Neuropathies douloureuses

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Introduction :

La définition des neuropathies douloureuses est arbitrairement large, réunissant toute sensation anormale survenant au cours de toute neuropathie, avec cependant quelques réserves.

« Toute sensation anormale » signifie d’abord toute sensation spontanée à caractère désagréable ou insolite englobant les termes très variés habituellement répertoriés dans les questionnaires d’évaluation pluridimensionnelle de la douleur : battements, élancements, décharges électriques, piqûres, pincement, broiement, tiraillement, tension mais aussi picotements, fourmillements, prurit, sensations thermiques, chaleur, brûlures, froid, engourdissement, lourdeur.

Neuropathies douloureusesSont également prises en compte les douleurs provoquées :

– l’allodynie, perception douloureuse d’un stimulus normalement indolore ;

– l’hyperalgésie, exagération d’une sensation douloureuse ;

– l’hyperpathie, exacerbation douloureuse insupportable et angoissante déclenchée par divers stimuli somesthésiques ;

– la causalgie (du mot grec causos : brûlure), sensation de brûlure permanente exagérée par toute stimulation ;

– l’érythermalgie, brûlure douloureuse exagérée par la chaleur et améliorée par le froid.

« Toute neuropathie » indique que le concept de neuropathie douloureuse s’étend à toute polyneuropathie, non seulement sensitive, en particulier la forme dite « à petites fibres », mais aussi sensitivomotrice ou autonome, primitive ou secondaire.

En revanche, ne sont pas retenues dans ce cadre, en raison de leur spécificité, les douleurs des mononeuropathies, des plexopathies, des radiculopathies.

La douleur consécutive à une lésion d’un nerf périphérique peut apparaître un paradoxe puisque cette lésion, interrompant théoriquement les influx sensitifs, devrait entraîner une hypoalgésie.

Cependant, la réalité de tels phénomènes demande une explication faisant intervenir des modifications profondes de la nociception.

Des conceptions nouvelles sont nées, dont un des intérêts est le développement de thérapeutiques antialgiques modernes s’ajoutant aux médicaments anticonvulsivants et antidépresseurs traditionnels.

La terminologie est parfois complexe et mal définie.

Certains, dans un but de simplification, distinguent d’une part les douleurs d’intensité anormale induites par un stimulus normalement algogène et les classent comme hyperalgésie, d’autre part les douleurs déclenchées par un stimulus normalement non douloureux (tactile par exemple) : ce sont les allodynies.

Cependant, les diverses nomenclatures ne sont pas standardisées, ce qui peut être la source d’erreurs dans l’interprétation physiopathologique.

Ainsi se dessine l’hétérogénéité sémiologique, étiologique et aussi physiopathologique des neuropathies douloureuses.

Leur étude est justifiée par leur fréquence, la difficulté du diagnostic, leur caractère rebelle avec cependant l’espoir de possibilités thérapeutiques de plus en plus étendues.

Physiopathologie :

La douleur neuropathique dépend de modifications siégeant aussi bien sur le système nerveux périphérique que sur le système nerveux central.

Les perturbations de l’excitabilité des afférences nociceptives sont le principal facteur chez l’homme de neuropathie douloureuse chronique.

Les douleurs survenant indépendamment de tout stimulus et la plupart des hyperalgésies sont réduites ou abolies par des blocs anesthésiques sur le nerf périphérique mais persistent après bloc des afférences myélinisées non nociceptives.

D’un autre côté, les modifications du système nerveux central sont à l’origine de divers types d’hyperalgésies mécaniques.

La stimulation électrique des fibres myélinisées non nociceptives de grand calibre cause des dysesthésies douloureuses.

De même, la douleur évoquée suit les fibres myélinisées rapides.

Ainsi, de légers stimuli mécaniques, activant uniquement les mécanorécepteurs, sont souvent perçus comme douloureux et l’activation des fibres Ab agit sur un système nerveux central sensibilisé.

A – MÉCANISMES PÉRIPHÉRIQUES :

Les fibres myélinisées de petit calibre et les fibres amyéliniques afférentes lésées deviennent le siège d’une sensibilité anormale et d’une activité progressive.

Les anomalies surviennent dans des zones différentes : la région lésée siège d’un névrome, le ganglion rachidien dorsal, les terminaisons sensitives projetant dans le nerf lésé.

L’altération des canaux sodium paraît le point de départ de l’hyperactivité.

Le canal sodium embryonnaire de type III serait réexprimé dans les neurones sensitifs après axotomie chez l’animal adulte.

La méthode de patch clamp met en évidence des modifications des courants sodium après axotomie, ce qui pourrait être à l’origine d’une hyperexcitabilité.

