Neuropathies périphériques au cours des dysglobulinémies

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Introduction :

La gammapathie monoclonale est définie par la sécrétion d’une immunoglobuline de structure normale par un clone de cellules lymphoïdes.

Elle révèle le plus souvent une maladie hématologique bénigne appelée par les auteurs anglo-saxons,

en raison d’une potentialité de transformation maligne (24 % en 22 ans), gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS, monoclonal gammopathy of undetermined significance).

Neuropathies périphériques au cours des dysglobulinémiesPlus rarement, elle révèle une gammapathie maligne (myélome, maladie de Waldenström).

L’association d’une neuropathie périphérique à une dysglobulinémie est une situation peu fréquente.

La gammapathie monoclonale est généralement découverte au cours du bilan étiologique d’une neuropathie périphérique ; il s’agit plus fréquemment d’une IgM.

La prise en charge de ces neuropathies est délicate, devant faire discuter l’intérêt d’une biopsie nerveuse, le mécanisme en cause et le traitement, ce dernier vise le plus souvent à détruire le clone plasmocytaire.

Définitions et cadre nosologique :

A – Gammapathies bénignes :

Elles sont définies par la présence d’une protéine monoclonale chez des patients en l’absence d’arguments pour un myélome multiple, une maladie de Waldenström, une amylose ou une autre affection associée (lymphome, leucémie lymphoïde chronique [LLC],…).

Elle se caractérise donc par une protéine monoclonale sérique de taux inférieur à 3g/L, une plasmocytose inférieure à 10 % dans la moelle osseuse, l’absence de lésions osseuses lytiques, d’anémie, d’hypercalcémie et d’insuffisance rénale.

La prévalence dans la population générale est de 1,25 %, augmentant avec l’âge (4 % au-delà de 80 ans). Dans trois quarts des cas, il s’agit d’IgG, dans 14 % des cas une IgM, dans 11 % une IgA.

La chaîne légère est, dans deux tiers des cas, de type kappa.

Les neuropathies périphériques sont plus volontiers associées à une IgM (75 % des cas) ; dans 15 à 20 % des cas, il s’agit d’une IgG, rarement d’une IgA ; la chaîne légère est le plus souvent de type kappa.

B – Gammapathies malignes :

Le myélome multiple est défini par une protéine monoclonale sérique supérieure à 3g/L, la présence de plus de 10 %de plasmocytes anormaux dans la moelle osseuse et des lésions ostéolytiques.

Les neuropathies s’observent dans 3,6 % des cas de myélome multiple.

Le plasmocytome solitaire est une prolifération plasmocytaire unique, de localisation le plus souvent osseuse, avec biopsie ostéomédullaire normale.

Les myélomes ostéocondensants ont une définition radiologique et s’observent au cours de myélome multiple ou d’un plasmocytome solitaire.

La maladie de Waldenström correspond à un syndrome clinique de type lymphoprolifératif, avec une IgM monoclonale sérique supérieure à 3g/L et une infiltration lymphoplasmocytaire de la moelle.

L’éventuelle précipitation au froid de ces gammapathies monoclonales définit la cryoglobulinémie.

C – Amylose de type AL :

Elle se caractérise par des dépôts amorphes extracellulaires colorés par des colorations spécifiques (rouge Congo) ; de structure fibrillaire en microscopie électronique faite de fibrilles non branchées de longueur variable et de diamètre fixe de 7 à 10 nm.

Elles sont associées à une gammapathie monoclonale bénigne, plus rarement maligne, ou des chaînes légères monoclonales.

Les neuropathies s’observent dans 15 %des amyloses AL.

Neuropathies avec dysglobulinémie IgM :

A – Neuropathies à IgM bénignes :

1- Manifestations cliniques :

* Symptômes :

Les neuropathies sont le plus souvent révélées par des paresthésies distales des membres inférieurs, plus rarement de crampes et de douleurs.

Les symptômes peuvent précéder l’identification de la gammapathie de plusieurs années.

* Examen clinique :

À l’examen, les troubles sensitifs superficiels sont discrets, distaux, en « gants » et en « chaussettes » ; l’atteinte de la sensibilité profonde, fréquemment retrouvée, est beaucoup plus marquée avec des troubles importants de la sensibilité proprioceptive, vibratoire en particulier et, dans la moitié des cas, une ataxie gênante.

Le déficit moteur apparaît de façon tardive, parfois plusieurs années après les premiers signes sensitifs.

