Épistaxis

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L’hémorragie nasale ou épistaxis est un saignement d’origine endonasale s’extériorisant tantôt par les narines (épistaxis antérieure) tantôt par le rhinopharynx (épistaxis postérieure), tantôt mixte.

GÉNÉRALITÉS :

ÉpistaxisUrgence très fréquente en ORL, l’épistaxis est le plus souvent bénigne.

Dans certains cas cependant, elle réalise par son abondance ou sa répétition une véritable urgence thérapeutique.

L’épistaxis est un symptôme dont les variables anatomiques, quantitatives et étiologiques s’expliquent par :

* l’extrême richesse du réseau vasculaire des fosses nasales, assuré :

– par le système carotidien externe : branches des artères maxillaires interne et faciales.

– par le système carotidien interne : artères ethmoïdales antérieures et postérieures, branches des artères ophtalmiques…

* ces deux systèmes artériels sont riches en anastomoses, principalement dans la partie antéro-inférieure de la cloison constituant une véritable tache vasculaire ou zone de Kisselbach.

* la dépendance étroite vis-à-vis des à-coups tensionnels céphaliques.

* l’exposition directe de la muqueuse à l’air ambiant (température, pression et hygroscopie).

* une épistaxis pose quatre problèmes :

– la diagnostiquer.

– en reconnaître l’abondance et le retentissement.

– en rechercher l’étiologie.

– assurer l’hémostase.

* en fonction de la quantité de sang perdu, on distingue :

– l’épistaxis légère : 10 à 100cc de sang, cessant en 10 minutes.

– l’épistaxis abondante : 250 à 400cc en 30 minutes, dans 15% des cas.

– l’épistaxis grave : 500 à 1000cc parfois cataclysmique, avec signes de choc (5%).

Diagnostic positif et de gravité :

TABLEAUX CLINIQUES :

Deux tableaux cliniques peuvent être schématiquement individualisés.

Épistaxis bénigne :

C’est le banal saignement de nez.

Écoulement de sang rouge, souvent unilatéral, peu abondant :

– il n’existe pas de retentissement sur l’état général.

– l’épistaxis survient chez 15% des enfants dont 1% nécessitent le traitement du spécialiste.

L’examen ORL est facile après mouchage, la rhinoscopie antérieure montrant le siège d’un saignement, très souvent au niveau de la tache vasculaire de Kisselbach.

Épistaxis importante :

L’épistaxis importante est antérieure et postérieure à la fois.

En arrière, l’écoulement est mis en évidence par l’examen du pharynx à l’abaisse-langue.

L’examen ORL est difficile dans ces cas, ne permettant pas toujours de localiser l’origine du saignement : en principe postérieur, dans une des fosses nasales.

Il peut exister un retentissement sur l’état général.

Remarque :

On se méfiera d’épistaxis bénignes en apparence, mais qui peuvent devenir graves par leur retentissement sur l’équilibre hémodynamique :

– épistaxis dégluties chez un sujet en décubitus dorsal.

– épistaxis antérieures de faible abondance mais répétées et/ou associées à un écoulement postérieur prolongé passé inaperçu.

– épistaxis répétées avec anémie hypochrome hyposidérémique.

Quelle que soit l’importance du saignement, l’interrogatoire, l’examen ORL et général ainsi qu’un bilan paraclinique sont indispensables afin d’en évaluer la gravité et d’en orienter l’étiologie.

EXAMEN CLINIQUE :

Interrogatoire :

L’interrogatoire du patient et de l’entourage précise :

* le terrain :

– âge, sexe (épistaxis vicariante des règles, grossesse).

– antécédents médicaux personnels et familiaux (notamment HTA, maladies hémorragiques héréditaires, hémopathies…).

– notion de prise médicamenteuse (Aspirine, anticoagulants).

– signes d’imprégnation éthylique chronique.

– notion de traumatisme cranio-facial récent et accompagné de signes visuels et/ou oculomoteurs.

* l’épisode actuel :

– mode de début, durée, circonstance déclenchante.

– quantité approximative de sang perdu.

Examen général :

L’examen général permet d’évaluer le retentissement de la spoliation sanguine par :

– la prise du pouls et de la tension artérielle.

– l’aspect du patient : pâleur, sueurs, soif, oligurie, agitation, anxiété, altération de la conscience…

Examen ORL :

L’examen ORL est réalisé chez un patient en position assise ou demi-assise :

– à l’aide d’un bon éclairage (miroir de Clar).

– après mouchage d’une fosse nasale, puis de l’autre pour évacuer les caillots.

* Il comprend :

– une rhinoscopie antérieure.

