Dysphagie

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La dysphagie est une sensation anormale ressentie par le patient lors de l’ingestion d’aliments solides et (ou) liquides. En cas de dysphagie haute, la plainte se situe au niveau du cou alors qu’elle est rétrosternale en cas de dysphagie basse. Cette gêne se manifeste par une sensation de blocage des aliments, parfois douloureuse (odynophagie) isolée ou accompagnée de fausses routes trachéales ou nasales, d’une mastication prolongée ou d’une obligation de déglutition répétée pour une même bouchée. Il y a aphagie lorsque la déglutition est devenue impossible. Les difficultés diagnostiques sont plus importantes quand la dysphagie est le révélateur d’une pathologie que lorsque ce symptôme apparaît dans l’évolution d’une pathologie déjà connue. La gravité clinique peut être majeure en cas de dénutrition grave ou de pneumopathies d’inhalation alors que, dans d’autres circonstances, la plainte est uniquement fonctionnelle entraînant un inconfort au quotidien.

DÉGLUTITION NORMALE :

DysphagieLa déglutition est un processus complexe comportant trois phases permettant le transfert du contenu buccal dans l’estomac.

Phase labio-buccale :

La phase bucco-labiale (temps volontaire) est celle de la mastication et aboutit à la formation d’un bolus homogène.

Le bolus est ensuite propulsé dans le pharynx par :

– obturation du cavum par élévation du voile du palais au-devant de la paroi pharyngée postérieure.

– des mouvements de la langue à la fois dans un sens vertical et antéropostérieur.

Phase laryngo-pharyngée :

La phase laryngo-pharyngée (temps réflexe) est déclenchée par la stimulation de récepteurs sensitifs oro-pharyngés (base de la langue) et associe deux types de mécanismes :

* mécanismes de protection :

– inhibition des centres respiratoires.

– fermeture vélo-pharyngée évitant tout reflux naso-pharyngé en isolant la filière nasale.

– ascension et occlusion laryngée pour prévenir les fausses routes et permettre le passage du bol alimentaire vers les gouttières pharyngo-laryngées (sinus piriforme).

* mécanismes propulseurs : la propulsion pharyngée fait intervenir deux forces : raccourcissement longitudinal et contraction horizontale des muscles constricteurs du pharynx.

Phase œsophagienne :

La transition entre les temps pharyngien et œsophagien se fait par le passage du bol alimentaire dans la bouche de l’œsophage (bouche de Killian) par relâchement de son sphincter supérieur (muscle cricopharyngien).

Dans l’œsophage, le bol alimentaire subit un triple mécanisme : contracture musculaire péristaltique, pesanteur, aspiration œsophagienne par pression endoluminale négative.

Passage du bol dans l’estomac par relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage.

DÉGLUTITION ANORMALE :

Il existe deux grands groupes étiologiques de dysphagies.

Dysphagies organiques lésionnelles :

Les obstructions de cause mécanique entraînent des dysphagies organiques lésionnelles :

* par constitution d’un obstacle sur l’axe digestif, s’opposant à la progression du bol alimentaire.

* qui sont les plus fréquentes.

* elles sont le plus souvent évolutives.

* les causes principales sont :

– les cancers œsophagiens.

– les sténoses peptiques.

– l’anneau de Schatzki.

Dysphagies fonctionnelles :

Les obstructions liées à un trouble de la motricité pharyngée et/ou œsophagienne provoquent des dysphagies fonctionnelles :

* habituellement non évolutives.

* il s’agit d’un déficit neurologique ou musculaire (voire les deux) ne permettant plus la progression du bol alimentaire qui peut être :

– primaire ; les principales causes sont l’achalasie et le syndrome des spasmes étagés.

– secondaire.

Diagnostic d’une dysphagie :

INTERROGATOIRE :

Le diagnostic de dysphagie est orienté par l’interrogatoire qui, en fonction des antécédents du malade, du contexte et des caractéristiques de cette dysphagie, fournit un diagnostic de présomption chez un bon nombre de patients.

Antécédents et terrain :

Il convient de rechercher des antécédents pathologiques ORL et digestifs (reflux gastro-œsophagien, cancer traité, ingestion antérieure de produits caustiques, collagénose, maladies neurologiques) :

– intoxication éthylique et/ou tabagique.

– origine ethnique (Asiatiques).

– exposition particulière à certains produits toxiques.

