophosphamide, à une association de méthotrexate à hautes doses avec doxorubicine et cisplatine, a montré que les taux de bonne réponse histologique et de survie sans récidive étaient significativement supérieurs chez les patients traités par doxorubicine et cisplatine.

Dans les sarcomes d’Ewing, l’addition de doxorubicine au protocole VAC (vincristine, actinomycine D, cyclophosphamide) a également été associée à une augmentation significative de la survie dans une étude randomisée.

La doxorubicine est ainsi un agent cytotoxique majeur pour le traitement des tumeurs osseuses malignes

4- Cisplatine :

C’est un agent cytotoxique alkylant qui agit en induisant la formation de « ponts inter- et intrabrins » dans les chaînes d’ADN.

Ce médicament est généralement administré sur un mode séquentiel, avec une dose par cure de 80 à 120 mg/m2.

Les principaux effets secondaires de ce médicament sont la toxicité hématologique, notamment sur la lignée érythrocytaire, la toxicité néphrologique notamment sur le tubule proximal, une toxicité neurologique périphérique et auditive.

Cette toxicité impose l’administration d’une hyperhydratation saline pendant l’administration du cisplatine, et doit conduire à renoncer aux médicaments néphrotoxiques.

Le cisplatine a donné un taux de réponse de 33 % dans l’ostéosarcome avancé en monothérapie.

Il paraît moins efficace, au moins en monothérapie, dans le sarcome d’Ewing, avec un taux de réponse de 7 %.

L’amélioration de la survie chez les patients traités pour un ostéosarcome par un protocole contenant du cisplatine a été établie dans plusieurs études dont celle mentionnée pour la doxorubicine.

Une deuxième étude a randomisé l’administration de cisplatine ou de méthotrexate à hautes doses chez 30 patients en situation néoadjuvante : les patients traités par cisplatine ont présenté un taux de réponse histologique supérieur au groupe des patients recevant du méthotrexate.

5- Ifosfamide et cyclophosphamide :

L’ifosfamide est un agent cytotoxique alkylant qui agit en induisant la formation de ponts interbrins en se fixant sur le N7 des guanines.

Ce médicament est généralement administré sur un mode séquentiel, avec une dose quotidienne de 1,8 à 4 g/m2, et des doses totales par cure de 6 à 12 g/m2 par cure toutes les 3 à 4 semaines.

Les principaux effets secondaires de ce médicament sont la toxicité hématologique, notamment sur la lignée neutrophile et plaquettaire, l’alopécie, la toxicité neurologique, la toxicité néphrologique avec une atteinte tubulaire proximale et la toxicité vésicale, liées à l’élimination urinaire de métabolites toxiques pour l’urothélium, notamment l’acroléine.

Cette dernière toxicité impose l’administration conjointe de mesna et d’une hyperhydratation alcaline.

La toxicité de l’ifosfamide est dépendante de la dose et possiblement du schéma d’administration : l’administration en bolus serait associée à une toxicité hématologique plus importante.

L’impact du mode d’administration en bolus ou en perfusion continue sur l’efficacité antitumorale du traitement, en revanche, n’est pas connu.

Le cyclophosphamide a également été utilisé dans les programmes de chimiothérapie adjuvante, et de phase II pour les ostéosarcomes.

Le taux de réponse en monothérapie est cependant faible et l’efficacité du protocole BCD, associant actinomycine D et bléomycine au cyclophosphamide, dans cette affection, est discutée.

L’ifosfamide a donné un taux de réponse de 33 % dans l’ostéosarcome avancé en monothérapie.

Il n’y a pas d’étude démontrant une amélioration du taux de réponse objective, histologique ou de la survie avec l’administration d’ifosfamide en situation néoadjuvante et/ou adjuvante dans l’ostéosarcome.

Une étude est en cours pour répondre à cette question au sein de la société française d’oncologie pédiatrique (SFOP).

