Écoulement d’oreille

0
2605

Un écoulement anormal de liquide par le conduit auditif externe peut être : muqueux ou purulent, c’est une otorrhée ; hémorragique, c’est une otorragie ; contenant du liquide céphalo-rachidien, c’est une otoliquorrhée. Un écoulement d’oreille est un signe d’appel pouvant être à l’origine de maladies très graves et impose un examen complet à la recherche d’une cause précise qui permettra un traitement adapté. Si l’otorrhée est un symptôme beaucoup plus fréquent et apparemment plus bénin qu’une otorragie ou une otoliquorrhée, tout écoulement d’oreille impose interrogatoire précis, otoscopie indispensable et examen radiographique spécialisé.

Otorrhée purulente aiguë ou chronique :

Écoulement d'oreilleIl s’agit de l’écoulement d’oreille le plus fréquent.

L’apparition d’un écoulement au méat inquiète le patient par sa nature (sang), son abondance (pus), son odeur (fétidité), surtout si elle s’accompagne d’une otalgie.

Il arrive que le patient la néglige si elle précède ou accompagne la sédation de l’otalgie.

Certaines otorrhées, quantitativement minimes, peuvent passer inaperçues ou être négligées jusqu’à l’apparition de complications (vertiges, paralysie faciale…).

BILAN CLINIQUE :

La consultation est plus souvent motivée par la douleur d’accompagnement que par l’otorrhée elle-même, à moins qu’elle ne soit très abondante.

Certains sujets s’accommodent d’un coton au méat.

Conventionnellement, une otorrhée aiguë date de moins de 3 semaines et une otorrhée chronique de plus de 3 mois.

Interrogatoire :

Les caractères de l’otorrhée seront précisés par un interrogatoire méthodique :

* antécédents otitiques : douleurs avec ou sans écoulement.

* date de début de l’écoulement.

* permanence ou intermittence de l’otorrhée.

* facteurs déclenchants :

– épisodes rhinopharyngés.

– baignades.

– variations climatiques.

– nettoyages intempestifs.

* aspects :

– séromuqueux ou purulent.

– une coloration (une teinte bleu verdâtre suggère la présence d’un bacille pyocyanique).

– fétidité (signe presque toujours la présence d’une otite cholestéatomateuse).

* signes d’accompagnement :

– douleurs, hypoacousie.

– acouphènes.

– vertiges.

Examen otoscopique :

Après l’interrogatoire, l’examen otoscopique est obligatoire et donnera des renseignements dont la précision dépend de l’instrumentation et de l’entraînement du médecin.

Dans les conditions idéales, il doit être réalisé :

– sur un patient allongé.

– sous vision stéréoscopique (microscope otologique).

– avec aspiration des débris dans le conduit.

CONDUIT AUDITIF EXTERNE OBSTRUE

Il peut s’agir d’une sténose inflammatoire très douloureuse et de toute façon infranchissable.

On peut également être en présence d’une masse cérumino-épidermique dont l’attouchement au porte-coton permet d’apprécier l’éventuelle fétidité alors hautement suspecte.

Enfin, il peut s’agir d’un polype rouge humide, avec une collerette de pus, obstruant le méat auditif.

Cependant, toutes ces lésions peuvent masquer une affection sous-jacente de l’oreille moyenne.

OTORRHEES AIGUES :

D’apparition récente, l’otorrhée aiguë est en général douloureuse, survenant dans un contexte inflammatoire, local ou général, cédant rapidement sous traitement local ou général.

L’oreille externe est en cause :

L’examen du tympan montre que sa coloration et son orientation sont normales.

Eczéma :

L’eczéma véritable est rare, même dans le cadre de lésions péri-auriculaires et faciales. La séborrhée, le psoriasis peuvent investir le méat auditif externe.

Otite externe aiguë et otite du baigneur

* L’otite externe aiguë est une dermo-épidermite diffuse par grattages excessifs et/ou mauvaise hygiène.

– Elle est baptisée abusivement « poussée d’eczéma » en raison des démangeaisons parfois intenses qui la précèdent et de la possibilité d’une impétiginisation au méat.

– La douleur à la pression du tragus et/ou à la mobilisation du pavillon atteste de son caractère aigu.

* Fréquente et récidivante, l’otite des piscines ou du baigneur (« pathologie des vacances ») devient importante et douloureuse, si le sujet néglige les premiers signes. C’est donc aussi une dermo-épidermite.

* Dans ces deux formes, otite externe et otite du baigneur, l’otoscopie peut être difficile, voire impossible en raison du rétrécissement inflammatoire, très douloureux du conduit.

* Le traitement sera le plus souvent local, associant :

– aspirations des débris.

