Neurosarcoïdose

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Épidémiologie :

La prévalence de la sarcoïdose est estimée entre 8 et 10 pour 100 000.

Ces chiffres varient notamment en fonction de la population étudiée, avec par exemple un taux nettement plus élevé chez les sujets de race noire que chez les sujets d’origine caucasienne dans la population new-yorkaise.

Ces données sont en grande partie issues d’études systématiques de radiographies pulmonaires.

Cette fréquence est très probablement sous-estimée.

NeurosarcoïdoseEn effet, la sarcoïdose est souvent asymptomatique : dans une étude suédoise, la prévalence de lésions sarcoïdiennes était de 641 pour 100 000 lors d’une analyse post mortem systématique des patients décédés (autopsies réalisées chez 60 % des patients décédés de toutes causes).

La proportion d’atteinte neurologique au cours de la sarcoïdose est estimée entre 2 et 9 % selon les auteurs.

Cette fréquence est probablement elle aussi sous-estimée.

En effet, une atteinte du système nerveux est retrouvée dans 15 à 27 % des cas dans les rares séries autopsiques.

Définition :

Selon la neuvième conférence internationale sur la sarcoïdose (Paris, 1981) : « La sarcoïdose est une granulomatose affectant plusieurs organes, d’étiologie inconnue, caractérisée par un processus altérant l’immunité cellulaire, avec majoration de ces altérations au niveau des organes atteints.

Les critères minimaux de diagnostic doivent inclure :

– des critères histologiques : présence d’un granulome à cellules épithélioïdes et cellules gigantocellulaires, non caséifiant, dans plus d’un organe, ou reproductible lors d’un test de Kveim ;

– des critères cliniques : présence de manifestations cliniques patentes ;

– des critères d’exclusion : absence d’intervention des agents étiologiques susceptibles de provoquer des lésions granulomateuses ».

Anatomie pathologique :

La lésion histologique consiste en un granulome dont le centre est formé en majorité de cellules épithélioïdes, associées à quelques cellules géantes multinucléées, des macrophages et quelques monocytes.

En périphérie, il existe une zone marginale, constituée de lymphocytes, de quelques monocytes et de fibroblastes.

Il n’y a pas de nécrose caséeuse au sein du granulome, au plus existe-t-il parfois une nécrose fibrinoïde limitée.

Cette lésion histologique n’est en rien spécifique de la sarcoïdose et peut être retrouvée dans de nombreuses granulomatoses de causes bien établies (antigènes organiques, éléments mycosiques, pneumoconioses).

Elle est néanmoins un élément indispensable au diagnostic.

Manifestations neurologiques :

Les manifestations neurologiques dans la sarcoïdose sont rares, estimées le plus souvent aux alentours de 5 %.

Cependant, dans la moitié des cas (31 à 65 % selon les auteurs), l’atteinte neurologique est révélatrice de la maladie.

Dans 10 %, elle reste strictement limitée au système nerveux. Les localisations neurologiques de la sarcoïdose sont souvent multiples (dans 30 à 51 % des cas).

Les pourcentages concernant les différentes localisations sont le plus souvent issus de six grandes séries publiées entre 1977 et 1999, formant un groupe de 276 cas de neurosarcoïdoses.

A – PHYSIOPATHOLOGIE :

L’atteinte du système nerveux central découle de l’infiltration des espaces méningés par le processus granulomateux.

Cette infiltration peut rester localisée aux méninges ou diffuser aux racines des nerfs crâniens ou rachidiens.

Elle peut également envahir les vaisseaux radiculaires, médullaires ou cérébraux, réalisant une angéite granulomateuse, et pénétrer alors le parenchyme.

La localisation préférentielle de cette méningite, au niveau de la base du crâne, rend compte de la grande fréquence des atteintes des nerfs crâniens, du nerf optique et de l’hypothalamus au cours des neurosarcoïdoses.

B – ATTEINTES MÉNINGÉES :

Une méningite subaiguë ou chronique est rapportée en moyenne dans 20 % des cas (8 à 40 % selon les séries).

En fait, la fréquence de l’atteinte méningée dépend de sa définition.

L’infiltration des espaces méningés par le processus granulomateux étant à l’origine de l’atteinte centrale, elle est logiquement retrouvée de façon constante, à l’autopsie, dans les formes centrales de neurosarcoïdose.