Cependant, au vu des taux de réponse élevés rapportés dans plusieurs études de phase II, plusieurs protocoles de chimiothérapie adjuvante et néoadjuvante incorporent désormais l’ifosfamide, en association avec les autres principaux agents cytotoxiques, dans l’ostéosarcome.

Dans les sarcomes d’Ewing, l’ifosfamide a donné un taux de réponse de 32 % en monothérapie mais de 94 % en combinaison avec l’étoposide.

Une corrélation entre la dose administrée et l’efficacité antitumorale est largement documentée avec l’ifosfamide dans les sarcomes.

6- Autres médicaments :

Les autres médicaments cytotoxiques étudiés dans la littérature donnent des taux de réponse inférieurs à 15 % dans les études sur des ostéosarcomes en phase avancée, notamment le DTIC (dacarbazine), la mitomycine C, le melphalan, les taxanes.

Le VP16 est cependant fréquemment associé à l’ifosfamide, en raison d’effet cytotoxique synergique rapporté in vitro, et probablement in vivo.

La combinaison bléomycine-actinomycine D-cyclophosphamide a été largement utilisée autrefois en situation adjuvante ou néoadjuvante, bien que son efficacité soit contestée.

L’interféron alpha et l’interleukine 2 sont dépourvus d’efficacité dans cette affection.

Dans les sarcomes d’Ewing, plusieurs autres médicaments ont une efficacité antitumorale établie : c’est le cas de l’actinomycine D, de l’étoposide, de la vincristine, du BCNU, qui donnent des taux de réponse voisins de 30 %.

Les nouvelles classes d’agents cytotoxiques telles que les taxanes (docétaxel, paclitaxel), les analogues de la camptothécine (irinotécan, topotécan) ont une activité modeste dans les sarcomes osseux, après échec des traitements conventionnels.

Les nouveaux antimétabolites (gemcitabine, capecitabine), la vinorelbine n’ont pas été testés.

L’ecteinascidine (ET-743) a donné dans une étude de phase II des réponses sur des maladies réfractaires aux agents cytotoxiques conventionnels ; son évaluation se poursuit.

7- Chimiothérapies à hautes doses avec greffe de cellules-souches hématopoïétiques :

La constatation d’un effet dose pour les principaux agents cytotoxiques actifs dans ces affections, notamment le méthotrexate, la doxorubicine et l’ifosfamide, a conduit plusieurs groupes à étudier l’impact d’une augmentation de dose majeure de la chimiothérapie suivie d’une réinjection de cellules-souches hématopoïétiques, sous forme de greffon médullaire ou de cellules souches du sang périphérique.

L’ifosfamide, l’étoposide, le cisplatine et le carboplatine ont été utilisés le plus souvent dans ces protocoles.

Plus récemment, des combinaisons d’autres agents alkylants, en particulier busulfan et melphalan, ou le thiotépa, ont été évalués dans les sarcomes osseux avancés ou métastatiques, le plus souvent chez des patients à haut risque de rechute ou en rechute.

Des survies prolongées ont été observées chez certains des patients traités avec ces protocoles.

Ces traitements demeurent toutefois expérimentaux et doivent être réservés à des équipes entraînées.

Le protocole busulfan-melphalan est actuellement à l’étude dans le traitement des sarcomes d’Ewing à haut risque de rechute et/ou métastatiques.

D – MÉCANISMES BIOLOGIQUES DE LA RÉSISTANCE AUX CYTOTOXIQUES :

Les mécanismes de résistance aux agents cytotoxiques employés pour le traitement des tumeurs osseuses sont multiples.

Ils ont essentiellement été documentés in vitro. Ils peuvent faire intervenir :

– une diminution de l’entrée du médicament dans la cellule tumorale ;

– une augmentation de l’expulsion du médicament hors de la cellule.

Ceci a été documenté avec la glycoprotéine P dont la surexpression dans les lignées tumorales résistantes conduit à l’expulsion de la doxorubicine, mais aussi de l’actinomycine D et de la vincristine hors de la cellule.