– mise en place éventuellement d’une mèche ou, mieux, d’un tampon Mérocel*.

– instillations auriculaires d’antibiotiques associés à un corticoïde.

* L’antibiothérapie par voie générale se justifie dans les sténoses douloureuses et infranchissables du conduit (parfois même appuyée d’une brève corticothérapie initiale) et, a fortiori, en raison de signes péri-auriculaires ou d’un gonflement du pavillon.

* Un rétrécissement infranchissable du conduit peut traduire également l’extériorisation d’une mastoïdite aiguë ou d’un cholestéatome (voir question correspondante).

Otite externe maligne :

C’est une entité clinique rare, très grave en raison de l’extension nécrosante d’une ostéite de l’os tympanal aux structures voisines de l’oreille moyenne, du nerf facial, de la mastoïde et des méninges, voire même du cartilage de la conque du pavillon. Son agent est le bacille pyocyanique.

* Le début est insidieux et l’otorrhée devient intarissable, parfois nauséabonde, progressivement hémorragique tandis que les douleurs deviennent lancinantes.

* Son traitement médico-chirurgical nécessite l’hospitalisation car le pronostic est grave, fatal dans 20 à 50% des cas.

* Elle se rencontre aux deux extrémités de la vie : nourrisson, vieillard et chez les patients immunodéprimés.

Furoncle du conduit :

Le furoncle du conduit siège dans le tiers externe de celui-ci. Il est très précocement douloureux pendant toute la période de maturation car la peau de cette région laisse peu de place à l’œdème.

* La douleur ne cesse qu’à l’élimination du bourbillon, précédée par une culmination jaunâtre.

* Le méat peut être fortement rétréci.

* Une petite curette peut accélérer l’évacuation du bourbillon, accompagnée d’application d’alcool à 70° qui peut être abortif au début.

* L’antibiothérapie n’est généralement pas indiquée.

L’oreille moyenne est en cause :

* Otite moyenne aiguë : le tableau de l’otalgie aiguë fébrile non traitée s’amende spontanément avec l’apparition de l’otorrhée du 3e au 7e jour.

– L’antibiothérapie générale systématique coupe court à cette évolution, l’otite aiguë pouvant se résorber sans écoulement.

– Toutes les formes cliniques sont possibles. L’otorrhée peut apparaître dès la phase initiale ou venir compléter un tableau d’otalgie modérée traînante.

– L’otoscopie confirme le diagnostic en montrant un tympan inflammatoire, siège d’une perforation habituellement punctiforme par laquelle sourd un liquide purulent.

– Pneumocoque, Haemophilus, streptocoque bêta-hémolytique, staphylocoque sont les germes les plus fréquemment rencontrés.

– L’antibiothérapie de première intention utilise l’amoxicilline ou un macrolide.

– L’utilité de décongestionnants, des AINS et des gouttes antibiotiques reste discutée.

– Quant aux gouttes dites « antalgiques », elles sont proscrites dès lors qu’une perforation tympanique est suspectée.

* La mastoïdite aiguë ou subaiguë doit être citée. Il s’agit, à la suite d’une otite aiguë, après un intervalle libre, de la reprise de l’écoulement et des douleurs.

– L’antibiothérapie abâtardit souvent les tableaux cliniques.

– La mastoïdite peut même s’extérioriser dans la région rétro-auriculaire sans signe spectaculaire.

* L’otite aiguë phlycténulaire : au cours d’infection virale, avec parfois des otalgies très vives, des phlyctènes séreuses ou hémorragiques (grippe) peuvent apparaître sur le tympan.

– Leur rupture spontanée ou par une fine aiguille réduit la symptomatologie.

– On s’abstiendra de faire une paracentèse.

* L’accident otorrhéique aigu : une perforation tympanique connue, précédemment sèche et non inflammatoire, se réchauffe à l’occasion d’une infection rhinopharyngée (voie tubaire) ou de pénétration d’eau dans le conduit (surinfection par voie externe).

* Après la pose d’aérateurs transtympaniques, l’otorrhée peut survenir dans plusieurs circonstances :

– dans les suites immédiates de l’intervention, un défaut d’asepsie ou une indication hasardeuse sur une otite purulente décapitée peuvent être incriminés.

– à distance du geste chirurgical, la surinfection peut être exogène par l’introduction d’eau dans l’oreille ou endogène par voie tubo-tympanique à l’occasion d’une rhinopharyngite.

– le traitement associera des aspirations sous microscope et l’instillation de solutions antiseptiques ou antibiotiques en évitant l’usage des aminosides (ototoxicité locale en cas de passage dans la caisse).

– si l’otorrhée persiste, malgré un traitement bien conduit, il faudra enlever le drain car il peut constituer un corps étranger entretenant l’infection.