Des anomalies du liquide céphalorachidien (LCR) sont présentes dans 53 à 81 % des neurosarcoïdoses.

Il s’agit le plus souvent d’une lymphocytose avec hyperprotéinorachie. Une hypoglycorachie est rapportée dans 5 à 28% et une augmentation du taux d’enzyme de conversion est présente dans 33 à 58 % des cas.

Enfin, une sécrétion intrathécale d’immunoglobuline est rapportée au cours des neurosarcoïdoses, jusqu’à 37 % des cas dans une étude récente, avec une distribution oligoclonale dans 18,5 %.

En revanche, si l’on s’en tient à la présence d’un syndrome méningé associé à une pléiocytose du LCR, la méningite sarcoïdienne est rare.

Son évolution est souvent favorable, mais volontiers récurrente et corticodépendante.

C – ATTEINTES DES NERFS CRÂNIENS ET DU NERF OPTIQUE :

Dans la plupart des séries, les atteintes du nerf optique et des nerfs crâniens sont les manifestations neurologiques les plus fréquentes au cours de la sarcoïdose.

Si l’on y associe l’atteinte du nerf optique, les nerfs crâniens sont touchés dans 42 à 73 % des cas.

L’atteinte des nerfs crâniens est souvent multiple, récidivante ou alternante.

L’évolution est le plus souvent favorable sous traitement, parfois spontanément.

Dans 31 à 48 % des cas, la localisation aux nerfs crâniens est associée à une autre localisation nerveuse (centrale ou périphérique).

L’atteinte isolée des nerfs crâniens semble en revanche plus fréquente chez les sujets de race noire que chez les sujets d’origine caucasienne.

Tous les nerfs crâniens peuvent êtres touchés, mais avec une fréquence variable.

1- Nerf facial (VII) :

Le nerf facial est le plus fréquemment touché des nerfs crâniens, en moyenne dans 28 % des cas (19 à 48 % selon les séries).

Son atteinte est le plus souvent associée à celle d’autres nerfs crâniens, mais elle reste isolée dans un tiers des cas. Le nerf facial est parfois touché de façon bilatérale ou à rechute.

Dans 5 % des cas, l’atteinte du VII est associée à une parotidite et une iridocyclite réalisant la fièvre uvéoparotidienne de Heerfordt.

La physiopathologie est variable : parotidite, compression du nerf au niveau du foramen stylomastoïdien, infiltration du nerf par le processus granulomateux.

La présence d’une hémiagueusie, parfois associée, indique une atteinte plus proximale sur le nerf, en amont du foramen stylomastoïdien.

Une localisation intra-axiale a pu être évoquée, en raison de l’association possible avec d’autres signes d’atteintes du tronc cérébral.

2- Nerf optique (II) :

Le nerf optique est également une localisation habituelle de la neurosarcoïdose.

Son atteinte est selon les auteurs, présente dans 3 à 38 % des cas (19 % en moyenne).

Le chiffre de 38 %, issu de la série de Zajicek et al, relève probablement d’un biais de recrutement.

Le mécanisme invoqué est le plus souvent celui d’une compression du chiasma optique par la méningite granulomateuse plutôt que l’envahissement direct du nerf.

La névrite optique, se traduisant habituellement par une baisse de l’acuité visuelle, souvent subaiguë, uni- ou bilatérale, n’est parfois révélée que par les potentiels évoqués visuels.

Le fond d’oeil, souvent gêné par l’uvéite (manifestation très fréquente), peut révéler un oedème ou une pâleur papillaire, parfois des engainements périvasculaires en « tache de bougie » témoignant d’une angéite granulomateuse.

L’évolution est souvent corticodépendante et une récupération à long terme est estimée entre 40 et 55 % des cas.

3- Nerf cochléovestibulaire (VIII) :

Cette localisation apparaît en troisième position dans les atteintes des nerfs crâniens et semble souvent associée à une paralysie faciale.

Elle se traduit par une surdité, parfois fluctuante ou bilatérale, souvent accompagnée de vertiges.

L’atteinte n’est parfois révélée que par les potentiels évoqués auditifs.

Plusieurs mécanismes sont là encore invoqués : périvascularite, infiltration granulomateuse ou dégénérescence neuronale focale.