Une corrélation entre l’expression de la glycoprotéine P et la résistance aux traitements cytotoxiques in vivo chez des patients porteurs d’un ostéosarcome a été rapportée ;

– une modification du métabolisme du médicament à l’intérieur de la cellule.

Ceci a été documenté pour le méthotrexate, avec une diminution du processus de polyglutamylation intracellulaire conduisant à une expulsion du médicament hors de la cellule ;

– une inactivation du médicament dans la cellule.

Ceci a été décrit pour l’ifosfamide et le cyclophosphamide avec une inactivation du composé cytotoxique par l’aldéhyde déshydrogénase, ou une conjugaison au gluthation par une gluthation S transférase ;

– une mutation ou une amplification de la cible moléculaire du médicament.

Ceci a été particulièrement bien documenté pour le méthotrexate ou une amplification du gène DHFR a été établie pour des lignées résistantes.

Dans d’autres lignées, la molécule DHFR est mutée et rendue ainsi insensible au blocage par le méthotrexate.

La plupart de ces altérations fonctionnelles ont été décrites in vitro.

Leur pertinence in vivo chez le patient reste à établir formellement.

Récemment, il a été rapporté que les altérations de la protéine p53 sont corrélées à la réponse au traitement et à la survie dans une série de patients traités pour sarcome d’Ewing.

L’implication de p53 dans l’induction de l’apoptose induite par les cytotoxiques fait de ce gène un candidat logique pour rendre compte de mécanismes de résistance dans certaines tumeurs.

Bien que ces travaux méritent confirmation, les altérations génétiques intrinsèques aux tumeurs pourraient rendre compte de phénomènes de résistance rencontrés in vivo.

E – CHIMIOTHÉRAPIE ADJUVANTE, NÉOADJUVANTE ET EN PHASE MÉTASTATIQUE :

1- Chimiothérapie adjuvante :

Le pronostic vital des ostéosarcomes avant l’arrivée des chimiothérapies adjuvantes était catastrophique, avec une médiane de survie sans progression de 6 mois et moins de 20 % de survivants à 2 ans.

L’administration d’une RT locale ou pulmonaire prophylactique s’est avérée inefficace pour réduire le risque de rechute métastatique.

Au cours des années 1970, les résultats de plusieurs études de phase II d’administration de chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante encadrant le geste locorégional ont suggéré que l’administration d’une chimiothérapie pourrait réduire le risque de survenue de métastases.

Cette hypothèse a été testée dans trois études randomisées comparant une chimiothérapie adjuvante à une absence de traitement postopératoire.

La première étude n’a pas mis en évidence de différence de survie entre les deux bras, mais portait sur un nombre de patients réduit et administrait un traitement adjuvant insuffisant comprenant uniquement du méthotrexate à doses intermédiaires.

Dans les deux autres études, qui utilisaient des polychimiothérapies adjuvantes comportant notamment de la doxorubicine, une amélioration significative de la survie sans rechute et de la survie globale à 2 ans a été rapportée pour le groupe traité par chimiothérapie.

L’administration de chimiothérapie adjuvante est donc désormais considérée comme un standard de traitement dans cette affection.

Le protocole optimal de chimiothérapie reste cependant encore débattu.

2- Chimiothérapie néoadjuvante :

L’administration d’une chimiothérapie néoadjuvante, avant le geste opératoire radical, offre plusieurs intérêts théoriques.

Elle permet : un traitement précoce de la maladie métastatique infraclinique ; un geste chirurgical différé avec fabrication d’une prothèse « à façon » pour le patient ; l’obtention d’un critère pronostique essentiel, la réponse histologique au traitement préopératoire.

De fait, plusieurs études prospectives non contrôlées suggéraient un avantage de survie avec l’administration d’une chimiothérapie néoadjuvante.