Il est modéré, de siège distal, intéressant surtout les loges antéroexternes des jambes, symétrique, avec aréflexie ostéotendineuse, et parfois amyotrophie.

Un tremblement d’attitude, parfois révélateur, est noté dans 7 % à 75% des cas selon les séries.

Il est indépendant de l’atteinte sensitive et dû à une majoration du tremblement physiologique par un déficit moteur minime.

Il s’agit le plus souvent d’un tremblement d’attitude, rarement de repos ou d’action et d’intention.

L’atteinte de nerfs crâniens est exceptionnellement associée. Un syndrome de Raynaud sans cryoglobulinémie est souvent associé à la neuropathie.

* Formes cliniques :

+ Forme habituelle :

Le groupe le plus important est relativement homogène, fait de neuropathies associées aux IgM bénignes : faible déficit moteur, atteinte dominante de la sensibilité profonde avec ataxie, aréflexie ostéotendineuse, tremblement d’attitude.

Il s’agit d’une polyneuropathie lentement évolutive, à prédominance sensitive, dont l’histologie précise le plus souvent le caractère démyélinisant.

+ Formes plus rares :

Des formes atypiques ont été décrites : avec atteinte motrice pure à type d’amyotrophie spinale progressive ou de polyradiculonévrite motrice pure, parfois tableau clinique suggérant une sclérose latérale amyotrophique, ou syndrome de Guillain-Barré.

2- Examens biologiques :

* Immunoélectrophorèse :

La gammapathie monoclonale est le plus souvent découverte lors du bilan étiologique de la neuropathie périphérique mais peut parfois être découverte plus tard (10 %).

Elle peut précéder l’apparition des premiers symptômes, surtout en cas de maladie de Waldenström.

Il s’agit dans la majorité des cas (> 80 %) d’un pic monoclonal à chaîne légère kappa.

Une gammapathie biclonale (de type IgM ou IgG) est présente dans 0 à 10%.

* Liquide céphalorachidien :

La protéinorachie du liquide céphalorachidien est élevée dans la majorité des cas (> 80 % des cas), en moyenne de 1 g/L sans réaction cellulaire.

* Activité anticorps antimyéline de l’IgM :

Une activité anticorps antimyéline de l’IgM monoclonale a été identifiée en 1980 au cours des neuropathies associées à une gammapathie IgM.

L’antigène situé sur la myéline a été appelé par les auteurs anglo-saxons MAG (myelin associated glycoprotein).

Il s’agit d’une glycoprotéine d’un poids moléculaire voisin de 107 000 Da, composant mineur de la myéline périphérique (moins de 0,1 % des protéines membranaires) et majoritaire de la myéline centrale (0,5 à 1 %de l’ensemble des protéines).

Elle est située sur les incisures de Schmidt-Lantermann, les régions périaxonales et paranodales et la partie externe de la myéline.

Sa localisation suggère qu’elle puisse avoir un rôle dans les différentes étapes de la myélinisation, dans les interactions myéline-axone et dans le maintien de la cohésion de la myéline.

Retrouvée positive dans 50 % à 90% des neuropathies associées à une IgM, cette activité anti-MAG correspond à un processus de démyélinisation, parfois à une atteinte mixte démyélinisante et axonale.

Elle est rarement retrouvée en l’absence de neuropathie et n’a jamais été identifiée au cours des autres gammapathies.

Sa correspondance clinique est incertaine, bien qu’on ait pu noter une atteinte proprioceptive plus sévère et une évolution plus lente au cours des neuropathies à MAG+.

3- Électromyographie :

Les tracés électromyographiques sont modérément altérés, de type neurogène, avec parfois des activités de fibrillation spontanée.

Il existe le plus souvent des signes témoignant d’une démyélinisation : allongement des ondes F et des latences distales motrices.

Les ralentissements des vitesses de conduction motrice sont proportionnellement moins importants avec parfois blocs de conduction.

Les potentiels d’action sensitifs sont le plus souvent absents.

Plus rarement, le tracé est axonal ou mixte.

Une caractéristique électrophysiologique des patients avec une neuropathie due à une IgM anti- MAG, est la prédominance distale des ralentissements de la conduction nerveuse.

4- Biopsie nerveuse :

Elle peut parfois montrer des infiltrats de cellules mononucléées, endo- ou périneuraux. Il existe fréquemment une raréfaction importante des fibres myélinisées de gros diamètres, avec respect des fibres amyéliniques.