Par ailleurs, les canaux sodium résistant à la tétrodotoxine seraient redistribués dans les neurones sensitifs nociceptifs, ce qui pourrait avoir des incidences thérapeutiques.

La redistribution des canaux résistant à la tétrodotoxine jouerait un rôle important dans la neuropathie douloureuse, la zone lésée étant le point de départ d’influx ectopiques.

D’ailleurs, diverses études ont prouvé que les décharges ectopiques des neurones sensitifs altérés peuvent être réduites par blocage des canaux sodium (sensibles ou insensibles à la tétrodotoxine), sans bloquer les conductions axonales.

Il est également possible qu’une diminution de la conductance du potassium contribue à l’augmentation d’excitabilité des neurones sensitifs altérés. Les substances pro-inflammatoires, les cytokines, le tumor necrosis factor a peuvent déclencher des décharges ectopiques sur les neurones sensitifs.

Chez l’animal, les catécholamines excitent les neurones sensitifs nociceptifs ou non nociceptifs dans le nerf périphérique ou le ganglion rachidien postérieur.

Ceci pourrait rendre compte d’une composante sympathique dans le maintien de la douleur.

L’étude électrophysiologique des ganglions rachidiens postérieurs après section montre une hypersensibilité du soma cellulaire aux catécholamines.

Les études de patch clamp montrent des courants cationiques déclenchés par la noradrénaline ou des courants potassiques pouvant contribuer à une excitation sensitive.

La noradrénaline réduirait la conductance potassique sensible au calcium après suppression du courant type N du canal calcium.

D’autres mécanismes neurophysiologiques peuvent augmenter la décharge de neurones sensitifs altérés : le contact éphaptique entre axones lésés entraînant des décharges électriques entre les axones ; l’after discharge croisée (crossed after discharge) entre axones démyélinisés de grand calibre avec activation des neurones dans les ganglions rachidiens postérieurs par excitation de neurones voisins.

Cet effet est sans doute dû à une concentration accrue de potassium extracellulaire ; enfin, dans les lésions nerveuses focales, une accumulation de mécanorécepteurs peut être responsable du signe de Tinel.

B – MÉCANISMES CENTRAUX :

Diverses douleurs trouvent leur origine dans le système nerveux central, par exemple les douleurs par simple frôlement cutané.

Expérimentalement, on connaît la plasticité importante des cornes postérieures de la moelle lors de douleurs persistantes.

Normalement, une stimulation brève des nocicepteurs entraîne une activation de courte durée des cornes postérieures.

Cette activation se produit par l’intermédiaire des acides aminés excitateurs, particulièrement du glutamate.

Deux types de récepteurs ionotropiques de glutamate sont présents dans la région postsynaptique, les récepteurs de l’a-amino, 3-hydroxy, 5-méthylisoxazole-4 propionic acid (AMPA) et du N méthyl-Daspartate (NMDA).

Après excitation brève des nocicepteurs, le glutamate est libéré et crée une dépolarisation postsynaptique par l’intermédiaire des récepteurs AMPA.

Une excitation prolongée active une cascade d’événements à l’origine d’une augmentation de transmission synaptique et de dépolarisation prolongée des cellules postsynaptiques.

À stimulation plus intense, la substance P est libérée par les fibres nociceptives afférentes.

Elle dépolarise un nombre important de cellules en bloquant les canaux potassium par l’intermédiaire des récepteurs de neurokinine 1 qui appartiennent au groupe de récepteurs couplés à sept protéines transmembranaires, parallèlement à la dépolarisation due aux récepteurs AMPA.

Ceci aboutit à l’élimination des blocs magnésium des récepteurs NMDA, ce qui permet alors au glutamate de générer des courants importants vers les récepteurs de glutamate.

La sensibilité des récepteurs de glutamate peut également être modulée par phosphorylation grâce à divers mécanismes, en particulier l’activation de protéine kinase C, de tyrosine kinase ou de récepteur de facteur neurotrophique dérivé du cerveau.

Du fait de la complexité de ces transmetteurs agissant en parallèle dans la transmission synaptique des nocicepteurs, on ne peut éliminer ces mécanismes centraux par simple blocage des récepteurs NMDA.

Une surrégulation de l’isoforme a de la protéine kinase est à l’origine de modifications importantes de la corne postérieure.

Cette surrégulation s’accompagne chez l’animal de troubles comportementaux dus à l’hyperalgésie et d’une résistance à l’analgésie par opiacés, fréquente en clinique au cours des neuropathies douloureuses.

De plus, les lésions des nerfs périphériques causent des modifications structurelles de la corne postérieure pouvant éventuellement entraîner une désinhibition ou des connexions synaptiques anormales.