Une seule étude randomisée du Pediatric Oncology Group (POG) a cependant posé la question de l’intérêt de cette approche par rapport à une chimiothérapie adjuvante, en comparant un traitement par chimiothérapie néoadjuvante et adjuvante dans une série de patients pédiatriques traités pour un ostéosarcome.

Cette étude, présentée jusqu’à présent uniquement sous forme de résumé (ASCO 1997), ne met pas en évidence de différence entre les deux stratégies, mais le nombre de patients est réduit et sa puissance est donc faible.

La plupart des protocoles actuels utilisent une chimiothérapie néoadjuvante et adjuvante, encadrant le geste opératoire.

3- Chimiothérapie en phase métastatique :

Chez les patients présentant une maladie métastatique d’emblée ou en rechute, les protocoles de chimiothérapie utilisés sont les mêmes que ceux administrés en situation adjuvante ou néoadjuvante.

Le taux de réponse reste modeste dans ces affections et les réponses complètes exceptionnelles.

Bien que la chimiothérapie soit palliative, le plus souvent, dans cette situation, l’objectif doit rester d’obtenir une rémission complète en utilisant des stratégies thérapeutiques combinées à la chimiothérapie, la chirurgie de la tumeur primitive mais parfois aussi des métastases, et parfois la RT, notamment pour les sarcomes d’Ewing.

F – CONCLUSION :

L’administration de chimiothérapie permet de réduire le risque de rechute métastatique et d’améliorer la survie dans les ostéosarcomes, les sarcomes d’Ewing, et probablement dans les autres sarcomes osseux hors chondrosarcomes.

Les principaux médicaments actifs sont le méthotrexate, l’ifosfamide, la doxorubicine et le cisplatine pour l’ostéosarcome.

Dans la plupart des protocoles actuels, la chimiothérapie encadre le geste chirurgical et est donc administrée de façon néoadjuvante et adjuvante.

Désormais, la chimiothérapie s’intègre dans une stratégie multidisciplinaire du traitement des tumeurs osseuses chimiosensibles, notamment les ostéosarcomes, les sarcomes d’Ewing et les MFH osseux.

Généralités sur les traitements radiothérapiques :

A – MODALITÉS DE LA RADIOTHÉRAPIE :

1- Aspects techniques :

Les développements technologiques survenus au cours des 10 dernières années ont permis d’améliorer les étapes successives nécessaires à la mise en traitement des patients.

L’adaptation de la distribution de la dose à la forme exacte du volume cible a été baptisée « RT conformationnelle ».

Son but est d’optimiser le gradient de dose entre le volume tumoral cible du traitement d’une part, et les tissus sains environnants d’autre part, afin d’améliorer le contrôle local de la maladie, tout en réduisant le risque de séquelles.

Cette procédure est basée sur une reconstruction tridimensionnelle (3D) du volume tumoral (et du volume à risque d’envahissement), ainsi que des organes critiques à protéger.

Elle requiert la réalisation d’une imagerie dans la position du traitement, un scanner en général, permettant l’acquisition des données anatomiques.

La définition du volume tumoral doit prendre en compte les évaluations tant initiales que postchimiothérapiques et postopératoires, obtenues par tomodensitométrie (TDM) et par imagerie par résonance magnétique (IRM).

Ces informations sont prises en compte au mieux par les techniques de fusion d’images.

La dosimétrie assistée par ordinateur, menée conjointement par le physicien et le radiothérapeute, va permettre un choix optimisé de l’incidence des faisceaux, de la nature et de l’énergie du rayonnement (photons de haute énergie, électrons, voire protons), de la conformation latérale des faisceaux (par des caches individualisés ou des collimateurs multilames) et de l’homogénéisation de la dose en profondeur (compensateurs, filtres).

Elle permet de quantifier la dose reçue aux différents volumes relevés, sous forme d’histogrammes dose-volume.

