OEdèmes des membres inférieurs

0
3023

Diagnostic positif :

A – Interrogatoire :

1- Antécédents :

Il faut préciser l’âge, le sexe, les habitudes alimentaires, les prises médicamenteuses (prescrites ou non), les antécédents cardiaques, hépatiques, rénaux et endocriniens, les antécédents de phlébite, d’embolie pulmonaire ou d’insuffisance circulatoire veineuse, l’existence d’un contexte allergique, familial ou personnel.

2- Modalités de survenue :

Elles précisent le caractère aigu, chronique, récidivant, les rapports avec les menstruations, les éventuelles circonstances déclenchantes, la coexistence d’autres manifestations fonctionnelles ou le caractère isolé.

B – Examen clinique :

OEdèmes des membres inférieursIl apprécie la couleur des téguments, la topographie, le caractère inflammatoire (rougeur, douleur, chaleur) ou non, la coexistence de lésions cutanées, la consistance : résistante et dure évoquant plutôt un problème local ou au contraire des oedèmes blancs, mous, indolores, prenant le godet ou plus consistants résistant à la pression du pouce.

Pour établir l’évolution au cours du nycthémère, l’examen est complété par la recherche de signes associés tels que les variations en fonction de l’orthostatisme, la bouffissure du visage et des paupières, les oedèmes des lombes le matin, au fur et à mesure de la journée vers les membres inférieurs, la notion d’une prise de poids récente, d’une oligurie, l’existence ou l’apparition d’une dyspnée, d’une variation tensionnelle en plus ou moins, l’augmentation du volume abdominal, la présence d’une ascite ou d’un épanchement pleural (anasarque) en cas d’oedèmes généralisés, une douleur locale, une fièvre, la présence d’un signe de Homans, d’anomalies de la circulation veineuse (varices, dermite ocre).

Diagnostic différentiel :

Les oedèmes discrets survenant par temps très chaud après une station debout ou une position assise prolongée (voyage en avion) n’ont pas de signification pathologique.

Il en est de même lors des menstruations ou de la grossesse (à l’exclusion de toute autre anomalie).

Lors d’une grossesse, les oedèmes isolés, sans hypertension, sans protéinurie, sans insuffisance rénale, sans augmentation de l’uricémie sont physiologiques et doivent être respectés [pas d’indication thérapeutique du régime sans sel et (ou) de diurétiques].

Diagnostic étiologique :

A – OEdèmes localisés :

1- Origine vasculaire :

  • La thrombophlébite est à évoquer devant toute grosse jambe douloureuse, avec une discrète fébricule, même sans signe de Homans patent, survenant sur un terrain prédisposé ou dans des conditions propices (alitement).

Un écho-doppler veineux, voire une phlébographie des membres inférieurs et de la veine cave, peuvent être réalisés.

  • L’insuffisance circulatoire veineuse est plus souvent bilatérale, elle se traduit plus par une sensation de jambes lourdes que douloureuses et s’intègre dans un contexte évocateur.
  • L’artérite s’accompagne d’oedèmes très modérés, rouges, violacés, durs, froids.

Une exacerbation brutale de la douleur impose la recherche d’une ischémie aiguë en urgence.

  • Dans l’obstruction lymphatique, l’oedème est indolore, ferme, s’étendant plus volontiers à la face dorsale du pied.

Une cause principale est le néoplasme connu, traité ou non (curage ganglionnaire).

2- Origine infectieuse :

  • L’érysipèle, caractérisé par une grosse jambe très douloureuse s’accompagnant de lésions cutanées typiques et d’une hyperthermie importante supérieure à 39 °C est dû à une infection en général à streptocoque, et nécessite la recherche de la porte d’entrée.
  • Une cellulite bactérienne peut entraîner un oedème, voire se compliquer de gangrène gazeuse (crépitation à la palpation).

3- Causes plus rares :

On peut citer les maladies cutanées auto-immunes, la fasciite, l’algodystrophie post-traumatique (aspect pâle et succulent), les allergies et piqûres d’hyménoptère.

