Medix cours de médecine en ligne – Encyclopédie Médicale

Surdité d’apparition brutale

La surdité brusque est une urgence thérapeutique. Elle se définit comme une hypoacousie de perception unilatérale à tympan normal, d’apparition brutale, par atteinte cochléaire pure, de cause inconnue et d’évolution imprévisible. Un bilan étiologique (biologie, sérologies, immunologie, explorations cochléo-vestibulaires et imagerie) permet d’éliminer les diagnostics différentiels, en particulier le neurinome de l’acoustique. Ce bilan est réalisé de façon systématique mais ne doit pas retarder la mise en route du traitement qui associe, selon les auteurs, vasodilatateurs, corticoïdes, carbogène, oxygénothérapie hyperbare et substances osmotiques.

PHYSIOPATHOLOGIE :

Parmi les hypothèses pathologiques évoquées, on retiendra principalement :

* l’origine virale :

– suspectée devant un épisode pseudo-grippal ou rhino-pharyngé aigu.

– parfois confirmée biologiquement par une sérologie virale.

– certaines études anatomopathologiques retrouvent des lésions de labyrinthite avec atteinte de la strie vasculaire de la cochlée.

* l’origine vasculaire : notion de facteurs de risque cardio-vasculaires (hypertension artérielle, diabète, tabagisme) ; trois mécanismes peuvent être retenus :

– hémorragique (hypertension artérielle, traitement anticoagulant, hémopathie).

– thrombotique (dyslipidémie, coagulopathie, hypercoagulabilité).

– spastique (pouvant expliquer l’efficacité rapide des vasodilatateurs).

* autres hypothèses évoquées :

– pressionnelles.

– allergiques.

– immunologiques.

Diagnostic positif :

EXAMEN CLINIQUE :

Signes fonctionnels :

* Hypoacousie :

– d’apparition brutale sans prodrome, sans cause apparente.

– le plus souvent unilatérale, partielle ou importante d’emblée.

* Signes d’accompagnement inconstants :

– acouphènes.

– sensation de plénitude de l’oreille.

– signes de distorsion de la sensation sonore.

* L’interrogatoire permet, par ailleurs, de préciser :

– l’âge.

– les antécédents familiaux.

– les antécédents personnels (facteurs de risque cardio-vasculaires).

– les circonstances de survenue de la surdité (traumatisme, infection…).

– les signes d’accompagnement (acouphènes, vertiges…).

– les médicaments ototoxiques.

Signes physiques :

Examen ORL :

* Otoscopie : tympan normal.

* Acoumétrie (épreuves au diapason) :

– mettant en évidence une surdité de perception.

– l’épreuve de Weber est latéralisée du côté sain.

– l’épreuve de Rinne est positive du côté atteint.

* Examen vestibulaire normal (nystagmus, déviation des index, épreuve de Romberg, marche en étoile…).

Examen neurologique normal :

* Paires crâniennes normales.

* Absence de syndrome méningé, pyramidal ou cérébelleux.

* Absence de syndrome d’hypertension intracrânienne.

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

Audiométrie tonale liminaire :

L’audiométrie tonale liminaire est pratiquée en urgence.

* Elle confirme la surdité de perception pure (chute des courbes osseuses et aériennes restant accolées).

* Elle quantifie l’importance de la surdité en déterminant le seuil auditif de 6 à 8 fréquences de 125 Hz à 8000 Hz.

* Elle permet, selon certains auteurs, d’orienter vers une étiologie probable :

– courbe ascendante qui évoquerait plutôt une origine pressionnelle endolabyrinthique.

– cophose, subcophose, courbes plongeantes vers les fréquences aiguës évoqueraient une origine vasculaire (obstruction de l’artère cochléaire).

– scotome centré sur les fréquences aiguës qui serait en rapport avec une ischémie du territoire du ligament spiral.

* Elle permet une surveillance audiométrique régulière toutes les 24 à 48 heures.

Étude des réflexes stapédiens :

Parfois différée, l’étude des réflexes stapédiens confirme le caractère endocochléaire de la surdité de perception en mettant en évidence le phénomène de recrutement par le test de Metz : l’écart entre le seuil stapédien et le seuil auditif est inférieur à 80 dB.

Devant ce premier bilan clinique et paraclinique, le diagnostic de surdité de perception endocochléaire, d’apparition brutale sans cause évidente, peut être porté.

Bilan :

BILAN BIOLOGIQUE :

Biologie usuelle :

Le bilan biologique usuel comporte :

– NFS, VS, plaquettes.