Elle montre, dans la grande majorité des cas, des lésions nerveuses démyélinisantes ou axonodémyélinisantes.

Dans les atteintes chroniques, on peut observer une prolifération schwannienne en « bulbe d’oignon » avec parfois hypermyélinisation et aspect tomaculaire des fibres isolées.

Des lésions de démyélinisation segmentaire sont fréquemment associées à des phénomènes de remyélinisation.

À l’examen en microscopie électronique, on note, dans près de la moitié des cas, un élargissement de l’espace entre les lamelles de myéline, mais cet aspect est non spécifique.

L’élargissement de la périodicité des lamelles myéliniques correspond à un espacement anormal des lignes denses majeures, du fait de la dilatation régulière des bandes claires, et intéresse le plus souvent les régions paranodales et les spires périphériques.

Des dépôts d’IgM visualisés par immunofluorescence sont fréquents au cours des neuropathies démyélinisantes.

Ils sont situés le plus souvent le long des gaines de myéline, parfois dans l’endonèvre.

Une atteinte axonale importante est inhabituelle dans les neuropathies associées aux IgM bénignes.

Elles peuvent être en rapport avec une vascularite, essentiellement dans un contexte de cryoglobulinémie, ou secondaire à l’accumulation de matériel anormal tubulaire ou corps lamellaire visible en microscopie électronique.

* Indications de la biopsie nerveuse :

La biopsie nerveuse est indiquée chez les patients ayant une neuropathie associée à une IgM monoclonale très évolutive et/ou axonale, multifocale, pour écarter une éventuelle vascularite ou une amylose qui modifierait le pronostic.

B – Neuropathies au cours de la maladie de Waldenström :

Des neuropathies peuvent survenir dans 5 % des cas de maladie de Waldenström.

Elles sont plus hétérogènes que les neuropathies des IgM bénignes. Il peut s’agir de polyneuropathies sensitives ou sensitivomotrices similaires aux neuropathies des IgM bénignes.

D’autres tableaux cliniques ont été rapportés : neuropathie motrice pure, multinévrite, syndrome de Guillain-Barré, atteinte de nerfs crâniens, polyneuropathies sensitives avec dysautonomie évoquant une neuropathie amyloïde.

Les neuropathies comportent le plus souvent un processus de démyélinisation semblable aux neuropathies des IgM bénignes, avec une atteinte axonale modérée.

Aux atteintes axonales pures s’associent des dépôts paraamino- salicyliques+ (PAS+), des infiltrats lymphocytaires périneuraux, ou des dépôts amyloïdes.

Une dizaine de cas de neuropathies amyloïdes au cours de maladie deWaldenström ont été rapportés dans la littérature.

C – Mécanisme des neuropathies associées aux IgM :

Il existe vraisemblablement plusieurs mécanismes possibles dans les neuropathies périphériques associées aux dysglobulinémies IgM.

On a évoqué le rôle joué par une éventuelle infiltration du périnèvre ou des capillaires par des cellules hématopoïétiques, en particulier en cas de maladie de Waldenström.

Le rôle pathogène des dépôts d’immunoglobulines est fortement suspecté pour les neuropathies démyélinisantes des dysglobulinémies IgM suggérant une origine auto-immune.

Cette interprétation repose sur la présence de l’activité anti-MAG retrouvée dans deux tiers des cas et de la présence fréquente de dépôts d’immunoglobulines sur la myéline en microscopie optique.

Il n’en reste pas moins que l’on explique mal le passage de macromolécules telles que les IgM à travers la barrière sang-nerf, sauf si l’on admet des altérations de cette dernière ou la sécrétion d’immunoglobulines dans l’espace endoneural par des lymphocytes endoneuraux.

Pour les neuropathies axonales, plus rares, on évoque un rôle joué par une vascularite associée à une cryoglobuline ou par des dépôts amyloïdes.

D – Évolution :

Les neuropathies démyélinisantes évoluent le plus souvent de façon progressive, sur plusieurs années, avec majoration lente du déficit moteur, sans qu’il y ait de différence nette entre les dysglobulinémies bénigne et maligne.

E – Traitement :

Il est difficile d’apprécier l’efficacité des traitements, étant donné la prédominance sensitive de la neuropathie et sa lenteur d’évolution avec, pour certaines d’entre elles, une stabilité spontanée.

Plusieurs traitements ont été essayés : échanges plasmatiques, chimiothérapie et, plus récemment, immunoglobulines intraveineuses.

