Infections naso-sinusiennes aiguës de l’adulte

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Les infections naso-sinusiennes aiguës sont fréquentes en pratique médicale courante. Elles correspondent à un envahissement par des agents pathogènes (virus, germes banals), de la muqueuse naso-sinusienne dont la première ligne de défense est dépassée. La muqueuse naso-sinusienne est une muqueuse de type respiratoire, ciliée, riche en glandes séromuqueuses. Elle tapisse l’ensemble des fosses nasales et des sinus, cavités aériques s’ouvrant sur les fosses nasales par l’ostium. Une rhinite infectieuse aiguë est le plus souvent d’origine virale. Elle réalise le tableau clinique banal de « rhume de cerveau » ou coryza. Une sinusite aiguë est une complication fréquente des rhinites, généralement due à une surinfection bactérienne. La symptomatologie varie en fonction de la localisation sinusienne. Les complications des sinusites sont rares mais graves, en particulier sur un terrain débilité (surtout chez l’immunodéprimé).

Rhinites aigues :

Infections naso-sinusiennes aiguës de l'adulteL’infection nasale la plus fréquente résumant la symptomatologie inflammatoire de la muqueuse nasale est la rhinite aiguë épidémique ou coryza, encore appelée « rhume de cerveau ».

DIAGNOSTIC :

Tableau clinique :

Le diagnostic positif repose principalement sur un tableau clinique assez commun.

* Le début est assez banal, tantôt insidieux, tantôt brutal. Dans un contexte épidémiologique avéré, le patient invoque souvent un refroidissement pour justifier :

– l’apparition de signes généraux à type d’asthénie, de courbatures, voire de frissons.

– tandis que les signes locaux suivent rapidement une sensation de brûlure ou de sécheresse intranasale des picotements pharyngés et une toux réflexe.

* La phase d’état survient en 48 heures avec :

– son obstruction nasale.

– sa rhinorrhée aqueuse, puis muqueuse.

– quelques éternuements.

– parfois une diminution sensible de l’odorat.

* Au bout de 3 à 4 jours, les sécrétions deviennent mucopurulentes puis diminuent progressivement en même temps que la symptomatologie générale, tandis que la perméabilité nasale redevient pratiquement normale en 8 à 10 jours.

* L’examen clinique au spéculum montre :

– un œdème de la muqueuse nasale surtout marqué à la tête des cornets inférieurs.

– la présence de sécrétions séreuses ou mucopurulentes selon le stade de la rhinite.

Évolution et complications :

Habituellement, la guérison survient en 8 à 10 jours pour peu que quelques précautions élémentaires soient prises sur le plan vestimentaire et pour libérer les fosses nasales par mouchage.

Le coryza peut se prolonger avec surinfection persistante.

* Les complications sont variables selon les antécédents du patient : terrain prédisposé (déficit commun variable en IgA), les facteurs extrinsèques climatiques et/ou professionnels, le tabagisme, etc.

* Les complications sont relativement peu fréquentes et on retiendra :

– l’otite moyenne aiguë.

– la sinusite aiguë.

– la laryngite, voire la trachéo-bronchite aiguë.

Examens paracliniques :

La recherche des virus responsables n’est pas réalisée en clinique courante. Il s’agit la plupart du temps de Rhinovirus. Les variantes de ces différents virus sont très nombreuses et leurs caractéristiques immunologiques très variables d’une saison à l’autre (mutations).

* La surinfection est pratiquement la règle générale en raison de l’agression virale sur l’appareil muco-ciliaire. Par ordre de fréquence, on citera l’Haemophilus, le streptocoque, le pneumocoque, voire le staphylocoque. Il n’est naturellement pas question de faire un prélèvement bactériologique dans les rhinites qui se déroulent banalement.

* La radiographie de routine peut montrer un voile traduisant un aspect congestif de la muqueuse sinusienne : à ce stade, la demande d’imagerie n’est pas justifiée.