B – OEdèmes généralisés :

1- Atteinte cardiaque et vasculaire :

  • L’insuffisance cardiaque droite, isolée ou entrant dans le cadre d’une insuffisance cardiaque congestive, se traduit par une augmentation de la pression veineuse centrale, une turgescence des jugulaires, une hépatomégalie congestive, douloureuse à la compression et un reflux hépatojugulaire, un signe de Harzer, une insuffisance tricuspidienne et un bruit de galop droit. Le bilan doit être complété par une radiographie de thorax appréciant le volume de la silhouette cardiaque et l’existence d’un épanchement pleural.

Il doit être complété par une échographie cardiaque qui évalue aussi la fonction ventriculaire gauche, l’existence d’un épanchement péricardique ou au contraire d’un épaississement des feuillets évoquant alors une péricardite constrictive.

  • La péricardite constrictive donne un tableau de pseudocirrhose mais avec une pression veineuse élevée.

Elle est le plus souvent d’origine tuberculeuse ou post-radiothérapique.

  • La thrombose cave inférieure entraîne des oedèmes bilatéraux.

2- Atteinte rénale :

Deux grands cadres de la pathologie rénale peuvent se compliquer d’oedèmes : les néphropathies glomérulaires se manifestant soit par un syndrome néphrotique, soit par un syndrome néphritique ; l’insuffisance rénale aiguë ou chronique.

  • Le syndrome néphrotique se définit par l’association d’une protéinurie (supérieure à 3 g/24 h), une hypoprotidémie (inférieure à 60 g/L) et une hypoalbuminémie (inférieure à 30 g/L).

La fuite liquidienne interstitielle secondaire à la diminution de la pression oncotique entraîne une « hypovolémie efficace » responsable d’une augmentation de la réabsorption sodée par stimulation du système rénine angiotensine. Il semble néanmoins que ce mécanisme ne soit pas exclusif mais que la rétention sodée soit la conséquence de l’atteinte rénale.

  • Le syndrome néphritique aigu se définit par l’association d’une hypertension, d’une insuffisance rénale, d’une hématurie et d’une protéinurie.

La rétention sodée est la conséquence de l’atteinte rénale. Un tel tableau impose la pratique immédiate d’une biopsie rénale sauf s’il s’agit à l’évidence d’une glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique.

  • Au cours de l’insuffisance rénale aiguë, l’interruption brutale de la filtration glomérulaire entraîne une surcharge hydrosodée qui peut imposer des mesures thérapeutiques rapides.
  • Dans l’insuffisance rénale chronique, compte tenu des capacités d’adaptation, c’est en général une inobservance des règles thérapeutiques ou diététiques ou la prise de médicaments modifiant l’hémodynamique intrarénale qui se traduit par l’apparition progressive des oedèmes.
  • Une insuffisance rénale fonctionnelle par hypovolémie avec hypokaliémie peut être la conséquence d’un abus de laxatifs ou de diurétiques touchant en général des jeunes femmes (profil psychique particulier, narcissisme primaire et image du corps idéalisée, travaillant souvent en milieu médical ou paramédical) et peut s’accompagner d’oedèmes modérés.

Dans ce cas, les oedèmes ne sont pas dus à l’insuffisance rénale mais à des transferts, conséquence à la fois d’un très gros déficit en potassium extra- et intracellulaire et à des périodes alternées d’interruption et de reprise des régimes et des médicaments.

Il est très difficile de faire entendre raison à ce genre de patientes d’autant que l’intoxication aux diurétiques et aux laxatifs est souvent niée.

3- Atteinte hépatique :

  • La cirrhose du foie, d’origine éthylique le plus souvent ou virale, entraîne 2 anomalies majeures : une obstruction post-sinusoïdale et une vasodilatation splanchnique.

L’hypertension portale, qui se complique d’une « hypovolémie efficace » et d’un hyperaldostéronisme secondaire à la diminution de la dégradation hépatique de l’aldostérone et à la diminution de synthèse de l’albumine, conséquence des perturbations hépatocellulaires, favorise l’extravasation liquidienne vers le tissu interstitiel, l’apparition d’une ascite, voire d’un épanchement pleural bilatéral (anasarque).