Si les possibilités sont limitées dans le cas de tumeurs des os longs où la technique fait le plus souvent appel à deux faisceaux opposés, antéropostérieurs ou obliques, dans le cas des tumeurs de la base du crâne, du squelette axial ou des os de la face, cette procédure permet la réalisation de techniques complexes multifaisceaux permettant de délivrer au volume tumoral la dose nécessaire tout en assurant une protection optimale des organes critiques (voies optiques, névraxe, coeur, poumon, vessie).

Les avantages balistiques des faisceaux de protons peuvent, dans certaines de ces localisations tumorales situées au voisinage d’organes critiques, permettre une amélioration notable de l’index thérapeutique.

Dans le cas de tumeurs mal oxygénées, l’intérêt de la neutronthérapie peut être discuté.

La RT conformationnelle est associée à un contrôle de qualité permettant de maintenir un haut niveau de précision tout au long du traitement.

Une position confortable maintenue par un système de contention et des explications détaillées et renouvelées au patient sont indispensables à une bonne reproductibilité lors de chaque séance.

Toutes les études qui l’ont évalué sont convergentes : la qualité de la RT est un facteur pronostique du contrôle local de la maladie.

2- Prescription :

* Volume :

Le volume-cible comprend généralement l’extension tumorale initiale à l’os et aux parties molles, avec une marge de 3 à 5 cm, et la voie d’abord chirurgicale.

En cas de risque d’extension à la médullaire osseuse (tumeurs d’Ewing, lymphomes), il est classiquement recommandé d’englober la totalité de la pièce osseuse, en protégeant si possible l’épiphyse fertile opposée à la tumeur pour préserver le potentiel résiduel de croissance.

Cependant, les protocoles actuels tendent à réduire les volumes irradiés.

Une telle attitude est en cours d’évaluation et n’est permise que du fait des progrès de l’imagerie et d’un contrôle de qualité assurant le respect des marges nécessaires.

Au-delà de 45 Gy, des réductions successives du volume cible, prenant en compte la réponse à la chimiothérapie, sont réalisées.

* Dose :

La dose délivrée dans le volume initial, englobant la maladie infraclinique, varie de 40 Gy pour les lymphomes à 45 Gy pour les tumeurs d’Ewing et 50 Gy pour les ostéosarcomes et des chondrosarcomes.

Après réduction du volume, la zone d’envahissement tumoral macroscopique doit recevoir une dose totale permettant la stérilisation de la tumeur.

Cette dose dépend de la nature histologique de la tumeur.

De l’ordre de 50 Gy pour les lymphomes osseux, et de 55-60 Gy pour les tumeurs d’Ewing et les tumeurs neuroectodermiques périphériques, elle peut atteindre 65-75 Gy dans le cas des ostéosarcomes et des chondrosarcomes relativement plus radiorésistants.

Cette attitude est modulée selon les indications : RT exclusive, postou préopératoire.

Elle tient compte en particulier de la qualité de l’exérèse, et de la réponse histologique à la chimiothérapie première.

La présence d’organes critiques peut amener à réduire les doses.

* Fractionnement et étalement dans le temps :

Le fractionnement conventionnel est de cinq fractions par semaines de 1,8 à 2 Gy par séance.

Des protocoles bifractionnés (deux séances par jour espacées d’au moins 6 heures) sont à l’étude, soit dans le but d’accélérer le traitement (fractions de 1,6 Gy), soit dans le but d’améliorer la préservation des tissus sains, sensibles à la taille des fractions (fractions de 1,2 Gy).

Le bénéfice de ces fractionnements atypiques n’est pas démontré à l’heure actuelle.

B – COMPLICATIONS :

Elles dépendent de la dose totale, de la dose par fraction, de l’importance du volume irradié, des organes critiques inclus dans ce volume et de l’association à une chimiothérapie.

Elles dépendent également de facteurs individuels, au premier rang desquels l’âge du patient.

1- Réactions immédiates des tissus sains :

Les réactions qui surviennent en cours de traitement sont le plus souvent modérées et transitoires, à type d’érythème, d’épithélite sèche, de mucite et d’accélération du transit intestinal.