Normalement, le nombre de rhinites aiguës annuelles ne dépasse pas deux par individu. La répétition de la symptomatologie, souvent mal décrite par le patient, l’accompagnement des épisodes par des algies péri-orbitaires ou de simples sensations de pesanteur doivent entraîner une endoscopie nasale et la réalisation d’un cliché standard des sinus (incidence de Blondeau).

Diagnostic différentiel :

Le diagnostic différentiel se fera essentiellement avec le syndrome d’hyperréactivité nasale qui associe sur le plan fonctionnel : obstruction nasale et éternuements paroxystiques en salves, suivis d’épisodes de rhinorrhée aqueuse, de prurit intranasal et de diminution de l’odorat.

– ce syndrome d’hyperréactivité nasale peut relever de multiples facteurs plus ou moins associés : environnement domestique et/ou professionnel.

– l’interrogatoire sera minutieux pour faire la part entre les rhinites virales banales et les poussées inflammatoires aiguës sur un tableau de rhinite inflammatoire chronique. On sera donc amené à passer en revue les différents tableaux suivants :

* la rhinite allergique saisonnière (rhume des foins) et la rhinite perannuelle (sensibilisation aux acariens) :

– le diagnostic n’est pas toujours évident en présence d’un allergène peu commun.

– la persistance de la symptomatologie, la récidive fréquente doivent amener la réalisation d’un bilan allergologique.

* la rhinite non allergique avec éosinophilie nasale se rapproche de la rhinite allergique perannuelle sur le plan symptomatique, mais les tests cutanés sont négatifs et il existe une importante éosinophilie dans les sécrétions nasales. Ce syndrome, volontiers chronique, souvent rebelle au traitement antihistaminique, peut être le prélude à une polypose nasale avec ou sans asthme, avec ou sans intolérance médicamenteuse (Aspirine, AINS, etc.).

* la polypose nasale est souvent précédée par un stade de rhinosinusite œdémateuse avec des épisodes aigus trompeurs :

– au stade initial, seule l’endoscopie nasale au tube rigide peut permettre un diagnostic précoce.

– en tout cas l’imagerie (aussi bien radiographie conventionnelle que scanner) ne peut être interprétée qu’en fonction des données de l’endoscopie.

* les rhinites vasomotrices représentent un diagnostic d’exclusion lorsque l’allergie et l’hyperéosinophilie ont été éliminées :

– on incrimine des désordres neurovégétatifs avec prédominance tantôt du tonus sympathique, tantôt de l’activité cholinergique.

– elles forment un groupe hétérogène où quelques tableaux cliniques se signalent par leur singularité : obstruction nasale de la femme enceinte, hydrorrhée paroxystique du sujet âgé, hydrorrhée réflexe par ingestion de mets épicés, etc.

Conclusion : tous ces états inflammatoires de la muqueuse nasale favorisent les poussées de rhinites aiguës, dont la répétition justifie cette démarche diagnostique à la recherche d’une étiologie « cachée ».

Diagnostic étiologique :

* Causes virales : six grandes familles de virus sont responsables des rhinites aiguës : les Rhinovirus (30 à 50%), les Coronavirus (10 à 20%), les Adénovirus, le virus respiratoire syncitial, les virus para-influenzae et les Entérovirus. Les nombreux types antigéniques de chaque famille virale rendent leur dépistage difficile et onéreux.

* Les causes bactériennes s’observent principalement en cas de surinfection des rhinites virales :

– elles sont responsables de la durée de l’épisode infectieux et des complications de voisinage.

– les germes les plus fréquemment rencontrés sont le streptocoque, le staphylocoque, le pneumocoque et l’Haemophilus influenzae.

* Rhinites lors de maladies infectieuses : de nombreuses maladies infectieuses sont susceptibles de se révéler par des manifestations de rhinite : la rougeole, la grippe, la scarlatine, la diphtérie, la fièvre typhoïde, la tuberculose et la syphilis.