– une rhinoscopie postérieure lorsqu’elle est possible (cavum et choanes).

– un examen pharyngé (saignement postérieur).

–  une endoscopie des FN (optiques à 0°, 30°).

Cet examen permet d’apprécier :

– le côté du saignement.

– son siège antérieur ou postérieur.

– son caractère localisé ou diffus.

* En fonction de l’importance du saignement et de son retentissement sur l’état général, il faut répondre aux questions suivantes :

– quand hospitaliser ? que faire en attendant ?

– quand poser une voie veineuse et transfuser ?

– quel type de traitement mettre en œuvre : local et/ou systémique ?

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

Les examens complémentaires à pratiquer sont les suivants :

* groupe sanguin, Rhésus, recherche d’agglutinines irrégulières.

* hématocrite, hémoglobine, plaquettes.

* bilan d’hémostase (temps de saignement, TQ, TCK).

D’autres examens spécialisés sont demandés dans un second temps en fonction de l’orientation étiologique (bilan hépatique, radiographies des sinus, scanner…).

Diagnostic étiologique :

On peut opposer des causes spécifiquement ORL donc locales (nasales et paranasales) et des causes générales, où l’épistaxis n’est qu’un épiphénomène d’une maladie déjà connue ou révélée par cette épistaxis.

ÉPISTAXIS DE CAUSE LOCALE :

Épistaxis infectieuses et inflammatoires :

Les épistaxis infectieuses et inflammatoires surviennent dans un contexte de :

– rhinosinusites aiguës, coryza.

– corps étranger nasal associé à une obstruction unilatérale et fétide chez un jeune enfant.

– ulcère de la cloison, voire perforation d’origine variable.

Épistaxis traumatiques :

Traumatismes maxillo-faciaux :

Tous les traumatismes faciaux ou cranio-faciaux peuvent se compliquer d’épistaxis :

– fracture de la pyramide nasale.

– fracture du tiers moyen ou du tiers supérieur de la face (attention à l’association à une fracture de l’étage antérieur de la base du crâne, le LCR accompagnant l’épistaxis).

– fracture de la base intéressant le sphénoïde au contact du sinus caverneux.

– barotraumatisme.

Se méfier tout spécialement de toute épistaxis survenant après un intervalle libre dans les suites d’un traumatisme facial :

– une blessure de la carotide interne peut se manifester dans son trajet rétrostylien, dans son segment intrapétreux ou, plus fréquemment, dans sa portion intracaverneuse.

– une fistule carotido-caverneuse immédiate ou plus ou moins retardée par rapport au traumatisme, avec exophtalmie pulsatile, amaurose, paralyse oculomotrice et chémosis conjonctival.

Traumatismes iatrogènes :

* Traumatismes iatrogènes au décours d’une intubation nasale, d’une fibroscopie, de la mise en place d’une sonde naso-gastrique.

* Chirurgie rhinosinusienne :

– septoplastie.

– turbinectomie.

– septorhinoplastie.

– polypectomie.

– méatotomie.

– ethmoïdectomie et ouverture du sphénoïde.

Épistaxis tumorales :

Épistaxis des tumeurs bénignes :

* Fibrome naso-pharyngien :

– tumeur du cavum chez l’adolescent de sexe masculin, habituellement révélée par des épistaxis récidivantes et une obstruction nasale.

– l’examen objective une masse polylobée implantée à la partie supérieure des choanes.

– une biopsie est formellement contre-indiquée en raison du risque hémorragique.

– un bilan scanographique s’impose.

– le traitement repose sur l’exérèse chirurgicale après embolisation.

* Angiofibrome ou polype saignant de la cloison.

* Tumeur saignante de l’ethmoïde (hémangiopéricytome).

Epistaxis des tumeurs malignes :

* Toutes les tumeurs des cavités nasales, des sinus ou du cavum, quelle que soit leur histologie, peuvent se révéler par une épistaxis :

– UNCT du cavum.

– adénocarcinome de l’ethmoïde (travailleurs du bois).

– carcinome épidermoïde des fosses nasales, des sinus.

– mélanome.

* Il faut rechercher, à l’interrogatoire, la notion d’obstruction nasale, de douleurs et de signes déficitaires neurologiques.

ÉPISTAXIS DE CAUSE GENERALE :

Maladies infectieuses :

* Typhoïde.

* Scarlatine (syndrome malin).

Maladies métaboliques :

* Diabète.

* Scorbut.

Pathologie vasculo-tensionnelle :

* Hypertension artérielle.

* Athéromatose.

* Insuffisance rénale.

Troubles de la crase sanguine :

* Traitements anticoagulants.

* Insuffisance hépatique.