Une amélioration a été observée chez certains patients avec le chlorambucil, préférentiellement pour des neuropathies de survenue récente.

Les plasmaphérèses sont parfois efficaces mais le seraient moins que dans les neuropathies des gammathies IgA ou IgG, l’association d’échanges plasmatiques au chlorambucil n’apportant pas de bénéfice supplémentaire.

Les immunoglobulines intraveineuses s’avèrent très rarement efficaces d’après une étude contrôlée récente.

Un traitement est à proposer aux neuropathies sévères.

Le tremblement peut diminuer en cas de régression de la neuropathie ou par les bêtabloquants.

Neuropathies avec dysglobulinémie IgG :

A – Neuropathies dysglobulinémiques à IgG bénignes :

Il s’agit le plus souvent de polyneuropathies sensitives ou à prédominance sensitive, plus rarement de polyradiculonévrites.

Les polyneuropathies sensitives sont rarement proprioceptives, contrairement aux neuropathies avec IgM, les polyradiculonévrites pouvant être aiguës, subaiguës ou chroniques.

L’étude du LCR montre le plus souvent une hyperprotéinorachie avec parfois mise en évidence de l’IgG, correspondant au transsudat de l’immunoglobuline.

Sur le plan électromyographique, les études montrent des aspects d’atteinte axonale, démyélinisante ou mixte axonal et démyélinisant.

Une atteinte de nerfs crâniens est possible dans les formes polyradiculonévritiques.

C’est la neuropathie périphérique qui conduit, dans plus de la moitié des cas, à la découverte de la gammapathie monoclonale.

Les études histopathologiques montrent selon les cas des aspects de neuropathies axonales, axonodémyélinisantes ou démyélinisantes.

Les polyneuropathies sensitives ou sensitivomotrices sont stables ou lentement évolutives, mais une aggravation rapide de l’atteinte motrice peut révéler un syndrome lymphoprolifératif malin.

Les polyradiculonévrites peuvent évoluer en « marche d’escalier », ou par poussées.

Un traitement doit être proposé dans les formes sévères et/ou évolutives ; il fait appel aux immunosuppresseurs (Chloraminophènet, cyclophosphamide), aux corticoïdes, aux plasmaphérèses.

Les échanges plasmatiques permettraient d’améliorer les neuropathies associées aux IgAet IgG selon une étude qui a évalué à court terme l’effet de six échanges plasmatiques en 3 semaines.

Le cyclophosphamide mensuel associé aux corticoïdes permettrait d’améliorer les neuropathies IgG.

Aucune étude randomisée n’a permis de préciser le meilleur choix thérapeutique.

B – Neuropathies au cours des IgG malignes :

1- Myélomes multiples ostéolytiques :

L’incidence des polyneuropathies au cours des myélomes multiples est très faible, estimée entre 1,7 % et 3,5 %.

Il s’agit essentiellement de polyneuropathies sensitivomotrices prédominant aux membres inférieurs et d’évolution très progressive.

Il s’agit le plus souvent d’une neuropathie axonale.

Celle-ci peut être en rapport avec une amylose. Kelly et al ont montré qu’une amylose était responsable de la neuropathie dans trois des dix cas de polyneuropathies au cours de myélome multiple.

La présence d’une polyneuropathie sensitive avec atteinte prédominante des petites fibres associée à des signes de dysautonomie doit faire évoquer une amylose.

L’atteinte des nerfs crâniens a été parfois rapportée et correspond le plus souvent à une ostéolyse de la base du crâne.

2- Plasmocytome solitaire :

L’association d’une polyneuropathie à un plasmocytome solitaire est rare, une cinquantaine de cas ont été rapportés dans la littérature.

La polyneuropathie permet la découverte d’une lésion osseuse, le plus souvent ostéocondensante ou mixte lytique et ostéocondensante qui siège préférentiellement sur le rachis, le bassin ou les côtes.

La neuropathie se présente comme une polyradiculonévrite subaiguë ou chronique.

L’étude électrophysiologique montre un aspect de démyélinisation ou d’atteinte axonomyélinique.

L’étude du LCR montre le plus souvent une hyperprotéinorachie.

La biopsie nerveuse montre un aspect de lésions mixtes axonales et démyélinisantes.

La dysglobulinémie est le plus souvent de type IgA-λ ou IgG-λ et est présente dans 75 %des cas, elle est en général à taux faible et peut être découverte en retard.