Chez l’animal, des neurones pycnotiques de la corne postérieure pourraient témoigner de lésions des interneurones inhibiteurs.

De telles modifications sont évitées par blocage d’une enzyme nucléaire réglant la toxicité induite par le glutamate.

Un autre mécanisme central est la prolifération (sprouting) des terminaisons des mécanorécepteurs dans la zone superficielle de la corne postérieure.

Cette prolifération pourrait être le point de départ de nouveaux contacts synaptiques avec des neurones centraux et pourrait expliquer les douleurs par frôlement cutané.

On sait d’ailleurs que les lésions des afférences nociceptives amyéliniques sont responsables d’une prolifération centrale de fibres Ab intactes.

Une diminution du transport rétrograde de substances neurotrophiques comme le nerve growth factor ou le facteur neurotrophique dérivé de cellules gliales est probablement en cause dans les modifications structurales précédentes.

Les cas de douleurs postherpétiques comportent ce type d’anomalies structurales.

Toutefois, dans des cas différents, le mécanisme de sensibilisation centrale serait plus le fait d’une stimulation par les nocicepteurs afférents que d’une réorganisation structurelle permanente.

Sémiologie :

A – DOULEURS DES NEUROPATHIES :

Les douleurs des neuropathies, symptômes sensitifs « positifs », sont les unes spontanées, les autres provoquées.

Les paresthésies sont décrites comme des impressions de picotements, de fourmillements, d’eau qui coule survenant spontanément, sans stimulation des récepteurs sensitifs terminaux (comme le prouve la survenue de paresthésies distales après garrot chez les amputés).

Elles sont plutôt la conséquence de décharges spontanées ectopiques dans le tronc nerveux.

Les paresthésies ischémiques provoquées par garrot, qui augmente l’excitabilité des axones périphériques, varient dans le temps : d’abord sensations thermiques transitoires, puis impressions de vibration, d’engourdissement, de pseudocrampes, enfin sensation de picotements qui persistent longtemps.

La microneuronographie recueille des décharges spontanées dans le tronc nerveux et non dans les récepteurs.

Les paresthésies sont souvent symétriques, prédominant dans la partie distale des membres inférieurs, s’étendant également aux extrémités supérieures.

Les divers symptômes sensitifs spontanés distaux sont habituellement décrits comme une sensation d’engourdissement des mains et des pieds, souvent qualifié de déficit moteur, avec impression de peau recouverte d’une membrane, d’un voile ou de gants.

L’impression de marcher sur du coton ou sur des éponges est souvent signalée.

Souvent, des dysesthésies et des paresthésies avec impression de brûlure des mains et des pieds (burning feet) sont ressenties.

Les troubles sensitifs distaux sont le plus souvent prédominants sur les membres inférieurs.

Ils sont particulièrement marqués au cours des polyneuropathies nutritionnelles ou alcooliques et chez les diabétiques.

La répartition parfois proximale des troubles sensitifs, en particulier au cours de la porphyrie ou de la maladie de Tangier, s’explique mal, qu’il s’agisse d’une atteinte polyradiculaire ou que les fibres sensitives de grand calibre qui innervent les régions proximales aient une susceptibilité particulière.

Cette dernière notion ne s’applique pas à la maladie de Tangier au cours de laquelle les fibres de petit calibre sont électivement lésées.

Des douleurs parfois violentes sont présentes au cours de certaines neuropathies sensitives.

Elles sont de type et de siège variés suivant la topographie de l’atteinte nerveuse et suivant l’affection en cause.

Elles sont particulièrement intenses chez les diabétiques, au cours de la maladie de Fabry, des polyneuropathies du thallium ou des substances adhésives.

L’origine exacte de la douleur au cours des polyneuropathies est mal connue.

Parfois liée à la perte de contrôle des fibres de grand calibre, elle est souvent secondaire à une altération des fibres de petit calibre (A, delta et C), par exemple au cours de l’amyloïdose.

Dans d’autres cas, au cours des neuropathies diabétiques, nutritionnelles ou alcooliques, elle est la conséquence de décharges aberrantes venues de bourgeons nerveux de régénération.

L’irritation et l’oedème du nerf rendent compte des douleurs des neuropathies inflammatoires. Les compressions ont un effet mécanique direct tandis que la causalgie résulte de lésions partielles d’un gros tronc nerveux contenant des fibres autonomes.

Les douleurs fulgurantes sont moins fréquentes dans les polyneuropathies que dans le tabès ou la névralgie trigéminale.

Les impatiences des membres inférieurs sont fréquentes dans certaines circonstances, en particulier chez les diabétiques.

Elles sont surtout le témoin du syndrome des jambes sans repos.

Une autre variété de symptôme n’a pas une signification sensitive pure.