4- Nerfs oculomoteurs (III) :

Des ophtalmoplégies sont plus rarement rapportées au cours des neurosarcoïdoses (8 à 13 %).

Une diplopie est exceptionnellement révélatrice. Un signe d’Argyll Robertson a été décrit.

5- Nerf trijumeau (V) :

L’atteinte du V est présente dans environ 10 % des cas, le plus souvent sous la forme d’une hypoesthésie, associée à une atteinte du VII et du VIII.

6- Autres nerfs crâniens et nerf olfactif :

Une atteinte des nerfs mixtes a été rapportée, ainsi qu’une anosmie.

Cette dernière serait cependant souvent en rapport avec une infiltration de la muqueuse nasale.

D – ATTEINTES ENCÉPHALIQUES :

Les atteintes du système nerveux central sont assez fréquentes au cours de la neurosarcoïdose. Estimée entre 36 et 66 % selon les séries, ces manifestations sont multiples et dépendent de la localisation des lésions.

1- Hydrocéphalie :

Classique, sa fréquence est pourtant diversement appréciée en fonction des séries (de 6 à 17%).

Souvent asymptomatique et découverte à l’occasion d’un scanner ou d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale, l’hydrocéphalie peut être en rapport avec une méningite basilaire cloisonnante, une compression de l’aqueduc de Sylvius par un granulome, une obstruction du quatrième ventricule ou un granulome intraventriculaire.

Lorsqu’elle est symptomatique, l’hydrocéphalie ne présente pas de caractères particuliers.

Elle se traduit par des céphalées, une instabilité et un ralentissement idéatoire.

Un cas de mort subite, attribué à une hydrocéphalie obstructive, a été rapporté.

2- Atteintes hypothalamohypophysaires :

Présentes dans 3 à 26% des cas, elles sont dues à l’infiltration granulomateuse des régions sous-épendymaires du troisième ventricule.

La plus courante des manifestations est un diabète insipide, noté dans 10 à 15 % des cas, le plus souvent lié à l’atteinte hypothalamique. Une atteinte de l’hypophyse est cependant possible.

Tous les types d’atteintes endocriniennes ont été rapportés, notamment une hyperprolactinémie, un SIADH (syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique), une aménorrhée, des troubles de la libido et une dépilation.

Une aboulie, des troubles du sommeil, une hypothermie et des troubles du comportement sont parfois associés.

Un dosage systématique de la prolactinémie a été proposé pour dépister les atteintes infracliniques, mais cette attitude est contestée.

3- Formes pseudotumorales :

Asymptomatiques dans 75 % des cas, les formes pseudotumorales sont rarement rapportées dans les grandes séries.

De nombreuses observations isolées de lésions pseudotumorales au cours de la neurosarcoïdose ont pourtant été publiées.

Le tableau clinique n’est pas stéréotypé et dépend de la localisation des granulomes.

Les lésions sont plus fréquemment supratentorielles et peuvent êtres uniques ou multiples.

L’aspect au scanner ou en IRM est parfois trompeur et peut faire évoquer un méningiome, un gliome, un lymphome ou des métastases.

Classiquement, la lésion est légèrement hyperdense au scanner et iso- ou hypo-intense en T1, et hyperintense en T2 en IRM.

La prise de contraste est en général homogène, mais certaines observations font état d’une prise de contraste hétérogène.

Le traitement par corticoïdes est parfois rapporté comme étant extrêmement efficace.

4- Encéphalopathie :

Sous le terme d’encéphalopathie, certains auteurs regroupent les troubles neuropsychiques, assez couramment rencontrés dans la neurosarcoïdose (9 à 48 %).

Ces manifestations peuvent être de différents types : agitation, euphorie, léthargie, apathie, troubles mnésiques et déclin cognitif mais également des troubles psychotiques graves.

Ces troubles psychiques ont des mécanismes divers (troubles endocriniens, hydrocéphalie, hypercalcémie) ou sont directement liés à un granulome, notamment en localisations frontales.

Ces troubles psychiques pourraient également être secondaires à une inflammation diffuse du parenchyme cérébral comme le suggère la prise de contraste diffuse sur certains scanners cérébraux.

Lorsqu’ils ne sont pas secondaires à des désordres métaboliques, le pronostic de ces troubles psychiques est diversement apprécié.