– ionogramme sanguin, glycémie.

– bilan hépatique (ASAT, ALAT, gammaGT, phosphatases alcalines).

– bilan lipidique (triglycérides, cholestérol).

– uricémie.

– bilan phosphocalcique.

– TP, TCK.

Bilan sérologique :

Le bilan sérologique comprend :

– TPHA, VDRL.

– VIH.

En présence d’un syndrome viral récent : sérologies de l’herpès, du virus Epstein-Barr, du Cytomégalovirus ainsi que du virus de la varicelle, du zona et des oreillons.

Bilan immunologique :

Le bilan immunologique comprend la recherche :

– d’anticorps anti-éthinylestradiol, d’anticorps antiprogestérone (chez les femmes sous contraceptifs oraux).

– de facteurs antinucléaires.

– de fractions du complément C3, C4, CH50.

BILAN COCHLEO-VESTIBULAIRE :

Un bilan cochléo-vestibulaire est pratiqué comprenant les éléments suivants.

* Audiométrie tonale liminaire : hypoacousie de perception.

* Audiométrie tonale supraliminaire et étude des réflexes stapédiens : hypoacousie de perception endocochléaire :

– le test de Metz : l’écart entre le seuil stapédien et le seuil auditif est inférieur à 80 dB.

– le test de Fowler : lorsque l’intensité augmente, l’écart entre deux intensités pour une même sensation augmente.

* Tympanogramme : normal.

* Audiométrie vocale : elle est souvent anormale avec éléments de distorsion de la sensation sonore :

– troubles de l’intelligibilité.

– diplacousie confirmant la gêne sociale souvent sous-estimée par l’audiométrie tonale, liée au phénomène de recrutement.

* Potentiels évoqués auditifs :

– normaux (absence d’allongement des latences et des intervalles).

– limités aux fréquences aiguës.

– ininterprétables si le déficit auditif est supérieur à 60 dB.

– détectant la présence de lésions rétrocochléaires, notamment le neurinome de l’acoustique.

* Epreuve calorique vestibulaire et vidéonystagmographie : normales.

IMAGERIE :

* But : exploration des conduits auditifs internes et de l’angle ponto-cérébelleux.

* Tomodensitométrie.

* IRM :

– au gadolinium.

– indiquée lorsque les potentiels évoqués auditifs sont impraticables, anormaux, s’il existe des signes neurologiques, ou systématique pour certains auteurs.

– permet d’éliminer formellement un neurinome de l’acoustique.

BILAN DU TERRAIN :

Fond d’œil, écho-Doppler des vaisseaux du cou, ECG.

Diagnostic différentiel :

SURDITES DE TRANSMISSION :

Les surdités de transmission sont éliminées d’emblée sur les caractères cliniques acoumétriques et audiométriques.

SURDITES DE PERCEPTION D’ORIGINE CENTRALE :

Les surdités de perception d’origine centrale font discuter :

– sclérose en plaques.

– tumeurs.

– lésions d’origine vasculaire.

– maladies dégénératives.

– maladies métaboliques.

– maladies inflammatoires.

SURDITES DE PERCEPTION RETROCOCHLEAIRE :

10% des neurinomes de l’acoustique se révèlent par une surdité brusque (liée à une compression artérielle cochléaire).

SURDITES DE PERCEPTION ENDOCOCHLEAIRE :

Les surdités de perception endocochléaire sont les suivantes.

Maladie de Ménière :

Labyrinthite infectieuse :

* Bactérienne :

– labyrinthite aiguë suppurée.

– labyrinthite aiguë séreuse.

– labyrinthite compliquant une otite chronique.

– surdité post-méningitique.

– syphilis.

* Virale :

– infections virales spécifiques : oreillons, rubéole, zona, varicelle, Herpès simplex virus I et II, Parainfluenzae A, B et C, virus Epstein-Barr, Cytomégalovirus.

– VIH.

– labyrinthite cochléaire +/- vestibulaire.

– névrite cochléaire.

– polyneuropathie virale.

– méningo-encéphalite virale.

Surdités toxiques :

Elles peuvent être dues à :

– aminosides (streptomycine, gentamicine, tobramycine, vancomycine).

– érythromycine intraveineuse.

– néomycine.

– cisplatine.

– furosémide, édécrine.

– quinines.

– dérivés salicylés à fortes doses.

– oxyde de carbone, plomb, benzol.

– tabac, alcool.

Surdités traumatiques :

Fracture de la membrane cochléaire :

* intracochléaire.

* fracture de la fenêtre ovale et/ou de la fenêtre ronde :

– après un traumatisme crânien.