Il s’agit des crampes qui sont secondaires à une activité électrique excessive et comportent une composante motrice.

Elles sont fréquentes au cours des neuropathies périphériques, plus fréquentes dans les neuropathies génétiques que dans les neuropathies acquises.

Les douleurs provoquées, c’est-à-dire créées ou exacerbées par des stimulations, sont de types variés.

Outre les paresthésies ischémiques précédemment signalées, la causalgie, en général post-traumatique, est une impression de brûlure cuisante du pied ou de la main.

La douleur est exacerbée par toutes les stimulations, qu’elles soient mécaniques, thermiques ou purement psychiques, telles qu’une lumière brutale, une émotion.

Elle est calmée par l’application de compresses froides et humides.

Le sujet immobilise son membre involontairement.

Ceci est en partie à l’origine de troubles vasomoteurs et trophiques.

La peau devient luisante, des sueurs importantes et malodorantes se produisent ainsi qu’une décalcification osseuse.

Parmi les hyperalgésies thermiques, l’érythromélalgie, parfois révélatrice de certaines neuropathies, est définie par la survenue d’accès de brûlures atroces, exagérés par la chaleur, durant quelques minutes à quelques heures.

La coexistence d’une rougeur n’est pas constante, ce qui explique qu’un certain nombre de patients soient considérés comme purement névrotiques.

B – TYPES ANATOMOCLINIQUES :

1- Neuropathies à fibres de petit calibre :

Les fibres de petit calibre (A, delta et C) et de conduction lente véhiculent la sensibilité douloureuse, à côté d’influx autonomes.

Elles s’opposent ainsi aux fibres de grand calibre et de conduction rapide.

À partir de cette distinction se séparent les polyneuropathies communément dites « à petites fibres », au cours desquelles prédominent des troubles (avec ou sans douleurs spontanées) de la sensibilité thermoalgique, et celles « à grosses fibres », marquées par des troubles de la sensibilité au tact et à la pression, du sens de position, de la sensibilité vibratoire, avec ataxie sensitive et aréflexie.

Les formes douloureuses des neuropathies à petites fibres sont aussi bien d’origine génétique qu’acquise.

Des douleurs parfois violentes sont particulièrement fréquentes dans les neuropathies diabétiques, au cours de la maladie de Fabry, des polyneuropathies du thallium ou des substances adhésives ou encore de l’amyloïdose.

Il n’est pas exceptionnel au cours des neuropathies sensitives de voir se développer, même dans des formes d’intensité modérée, de véritables accès douloureux en relation avec une atteinte des fibres de petit calibre.

Ces accès sont faits de douleurs lancinantes entrecoupées d’exacerbations.

L’intensité en est variable, parfois elle est considérable, parfois elle est modérée.

La recrudescence nocturne est habituelle : l’allodynie est fréquente.

L’évolution se fait à rythme également variable.

Les accès douloureux sont parfois susceptibles de durer plusieurs heures, quelques jours ou même quelques semaines. Ils s’intriquent de façon paradoxale sur un fond d’indolence.

On sépare, parmi les formes idiopathiques, les formes chroniques progressives, au cours desquelles les douleurs prédominant sur le pied sont à l’origine d’erreur de diagnostic, surtout orthopédique, et, plus rares, des formes aiguës généralisées.

L’hypoesthésie va de pair avec les douleurs.

Comme pour les symptômes, la topographie des signes est électivement distale.

Si l’atteinte des petites fibres se manifeste parfois par une hyperpathie au tact ou à la piqûre par diminution du seuil douloureux, plus souvent l’atteinte des petites fibres se traduit par une hypoesthésie à la piqûre ou par une hypoesthésie thermique.

L’analyse de cette dernière comporte l’étude de la sensibilité au chaud et l’étude de la sensibilité au froid. L’étude de la sensibilité thermique au chaud nécessite l’application d’un tube à 40 °C, celle de la sensibilité au froid l’application d’un tube à 30 °C.

Lorsqu’elle est de distribution lombosacrée, une dissociation sensitive de type syringomyélique, faite d’une hypoesthésie thermodouloureuse respectant les sensibilités tactile, vibratoire et arthrocinétique, est évocatrice d’une syringomyélie basse mais il est communément admis qu’elle témoigne en réalité d’une neuropathie sensitive héréditaire.

Parfois, la topographie de cette dissociation pseudosyringomyélique s’étend au tronc, aux bras et même à la face au cours de certaines neuropathies familiales comme l’amyloïdose, l’analgésie congénitale, la maladie de Riley-Day, la maladie de Tangier.

Dans des cas exceptionnels, une anesthésie globale s’étend à l’ensemble du corps.