5- Épilepsie :

Les crises comitiales sont notées dans 14 à 22 % des cas, sauf pour Stern et al qui n’en signalent aucune chez leurs 33 patients.

Dans une série de 79 sujets atteints de neurosarcoïdose, Krumholz et al rapportent 13 sujets présentant des crises comitiales (15 %).

Les crises seraient le plus souvent généralisées (12 cas sur 13), partielles dans 4 cas sur 13 et révélatrices de l’affection dans 10 % des cas.

Même si le contrôle des crises était satisfaisant dans 85 % des cas, le pronostic restait réservé car les crises étaient souvent associées à des formes progressives ou à rechutes.

Dans sa série de 50 patients, Oksanen rapporte 31 électroencéphalogrammes (EEG) anormaux sur 45 pratiqués (69 %), dont 20 avec anomalies focales et 11 avec anomalies diffuses.

6- Atteinte cérébelleuse et du tronc cérébral :

Cette localisation, considérée comme peu fréquente, est pourtant rapportée dans 18 à 26 % dans certaines grandes séries.

Les lésions intra-axiales des paires crâniennes sont parfois masquées par l’atteinte périphérique.

Le pronostic de ces atteintes est souvent sombre.

7- Manifestations plus rares :

Les accidents vasculaires cérébraux transitoires ou constitués sont exceptionnels, malgré la présence fréquente, histologiquement, d’une infiltration granulomateuse vasculaire et périvasculaire.

La recherche d’une cause embolique d’origine cardiaque est habituellement négative malgré la relative fréquence de l’atteinte cardiaque dans la sarcoïdose (20 %).

Trois cas de thrombophlébite cérébrale ont été rapportés ainsi qu’un cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne.

Des mouvements choréiformes, des hémiballismes et syndromes parkinsoniens ont été signalés.

Une association avec une encéphalopathie multifocale progressive a été signalée et pourrait être en rapport avec les modifications immunologiques de la sarcoïdose.

E – ATTEINTES MÉDULLAIRES :

Les atteintes médullaires sont assez rares dans la sarcoïdose, ne représentant que 6 à 10% des neurosarcoïdoses (sauf pour Zajicek et al qui en comptent 28 % dans leurs 68 cas).

Elles sont habituellement associées à une méningoencéphalite.

La localisation cervicale serait la plus fréquente, responsable d’une tétra- ou paraplégie progressive, mais des tableaux de myélite transverse ou de syndrome de la « queue-de-cheval » ont été décrits.

Le mécanisme peut être un granulome sarcoïdien intramédullaire ou péridural, une arachnoïdite ou un infarctus médullaire en rapport avec une angéite granulomateuse.

Le pronostic des formes médullaires serait moins bon que pour les autres localisations.

F – ATTEINTES DES NERFS PÉRIPHÉRIQUES :

L’incidence des neuropathies périphériques au cours des neurosarcoïdoses, sans tenir compte de l’atteinte des nerfs crâniens, varie entre 4 et 40 % des cas (en moyenne 17 %).

Tous les types d’atteintes ont été décrits : mononeuropathies uniques ou multiples, polyneuropathies sensitivomotrices ou syndrome de Guillain-Barré.

Ces manifestations seraient rarement associées à des atteintes centrales et révéleraient la maladie dans près d’un cas sur deux .

La grande fréquence d’une atteinte associée des nerfs crâniens est caractéristique.

Les mononeuropathies multiples ont parfois des expressions cliniques inhabituelles, avec des déficits sensitifs répartis de façon anarchique, voire des aspects de névralgies migratrices.

Les atteintes du nerf cubital et du nerf sciatique poplité externe (SPE) sont le plus souvent rapportées.

Les polyneuropathies sensitives ou sensitivomotrices, généralement symétriques, précèdent souvent de plusieurs mois le diagnostic.

La neuropathie n’est parfois découverte que lors d’un examen électrophysiologique systématique.

Il s’agit habituellement d’une neuropathie axonale subaiguë ou chronique sans caractère particulier.

Sur le plan histologique, plusieurs mécanismes peuvent être en cause : granulome endoneural, granulome périvasculaire épineural ou angéite nécrosante épineurale.