TRAITEMENT :

L’évolution spontanée de la rhinite aiguë se fait par la guérison rapide dans la majorité des cas.

* Le traitement est avant tout symptomatique :

– les vasoconstricteurs généraux (type Actifed* ou Rinutan*) ou les vasoconstricteurs locaux (type Dérinox*, Déturgylone*) qui ont été beaucoup critiqués en raison des abus, du risque d’accoutumance. A condition de ne pas être prescrits pendant plus de quelques jours (1 semaine) pour lever l’obstruction, ils accélèrent sensiblement l’évolution, diminuent la gêne fonctionnelle et permettent un mouchage efficace.

– la désinfection rhino-pharyngée par fréquents lavages des fosses nasales au sérum physiologique est complétée par une désinfection locale par pulvérisations d’antibiotiques locaux associés à un anti-inflammatoire (Locabiotal*).

– l’Aspirine, associée ou non à la vitamine C, est devenue d’utilisation traditionnelle.

– les anti-inflammatoires non stéroïdiens n’ont pas lieu d’être prescrits à ce stade.

* L’antibiothérapie générale est à réserver aux surinfections bactériennes prolongées (au-delà de 15 jours) ou en cas de complications. On recourt à :

– un macrolide (Josacine*, Rovamycine*, Naxy*, Dynabac*, Rulid*, Zeclar*) ou apparenté (Zithromax*, Pyostacine*).

– une amoxicilline (Clamoxyl*).

– ou une céphalosporine de première génération.

* En cas de récidive, on évitera de reprendre le traitement antibiotique sans mener une réflexion diagnostique approfondie à la recherche d’un foyer infectieux favorisant les récidives et la chronicité. Une immunostimulation (type Biostim*, Ribomunyl*) peut être envisagée.

Sinusites aigues :

PHYSIOPATHOLOGIE :

Origine et facteurs favorisants :

La sinusite aiguë traduisant l’inflammation de la muqueuse des sinus de la face peut être :

– d’origine dentaire par propagation d’un foyer apical ou à la suite de manœuvres iatrogènes lors d’extractions difficiles.

– d’origine rhinogène par extension d’une rhinite aiguë virale saisonnière le plus souvent, parfois à la suite d’activités aquatiques.

– d’origine traumatique : fracture transsinusienne, barotraumatisme.

* Les facteurs prédisposants sont les mêmes que les rhinites virales qui précèdent généralement la sinusite avec les mêmes germes par ordre de fréquence : le pneumocoque, le streptocoque, Haemophilus, le staphylocoque.

* Les facteurs intrinsèques relèvent :

– soit d’une obstruction nasale mécanique : déviation de cloison, hypertrophie de cornets.

– soit d’une rhinopathie inflammatoire chronique facilitant les exacerbations aiguës : allergie, déficit IgA et/ou IgG, dyskinésie ciliaire, etc.

Dysfonctionnement de l’ostium sinusien :

Le dysfonctionnement de l’ostium sinusien est classiquement invoqué dans la genèse des sinusites.

* Il peut être présent dès le stade d’invasion, mais il peut aussi succéder à l’inflammation sinusienne.

* La perméabilité de l’ostium sinusien est absolument nécessaire à la stabilité des cavités sinusiennes :

– de toutes les régions d’une cavité sinusienne, le mouvement ciliaire est toujours dirigé vers lui.

– tandis qu’il régule les échanges gazeux de la muqueuse sinusienne avec l’air qui ventile les fosses nasales (diffusion moléculaire).

Tout dysfonctionnement ostio-méatal peut induire successivement :

– une congestion de la muqueuse avec exsudat et transsudat.

– un œdème de la muqueuse avec modification de la composition de l’air intrasinusien.

– une suppuration, précédant ou accompagnant l’œdème et favorisant la production de fongosités et de granulations inflammatoires.

Mécanisme de la douleur sinusienne :

* La douleur sinusienne est très variable.