– prises médicamenteuses (chlorure de potassium, cyclines…).

– irradiation thoracique antérieure.

Caractères de la dysphagie :

Modes d’installation :

* Une dysphagie aiguë est volontiers en rapport avec une pathologie infectieuse ou un corps étranger. L’anamnèse est alors évocatrice.

* Dysphagie progressive :

– ayant commencé par un simple accrochage, la dysphagie devient progressivement croissante, d’abord pour les aliments solides, puis elle s’étend aux liquides, devenant finalement totale ; elle est très évocatrice d’une étiologie organique (néoplasique si le sujet est alcoolo-tabagique).

– quelques semaines ou quelques mois après l’ingestion d’un caustique, il faut évoquer une sténose cicatricielle.

* Dysphagie intermittente, capricieuse, survenant pour les liquides, les aliments solides pouvant être déglutis (dysphagie paradoxale) ou bien entraînant un blocage alimentaire d’emblée ; on s’orientera plus volontiers vers une cause fonctionnelle.

Siège de la dysphagie :

* Haut : oro-pharyngé, pharyngo-laryngé, tiers supérieur de l’œsophage.

* Moyen : tiers moyen de l’œsophage.

* Bas : tiers inférieur de l’œsophage.

Signes associés :

La dysphagie peut être un symptôme isolé ou au contraire être accompagnée.

* Retentissement sur l’état général : asthénie, amaigrissement, anorexie ; une perte de poids très importante, au-delà du degré de dysphagie, est fortement évocatrice d’une tumeur maligne.

* Signes digestifs : pyrosis, régurgitations alimentaires orientent vers un reflux gastro-œsophagien ou un diverticule de Zenker.

* Douleur :

– une dysphagie douloureuse (odynophagie) oriente vers une œsophagite.

– une douleur rétrosternale, en dehors des repas, oriente vers une achalasie.

– une douleur pseudo-angineuse perprandiale évoque un syndrome des spasmes diffus œsophagiens.

* Toux, hypersialorrhée, hoquet (souvent associé à une lésion du bas œsophage avec atteinte du nerf phrénique).

* Une dysphonie, ainsi qu’une otalgie réflexe, orienteront vers une origine pharyngo-laryngée ou une atteinte récurrentielle par extension d’une tumeur œsophagienne.

* La dyspnée, signe tardif, est le témoin d’une atteinte laryngée ou trachéale.

EXAMEN CLINIQUE :

* Souvent négatif, l’examen clinique devra néanmoins être complet et recherchera notamment :

– un retentissement de la dysphagie sur l’état général et nutritionnel.

– des adénopathies cervicales, un ganglion sus-claviculaire, un goitre.

– une hépatomégalie d’aspect tumoral ou non.

– des anomalies neurologiques.

* L’examen ORL est nécessaire en première intention si la dysphagie apparaît haut située avec présence d’une ou de plusieurs adénopathies cervicales et surtout si le malade se plaint d’otalgie réflexe unilatérale.

* Au terme de l’interrogatoire et de l’examen, le ou les diagnostics sont évoqués. Les examens complémentaires seront demandés en fonction des orientations retenues.

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

Explorations morphologiques :

Endoscopie :

L’endoscopie est l’examen fondamental, souvent réalisé en première intention, permettant une vision directe des lésions avec possibilité de biopsies. Il en existe deux types :

* l’œsophagoscopie au tube rigide :

– qui présente l’inconvénient de nécessiter une anesthésie générale.

– et est essentiellement réalisée par les spécialistes ORL dans le cadre d’une panendoscopie pour cancer.

* la fibroscopie au tube souple : réalisée en ambulatoire sous anesthésie locale, ses indications sont larges et tout symptôme gastro-œsophagien persistant impose cet examen ; elle permet :

– une exploration exhaustive de tout le cadre œso-gastro-duodénal et la visualisation de toute lésion organique.

– d’effectuer des biopsies.

– elle est mise en défaut dans les troubles moteurs.

Echoendoscopie œsophagienne :

* Ce n’est pas un examen de dépistage et elle s’adresse toujours à des lésions préalablement repérées ou suspectées par l’endoscopie.

* Elle a pour indication principale le bilan des tumeurs de l’œsophage et du médiastin. L’échoendoscopie permet ainsi de réaliser une classification sur le plan locorégional et de contribuer à la décision thérapeutique du cancer.