OTORRHEES CHRONIQUES :

Ecoulements de durée variable, souvent supérieure à plusieurs semaines, les otorrhées chroniques sont peu ou pas douloureuses.

L’otorrhée constitue souvent le seul signe de la maladie.

La cause sera recherchée au niveau de l’oreille externe et de l’oreille moyenne.

Atteinte de l’oreille externe :

* L’otomycose :

– elle se caractérise par un écoulement fétide, grumeleux, d’aspect noirâtre ou brunâtre lorsqu’il s’agit d’Aspergillus ; par des débris blanchâtres s’il s’agit de Candida albicans.

– elle sera traitée par antifongiques locaux (miconazole, éconazole).

Elle est provoquée par un corps étranger ancien et méconnu au niveau du conduit dont l’extraction se fera sous microscope.

* L’otite externe chronique aboutit rarement au rétrécissement définitif du conduit.

– Plus souvent, il s’agit d’un prurit (pseudo-eczéma) sur une peau fine et désertique (absence de cérumen).

– Il s’agit d’une humidité méatique intermittente par suintement plutôt que d’un écoulement.

Atteinte de l’oreille moyenne :

Otite moyenne chronique simple :

Elle est liée à l’infection persistante des cavités de l’oreille moyenne par une perforation simple du tympan, généralement dans le cadre de séquelles d’atteinte ancienne.

* Elle est entretenue par voie externe (baignades, shampooings, nettoyages intempestifs) et/ou par voie tubaire (infection naso-sinusienne, dysfonctionnement de la trompe d’Eustache).

* La perforation est centrale ou paracentrale non marginale, bordée d’œdème ou de microgranulomes.

* Le traitement élimine les causes de surinfection et peut permettre la réparation chirurgicale (tympanoplastie) après un délai d’assèchement de 1 an.

* Les indications opératoires seront sévèrement discutées chez l’enfant :

– attendre une croissance suffisante pour opérer dans un conduit plus vaste et éviter la iatrogénie.

– attendre la maturité immunitaire à l’approche de la puberté.

Otite moyenne chronique cholestéatomateuse :

Elle se différencie par le développement au sein des cavités de l’oreille moyenne d’un épithélium malpighien kératinisant et desquamant, doté d’une véritable malignité locale car il érode toutes les structures à son contact.

* Cette pénétration de la peau du conduit se fait le plus souvent par une poche de rétraction tympanique (membrane de Schrapnell ou région sous-ligamentaire postéro-supérieure). Les cholestéatomes primitifs rétrotympaniques sont rares.

* Le diagnostic est évoqué en présence d’une otorrhée extrêmement fétide, peu abondante, parfois même très minime.

* L’otoscopie montre une perforation marginale siégeant au niveau du Schrapnell ou sous-ligamentaire postérieure. La présence de squames blanchâtres est caractéristique mais celles-ci peuvent être masquées par un polype sentinelle.

* Le seul traitement efficace est chirurgical avec, au préalable, un traitement médical visant à réduire la surinfection (Proteus et bacille pyocyanique notamment) :

– instillations locales d’antibiotiques associés à des micro-aspirations permettant l’ablation de débris épidermiques.

– l’antibiothérapie par voie générale sera réservée aux poussées de réchauffement.

* L’évolution peut se faire vers des complications qui lui confèrent toute sa gravité :

– fistule labyrinthique.

– paralysie faciale.

– complications infectieuses encéphalo-méningées.

* Ces complications peuvent être révélatrices d’un cholestéatome d’évolution sournoise. Cela signifie qu’il faut :

– toujours rechercher un signe de la fistule en présence d’un cholestéatome (vertige avec nystagmus provoqué par la pression sur le tragus ou la compression avec un spéculum pneumatique de Siegle).

– réaliser un examen otologique en présence de toute paralysie périphérique, comme d’ailleurs en présence de certaines méningites ou de tout abcès temporal ou cérébelleux.

– faire un bilan tomodensitométrique en présence d’un cholestéatome très infecté ou étendu (même systématiquement souhaitable pour certains auteurs dans cette pathologie).

* Le traitement chirurgical aura pour but primordial l’éradication totale du cholestéatome.

– L’extension anatomique conditionne la technique chirurgicale employée : tympanoplastie en technique ouverte ou fermée, selon que la paroi postérieure du conduit est conservée ou non.

– Dans les deux cas, chaque fois que les possibilités locales le permettent, on réalise un aménagement fonctionnel de la chaîne ossiculaire (transposition ou prothèse).