La biopsie osseuse de ces lésions permet de démontrer la prolifération plasmocytaire maligne.

La neuropathie est en règle sévère, évolue en quelques mois ou années, sans traitement, d’un seul tenant vers une tétraplégie.

Le traitement de choix est l’irradiation de la lésion osseuse qui permet d’obtenir une rémission clinique et hématologique pouvant être prolongée et supérieure à 10 ans.

Les corticoïdes seuls sont partiellement efficaces et la chimiothérapie seule est sans effet.

La récupération motrice est lente et progressive, avec toutefois des séquelles motrices à type de steppage.

La rechute de la neuropathie doit faire rechercher une rechute plasmocytaire pouvant correspondre soit à une autre localisation du plasmocytome ou à une évolution vers un myélome multiple.

Neuropathies avec dysglobulinémie IgA :

Il s’agit d’un groupe hétérogène comprenant des polyneuropathies sensitives ou sensitivomotrices, des polyradiculonévrites, voire des neuropathies motrices pures.

Elles peuvent se rencontrer au cours de dysglobulinémies bénignes, malignes, parfois dans le cadre de syndrome de POEMS, ou être secondaires à une amylose AL.

A – Neuropathies dysglobulinémiques à IgA bénignes :

Elles sont plus rares que les neuropathies associées aux IgM ou IgG.

Des polyneuropathies sensitives ou sensitivomotrices, voire motrices, ont été rapportées.

Elles sont liées à une atteinte axonale ou axonodémyélinisante.

D’évolution chronique, ces neuropathies ont pu être améliorées dans quelques cas par des corticoïdes, des plasmaphérèses ou une chimiothérapie.

B – Neuropathies au cours des IgA malignes :

Elles surviennent soit au cours de myélomes multiples ostéolytiques ou de plasmocytome solitaire parfois dans le cadre de syndrome de POEMS (Polyneuropathie, Organomégalie, Endocrinopathie, protéine Monoclonale, anomalies cutanées).

Syndrome de POEMS :

Il a été décrit en 1956 par Crow au cours d’un myélome.

Il comporte à la fois des critères cliniques et paracliniques avec une polyneuropathie constante, des manifestations systémiques et une gammapathie monoclonale quasi constante.

Près de 300 cas ont été rapportés dans la littérature, la majorité au Japon.

Les sujets sont le plus souvent de sexe masculin (sexratio : 2/3) et un quart d’entre eux ont moins de 40 ans.

La polyneuropathie est révélatrice dans plus de la moitié des cas.

Il existe dans la moitié des cas une gammapathie monoclonale maligne (plasmocytome solitaire ou multiple, myélome multiple), dans un tiers des cas une gammapathie monoclonale bénigne, parfois une augmentation polyclonale des immunoglobulines.

Dans la majorité des cas, la gammapathie monoclonale est de type IgG ou IgA et la chaîne légère de type lambda.

Les lésions radiologiques correspondent le plus souvent à des lésions osseuses ostéocondensantes uniques ou multiples.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) s’avère particulièrement utile et sensible pour mettre en évidence les lésions rachidiennes.

A – Aspects cliniques :

1- Neuropathie périphérique :

Elle est constante.

Il s’agit généralement d’une polyradiculonévrite chronique avec déficit moteur prédominant.

L’atteinte de la sensibilité superficielle est limitée en « gants » et « chaussettes », avec une atteinte fréquente de la sensibilité proprioceptive.

Il peut exister un tremblement d’attitude. Plus rarement a été rapportée une paralysie des nerfs crâniens.

Cette neuropathie est généralement sévère, 60 % des patients deviennent grabataires selon une importante série japonaise.

2- Manifestations systémiques :

Les symptômes les plus fréquents sont cutanés (hyperpigmentation, hypertrichose, sclérodermie), une « organomégalie » (hépatomégalie, splénomégalie, adénopathie), des troubles endocriniens (gynécomastie, impuissance, aménorrhée, diabète sucré), un anasarque (oedème des membres inférieurs, ascite, épanchement pleural).

Le syndrome de POEMS est volontiers complet au Japon, comportant, outre la polyneuropathie et la dyscrasie plasmocytaire, trois des manifestations extraneurologiques majeures ; en Occident, le tableau est moins complet.

D’autres manifestations sont plus rares : ongles blancs, fébricule, crises sudorales, artériopathie obstructive, syndrome de Raynaud, atteinte rénale.