G – ATTEINTES MUSCULAIRES :

Survenant plus volontiers chez la femme, l’atteinte musculaire n’est que rarement symptomatique.

Elle est en revanche trouvée dans 25 à 75 % des cas lors des biopsies systématiques.

Une myopathie proximale chronique et symétrique, avec parfois une élévation des créatines phosphokinases (CPK), une amyotrophie et des crampes, représente la forme la plus fréquente.

Elle touche préférentiellement la femme ménopausée vers 65 ans.

La forme pseudomyositique est plus rare et touche des sujets plus jeunes.

Elle peut être associée à un syndrome inflammatoire, des myalgies et une élévation des CPK.

Cette forme aiguë serait de meilleur pronostic.

La forme nodulaire est rare également et toucherait plus volontiers l’homme jeune.

L’électromyogramme confirme l’atteinte myogène et l’échographie peut contribuer au diagnostic des formes nodulaires.

Enfin la scintigraphie au gallium fixe aussi bien dans les formes myopathiques que dans les formes nodulaires.

Diagnostic :

Lorsque les manifestations neurologiques surviennent chez un patient suivi pour sarcoïdose, le diagnostic est habituellement facilement évoqué.

Il ne pourra cependant être retenu qu’après avoir éliminé une autre cause notamment infectieuse (tuberculose, cryptococcose méningée, maladie de Lyme), tumorale ou auto-immune.

Dans 31 à 65 % des cas, les manifestations neurologiques sont inaugurales.

Le diagnostic repose alors sur l’existence de signes évocateurs d’une sarcoïdose systémique, la présence d’un granulome sur une biopsie, des signes neurologiques compatibles et l’exclusion d’une autre cause.

La présence d’une localisation extraneurologique est estimée entre 70 et 97 % au cours des neurosarcoïdoses ; c’est donc la recherche d’une autre localisation de la maladie qui permettra de porter le diagnostic. En raison de leur grande fréquence (71 à 88 %), les atteintes pulmonaires devront être

recherchées à l’aide de radiographies pulmonaires, explorations fonctionnelles respiratoires avec mesure de la diffusion libre du monoxyde de carbone (DLCO) et fibroscopies bronchiques, avec lavage alvéolaire et typage lymphocytaire (élévation du rapport CD4/CD8).

On recherchera des adénopathies hilaires bilatérales (le classique « lymphome hilaire ») ou une infiltration pulmonaire, une atteinte bronchique ou, plus rarement, une localisation pleurale.

De même, la fréquence des localisations oculaires (22 à 55 %) doit faire pratiquer un examen ophtalmologique systématique à la recherche d’une uvéite antérieure ou postérieure, de nodules palpébraux ou d’un syndrome de Mikulicz (hypertrophie bilatérale, indolore, des glandes lacrymales).

Enfin, une angiographie à la fluorescéine peut révéler une périphlébite rétinienne avec néovascularisation. Une localisation cutanée devra être systématiquement recherchée.

Cependant, les signes de neurosarcoïdose précèdent parfois de plusieurs années les atteintes systémiques ou peuvent même rester isolés. Le diagnostic peut être alors extrêmement difficile et repose sur un faisceau d’arguments, imposant parfois une biopsie du tissu nerveux.

A – BIOLOGIE :

Certains signes biologiques, non spécifiques, sont fréquemment présents au cours de la sarcoïdose : augmentation des phosphatases alcalines, hyperuricémie, hypergammaglobulinémie, présence de complexes immuns circulants, lymphopénie portant particulièrement sur les CD4, hypercalciurie et parfois hypercalcémie. Un dosage systématique de la prolactinémie est proposé, mais cette attitude est discutée, car jugée non spécifique et peu rentable.

Le taux sanguin de l’enzyme de conversion de l’angiotensine est élevé, dans 54 à 65 % des cas, de neurosarcoïdose, mais cette augmentation n’est absolument pas spécifique et peut s’observer au cours de nombreuses situations pathologiques comme les néphropathies ou les hépatopathies.

Son taux ne semble pas prédictif de la gravité de la maladie.

B – LCR :

La ponction lombaire est très souvent anormale (dans 53 à 81 % des cas) dans la neurosarcoïdose, mais aucune des anomalies rencontrées n’est spécifique.

Ce n’est le plus souvent que lors des sarcoïdoses limitées au système nerveux périphérique ou en cas de traitement par corticoïdes que le LCR est normal.