– après un barotraumatisme.

– post-stapédectomie.

– associée à une malformation congénitale.

Surdité liée à une occlusion vasculaire :

* Partielle :

– syndromes myéloprolifératifs (polyglobulie, maladie de Waldenström).

– obstruction de petits vaisseaux (microembolies, embolie gazeuse).

– rétrécissement des petits vaisseaux (diabète, athérosclérose, maladie de Buerger).

– états d’hypercoagulabilité.

– vasospasme.

* Complète :

– thromboembolie de l’artère cochléaire.

– microembolie postchirurgicale.

– manipulation cervicale.

* Hémorragie de l’oreille interne :

– leucémie.

– anticoagulants.

Évolution et pronostic :

ÉVOLUTION :

L’évolution paraît imprévisible malgré un traitement institué en urgence.

Elle peut se faire vers :

– une régression totale.

– une régression partielle.

– une absence de régression.

FACTEURS PRONOSTIQUES :

Les facteurs de mauvais pronostic sont :

– l’âge supérieur à 40 ans.

– l’importance de l’hypoacousie (supérieure à 75 dB).

– l’aspect de la courbe audiométrique (cophose et subcophose).

– l’état fonctionnel de l’oreille controlatérale.

– le délai de mise en route du traitement.

Traitement :

Le traitement médical de la surdité brusque doit être entrepris en urgence en l’absence de contre-indication.

Le but du traitement est de lutter contre l’anoxie cochléaire.

HOSPITALISATION :

* L’hospitalisation doit être décidée d’urgence, afin de débuter le traitement le plus précocement possible.

* Durée : 8 jours.

MESURES HYGIENO-DIETETIQUES :

Les mesures hygiéno-diététiques comportent :

– le repos au calme.

– la prévention des traumatismes sonores.

– l’arrêt de l’alcool et du tabac.

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX A LA PHASE AIGUE :

* Vasodilatateurs (par voie parentérale) :

– ifenprodil (Vadilex*, ampoule de 5mg) : 2 à 3 ampoules par 24 heures par voie intraveineuse lente.

– ou pentoxifylline (Torental*, ampoule de 100mg) : 4 à 6 ampoules par 24 heures en perfusion.

– ou naftidrofuryl (Praxilène*, ampoule de 200mg) : 2 ampoules par 24 heures en perfusion.

– après avoir pratiqué un ECG afin d’éliminer toute contre-indication cardiaque.

* Corticoïdes (par voie parentérale ou per os) :

– méthylprednisolone (Solu-Médrol*) : 1mg/kg/j en une injection par voie intramusculaire ou intraveineuse.

– tétracosactide (Synacthène* immédiat, ampoule de 0,25mg) : 3 ampoules par 24 heures.

– Synacthène* retard, ampoule de 1mg : 1 ampoule par voie intramusculaire profonde par 24 heures.

– Solupred*, comprimé de 20mg : 1mg/kg/j le matin.

* Dioxyde de carbone (Carbogène*) :

– vasodilatation artérielle puissante.

– inhalation par masque (95% O2 + 5% CO2).

– six à huit séances de 15 à 30min/24h.

* Oxygénothérapie hyperbare :

– une séance quotidienne de 1 heure à 100% d’O2 sous 2 atmosphères.

– pendant 8 à 10 jours.

– surveillance audiométrique toutes les 48 heures.

* Substances osmotiques (par voie parentérale), utilisées en cas de suspicion de troubles pressionnels de l’oreille interne :

– acétazolamide, flacon 500mg (Diamox*) : 1 à 2g/j par voie intraveineuse lente.

– glycérol, flacon de 150 et de 300ml (Glycérotone*) : 1g/kg/12h.

– Mannitol*, 10%, 500cc/24h.

– sulfate de magnésium, 15%, 1 ampoule par 24 heures par voie intraveineuse lente.

* Anxiolytiques : bromazépam (Lexomil*) per os.

* Antiagrégants plaquettaires, anticoagulants.

TRAITEMENT AU DÉCOURS DE LA MALADIE :

* Le traitement au décours de la maladie nécessite du repos (arrêt de travail pendant 2 à 4 semaines).

* Vasodilatateurs :

– per os pendant 1 à 2 mois.

– Nootropyl*, 1 comprimé, trois fois par jour.

– Sermion*, 1 comprimé, trois fois par jour.

* Contre-indiquer les médicaments ototoxiques.

* Éviter les traumatismes sonores.

* Conseils hygiénodiététiques, fiche de précautions.

Quitter la version mobile