– Elle peut se réduire à une sensation de pesanteur frontale ou sous-orbitaire au cours d’une rhinite aiguë importante : il s’agit d’une réaction sinusienne de voisinage qui guérit spontanément comme la rhinite.

– Lorsque la suppuration investit complètement la cavité sinusienne, la pesanteur devient plus importante, augmente en procubitus. La voix devient nasonnée.

* L’augmentation de la suppuration prédominant du côté des sinus douloureux, en cas d’atteinte unilatérale, signe le diagnostic et témoigne en même temps du drainage de la cavité sinusienne qui peut encore entraîner la guérison, soit spontanément, soit à l’aide d’une antibiothérapie générale.

* Lorsqu’il y a rétention sinusienne, le drainage cesse plus ou moins complètement et la rhinorrhée purulente est peu productive, voire absente.

– Les douleurs sinusiennes sont parfois d’une très grande violence, surtout dans la région frontale.

– On note parfois l’existence de véritables « coliques sinusiennes », les crises douloureuses se reproduisant quotidiennement à horaire fixe : le plus souvent dans les heures précédant le repas de midi avec parfois une seconde poussée en fin d’après-midi.

Dans la pratique, les tableaux de sinusites aiguës sont variables et il existe de grandes variations selon le « génie épidémique » et les particularités anatomofonctionnelles éventuellement favorisantes de chaque patient (déviation de cloison, nez étroit, dystonie neurovégétative, etc.).

DIAGNOSTIC POSITIF :

La symptomatologie clinique varie en fonction de la topographie sinusienne.

La sinusite antérieure touche souvent simultanément le sinus frontal, l’ethmoïde antérieur et le sinus maxillaire.

L’atteinte de tous les sinus offre un tableau de pansinusite aiguë ou bilatérale.

Sinusite maxillaire aiguë :

Signes fonctionnels :

* Quelques jours après le début d’une rhinite aiguë épidémique, apparaît une douleur :

– unilatérale.

– localisée à la région sous-orbitaire.

– mais pouvant irradier vers l’orbite ou l’arcade dentaire supérieure.

* Cette douleur peut être pulsatile, mais surtout augmente à l’effort et en position déclive.

* Elle peut évoluer par crises, mais aussi sur le mode permanent, entraînant une insomnie relative.

* L’obstruction nasale avec hyposmie est fréquente.

* La rhinorrhée purulente est d’abondance variable, le drainage se faisant par la narine, mais également vers le cavum en position couchée.

Examen clinique :

* Douleur déclenchée à la pression du point sous-orbitaire. Il n’y a pas d’œdème de la joue.

* La rhinoscopie antérieure montre un aspect congestif plus accentué du côté malade :

– on peut noter des sécrétions mucopurulentes plus ou moins abondantes dans la fosse nasale.

– après mouchage et éventuellement vasoconstriction, on peut noter l’origine de la suppuration dans le méat moyen.

La radiographie n’est pas obligatoire dans un tableau clinique typique (incidence nez-menton-plaque ou de Blondeau) et la thérapeutique peut être amorcée d’emblée.

Evolution :

* La sinusite maxillaire aiguë ne s’extériorise jamais, guérit dans 80% des cas en 8 à 10 jours.

* La notion de rechute, de chronicité paucisymptomatique doit entraîner un bilan plus approfondi.

* Une sinusite chronique peut se traduire par des poussées aiguës.

Formes topographiques :

Sinusite frontale ou fronto-ethmoïdale aiguë :

* L’ethmoïdite aiguë isolée est rare chez l’adulte :

– la sinusite maxillaire aiguë s’accompagne d’ailleurs souvent d’un retentissement fronto-ethmoïdal.

– la douleur est localisée dans l’angle orbitaire interne ou dans la région suprasourcilière.

– la rhinoscopie montre le pus provenant de la partie antérieure du méat moyen.