Une complication sévère et tardive des hypoesthésies thermodouloureuses et de l’analgésie distale est un trouble trophique.

Les brûlures ou les gelures, n’étant pas ressenties, sont à l’origine de modifications souvent importantes de la peau et des tissus sous-jacents.

L’hyperhémie réflexe normale est perturbée, ce qui perturbe également la réponse normale des tissus à l’infection.

La peau devient fine et lisse, les ongles striés et cassants, les tissus sous-cutanés épaissis.

Le membre est chaud et rouge si les fibres autonomes sont lésées.

Un mal perforant plantaire, un panaris analgésique sont fréquents.

Une conséquence encore plus grave est la survenue d’altérations ostéoarthropathiques avec déformations importantes, fractures spontanées, infection secondaire.

Les lésions radiologiques, souvent considérables, sont faites à la fois d’un processus destructeur et d’un processus constructeur.

L’installation des altérations articulaires est souvent insidieuse. Le début se fait à l’occasion d’un traumatisme minime.

Il est marqué par une ampoule suivie d’une ulcération.

Celle-ci, de forme arrondie ou irrégulière, est en général peu étendue mais peut creuser profondément le tégument.

Le fond de la lésion est le plus souvent sanieux ; parfois il est bourgeonnant ; parfois il est recouvert d’une croûte noirâtre d’aspect verruqueux.

Les ulcérations siègent essentiellement dans la région de la tête du premier et du cinquième métatarsiens ainsi qu’au talon et à l’extrémité des doigts.

Des déformations osseuses et articulaires apparaissent progressivement.

Elles aboutissent souvent à des modifications très importantes des pieds et à des mutilations.

Un tassement de l’avant-pied se constitue, dû à une dislocation du tarse.

Les orteils sont déformés. Le pied est raccourci, élargi et épaissi.

Il prend l’aspect classique du pied cubique. Les troubles trophiques les plus importants s’observent au cours de la maladie de Thévenard et de neuropathies diabétiques.

Les vitesses de conduction nerveuse sensitive sont diminuées ou effondrées.

L’amplitude des potentiels sensitifs est réduite.

Le seuil thermique est anormal, de même que le seuil sudoromoteur.

La biopsie nerveuse montre essentiellement une raréfaction des fibres myélinisées de petit calibre et des fibres amyéliniques.

La biopsie cutanée est plus récemment utilisée dans les neuropathies douloureuses, par prélèvement d’un très petit fragment n’entraînant pas de troubles sensitifs.

La diminution des fibres épidermiques, terminaison des petites fibres des ganglions et des racines postérieures, colorées par anticorps au PGP (protein gene product) s’observe notamment dans les neuropathies diabétiques ou sont dues à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

Ce type de biopsie est particulièrement utile dans les formes douloureuses distales sévères isolées.

2- Pied douloureux isolé :

Le syndrome du pied douloureux isolé, témoin d’une neuropathie sensitive, est marqué d’un contraste entre les douleurs violentes des extrémités et le peu de modifications cliniques et électrophysiologiques.

Dans ces cas, la biopsie des fibres épidermiques, méthode non invasive, est particulièrement utile dans les syndromes de pied brûlant ou neuropathie sensitive idiopathique à petites fibres.

Elle est souvent la seule indication objective de la neuropathie.

De même, dans une grande série de neuropathies douloureuses sans signes objectifs, la biopsie des fibres épidermiques a prouvé dans 38 % des cas la réalité d’un processus neuropathique.

L’évolution générale des douleurs dans les formes à petites fibres est variable selon la cause.

Les formes douloureuses sont parfois régressives.

D’autres fois, elles sont particulièrement rebelles, en particulier dans les formes à prédominance nocturne. Lorsque des troubles trophiques sévères s’installent, l’évolution est en général progressive et invalidante.

3- Autres types de neuropathies douloureuses :

* Syndrome des jambes sans repos :

Défini par un besoin impérieux de bouger en raison de sensations désagréables, le syndrome des jambes sans repos occupe une place à part et ne doit pas être confondu avec les neuropathies sensitives.

Il comporte une sensation désagréable d’impatiences, prédominant sur les membres inférieurs, à prédominance nocturne.

L’impression anormale n’est habituellement pas franchement douloureuse, encore que certaines variétés douloureuses soient parfois décrites.

La sensation désagréable provoque habituellement un besoin impérieux de mouvement qui est à l’origine de la sédation des troubles.

Le syndrome des jambes sans repos décrit par Ekbom est connu sous d’autres dénominations telles que anxiété tibiale, leg jitters, syndrome des jambes remuantes, paresthésies agitantes nocturnes des membres inférieurs.

Ces troubles sont d’une extrême fréquence, en particulier lorsque leur intensité est modérée.