B – Aspects paracliniques :

1- Neuropathie :

* Biopsie nerveuse :

Elle montre généralement un aspect de neuropathie mixte axonale et démyélinisante avec réduction de la densité des fibres myélinisées.

Des dépôts d’immunoglobuline ont été parfois mis en évidence dans l’endonèvre au cours d’études d’immunomarquage optique, ou ultrastructural à l’or colloïdal.

* Étude électrophysiologique :

Elle montre généralement des aspects de démyélinisation.

* Anomalies biologiques :

Elles sont fréquentes et variées : accélération de la vitesse de sédimentation dans un tiers des cas, hématologiques avec polyglobulie dans 12 à 19 % des cas, thrombocytose dans 39 % à 84 % des cas ou hyperleucocytose, perturbation du bilan hépatique, troubles endocriniens : diabète, hypothyroïdie, hyperprolactinémie, insuffisance gonadotrope : hypotestostéronémie, diminution de la FSH (follicle stimulating hormone), LH (luteinizing hormone), insuffisance surrénale.

La protéinorachie est le plus souvent élevée.

* Syndrome lymphoprolifératif :

Le bilan révèle un plasmocytome solitaire dans un quart des cas ; plus rarement un myélome multiple.

Le plus souvent, le bilan est en faveur d’une gammapathie bénigne.

2- Mécanisme des neuropathies et du syndrome :

Le mécanisme de la neuropathie périphérique au cours du syndrome de POEMS reste non élucidé.

En faveur du rôle pathogène de la gammapathie monoclonale est la mise en évidence de dépôts d’immunoglobulines endoneuraux qui a été parfois rapportée en immunomarquage optique ou ultrastructural.

Mais aucune activité anticorps dirigée contre un composant de la myéline n’a été identifiée. Le rôle de certaines cytokines pro-inflammatoires dans la pathogénie du syndrome de POEMS a été soulevé.

En effet, des taux sériques élevés d’interleukine 1bêta, de TNFalpha (tumor necrosis factor), et d’IL6 ont été trouvés chez les patients ayant un syndrome de POEMS, avec des concentrations supérieures comparativement à des patients ayant un myélome multiple sans neuropathie ; une production d’IL1bêta dans les ganglions et la moelle osseuse tumorale a pu être également observée.

L’hypersécrétion de ces cytokines pouvant expliquer plusieurs manifestations systémiques.

3- Aspects nosologiques :

Le nombre de critères minimal requis pour parler de syndrome de POEMS est pour certains auteurs de quatre, c’est-à-dire, la polyneuropathie et la gammapathie et deux autres manifestations systémiques : organomégalie, endocrinopathie, atteinte cutanée, anasarque.

La frontière entre les neuropathies associées au plasmocytome solitaire ou multiple et le syndrome de POEMS n’est pas clairement établie.

Il existe vraisemblablement un continuum entre ces deux entités.

Les formes de passage de formes incomplètes du syndrome de POEMS à des formes complètes comportant tous les éléments existent.

C’est le cas d’une des observations princeps de Bardwick qui comportait initialement une neuropathie, un plasmocytome solitaire et un diabète (c’est-à-dire trois critères) qui a évolué secondairement vers un syndrome de POEMS complet associant en plus une atteinte cutanée, une anasarque et une organomégalie.

Un cas de neuropathie associée à un plasmocytome solitaire a évolué 18 ans plus tard lors d’une rechute myélomateuse vers un syndrome de POEMS.

4- Traitement :

Pour les formes évolutives et/ou invalidantes, cas le plus fréquent, le traitement fait appel à l’irradiation de la lésion de plasmocytome solitaire, ou sinon à une chimiothérapie comportant un agent alkylant (cyclophosphamide, Alkérant).

Le traitement permet de faire régresser la neuropathie, parfois de faire disparaître le pic monoclonal et un certain nombre des manifestations systémiques associées.

Certains proposent une chimiothérapie au long cours qui permettrait d’augmenter la survie globale de ces patients.

Neuropathies amyloïdes dysglobulinémiques :

A – Définition, classifications :

L’amylose se définit par un dépôt amorphe, extracellulaire, de protéines à structure fibrillaire, bêta-plissée, de 10 nm de diamètre, donnant un aspect biréfringent en lumière polarisée après coloration par le rouge Congo.

L’amyloseAL regroupe l’ensemble des amyloses dont la protéine amyloïde, appeléeAL, dérive des chaînes légères d’immunoglobulines ou des fragments terminaux variables (NH2).