* radiographies :

– en incidence de face haute dégageant les sinus frontaux et les premières cellules ethmoïdales qui sont superposées.

– incidence de profil visualisant la profondeur des sinus maxillaires et frontaux et la transparence des sinus sphnéoïdaux.

– l’incidence de Hirtz permet de visualiser les cellules ethmoïdales superposées au cavum et aux fosses nasales ainsi qu’au sphénoïde.

Sinusite sphénoïdale aiguë :

La sinusite sphénoïdale aiguë est rare isolément, et le diagnostic n’est pas facile sans le recours à la radiographie en incidence de Hirtz (occiput-plaque) ou même le scanner :

* la douleur revêt les caractères d’une céphalée profonde localisée à l’occiput ou au vertex :

– accompagnée parfois de sensations vertigineuses.

– des signes oculaires peuvent être présents : baisse de l’acuité visuelle (névrite optique), paralysie oculomotrice.

* l’endoscopie nasale montre des sécrétions purulentes au niveau de l’arc choanal vers la queue du cornet moyen.

* les sinusites sphénoïdales aiguës sont rares. Le diagnostic reste hypothétique tant que l’examen radiographique n’est pas réalisé en incidence occiput-plaque (Hirtz) mais surtout TDM pour mieux explorer le pôle postérieur de l’orbite.

Pansinusite :

* L’atteinte associée de plusieurs sinus justifie les termes de pansinusite ou de sinusite du complexe ethmoïdo-frontal, ou de sinusite fronto-maxillo-ethmoïdale.

* L’évolution habituelle de ces sinusites sous traitement se fait habituellement vers la guérison clinique en une dizaine de jours et radiologique en 4 à 6 semaines.

Remarque :

Il existe une forme clinique hyperalgique dénommée « sinusite bloquée » :

* qui est rebelle au traitement médical.

* nécessite une ponction sinusienne amenant la rétrocession de la symptomatologie algique (voir paragraphe « Le mécanisme de la douleur sinusienne »).

* par ordre de fréquence, ces formes hyperalgiques sont frontales puis maxillaires.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

* Dans les formes aiguës typiques, le diagnostic différentiel est facile en raison de signes d’infection locale, accompagnés souvent de signes généraux.

* Dans les formes mineures, ou abâtardies par un traitement antibiotique, on retiendra les difficultés fréquentes d’interprétation des radiographies conventionnelles (30% des cas au moins). On sera amené à passer en revue systématiquement certaines algies cranio-faciales, qui permettent d’orienter le patient lorsque le bilan rhinosinusien est négatif :

– algies d’origine dentaire.

– algies d’origine oculaire : troubles de réfraction, glaucome.

– algies vasomotrices et sympathalgies de la face ; migraines ou état paramigraineux.

– névralgies trigéminales : forme essentielle atypique, ou forme symptomatique.

– irradiations temporo-maxillaires d’algies cervicales postérieures (névralgie d’Arnold) ou d’un dysfonctionnement temporo-mandibulaire (SADAM).

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

Sinusite d’origine dentaire :

La sinusite d’origine dentaire est en principe une sinusite maxillaire, mais la diffusion peut se faire vers le complexe ethmoïdo-frontal.

* Les « dents sinusiennes » sont le plus souvent les deux premières molaires et les deux prémolaires :

– les lésions apico-dentaires peuvent propager l’infection par contiguïté ou par continuité lorsque les apex plongent dans la lumière sinusienne.

– il s’agit d’arthrite apicale aiguë ou chronique, d’un granulome, d’une dévitalisation incomplète, ou de la pénétration d’une racine dans le sinus lors d’une extraction difficile.

* Les signes cliniques sont ceux de la sinusite maxillaire.

– Les sinusites maxillaires chroniques bien drainées sont parfois bien tolérées par certains patients qui consultent tardivement.

– La répétition des phénomènes aigus, la nette purulence souvent fétide de la rhinorrhée orientent les soupçons.