* Son premier intérêt est d’analyser les différentes couches de la paroi œsophagienne (muqueuse, sous-muqueuse, musculeuse et adventice). Dans le cadre de la pathologie néoplasique, la couche la plus importante est la couche hyperéchogène centrale (sous-muqueuse) qui, lorsqu’elle est respectée par la tumeur, signe son caractère « superficiel » et donc son bon pronostic et qui, lorsqu’elle est interrompue, signe le caractère « avancé » et donc un pronostic plus mauvais.

* L’échoendoscopie permet d’autre part de préciser l’extension ganglionnaire médiastinale avec une bonne fiabilité.

Tomodensitométrie, IRM :

* Bien qu’ayant des performances inférieures pour l’extension locorégionale du cancer de l’œsophage, les données fournies par la TDM sont cependant complémentaires de celles de l’échoendoscopie, en particulier lorsque la tumeur ne peut être franchie par l’endoscope. Elle permet, par ailleurs, de rechercher des métastases hépatiques et pulmonaires.

* L’IRM n’a pas pour l’instant fait preuve de sa supériorité par rapport aux informations apportées par la TDM.

Transit baryté pharyngo-œsophagien :

* Ingestion de baryte permettant d’obtenir un moulage de la lumière œsophagienne (signes indirects de la maladie œsophagienne).

* Examen de faible sensibilité, le transit pharyngo-œsophagien conserve néanmoins trois indications :

– la sténose serrée, non franchissable par l’endoscope, car il permettra alors de confirmer la sténose, montrant son niveau, son aspect, sa situation et son étendue.

– pour le diagnostic d’achalasie, sa sensibilité est souvent meilleure que celle de la fibroscopie.

– il doit être réalisé en première intention quand les éléments cliniques évoquent en tout premier lieu un diverticule pharyngo-œsophagien.

Radiographie thoracique :

Elle est surtout destinée à mettre en évidence une éventuelle lésion associée :

* image médiastinale anormale à l’origine d’une compression.

* localisation pulmonaire tumorale ou métastatique.

* niveau liquidien d’un éventuel méga-œsophage.

Explorations fonctionnelles œsophagiennes :

Les explorations fonctionnelles œsophagiennes sont représentées par la manométrie et la pH-métrie. Il s’agit toujours d’examens de seconde intention, réalisés après une exploration endoscopique.

Manométrie œsophagienne :

* Principe : mesure indirectement l’activité motrice de l’œsophage par l’enregistrement des variations de pression intraluminale en étudiant (au repos et à la déglutition) :

– la tonicité du sphincter inférieur et sa capacité de relaxation.

– l’amplitude, la durée et la vélocité des ondes de péristaltisme.

* Elle est réalisée en ambulatoire :

– pour l’exploration des dysphagies en l’absence de lésion organique de l’œsophage.

– chez les patients présentant des douleurs thoraciques dont l’origine coronarienne a été éliminée.

– pour compléter le bilan de maladies systémiques susceptibles d’altérer la motricité œsophagienne.

* Indication principale : dysphagies fonctionnelles par trouble moteur primitif ou secondaire.

PH-métrie :

* Principe : mesurer le coefficient d’acidité et d’alcalinité au sein de l’œsophage. Deux types de pH-métrie peuvent être réalisés :

– pH-métrie post-prandiale de 3 heures. L’avantage de cette technique est de ne pas nécessiter d’hospitalisation ; en revanche, elle méconnaît les reflux nocturnes.

– la pH-métrie des 24 heures est la méthode de référence la plus souvent réalisée en hospitalisation.

* Quatre critères sont retenus pour l’analyse des résultats :

– nombre d’épisodes de reflux supérieur à 5 minutes (normale inférieure à 3).

– pourcentage du temps passé à pH inférieur à 4 (normale inférieure à 4,2%).

– nombre total d’épisodes de reflux (normale inférieure à 50).

– durée du reflux le plus long à pH inférieur à 4 (normale inférieure à 9,2 minutes).

Explorations dynamiques œsophagiennes :

Radiocinéma de la déglutition :

* Souvent couplée à la manométrie, elle peut mettre en évidence :

– des anomalies organiques (diverticules).

– des anomalies fonctionnelles (paralysie pharyngée, stase pharyngée persistante, dysfonctionnement cricopharyngé, inertie œsophagienne).

* Elle trouve ses meilleures indications dans l’exploration des dysphagies hautes pharyngo-œsophagiennes.