Otorrhée survenant sur une oreille déjà opérée :

Cela concerne le plus souvent des interventions effectuées en technique ouverte. L’oreille peut se surinfecter si un nettoyage régulier, afin d’enlever les débris cérumino-épidermiques, n’est pas effectué.

* Dans la plupart des cas, un traitement local permettra de juguler les suppurations.

* Malgré des traitements répétés, un certain nombre de cavités opératoires restent instables en relation avec une technique imparfaite et justifient une reprise opératoire.

* Dans de telles conditions, on est amené à évoquer une tuberculose de l’oreille moyenne, autrefois classique, très rare aujourd’hui.

Otorragie :

L’écoulement de sang par l’oreille survient dans deux circonstances : traumatique ou non.

OTORRAGIES POST-TRAUMATIQUES :

* Les otorragies sont fréquentes lors des fractures du rocher par irradiation du choc de la voûte à la base du crâne lors d’un traumatisme crânien.

– Le trait de fracture atteint la caisse du tympan avec rupture de la membrane tympanique, intéressant ou non l’oreille interne.

– L’otorragie est un signe important à rechercher dans un coma traumatique. Il peut être le seul témoin d’une fracture du rocher à ce stade.

– Plus rarement, il s’agit d’une fracture du tympanal par irradiation d’un choc sur la mâchoire associant une plaie du conduit auditif externe.

* Un traumatisme direct peut être plus rarement la cause d’une otorragie.

– La gifle « classique » rompt le tympan généralement sans saignement perceptible (par « blast »).

– La brûlure par projection d’une particule en fusion (soudure) est rarement en cause.

– Par contre, le Coton-Tige et tout objet pénétrant dans le conduit peut provoquer une blessure cutanée mais également de façon plus redoutable des lésions tympaniques importantes, voire une luxation ossiculaire.

* Un barotraumatisme enfin peut rompre le tympan et se traduire par une otorragie toujours modeste. Il peut survenir par souffle :

– lors d’une explosion, très importante, de proximité (effet de souffle d’une bombe, détonation d’artillerie).

– lors d’un changement brutal d’altitude (aviation, mais surtout plongée sous-marine).

* En présence d’une otorragie traumatique :

– il ne faut jamais pratiquer ni lavage ni instillations auriculaires.

– le conduit doit être nettoyé au porte-coton sec ou par aspiration.

– un pansement stérile est mis en place sur l’oreille, associé à une couverture antibiotique par voie générale.

– les décisions sont prises ensuite en milieu spécialisé.

CAUSES NON TRAUMATIQUES D’OTORRAGIES :

* Assez souvent, une otorragie est le fait :

– d’un polype ou de granulations inflammatoires venant compliquer une otite moyenne chronique simple réchauffée ou cholestéatomateuse.

– de la rupture d’une phlyctène hémorragique (otite aiguë grippale) : saignement noirâtre minime.

* Exceptionnellement, l’otorragie peut être due à :

– une tumeur du glomus jugulaire qui, extériorisée dans le conduit, peut entraîner une otorragie abondante.

– un cancer de l’oreille externe ou moyenne qui peut se traduire par une otorragie.

Otoliquorrhée :

* L’otoliquorrhée est pratiquement toujours secondaire à un traumatisme crânien grave avec fracture du rocher.

– Le diagnostic est apporté par l’étude biochimique du liquide recueilli (taux de glucose).

– Le LCR fait issue par la brèche méningée au niveau du toit des cavités de l’oreille moyenne (fosse temporale) ou à travers le labyrinthe (fosse postérieure).

– L’otoliquorrhée peut se tarir spontanément, aidée par un drainage.

– La brèche devra être retrouvée et obturée par voie oto-neuro-chirurgicale.

* Enfin, l’otoliquorrhée peut être secondaire à une intervention chirurgicale otologique (suites opératoires des neurinomes). Citons quelques observations rares de hernies méningées spontanées dans les cavités de l’oreille moyenne ou des malformations de l’oreille interne, permettant l’érosion de la platine de l’étrier sous la pression du LCR.

* On retiendra que l’otoliquorrhée peut apparaître tardivement et prendre des caractères atypiques (épanchement rétrotympanique mucoïde) ou passer inaperçue (écoulement prédominant vers le cavum par la trompe d’Eustache).

* On pensera à une brèche méningée dans l’oreille moyenne en présence de méningites récidivantes à pneumocoques.

* Le diagnostic n’est pas toujours facile. A côté des explorations tomodensitométriques, se souvenir que le test au glucose peut être incertain dans les otorrhées profuses mêlées de mucus surinfecté. On préférera la recherche de bêta-2-transferrine, très spécifique en présence de LCR (immuno-réaction par anticorps monoclonaux) et la réalisation d’un transit isotopique au technétium.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.