* L’examen radiologique confirme l’atteinte sinusienne mais doit comprendre l’exploration des dents sur des clichés endobuccaux, un orthopantomogramme, ou une tomodensitométrie dans l’axe des racines (« dentascan »). Cet examen sera plus ou moins sophistiqué selon les cas, car il est parfois difficile d’accuser formellement l’origine dentaire.

* La flore bactérienne est souvent polymicrobienne avec germes anaérobies.

Sinusite rhinogène :

On distinguera la sinusite aiguë-accident, incident isolé correspondant à la particulière virulence de certains germes après une rhinite aiguë ou après un incident de plongée.

Succédant à une rhinite aiguë, la sinusite rhinogène guérit en principe facilement, si les fonctions de la muqueuse nasale sont en bon état.

En présence d’une sinusite aiguë récidivante, sans anomalies dentaires, il faut rechercher :

– les critères d’un dysfonctionnement ostial chronique : rhinosinusite œdémateuse, micropolypose intraméatique et localisée à l’ethmoïde.

– anomalies immunitaires : terrain allergique, déficit en IgA ou déficit combiné IgA-IgG (en cas de trachéobronchites d’accompagnement).

Origine traumatique :

* La sinusite barotraumatique qui survient après transport aérien ou plongée sous-marine :

– est favorisée par un épisode de rhinite aiguë survenant dans la semaine précédant les variations de pression.

– la symptomatologie est souvent brutale et violente avec douleur en regard du sinus atteint (sinus bloqué), parfois accompagnée d’un léger saignement.

– la radiographie montre un œdème muqueux localisé ou global, accompagné parfois d’un niveau liquide.

* La sinusite post-traumatique est :

– relativement fréquente par surinfection d’un hématome intrasinusien.

– une sinusite frontale, qui peut venir compliquer le cours évolutif d’une fracture de la face postérieure du sinus avec incarcération d’un fragment muqueux facilitant la surinfection.

Sinusite sur « terrain immunocompromis » :

La sinusite sur « terrain immunocompromis » prend rarement le masque d’une sinusite aiguë typique, mais la révélation de l’investissement sinusien peut se révéler brusquement en raison de phénomènes fluxionnaires ou de l’extériorisation, qui s’expliquent par la dépression immunitaire de type cellulaire, mais aussi par la nature de l’agent causal ainsi favorisé :

– bactéries insolites dans les sinus : E. coli, Serratia, bacille pyocyanique.

– mycobactéries atypiques.

– mycoses : Aspergillus, mucor.

* Dans le SIDA, 70% des cas ont des manifestations ORL variées. La prévalence de la sinusite, aussi bien aiguë que chronique, serait de 20 à 60% selon les auteurs :

– dans les sinusites aiguës, on rencontre les mêmes germes que chez les patients immunocompétents.

– les infections opportunistes sont rares et généralement précédées par l’atteinte pulmonaire.

– lorsque le compte des lymphocytes CD4 tombe en dessous de 200, des complications fulminantes orbitaires ou endocrâniennes sont possibles.

– le traitement sera classique, mais pour éviter les répétitions de ponctions, certains auteurs pratiquent assez rapidement une méatotomie large de drainage sous guidage endoscopique.

– l’atteinte sinusienne peut être infraclinique, voire chronique d’emblée et les décharges purulentes postérieures seront systématiquement recherchées lors d’atteintes pulmonaires récurrentes.

* Les traitements immunodépresseurs, la corticothérapie prolongée dans les services de soins intensifs, chez les transplantés (moelle osseuse ou organes) constituent les agents favorisant l’explosion d’un foyer infectieux préexistant infraclinique ou l’apparition d’une mycose :

– la fièvre, initialement inexpliquée, est souvent un signe prémonitoire qu’on ne rattache pas à son origine en raison de la gravité de l’affection traitée.

– la rhinorrhée apparaît ensuite, purulente et suspecte, toujours épaisse. On en néglige parfois les premières manifestations si le sujet porte une sonde endonasale.