L’amylose complique 3,3 % des gammapathies bénignes, suivies par Kyle sur une période de 20 ans, 10 % des myélomes, plus rarement la maladie deWaldenström.

B – Aspects cliniques :

La neuropathie est initialement sensitive, essentiellement douloureuse (douleurs en « éclair », brûlures, sciatalgie).

À l’examen, les troubles de la sensibilité superficielle sont le plus souvent dissociés concernant plus la sensibilité thermoalgique que tactile.

Le déficit moteur est plus tardif.

Il existe souvent une dysautonomie qui peut être, au premier plan, responsable d’hypotension orthostatique, de troubles digestifs (troubles du transit, gastroparésie), de troubles génitosphinctériens, etc.

Un syndrome néphrotique, une insuffisance cardiaque peuvent accompagner la neuropathie.

C – Aspects paracliniques :

1- Neuropathie :

La biopsie nerveuse permet de caractériser une neuropathie axonale évolutive et la présence de dépôts endoneuraux de substance amyloïde.

La raréfaction des fibres nerveuses prédomine sur les fibres myéliniques de petit diamètre et les fibres non myélinisées.

Ces dépôts sont inconstamment retrouvés en microscopie optique, sous la forme d’amas congophiles.

Ils sont caractérisés en microscopie électronique par une structure fibrillaire.

Ils sont fréquemment disposés autour des vaisseaux ou dans les parois des vaisseaux de l’endonèvre ou du périnèvre.

Ils peuvent être mis en évidence également dans d’autres tissus : muscles, biopsie rectale, tissus adipeux abdominal.

2- Biologiques :

L’immunoélectrophorèse sérique montre une gammapathie monoclonale de type IgG, IgA, ou une chaîne légère isolée parfois à très faible taux.

La gammapathie monoclonale peut être déjà connue, ou être révélée à cette occasion.

Elle peut être bénigne (amyloseALprimaire) ou maligne dans le cadre d’un myélome multiple, ou d’une maladie deWaldenström.

La gammapathie monoclonale peut manquer dans 10 à 15 % des cas.

3- Évolution :

* Neuropathie :

La neuropathie sensitive superficielle s’étend de façon progressive et centripète selon un mode ascendant.

Plus tard, le déficit moteur apparaît à la partie distale des membres inférieurs pouvant réaliser une tétraplégie d’extension centripète.

Un déficit moteur parfois asymétrique évoquant une atteinte multinévritique et même un syndrome de la queue de cheval a été décrit.

Le syndrome du canal carpien est présent dans 25 %des cas. Les nerfs crâniens sont rarement touchés.

* Affection générale :

La survie est courte de quelques années, d’autant plus qu’il existe une atteinte cardiaque ou rénale.

La survie alors n’est que de 6 à 18 mois.

Les patients décèdent d’insuffisance cardiaque irréversible, ou subitement de troubles majeurs de conduction.

4- Mécanisme des lésions :

Une hypothèse est celle d’un processus mécanique qui tient compte de la compression des fibres nerveuses par les dépôts d’amylose.

Les lésions multifocales étagées des fibres nerveuses au niveau des racines postérieures rachidiennes, des plexus et des troncs distaux pourraient expliquer une dégénérescence axonale distale des fibres au prorata de la longueur des fibres.

Enfin, on ne peut écarter un effet toxique ou métabolique des dépôts amyloïdes sur les structures endoneurales.

L’atteinte préférentielle des fibres non myéliniques est inexpliquée, mais la myéline a peut être un effet protecteur à l’égard des modifications du contenu de l’espace endoneural.

5- Traitement :

Un traitement au long cours, comportant Alkérant et prednisone, permet d’augmenter la survie des patients et s’avère supérieur à la colchicine.

Une chimiothérapie intensive par melphalan à fortes doses et autogreffe de cellules souches périphériques est actuellement en cours d’évaluation.

La place du traitement symptomatique est importante pour contrôler les douleurs, les manifestations dysautonomiques (hypotension orthostatique, troubles digestifs,…).

Une intervention sur un canal carpien peut s’avérer utile en cas de syndrome de canal carpien sévère et net.

6- Aspects nosologiques :

Le bilan étiologique des neuropathies amyloïdes apparemment acquises doit comporter une immunoélectrophorèse sérique et une recherche de protéine de Bence-Jones mais, en cas de négativité, une étude génétique moléculaire à la recherche de mutation du gène de la transthyrétine (TTR) est nécessaire.