Une pléiocytose, pouvant parfois dépasser les 200 cellules nucléées/mm3, est présente dans 42 à 55 % des cas.

Il s’agit habituellement d’une méningite lymphocytaire.

Une élévation du rapport CD4/CD8 a été signalée. Une hyperprotéionorachie est décrite dans 61 % des cas en moyenne, rarement supérieure à 2,5 g/L.

Une sécrétion intrathécale d’immunoglobulines est présente dans 37 % des cas avec parfois un profil oligoclonal.

Des élévations de la b2- microglobuline et du lysosome dans le LCR ont également été rapportées.

Enfin, une hypoglycorachie est plus rarement rapportée (dans 5 à 28 % des cas).

Cette dernière n’est présente que dans les formes avec méningite ou atteinte disséminée sévère.

L’élévation du taux d’enzyme de conversion de l’angiotensine dans le LCR est rapportée dans 33 à 58 % des cas selon les séries et serait corrélée, pour certains, à l’évolution des signes neurologiques.

Certains auteurs préconisent le calcul du rapport enzyme de conversion/albumine dans le LCR pour améliorer la spécificité de cet élément.

L’examen direct et la mise en culture du LCR sur milieux de Löwenstein et de Sabouraud permettent d’écarter l’origine tuberculeuse ou mycosique de la méningite.

C – TEST DE KVEIM-SILTZBACH :

Le test de Kveim, dont l’intérêt était discuté, a été remis à l’honneur par plusieurs publications récentes.

Il consiste en une injection intradermique d’une suspension d’un broyat de rate d’un sujet atteint de sarcoïdose.

Quatre à six semaines plus tard, une étude histologique du nodule constitué est réalisée et retrouve, en cas de positivité, un granulome identique à celui décrit dans la sarcoïdose.

Le peu de spécificité de ce test était souligné par quelques auteurs, notamment Chrétien, qui signalaient sa fréquente positivité au cours de la tuberculose, de la maladie de Crohn ou des granulomatoses pulmonaires d’hypersensibilité.

Il semble cependant que cette faible spécificité soit due à une mauvaise qualité du réactogène, qui doit être exempt de tout corps étranger.

On peut également considérer que la positivité au test de Kveim n’est pas moins spécifique que la présence d’un granulome tuberculoïde sur une biopsie, quel que soit l’organe prélevé.

En dehors de son rôle diagnostique, et en l’absence d’un modèle animal pour la sarcoïdose, le réactif de Kveim constitue un sujet d’étude in vitro de la maladie.

La nature de l’élément inducteur du granulome est inconnue, mais il existe des arguments en faveur de sa nature protéique.

En revanche, les tentatives de détection d’acide désoxyribonucléique (ADN) bactériens par polymerase chain reaction (PCR) au sein de l’antigène de Kveim sont restées négatives.

Pour Zajicek et al, le test de Kveim est l’examen le plus sensible pour le diagnostic de neurosarcoïdose, positif dans 85 % des cas.

Ils ne rapportent que 3 % de faux positifs et expliquent la présence de faux négatifs par le traitement corticoïde.

Ce test serait plus sensible dans les formes aiguës de sarcoïdose que dans les formes chroniques.

L’inconvénient majeur de ce test est le délai de 4 à 6 semaines nécessaire à son interprétation.

D – BIOPSIES :

La nécessité d’une preuve histologique de la maladie impose la réalisation de biopsies de différents organes afin de visualiser le granulome non caséeux.

La « rentabilité » du geste est d’autant plus grande que les biopsies sont pratiquées sur des organes cliniquement atteints.

Les biopsies des glandes salivaires sont de réalisation facile et sont positives dans 30 à 50 % des cas suivant les séries.

Les biopsies bronchiques réalisées au cours des fibroscopies bronchiques sont de réalisation assez simple et rentables, compte tenu de la fréquence de l’atteinte pulmonaire.

Les biopsies musculaires ont un rendement de 75 % et peuvent, dans les formes nodulaires d’atteintes musculaires, être guidées par une échographie.

Des biopsies peuvent être effectuées sur tout élément cutané suspect ou concerner d’éventuelles adénopathies superficielles.