– à l’endoscopie, les signes de nécrose sont évidents avec hypoesthésie tissulaire ; l’extension peut dépasser les limites sinusiennes et ne respecte aucune frontière : orbite, arcade dentaire, base du crâne.

– ces observations ne sont pas fréquentes mais suffisamment graves pour justifier la recherche systématique de foyers dentaires et/ou sinusiens avant l’instauration de ces traitements ou, dans les cas les plus bénins, le retrait de la sonde nasale.

COMPLICATIONS :

Les complications des sinusites aiguës sont rares aujourd’hui (antibiothérapie précoce, désinfection nasale).

Souvent, elles sont révélatrices d’une atteinte sinusienne initialement peu expressive ou négligée.

Extériorisation :

Rappelons que la sinusite maxillaire aiguë à pyogènes banals ne s’extériorise jamais en principe, et que la sinusite ethmoïdale s’extériorise chez l’enfant.

Chez l’adulte jeune, la sinusite frontale aiguë peut s’extérioriser au-dessus du sourcil par un œdème cutané initialement blanc puis rapidement rouge (ostéite) de la paroi antérieure du sinus frontal.

– Souvent ces extériorisations aiguës signent l’aboutissement d’une sinusite chronique négligée.

– Penser au diagnostic différentiel avec les mucocèles (sans signes infectieux).

Complications orbitaires :

Les complications orbitaires sont plus fréquentes chez l’adolescent ou l’adulte jeune :

– cellulite orbitaire avec fluxion de la paupière supérieure et chémosis.

– phlegmon extra-périosté : l’exophtalmie vient enrichir le tableau.

– phlegmon intra-orbitaire avec cellulite diffuse, paralysie oculomotrice.

– le bilan TDM est indispensable.

Complications crâniennes et encéphalo-méningées :

Il peut s’agir :

– d’une ostéite, soit de la table antérieure du frontal, soit à partir de la paroi postérieure du sinus frontal (après traumatisme).

– de complications endocrâniennes par constitution d’un abcès extra-dural ou d’une méningite suppurée.

– d’un abcès cérébral du lobe frontal.

– d’une thrombophlébite du sinus caverneux : syndrome septicémique avec œdème palpébral, exophtalmie, douleurs oculaires, paralysie des nerfs oculomoteurs. L’atteinte sinusienne est le plus souvent sphénoïdale ou ethmoïdo-sphénoïdale.

Passage à la chronicité :

La pratique médicale moderne a largement répandu l’antibiothérapie multidirectionnelle et l’utilisation parfois inconsidérée de corticoïdes dans la pathologie rhino-sinusienne aiguë.

Les atteintes bilatérales traînantes, ou évoluant par poussées subaiguës, sont devenues extrêmement fréquentes.

Lorsque les lésions sont bilatérales, soit sous forme de sinusite œdémateuse chronique, soit sous forme d’œdème polypoïde investissant les méats moyens, on est amené à faire le diagnostic différentiel de tous les états inflammatoires chroniques de la muqueuse naso-sinusienne, dont la nosologie n’est pas toujours bien claire, même dans l’esprit des spécialistes.

Toutefois, l’évocation systématique d’un certain nombre de tableaux peut orienter le diagnostic étiologique et éviter les erreurs d’indication thérapeutique.

On passera en revue :

– les anomalies de la muqueuse : mucoviscidose, dyskinésie ciliaire primitive.

– les anomalies immunitaires, allergie, déficit commun variable (IgA, IgG).

– la polypose naso-sinusienne isolée (éosinophilie prédominante à l’examen histologique), associée éventuellement à un asthme et/ou à une intolérance médicamenteuse (Aspirine, AINS, sulfites, etc.).

– la possibilité d’une mycose sinusienne.

– un cancer ethmoïdo-maxillaire peut être révélé par un jetage mucopurulent hautement évocateur s’il est strié de sang. Y penser systématiquement chez tout sujet travailleur du bois.