Ils s’expriment essentiellement par des impatiences siégeant entre les genoux et les chevilles, s’étendant parfois aux pieds, parfois aux cuisses, beaucoup plus rarement aux membres supérieurs.

Les sensations anormales sont à la fois superficielles et profondes, les descriptions des patients souvent malaisées et variées : impression de chaleur, de rampements, de démangeaison.

La répartition est habituellement bilatérale et symétrique ; parfois elle est alternante ou prédomine d’un côté. Une caractéristique essentielle est l’apparition au repos.

De ce fait, les impatiences sont rares dans la journée. Parfois, elles surviennent à la fatigue.

Le plus souvent, elles se produisent lors de l’endormissement, en général 5 à 30 minutes après le coucher.

Elles obligent le sujet à la mobilité.

En effet, les jambes ne peuvent être conservées immobiles et le sujet est forcé d’aller et de venir sans arrêt, de se lever irrésistiblement.

En général, les troubles s’améliorent après quelques mouvements.

Le chaud et le froid n’ont aucun effet favorisant, bien que, dans certains cas, le chaud déclenche les impatiences qui n’apparaissent parfois que lors d’un épisode fébrile.

Il est beaucoup plus rare que des douleurs véritables accompagnent les impatiences.

L’examen ne met habituellement en évidence aucun signe objectif ; parfois existent quelques varicosités et les ongles sont cassants.

L’évolution est chronique, sur plusieurs années.

Les troubles sont habituellement très rebelles.

La résonance magnétique fonctionnelle met en évidence une activation du cervelet et du thalamus controlatéraux.

Les causes du syndrome des jambes sans repos sont variées.

Le diabète est à rechercher en premier. Plus rarement, il s’agit d’anémie et de déficit ferrique.

Ces formes sidéropéniques seraient fréquentes pour Ekbom.

D’autres étiologies parfois invoquées sont une gastrectomie, une affection cancéreuse, une infection, des troubles veineux, des troubles métaboliques.

La grossesse est une cause relativement fréquente.

Les impatiences apparaissent habituellement vers le second trimestre de la gestation.

Elles sont en rapport avec des facteurs hormonaux. Une autre étiologie fréquente des syndromes des jambes sans repos qui ne doit pas être méconnue est iatrogène.

Il s’agit des syndromes apparaissant au cours d’un traitement neuroleptique, phénothiazines et surtout butyrophénones.

En fait, les formes essentielles sont les plus fréquentes. Elles sont dans 20 % des cas héréditaires et rattachées à une transmission de type autosomique dominant.

Souvent, aucune étiologie précise n’est mise en évidence si ce n’est un facteur névrotique, un conflit, une dépression masquée.

Les examens complémentaires sont en général normaux.

Des altérations électromyographiques modérées et des diminutions très discrètes des vitesses de conduction nerveuse sont en faveur d’une neuropathie périphérique fruste.

Si l’on excepte les thérapeutiques étiologiques, par exemple en cas de déficit martial, la thérapeutique est essentiellement symptomatique.

Le syndrome des jambes sans repos réagit peu aux analgésiques.

Parfois, il est favorablement influencé par les sédatifs et les myorelaxants, les dopaminergiques, les opioïdes, les benzodiazépines. Spontanément, l’évolution est entrecoupée de périodes de rémission.

Le syndrome de Spillane, d’origine probablement périphérique par atteinte des fibres afférentes, associe des mouvements involontaires et irréguliers des orteils et des douleurs profondes des jambes, uniou bilatérales.

Certaines formes de syndrome de Spillane seraient secondaires au diabète ou à une neuropathie par isoniazide.

L’étude des mouvements périodiques montre la coexistence fréquente, dans 80 % des cas, de mouvements périodiques du sommeil.

La résonance magnétique fonctionnelle montre dans ces cas, en plus de l’activation du cervelet et du thalamus hétérolatéraux, une activation du noyau rouge et du tronc cérébral parallèle aux mouvements anormaux.

* Érythromélalgie ou érythermalgie :

Due à une vasodilatation artériocapillaire active, la douleur brûlante s’accompagne d’élévation de la température cutanée et évolue par accès de quelques minutes, de quelques heures ou de quelques jours, principalement en période estivale.

La rougeur est inconstante, ce qui fait parfois méconnaître une origine organique.

La douleur est température-dépendante, calmée par le froid, l’élévation du membre, l’aspirine. Une étiologie est à rechercher systématiquement, en particulier chez des sujets âgés, avec atteinte unilatérale, asymétrique.

Les causes les plus fréquentes sont les affections myéloprolifératives (polyglobulie, hyperplaquettose, leucémie myéloïde chronique) précédées parfois pendant plusieurs années par l’érythromélalgie.