* Hémopathies :

– hémophilies A et B (à traiter en milieu spécialisé).

– thrombopénies des aplasies médullaires : idiopathiques, toxiques, médicamenteuses et leucosiques.

– thrombopathie constitutionnelle (maladie de Willebrand).

Fragilité vasculaire sans troubles de la coagulation :

Fragilité vasculaire sans troubles de la coagulation avec parfois allongement du temps de saignement :

* purpuras.

* fragilité capillaire constitutionnelle.

* maladie de Rendu-Osler : angiomatose hémorragique et familiale à localisation cutanée (thorax), ORL et digestive (hémorragie intestinale), sans trouble de la coagulation. L’examen montre des télangiectasies cutanées et muqueuses (angiomes stellaires).

ÉPISTAXIS ESSENTIELLES :

Les épistaxis essentielles sont les plus fréquentes avant la puberté.

Facteurs favorisants :

– grattage, exposition solaire, efforts physiques, phénomènes vasomoteurs…

– modifications endocriniennes : puberté, grossesse et période prémenstruelle.

Traitement :

Outre le traitement général (repos, sédatifs éventuels, correction d’une éventuelle anémie…), le traitement de l’épistaxis a pour but :

– de tarir l’hémorragie.

– d’éviter sa reproduction.

TARIR L’HÉMORRAGIE :

Indications générales :

Les gestes à visée hémostatique sont nombreux, mis en œuvre successivement, réalisant une véritable escalade thérapeutique.

Epistaxis bénigne :

Pour une épistaxis bénigne, des méthodes simples suffisent souvent :

* à ce stade, ne pas oublier les petits moyens qui doivent précéder tout autre geste :

– vessie de glace sur le visage.

– glaçons à sucer.

* compression bidigitale des ailes du nez :

– après mouchage pour débarrasser les caillots.

– pendant 10 minutes, montre en main.

* compression par tamponnement vestibulaire (épistaxis provenant de la tache vasculaire) à l’aide de mèches imbibées de Xylocaïne* naphazolinée ou de mèches résorbables (Surgicel*).

* cautérisation de la tache vasculaire :

– galvanique (galvanocautère).

– chimique (nitrate d’argent).

– par le froid (cryothérapie).

Saignement persistant ou épistaxis plus importante :

Lorsque le saignement persiste ou devant une épistaxis plus importante :

* tamponnement antérieur :

– à l’aide de mèches grasses ou de mèches expansives après humidification (Mérocel*) laissées 48 à 72 heures.

– sous couvert d’une antibiothérapie (amoxicilline) destinée à prévenir les complications septiques.

* tamponnement postérieur maintenu en place au moins 48 heures, sous couverture antibiotique (sous anesthésie générale avec des mèches grasses, placées dans le cavum ou mieux par ballonnet gonflable évitant l’anesthésie).

* compression antéropostérieure (sonde à double ballonnet ou ballonnet postérieur associée à un tamponnement antérieur).

Hémorragie persistante :

Si l’hémorragie persiste, une attitude plus active s’impose. Elle sera nuancée selon qu’on est en présence d’une coagulopathie ou d’une étiologie vasculaire. La richesse des anastomoses périphériques court-circuite souvent les ligatures vasculaires. On aura à choisir :

* une intervention sous endoscope rigide avec coagulation directe du point de saignement, ou pose d’un clip sur l’artère sphéno-palatine.

* une ligature artérielle ou un clipage :

– sur l’artère ethmoïdale par voie orbitaire.

– sur la maxillaire interne par voie transantrale.

* une artériographie diagnostique et thérapeutique : solution élégante permettant l’embolisation sélective des branches de la carotide externe.

Indications particulières :

* Angiomatose de Rendu-Osler :

– cautérisation pour les formes mineures.

– injections sous-muqueuses de colle biologique.

– embolisations sélectives.

– dermoplastie nasale consistant en une résection de la muqueuse, remplacée par une greffe de peau mince.

* Lésions traumatiques de la carotide interne : en présence d’une épistaxis accompagnée d’un déficit oculomoteur ou d’amaurose ou d’une épistaxis retardée et/ou récidivante dans le cadre d’un traumatisme :

– on s’abstiendra de tout abord direct ORL (catastrophique).

– mais on réalisera une artériographie interventionnelle (ballonnet largable).

ÉVITER LA REPRODUCTION DE L’HÉMORRAGIE :

* Traitement étiologique général :

– HTA.

– insuffisance hépatique.

– hémopathie.

* Traitement étiologique local :

– traumatisme.

– tumeur.

– cautérisation d’une tache vasculaire.

* Prévention :

– éviter Aspirine et AINS.

– contrôler un traitement anticoagulant.

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