TRAITEMENT :

Traitement médical :

Mesures locales :

Les mesures locales permettent de restituer la perméabilité nasale et d’assurer le drainage en réduisant les algies. Elles suffisent dans la majorité des cas peu douloureux et peu fébriles :

– pulvérisations de vasoconstricteurs locaux.

– inhalations chaudes (pas de menthol ! qui brûle dans les cas aigus).

– pulvérisations d’aérosols associant antibiotiques et anti-inflammatoires (Locabiotal*).

Mesures générales :

* Antalgiques (Doliprane*) à adapter à l’intensité de la douleur.

* Antibiothérapie tenant compte de la fréquence des germes et de leur sensibilité :

– association amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin*, Ciblor*).

– céphalosporines de 1re (Céfaperos*, Oracéfal*, Alfatil*), de 2e (Zinnat*, Cépazine*) et de 3e (Orelox*, Oroken*, Céfodox*, Taketiam*) générations.

– quinolone (Ciflox*, Oflocet*).

– clarithromycine (Zéclar*, Naxy*).

– en cas de récidive, obtenir une référence bactériologique avec antibiogramme.

* Traitement anti-inflammatoire à réserver aux sinusites bloquées hyperalgiques qui ne répondent pas rapidement au traitement :

– non stéroïdiens (Nifluril*, Surgam*, Nurofen*).

– ou même corticoïdes (Solupred*, Cortancyl*) seulement par voie orale en cure très courte sur indication du spécialiste.

Traitement rhinologique :

* C’est la ponction du sinus maxillaire par voie du méat inférieur. Réalisée sous anesthésie locale, elle permet un prélèvement bactériologique électif. Elle est indiquée :

– en cas de blocage sinusien résistant à l’antibiothérapie.

– à la fin d’un traitement médical pour évacuer le sinus, vérifier la perméabilité ostiale comme critère de guérison pour éviter les récidives.

* La ponction du sinus frontal (clou de Lemoine) est à réserver aux sinusites bloquées hyperalgiques rebelles au traitement conventionnel. Elle sera faite sous couverture antibiotique prolongée pour éviter toute propagation osseuse.

Traitement chirurgical :

* Dans leur ensemble, les complications justifient l’hospitalisation, une antibiothérapie intensive par voie veineuse, accompagnée ou non (selon les écoles et le type de complication) par une corticothérapie.

* Selon le bilan tomodensitométrique et le type des lésions, et selon les écoles, on est amené à évacuer la collection suppurée et à assurer le drainage :

– par voie endonasale sous contrôle endoscopique, ethmoïdectomie antérieure pour libérer le canal nasofrontal, avec ou sans méatotomie moyenne.

– par voie externe transcutanée, variable selon le type d’extériorisation orbitaire ou frontale.

Conclusion :

Beaucoup de rhinites aiguës s’accompagnent d’une réaction sinusienne de voisinage : on peut alors parler de rhino-sinusites. Dans la pratique, le diagnostic précis n’est pas fait et la guérison survient spontanément ou après un traitement simple dans 80% des cas.

Les formes cliniques accompagnées de signes généraux et de douleurs nécessitent, en plus des mesures locales, une antibiothérapie générale suffisamment prolongée (au moins 12 à 15 jours) pour assurer une bonne restitution.

Ne pas faire de radiographie de contrôle avant 2 mois, temps minimal nécessaire à la restitution de la muqueuse après la guérison clinique.

Les formes compliquées et extériorisées sont heureusement rares. Elles sont souvent le fait d’adultes jeunes ou de la préexistence de lésions chroniques. L’attitude thérapeutique moderne en pratique générale a modifié le tableau classique des sinusites aiguës qui sont souvent abâtardies.

Ne jamais oublier de rechercher un foyer dentaire en présence d’une sinusite maxillaire, même bilatérale.

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