Cinéscintigraphie :

* Principe : mesure le temps de transit œsophagien (TTO).

* Elle peut être proposée pour orienter le diagnostic :

– dans le reflux gastro-œsophagien.

– dans les troubles de la motricité œsophagienne lorsque les résultats de la manométrie sont équivoques.

Diagnostic différentiel :

Le diagnostic de dysphagie organique est parfois difficile à éliminer chez un patient angoissé avec notion de paresthésies pharyngées, sensation de striction, « boule dans la gorge », pouvant en imposer pour une authentique dysphagie avec parfois une cause sous-jacente.

Le moindre doute impose au minimum une endoscopie et un examen ORL.

Étiologie des dysphagies :

DYSPHAGIES HAUTES : VOIES AERODIGESTIVES SUPERIEURES :

Dysphagies d’origine oro-pharyngée :

* Les corps étrangers sont rapidement évoqués à l’interrogatoire et ce d’autant qu’ils sont mal supportés et souvent douloureux (exemple : arête de poisson, os de lapin, os de côte de porc).

* Angines, phlegmons péri-amygdaliens : odynophagie dans un contexte fébrile (voir question). En face d’un sujet ayant subi une amygdalectomie présentant un syndrome d’angine, il faut penser à une amygdalite linguale aiguë.

* Dans le cancer du sillon amygdaloglosse et de la base de la langue, la dysphagie est souvent tardive, mais les otalgies réflexes peuvent être précoces.

Dysphagies d’origine hypopharyngée et laryngée :

* Corps étrangers : parfois bloqués dans le sinus piriforme ou dans la région rétrocricoïdienne.

* Cancer de l’hypopharynx : cause la plus fréquente, en particulier au niveau des sinus piriformes. Importance du terrain.

* Causes infectieuses et inflammatoires : abcès et phlegmon rétropharyngien, épiglottite (avec tendance dyspnéique possible même chez l’adulte).

* Compressions extrinsèques cervicales : spondylites, ostéophytes, volumineuses tumeurs de la thyroïde, apophyse styloïde longue, tumeurs parapharyngées seront recherchés.

Diverticule de Zenker

(Ou diverticule pharyngo-œsophagien.)

* Définition : c’est le plus fréquent des diverticules. C’est une hernie muqueuse et sous-muqueuse développée aux dépens de la paroi pharyngée postérieure, juste au-dessus de la bouche œsophagienne.

* Physiopathogénie : la formation du diverticule nécessite deux types de facteurs :

– anatomiques : point de faiblesse triangulaire situé entre les fibres musculaires obliques du constricteur inférieur et celles transversales du cricopharyngien.

– mécaniques : incoordination du sphincter pharyngo-œsophagien lors de la déglutition entraînant une augmentation de pression.

* Sur le plan clinique, la symptomatologie est évocatrice du diagnostic et associe :

– des régurgitations d’aliments non digérés, souvent ingérés plusieurs heures auparavant et nauséabonds. Cette rumination est un signe précoce et très évocateur.

– la dysphagie est également fréquente, parfois intermittente, pouvant aller jusqu’à l’aphagie, entraînant alors un amaigrissement important. Les volumineux diverticules sont plus dysphagiants, mais les blocages sévères existent aussi avec des petits diverticules. Un blocage aigu par corps étranger alimentaire peut être révélateur.

– fausses routes et pneumopathies d’inhalation sont fréquentes.

– l’existence de bruits hydro-aériques dans le cou est très évocatrice du diagnostic.

– stagnation salivaire invalidante, sensation de corps étranger pharyngé, enrouement intermittent, douleurs thoraciques sont d’autres signes fonctionnels possibles.

– l’examen clinique est habituellement normal, car la masse réductible palpable dans le cou est exceptionnelle.

* Examens complémentaires :

– le transit baryté est l’examen capital permettant d’affirmer le diagnostic et de préciser la forme et la taille du diverticule.

– l’endoscopie doit être envisagée seulement après réalisation d’un transit baryté en raison du risque de perforation ; son but est d’éliminer un cancer associé (intradiverticulaire ou œsophagien).

* Evolution : elle est dominée par la majoration de la gêne fonctionnelle. La cancérisation existe dans environ 1% des cas.

* Traitement : toujours chirurgical, il peut être réalisé par voie externe ou par voie endoscopique au moyen d’une vaporisation laser sur le collet du diverticule.