Le diagnostic est évoqué devant un contexte d’imprégnation éthylique, avoué ou non, un foie dur à bord inférieur tranchant, la présence d’angiomes stellaires, d’une circulation collatérale et d’une ascite, la présence de varices oesophagiennes à la fibroscopie oesogastrique témoignant d’une hypertension portale et de signes biologiques d’insuffisance hépatocellulaire.

Dans les autres cas, c’est l’anamnèse, les antécédents de contamination virale (hépatite B ou C) qui permettent le diagnostic.

  • Le syndrome hépatorénal est en général le terme ultime de l’évolution d’une cirrhose.

Il se caractérise par l’existence d’un syndrome d’antidiurèse et d’antinatriurèse et d’une insuffisance rénale (fonctionnelle), le plus souvent secondaire à une majoration de l’hypovolémie « efficace » soit par excès de diurétiques, soit par ponctions d’ascite trop abondantes ou trop répétées, soit conséquence d’hémorragies digestives.

Le pronostic en est particulièrement sombre malgré les tentatives de rétablissement de la volémie.

  • Le syndrome de Budd-Chiari, secondaire à l’oblitération partielle ou totale des veines sus-hépatiques, se traduit par l’hypertension portale et par des douleurs abdominales évoluant dans un contexte fébrile.

C – OEdèmes carentiels :

  • Une carence protéique majeure par dénutrition ou cachexie s’accompagne d’hypoprotidémie et d’hypoalbuminémie, terme ultime d’un néoplasme généralisé ou témoin d’un alcoolisme majeur.

Elle existe par défaut d’apport dans les pays en voie de développement (kwashiorkor).

  • Les malabsorptions digestives peuvent entraîner une perte protéique, quelles que soient leurs causes (infectieuses, inflammatoires, immunologiques).

Dans ce cas, la déperdition protidique affecte toutes les fractions de l’électrophorèse des protéines sériques.

D – OEdèmes par altération de la microcirculation :

Ce type d’oedème prend peu ou mal le godet et leur mise en évidence nécessite parfois des explorations complémentaires complexes.

  • Les oedèmes médicamenteux sont secondaires à une perturbation de la perméabilité capillaire. Les inhibiteurs calciques (dihydropyridines surtout) et les oestroprogestatifs sont le plus souvent en cause.
  • Les oedèmes cycliques idiopathiques s’observent chez la femme en période d’activité génitale, le plus souvent lors des menstruations, se traduisant par une poussée oedémateuse, avec une prise de poids quelquefois importante, souvent mal vécue par les patients, les incitant à user voire abuser de diurétiques qui ne font qu’aggraver la situation dans la mesure où ils créent une tendance hypovolémique entraînant la mise en jeu du système rénine-angiotensine.
  • Les oedèmes des diabétiques peuvent se voir en dehors de toute complication rénale, conséquence de lésions anatomiques de la basale des capillaires et la neuropathie diabétique au terme d’une évolution prolongée de la maladie.
  • Les oedèmes par hyperperméabilité capillaire systémique sont diffus, par fuite vasculaire avec chute tensionnelle et hémoconcentration sévère.

Ils peuvent se voir en cas de perfusion thérapeutique d’interleukine 2, d’utilisation de GMCSF (granulocyte macrophage colony stimulating factor) recombinant (dans les leuconeutropénies), dans le syndrome de Clarkson avec chocs récidivants et présence d’une gammapathie monoclonale.

E – OEdèmes d’origine endocrinienne :

Les oedèmes peuvent s’observer dans les hypercorticismes (pathologiques ou par surdosage médicamenteux), les hyperminéralocorticismes où ils sont en général très discrets compte tenu du phénomène d’échappement, l’hypothyroïdie réalisant un myxoedème dont le mécanisme est mal connu et mal compris.

Il s’agit d’une infiltration du tissu sous-cutané prédominant en prétibial et au dos des pieds, ne prenant pas le godet. Le diagnostic repose sur le contexte clinique et le dosage de la TSH (thyroid stimulating hormone) ultrasensible.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.