Enfin les ponctions-biopsies hépatiques sont également souvent positives, mais leur réalisation n’est pas sans risque.

De plus, l’existence de nombreuses causes d’hépatites granulomateuses rendent leur interprétation plus difficile.

E – IRM ET SCANNER :

Le scanner cérébral permet de visualiser certaines localisations, parfois asymptomatiques, de neurosarcoïdose.

Les lésions sont uniques ou multiples, souvent denses, rarement calcifiées et prenant habituellement le contraste de façon homogène.

Des images hypodenses ou des prises de contraste hétérogènes ont été signalées.

Il n’y a pas habituellement d’oedème ni d’effet de masse.

L’infiltration méningée peut être révélée par une prise de contraste.

Le scanner cérébral peut également montrer une hydrocéphalie, un épaississement du nerf optique ou de la tige pituitaire.

Un aspect pseudotumoral a été rapporté dans plusieurs publications, évoquant un méningiome ou une tumeur gliale.

L’IRM cérébrale est actuellement l’examen de référence pour les atteintes du système nerveux central.

Sa sensibilité est meilleure que celle du scanner mais nécessite également une injection de produit de contraste.

Les anomalies décrites sont nombreuses : hydrocéphalie, anomalies de la substance blanche, masses parenchymateuses, rehaussement méningé, atteintes hypothalamohypophysaires, lésions du nerf optique ou médullaires.

Elle permet souvent de visualiser les lésions de la substance blanche sous la forme de zones d’hypersignaux sur les séquences pondérées en T2.

L’aspect de ces lésions n’est cependant pas spécifique et peut parfois évoquer une sclérose en plaques ou une vascularite.

Après injection de gadolinium, il existe sur les séquences pondérées en T1, un rehaussement au niveau des lésions actives, susceptibles de bien répondre au traitement par corticoïde.

Des IRM pourront ainsi être répétées afin de suivre l’évolution et la réponse au traitement.

En revanche, il ne semble pas y avoir une très bonne corrélation entre l’atteinte des nerfs crâniens et les lésions visibles en IRM. Enfin, l’IRM semble utile pour visualiser les nodules dans les atteintes musculaires nodulaires.

F – SCINTIGRAPHIE AU GALLIUM 67 :

La fixation de citrate de gallium 67 lors de la scintigraphie n’est pas spécifique de la sarcoïdose.

Les zones fixant le gallium indiquent les sites de sarcoïdoses actives, mais peuvent également refléter la présence de zones inflammatoires ou néoplasiques.

Les localisations neurologiques centrales de la sarcoïdose ne fixent habituellement pas le gallium, mais deux publications font état d’une fixation sur les méninges.

Cependant, le spectre de fixation est assez évocateur dans la sarcoïdose (notamment pulmonaire, glandes salivaires et rate) et permet de confirmer la nature multisystémique de l’affection.

La scintigraphie au gallium est également utilisée pour diriger les biopsies et pour évaluer l’efficacité du traitement

G – AUTRES EXAMENS :

L’anergie tuberculinique est observée dans 45 à 85 % des cas.

Liée aux modifications immunologiques survenant au cours de la sarcoïdose, sa valeur diagnostique tend à diminuer en raison de la réduction de la prévalence de l’infection tuberculeuse dans les pays industrialisés.

Les potentiels évoqués visuels, auditifs et somesthésiques permettent parfois de détecter des lésions infracliniques.

L’artériographie cérébrale peut montrer des images de vascularite, rarement symptomatiques.

Exceptionnellement, elle peut démontrer l’existence d’une thrombophlébite cérébrale ou apporter des arguments contre un méningiome devant une volumineuse masse cérébrale.

La recherche d’une localisation cardiaque (électrocardiographie, échocardiographie, scintigraphie au thalium) est recommandée malgré sa rareté, en raison de la fréquence de son association à la neurosarcoïdose.

Dans les rares cas de neurosarcoïdose où l’atteinte neurologique reste isolée, une biopsie de tissus nerveux peut être nécessaire pour affirmer le diagnostic.

Diagnostic différentiel :

Il n’y a pas véritablement de tableau caractéristique de neurosarcoïdose et le grand polymorphisme de cette affection permettrait de l’évoquer dans la plupart des situations.

Cependant, certaines atteintes neurologiques sont très évocatrices du diagnostic.