DYSPHAGIES BASSES : ORIGINE OESOPHAGIENNE :

Dysphagies organiques lésionnelles :

Cancer de l’œsophage :

* C’est, sur le plan clinique, le premier diagnostic à évoquer chez un homme d’âge supérieur à 40 ans, éthylo-tabagique, présentant une dysphagie progressive dans un contexte d’altération de l’état général.

* Diagnostic endoscopique :

– lésion tumorale bourgeonnante ou ulcéro-infiltrante, saignant au contact, dont le siège et l’extension en hauteur seront précisés.

– les biopsies affirmeront la nature histologique (carcinome épidermoïde le plus fréquent, adénocarcinome moins souvent, surtout au tiers inférieur de l’œsophage par métaplasie de la muqueuse gastrique).

* Bilan d’extension et recherche d’une seconde localisation :

– transit œsophagien.

– trachéo-bronchoscopie.

– échoendoscopie et TDM thoracique (extension médiastinale).

– examen ORL.

– extension à distance avec recherche de métastases : radiographie thoracique, échographie hépatique, scintigraphie osseuse en cas de suspicion d’atteinte du squelette.

* Traitements :

– curatif : essentiellement chirurgical, parfois précédé de chimiothérapie et de radiothérapie.

– palliatif : radiothérapie, chimiothérapie de confort, endoprothèse œsophagienne, laser de désobstruction.

Oesophagite peptique :

* Clinique : antécédents de reflux gastro-œsophagien, dysphagie progressive, parfois brutale après chirurgie abdominale ou mise en place d’une sonde naso-gastrique. (Cette dysphagie est liée à une œsophagite par reflux qui peut aboutir à la constitution d’une sténose peptique.)

* Fibroscopie :

– en cas d’œsophagite par reflux, elle retrouve une muqueuse érythémateuse, érosive, ulcérée.

– au stade de la sténose peptique, son siège est habituellement inférieur, rarement moyen, l’aspect fibroscopique est celui d’une sténose régulière, circulaire, en règle générale médiane, sans infiltration pariétale. Les biopsies éliminent une tumeur maligne.

* Traitement : celui du reflux (voir question) et celui de la sténose, quand elle existe, sous forme de séances de dilatation, ou bien traitement chirurgical.

Sténose caustique :

* Sur le plan clinique, la notion d’ingestion de produit caustique, le plus souvent volontaire, est précisée à l’anamnèse. Au stade aigu, l’endoscopie précoce précise l’étendue des lésions et la profondeur de la brûlure. La sténose n’apparaît que dans les semaines ou les mois qui suivent l’ingestion, elle est le plus souvent marquée par une dysphagie progressive très sévère.

* Le transit baryté objective une sténose serrée « en queue de radis ».

* L’endoscopie prudente (risque de perforation œsophagienne) fait le point des lésions et permet éventuellement des dilatations au stade des séquelles.

Oesophagite infectieuse :

* L’œsophagite mycosique est la forme la plus fréquente :

– elle survient généralement sur un terrain fragilisé : antibiothérapie, corticothérapie, immunodépression, SIDA, pour lequel l’œsophagite mycosique représente un passage à la maladie.

– il s’agit habituellement d’une dysphagie très douloureuse.

– l’endoscopie retrouve soit des granulations blanchâtres, soit des pseudo-membranes. Un prélèvement pour étude mycologique s’impose : Candida albicans est le plus fréquent.

* Autres causes d’œsophagites, plus rares : herpétique, tuberculose, sarcoïdose, maladie de Crohn.

Tumeurs bénignes de l’œsophage :

Rares : papillome, lipome, neurinome, léiomyome.

Corps étrangers œsophagiens :

Divers, le plus souvent alimentaires ; exérèse par endoscopie sous anesthésie.

Anneaux et membranes sont des causes rares :

* Anneau de Schatzki : repli muqueux à la jonction gastro-œsophagienne surplombant une hernie hiatale. La dysphagie est intermittente, capricieuse.

* Syndrome de Plummer-Vinson : associant dysphagie haute intermittente et anémie hyposidérémique, il touche la femme d’âge moyen, souvent d’origine anglaise ou scandinave. La fibroscopie révèle une membrane à la partie antérieure de la bouche œsophagienne. Une surveillance endoscopique régulière est nécessaire, la survenue de lésions néoplasiques digestives apparaissant plus fréquemment dans cette population.