Dans ces cas, les lésions vasculaires sont faites de gonflements de l’endothélium, d’épaississement de l’intima et d’occlusion vasculaire.

D’autres causes sont l’insuffisance veineuse, les connectivites, certains médicaments (bromocriptine, nifédipine).

Les formes primaires, parfois familiales, surviennent chez des jeunes, sont bilatérales et symétriques, épargnent souvent les orteils, sont très douloureuses et peu sensibles à l’aspirine.

L’origine serait un dysfonctionnement des terminaisons nerveuses autonomes dont la densité en acétylcholine et en catécholamines est diminuée.

* Neuropathies sympathiques douloureuses :

À côté des neuropathies autonomes douloureuses, un certain nombre de douleurs sont supposées en relation avec une atteinte du système nerveux sympathique.

Le système sympathique, voie efférente, ne transmet pas théoriquement à l’état physiologique de message douloureux.

Le terme de sympathalgie est donc abusif.

Cependant, dans certaines conditions pathologiques, des réactions adaptatives se produisent à l’intérieur ou par l’intermédiaire du système sympathique.

De plus, des arguments indirects sont en faveur de son rôle au cours d’états douloureux : coexistence de manifestations cliniques vasomotrices notamment distales, effets antalgiques d’infiltrations locales du sympathique, de sympathectomies ou de l’administration de guanéthidine et de drogues sympathicolytiques.

Une assimilation totale serait simpliste car ces actions sont inconstantes.

Aucune preuve définitive de l’intervention du sympathique dans la douleur n’a été apportée.

Il s’agit donc d’une implication possible, mais non établie.

C’est essentiellement au cours d’atteintes nerveuses périphériques, algoneurodystrophie ou causalgie, que la participation du système sympathique dans les phénomènes douloureux est soupçonnée.

Dans ces cas, les relations entre axones sympathiques postganglionnaires et afférences sensitives se conçoivent selon les hypothèses suivantes :

– libération chimique de noradrénaline stimulant les afférences sensitives par un effet alpha-adrénergique ;

– transmission éphaptique de contact entre axones sympathiques et fibres sensitives ;

– modifications focales dues à la libération de noradrénaline vasoconstrictive pré- et postcapillaire, à la libération de peptides vasoactifs (substance P) par les terminaisons sensitives, à l’effet local des mastocytes relâchant de l’histamine, à l’influence de la température et de l’état métabolique ; ainsi se créent une vasodilatation et une extravasation stimulant les fibres de petit diamètre ; ces modifications du micromilieu sont amplifiées par une hypersensibilité des vaisseaux qui réagissent de façon excessive aux conditions thermiques et à la catécholamine ;

– libération de prostaglandines dans la région présynaptique due à une action présynaptique de la noradrénaline, cette hypothèse ne reposant toutefois que sur des arguments pharmacologiques.

Aucun de ces mécanismes n’est privilégié et il est vraisemblable que le système sympathique influence les afférences sensitives par des voies multiples.

En outre, les décharges anormales envoient des informations erronées à la moelle épinière à l’origine de réflexes anormaux dans les neurones spinaux sympathiques innervant les tissus périphériques.

Ceci crée une sorte de sensibilisation centrale à l’origine de réactions pathologiques sensitives et autonomes.

Dès lors, des stimuli normalement indolores entraînent des réactions douloureuses dépendant d’une innervation sympathique normale.

Le terme de « douleur entretenue par le sympathique » (sympathetically maintained pain) correspond à une hyperalgésie avec allodynie consécutive à un traumatisme local et améliorée par infiltration sympathique (donc différente des douleurs « indépendantes » du sympathique non calmées par infiltrations sympathiques).

Cette définition est ainsi basée sur une sensation subjective exprimée par le patient.

Ce type de douleur serait lié à l’activité des afférences causant une activité tonique dans des neurones à grand éventail dynamique (wide dynamic range) antérieurement sensibilisés.

Il n’est toutefois pas prouvé chez l’homme que ces neurones interviennent dans la médiation de la douleur.

Quant aux douleurs après sympathectomie, elles surviennent, dans un quart des cas, 1 à 2 semaines après l’intervention, localisées plutôt autour de la zone dénervée qu’à son intérieur et accompagnées d’une hypersudation paradoxale.

La douleur est profonde avec hyperesthésie.

Elle se localise particulièrement à la face antérieure de la cuisse, après sympathectomie lombaire ou après chirurgie de la fourche aortique.

Elle siège plus rarement au membre supérieur après sympathectomie cervicothoracique.