L’association d’une atteinte centrale et périphérique oriente vers un groupe restreint d’affections dont la neurosarcoïdose fait partie.

Plus encore, l’atteinte d’un ou plusieurs nerfs crâniens (surtout le VII, à bascule ou récidivant), associée à une localisation centrale (hydrocéphalie, atteinte hypothalamohypophysaire, troubles psychiques…) ou périphérique (neuropathie ou myopathie) est très en faveur du diagnostic.

La découverte d’anomalies à la ponction lombaire (pléiocytose, hyperprotéinorachie) vient conforter la suspicion. Pourtant d’autres affections sont à envisager dans ce contexte : en pathologie inflammatoire, les uvéonévraxites, une maladie de Whipple, une connectivite et plus particulièrement un syndrome de Gougerot-Sjögren ; en pathologie tumorale, on évoque une méningoradiculite carcinomateuse ou lymphomateuse ; un syndrome paranéoplasique peut également être à l’origine d’une atteinte à la fois centrale et périphérique avec une encéphalite limbique ou une atteinte cérébelleuse et une polyneuropathie ; enfin, en pathologie infectieuse, les méningites tuberculeuses, listériennes ou brucelliques, ainsi que la maladie de Lyme ou le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) peuvent donner des tableaux assez proches.

Évolution et traitement :

L’intérêt du traitement précoce par corticoïdes est souligné par la majorité des auteurs.

Pourtant l’effet du traitement est difficile à apprécier en raison du nombre limité de patients dans les séries publiées, de l’absence d’essais thérapeutiques contrôlés et de l’évolution parfois spontanément favorable de la neurosarcoïdose.

Certains patients auront une évolution favorable, et une guérison avec ou sans séquelles.

D’autres auront une évolution à rechute avec souvent une corticodépendance.

D’autres enfin ne présenteront aucune réponse au traitement avec une stabilité des lésions ou parfois une aggravation progressive pouvant entraîner le décès.

La mortalité de la neurosarcoïdose est estimée entre 12 et 18 % selon les séries, mais Chapelon et al n’ont observé aucun décès chez leurs 35 patients.

D’après Luke et al, s’appuyant sur le suivi de 25 patients durant plus de 5 ans, l’évolution est monophasique dans 68 % des cas.

Le pronostic semble dépendre en partie du type d’atteinte :

– l’atteinte des nerfs crâniens serait souvent favorable et un nombre important de patients guérissent, parfois spontanément ;

– l’atteinte centrale avec hydrocéphalie, lésions pseudotumorales ou épilepsie est souvent de moins bon pronostic ;

– les atteintes musculaires aiguës répondent souvent bien au traitement par corticoïdes, contrairement aux formes chroniques.

Les modalités de la corticothérapie habituellement proposées sont de 0,5 à 1 mg/kg/j, mais certains auteurs recommandent d’y associer des corticoïdes par voie intraveineuse en début de traitement (1 g de méthylprednisolone par jour, pendant 3 jours, puis une fois par semaine durant quelques mois).

Ces fortes doses de corticoïdes doivent êtres maintenues durant 1 à 3 mois avant de procéder à une dégression progressive, en fonction de l’évolution, pour souvent aboutir à une dose d’entretien de 10 à 20 mg/kg/j pendant 1 à 3 ans (notamment dans les formes à rechute).

L’IRM permet de suivre l’évolution des lésions intracérébrales sous traitement.

Deux publications font état de l’intérêt du sulfate d’hydroxylchloroquine (Plaquenilt) associé aux corticoïdes, notamment dans les formes sévères et résistantes au traitement par corticoïdes.

Des traitements immunomodulateurs ont également été proposés dans les formes résistantes au traitement par corticoïdes : méthotrexate, azathioprine, chlorambucil, ciclosporine ou cyclophosphamide.

Ils permettent souvent une épargne cortisonique significative.

Un traitement chirurgical est parfois indiqué, notamment dans les hydrocéphalies ou les lésions expansives responsables d’hypertension intracrânienne.

Un traitement anticonvulsivant et une hormonothérapie substitutive peuvent également être nécessaires.

Enfin, l’irradiation cérébrale est proposée par certains auteurs pour les formes résistantes aux traitements médicamenteux.

Les doses totales habituellement employées vont de 12 à 30 Grays.

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