* Maladie de Biermer : dysphagie discrète, pouvant être accompagnée d’une glossite de Hunter.

* Myopathie du cricopharyngien : chez le sujet âgé, d’étiologie inconnue, réalisant une diminution de compliance de la bouche œsophagienne.

Diverticules œsophagiens :

On rencontre deux types de diverticules œsophagiens :

* les diverticules trachéo-bronchiques dits « de traction » avec ou sans fistulisation, sur une adénopathie voisine. Souvent découverts lors d’examens systématiques, ils sont généralement asymptomatiques.

* les diverticules épiphréniques : achalasie localisée, sur la face antérolatérale gauche de l’œsophage sur les 6 derniers centimètres. L’achalasie serait aussi le mécanisme de leur production en provoquant une véritable hernie.

Compressions extrinsèques thoraciques :

* Compression tumorale : lymphome, adénopathies médiastinales d’étiologies diverses.

* Compressions vasculaires :

– hypertrophie de l’oreillette gauche.

– « dysphagia lusoria » due à la naissance anormale de l’artère sous-clavière droite au niveau de la crosse aortique qui cravate l’œsophage en arrière. Elle est symptomatique quand l’artère a perdu son élasticité (athérome).

Dysphagies fonctionnelles par troubles moteurs œsophagiens primitifs :

Selon que les troubles moteurs œsophagiens apparaissent de façon isolée ou qu’ils s’intègrent dans le cadre d’une maladie neuro-musculaire diffuse, on distingue les troubles moteurs primitifs et les troubles secondaires. Les explorations fonctionnelles deviennent alors fondamentales.

Achalasie :

(Ou méga-œsophage idiopathique ou cardiospasme.).

* Physiopathologie qui associe :

– une hypertension du sphincter œsophagien.

– et des anomalies de contraction péristaltique œsophagienne.

* Clinique :

– la dysphagie est constante : intermittente et capricieuse au début, elle s’aggrave de façon progressive et prédomine souvent pour les liquides. L’absorption d’une grande quantité de liquide peut faire céder le blocage, de même la manœuvre de Valsalva ou le fait de lever les bras au-dessus de la tête. Cette dysphagie est souvent aggravée par le stress.

– les régurgitations constituent le second symptôme le plus fréquent, survenant le plus souvent pendant le sommeil ou après les repas.

– les douleurs thoraciques ne sont pas rares. Il peut s’agir de douleurs rétrosternales ou de douleurs épigastriques, parfois déclenchées par l’ingestion de boissons glacées.

– l’amaigrissement est fréquent, parfois considérable.

– les régurgitations nocturnes peuvent mener aux surinfections pulmonaires, voire aux abcès et à l’insuffisance respiratoire chronique.

* Examens complémentaires :

– endoscopie : l’importance de la stase alimentaire rend souvent l’endoscopie difficile, permettant toutefois d’éliminer une pathologie tumorale ou inflammatoire associée.

– la manométrie œsophagienne est l’investigation la plus spécifique pour le diagnostic. Trois anomalies sont décrites : élévation de la pression du sphincter inférieur de l’œsophage ; relaxation incomplète, voire absente ; l’absence de péristaltisme primaire est le signe constant et indispensable au diagnostic.

* Autres examens pouvant être utiles :

– le transit pharyngo-œsophagien retrouve une dilatation d’amont avec sténose serrée, régulière.

– la radiographie du thorax révèle parfois un niveau liquide lié à la stase.

– l’échoendoscopie est parfois utile pour confirmer l’absence de lésion sous-muqueuse que l’endoscopie classique pourrait méconnaître.

* Traitement :

– médical : réservé au stade initial de la maladie avec dysphagie minime et petite dilatation de l’œsophage ; les dérivés nitrés (nifédipine par voie sublinguale à la dose de 10mg) et les bloqueurs du calcium ont des effets favorables chez environ 80% des patients.

– dilatation œsophagienne : la dilatation pneumatique du bas œsophage, réalisant une dilacération des couches musculaires, permet de réduire le spasme du sphincter inférieur ; les séances sont renouvelées (une à trois fois) jusqu’à ce que la pression soit réduite de plus de 60% de sa valeur initiale. Cette dilatation permet des résultats favorables dans 80% des cas.

– traitement chirurgical : œso-cardiomyotomie chirurgicale de Heller (résultats satisfaisants jusqu’à 90% des cas).