En effet, deux tiers des neuropathies amyloïdes héréditaires d’origine française ont une présentation apparemment sporadique et sont secondaires à une mutation du gène de la TTR, avec une dizaine de mutations du gène de la TTR distinctes identifiées en France.

Neuropathies au cours des cryoglobulinémies :

Les cryoglobulines sont des protéines de type globuline, ayant la propriété de précipiter au froid (+ 4 °C) et de se dissoudre à 37 °C.

Elles sont classées en trois groupes. Le premier correspond à une cryoglobuline monoclonale de type IgM ou IgG ; le type 2 à des cryoglobulines mixtes avec composant monoclonal de type IgM-IgG ; le type 3, le plus fréquent, à des cryoglobulines polyclonales.

Cette classification ne tient pas compte du caractère essentiel ou secondaire.

Les neuropathies surviennent plus volontiers associées aux cryoglobulines mixtes de type 2 ou 3 que de type 1.

Les cryoglobulines peuvent s’accompagner de polyneuropathies chroniques à prédominance sensitive ou de mononévrites ou multinévrites, d’installation aiguë ou subaiguë, souvent douloureuses, aggravées de façon inconstante par le froid.

Elles surviennent parfois dans un contexte évocateur (purpura, ecchymoses, phénomènes de Raynaud, ulcérations cutanéomuqueuses, atteinte rénale ou hépatique).

La responsabilité directe de la cryoglobuline peut être difficile à affirmer en cas d’association à une gammapathie monoclonale.

L’électromyogramme (EMG) est en faveur d’une atteinte axonale, avec dénervation et respect des vitesses de conduction.

La biopsie montre le plus souvent une atteinte axonale, intéressant surtout les grosses fibres ; il s’y associe parfois une vascularite avec infiltration périvasculaire de cellules mononucléées, s’étendant au périnèvre et à l’épinèvre. Parmi les différentes hypothèses, seul le mécanisme ischémique est suffisamment documenté.

Le traitement fait appel au cyclophosphamide éventuellement associé aux plasmaphérèses.

Neuropathies motrices pures au cours des dysglobulinémies :

Ces cas restent exceptionnels.

Ces neuropathies motrices pures peuvent se présenter comme une polyradiculonévrite ou comme une amyotrophie spinale progressive.

Des cas évoquant une forme motrice de polyradiculonévrite par le ralentissement des vitesses de conduction nerveuse et l’hyperprotéinorachie ont été rarement rapportés, l’étude histopathologique a pu montrer une dégénérescence des racines antérieures et dorsales et un aspect de chromatolyse des motoneurones.

Dans d’autres cas, le tableau est celui d’une amyotrophie spinale progressive avec paralysie progressive, aréflexie ostéotendineuse, amyotrophie, fasciculations diffuses, sans troubles objectifs de la sensibilité.

Les vitesses de conduction nerveuse sont normales ; l’examen du muscle montre l’atrophie neurogène isolée.

Il a été retrouvé lors d’autopsie un discret appauvrissement des racines antérieures avec aspect de chromatolyse centrale des motoneurones, parfois un infiltrat lymphocytaire endoneural des racines motrices et de la queue de cheval.

Ces tableaux sont associés généralement à une IgM monoclonale bénigne ou maligne.

Sur le plan thérapeutique, ces formes de polyradiculonévrite motrice ou d’amyotrophie spinale progressive avec gammathie monoclonale justifient un traitement immunosuppresseur d’autant plus que la dysglobulinémie est maligne, car une amélioration a été parfois rapportée après chimiothérapie.

Les gammapathies monoclonales peuvent s’observer au cours de tableaux évocateurs cliniquement d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA) par l’association d’une atteinte de la corne antérieure et de signes pyramidaux.

Parfois des altérations électrophysiologiques et/ou histopathologiques des nerfs sensitifs ont été décrits.

Les rares vérifications autopsiques de tels cas ont montré soit des lésions typiques de SLA soulevant le problème d’une coexistence fortuite, ou parfois une infiltration lymphoplasmocytaire des racines ou de la leptoméninge, endoneurale proximale sans dégénérescence du faisceau pyramidal.

Il s’agissait, dans huit des 12 cas décrits par Bady et al, de syndromes lymphoprolifératifs malins ; l’atteinte bulbaire y était rare, avec parfois l’apparition secondaire de troubles sensitifs. Dans ces cas, une amélioration après chimiothérapie n’a été qu’exceptionnellement rapportée.

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