Dans quelques cas, elles peuvent être plus sévères (épithélite exsudative, dysphagie majeure) et nécessiter exceptionnellement une interruption de la RT.

Les techniques d’éloignement des anses grêles peuvent être utiles en cas d’irradiation du bassin. Une chimiothérapie concomitante accentue ces réactions.

Certaines drogues, en particulier la doxorubicine et la bléomycine, ne doivent pas être associées à la RT.

2- Séquelles tardives :

Le retentissement sur la taille est d’autant plus important que le potentiel résiduel de croissance osseuse est plus élevé et dépend de la dose, du volume et du site de l’irradiation.

Le risque de scoliose, de cyphoses ou de lordoses évolutives peut être limité par des règles strictes de prescription.

Les cartilages de croissance et les vertèbres incluses dans le champ doivent impérativement recevoir une dose homogène.

Le risque de fracture secondaire dépend de l’importance de la lyse osseuse.

Il faut éviter les biopsies larges dans ces zones ostéolytiques dont la consolidation est difficile.

Les séquelles à type de fibrose, d’atrophie des muscles et des tissus mous, de rétraction et de réduction de la mobilité peuvent être réduites par la kinésithérapie, et il faut éviter d’irradier une articulation dans sa totalité.

Lors d’irradiations des extrémités, une bande de tissu doit obligatoirement être protégée pour préserver le retour lymphatique.

Chez la fille, en cas d’irradiation du bassin, une transposition des ovaires doit être discutée.

3- Induction de tumeurs secondaires :

L’amélioration des taux de survie s’est associée à la mise en évidence d’un risque de sarcomes osseux secondaires, principalement des ostéosarcomes, d’autant plus élevé que l’irradiation a eu lieu à un jeune âge et que la dose est plus élevée.

Lors d’une analyse récente portant sur 674 cas de tumeurs d’Ewing, le risque de sarcome survenant en territoire irradié a été estimé à 3-6 % à 15 ans.

C – INDICATIONS :

1- Tumeurs osseuses malignes :

L’indication de la RT doit être portée après discussion pluridisciplinaire impliquant les chirurgiens, les oncologues médicaux ou pédiatriques et les radiothérapeutes.

La RT est particulièrement utile dans le cas de tumeurs du squelette axial, des os de la face et de la base du crâne en combinaison avec une chirurgie limitée lorsque celle-ci est réalisable.

Dans le cas de tumeurs des extrémités, la RT joue un rôle important dans le contrôle local des tumeurs d’Ewing et des tumeurs neuroectodermiques périphériques le plus souvent en association avec la chirurgie.

L’abstention de RT n’est discutée pour ces tumeurs radiosensibles que dans les cas de bon pronostic (petite tumeur ayant bien répondu à la chimiothérapie première).

La RT n’est généralement pas indiquée de première intention dans le cas des ostéosarcomes et des fibrosarcomes osseux (bien qu’elle ait dans ce cas une certaine efficacité) ; dans les chondrosarcomes, elle n’a que des indications rares, ces tumeurs étant plutôt radiorésistantes.

Elle est réservée, pour ces tumeurs relativement radiorésistantes, aux formes dont l’exérèse carcinologique n’est pas réalisable, en cas de refus de l’intervention, ou encore à titre palliatif.

2- Tumeurs osseuses bénignes :

Les tumeurs bénignes sont le plus souvent traitées par chirurgie seule.

La RT n’est envisagée que dans les formes agressives, récidivantes, lorsqu’une une résection satisfaisante n’est pas possible.

Le rapport risque/bénéfice doit alors soigneusement être pesé, d’autant plus que le sujet est plus jeune et les conséquences d’une abstention, en fonction de l’histoire naturelle de la maladie, doivent être au préalable examinées.

Son indication a été retenue en particulier dans les formes récidivantes de tumeurs à cellules géantes, localisées au névraxe.

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