Syndrome des spasmes diffus de l’œsophage :

* Physiopathologie : perte intermittente du péristaltisme œsophagien.

* Clinique :

– 50-60 ans.

– douleurs thoraciques perprandiales (douleurs légères ou bien intenses pseudo-angineuses, syncopales) souvent révélatrices de la maladie (50% des cas).

– dysphagie capricieuse.

* Examens complémentaires :

– manométrie œsophagienne qui retrouve : des ondes synchrones dans plus de 10% des cas ; la présence d’ondes répétitives dont la durée et/ou l’amplitude sont augmentées ; parfois, une hypertonie ou une relaxation incomplète du sphincter inférieur de l’œsophage.

– la scintigraphie œsophagienne montre un allongement du temps de transit supérieur à 20 secondes avec des profils d’activité anormaux puisque la propagation du bolus est fragmentée.

– la fibroscopie élimine une cause organique.

* Traitement : superposable à celui de l’achalasie.

Autres étiologies :

* L’achalasie du sphincter supérieur se manifeste par une dysphagie haute avec fausses routes, due à une hypertonie du muscle cricopharyngien.

* Le syndrome du péristaltisme douloureux est caractérisé par une exagération de l’amplitude et de la durée des ondes péristaltiques œsophagiennes avec conservation de la propagation des contractions et des relaxations du sphincter inférieur de l’œsophage.

* L’hypertonie du sphincter inférieur de l’œsophage est marquée par l’association d’une dysphagie et de douleurs thoraciques. La manométrie montre une hypertonie du sphincter inférieur de l’œsophage avec un péristaltisme et une relaxation sphinctérienne normaux.

Dysphagie fonctionnelle par troubles moteurs secondaires :

Achalasie secondaire :

* Elle peut survenir au cours du développement de certains cancers pulmonaires, pancréatiques ou prostatiques. C’est un syndrome paranéoplasique.

* L’installation de symptômes œsophagiens est rapide : elle entraîne une perte de poids importante.

* Les données de la manométrie sont similaires à celles des formes communes d’achalasie.

Collagénoses :

* Sclérodermie :

– une atteinte des deux tiers inférieurs œsophagiens, dans 80% des cas, par affaiblissement des contractions péristaltiques et insuffisance du sphincter inférieur.

– la conséquence est l’apparition fréquente d’une œsophagite peptique parfois sténosante.

* Autres collagénoses :

– pour la polymyosite et la dermatomyosite, il s’agit le plus souvent de dysphagie haute concernant le tiers supérieur de l’œsophage en rapport avec une inflammation diffuse du tissu musculaire strié. Les contractions pharyngées et œsophagiennes sont affaiblies.

– dans le lupus érythémateux disséminé, l’atteinte œsophagienne correspond à des atteintes combinées de l’œsophage strié comme dans les polymyosites et de l’œsophage distal comme dans la sclérodermie.

– au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren, la dysphagie est présente chez 30% des patients présentant ce syndrome dû à un affaiblissement du péristaltisme du corps de l’œsophage.

Dysphagie fonctionnelle par troubles moteurs pharyngo-œsophagiens :

Dans la plupart des cas, les troubles de la motricité pharyngo-œsophagienne s’intègrent dans l’évolution d’une maladie neurologique ou musculaire.

Causes neurologiques :

* Au niveau du système nerveux central :

– la cause la plus fréquente est représentée par les accidents vasculaires cérébraux.

– traumatisme cérébral.

– anoxie.

– maladie d’Alzheimer.

– tumeur.

– atteintes de voies extrapyramidales (maladie de Parkinson, chorée de Huntington, maladie de Wilson).

– sclérose latérale amyotrophique.

– syringobulbie.

– syndrome d’Arnold-Chiari.

– dégénérescence spinocérébelleuse.

– maladie de Friedreich.

– dysautonomie familiale.

– tabès.

* Système nerveux périphérique :

– atrophie musculaire spinale.

– poliomyélite.

– syndrome de Guillain-Barré.

– diphtérie.

– diabète.

– neurotoxines.

Causes musculaires :

* Polymyosite, dermatomyosite, lupus.

* Dystrophie musculaire.

* Myopathie oculo-pharyngée.

* Myopathie thyrotoxique.

* Myopathie radique.

Causes à la jonction neuro-musculaire :

* Myasthénie.

* Botulisme.

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