Le mécanisme de ces sympathalgies est inconnu. Une explication pourrait être une sorte d’hypersensibilité de dénervation, secondaire à une lésion concomitante des afférences sensitives, à une libération de neuropeptides.

La carbamazépine est efficace.

Paradoxalement, les infiltrations sympathiques amélioreraient les douleurs après chirurgie de la bifurcation aortique.

Variétés selon l’étiologie :

A – NEUROPATHIES DOULOUREUSES GÉNÉTIQUES :

1- Neuropathies sensitives héréditaires :

La forme typique, maladie de Thévenard ou hereditary sensory and autonomic neuropathy de type I est de transmission autosomique dominante liée au chromosome 9 (9q22-1-922-3) et caractérisée surtout par des maux perforants plantaires indolores accompagnés d’une hypoesthésie thermodouloureuse distale avec aréflexie achilléenne.

Cependant, des douleurs de deux types sont fréquentes : d’une part des douleurs des pieds à type de brûlure ou de douleurs violentes, augmentées par l’exercice et la chaleur, diminuant la nuit, d’autre part mais plus rarement des douleurs lancinantes évoluant par salves sur les membres inférieurs et même la ceinture scapulaire.

Rarement, les douleurs, à type de douleurs fulgurantes pseudotabétiques, sont associées à une surdité.

On signale également des sensations de brûlures plantaires révélatrices d’une neuropathie sensitive héréditaire infraclinique ou encore des douleurs fulgurantes associées à un syndrome des jambes sans repos.

2- Maladie de Fabry :

D’hérédité récessive liée à l’X (Xq21-Xq22), elle survient dans le sexe masculin dans l’enfance ou l’adolescence.

La symptomatologie est faite d’accès de brûlure et de piqûres des extrémités siégeant sur les pieds et les mains, surtout sur les doigts et les orteils, avec paresthésies palmaires et plantaires. Les douleurs, importantes à préciser, sont de deux types.

Le premier type est fait d’accès de brûlures intenses des extrémités, parfois diffusantes.

Les crises sont tantôt spontanées, tantôt déclenchées par l’exercice, la fatigue, les modifications thermiques.

Elles augmentent en fréquence avec l’âge.

Le second type correspond à des impressions de douleurs sourdes et de brûlures distales persistant entre les accès.

Curieusement, aucune hypoesthésie n’est présente.

Les vitesses de conduction sensitive sont normales.

Des télangiectasies sont présentes, à la fois cutanées (tronc et cuisses) et conjonctivales, ainsi que des opacités cornéennes.

Des troubles vasculaires rénaux, cérébraux et myocardiques sont associés.

La maladie est secondaire à l’accumulation de céramide-dihexoside, elle-même due à un déficit en alphagalactosidase.

Le diagnostic en est possible lorsque l’on prouve l’absence d’enzymes dans une biopsie de l’intestin grêle.

La biopsie nerveuse montre des lésions sensitives et autonomes avec diminution des fibres myéliniques de petit calibre et des fibres amyéliniques ainsi qu’un dépôt de céramide dans le périnèvre.

La structure de la céramide est de type lamellaire.

La mort se produit entre 40 et 50 ans.

3- Porphyrie :

La porphyrie s’accompagne parfois de neuropathie douloureuse.

Il est habituel que ces neuropathies soient déclenchées par la prise de médicaments.

C’est essentiellement au cours de la porphyrie aiguë intermittente, de transmission autosomique dominante, que surviennent ces neuropathies.

Parfois on les signale au cours de la porphyrie mixte, dite porphyrie variegata, rare en France.

L’anomalie biochimique de la porphyrie aiguë intermittente est un déficit relatif en uroporphobilinogène I synthétase qui transforme le porphobilinogène en uroporphyrine I qui sert à la synthèse de l’hème.

Ceci entraîne une diminution de synthèse de l’hème et un excès d’acide delta-aminolévulinique.

La transmission est de type autosomique dominant liée au chromosome 11 (11q23-2qter).

Le début se fait chez l’adulte, surtout par des troubles moteurs plutôt que sensitifs, parfois précédés par des douleurs des membres ou par des douleurs de la région dorsolombaire.

La première atteinte porte plus souvent sur les membres supérieurs.

En quelques jours, le déficit s’étend au tronc et aux membres inférieurs.

L’atteinte proximale initiale siégeant sur les bras est plus fréquente que l’atteinte distale.

Toutefois, il n’est pas rare que le début se fasse par les mains et par les muscles extenseurs des poignets.

La topographie est variable, tantôt symétrique, tantôt asymétrique.

Dans d’autres cas, le début est sensitif et se fait par des paresthésies de topographie distale ou proximale.

Parfois, enfin, des troubles sphinctériens ou un tremblement marquent la phase initiale.

L’évolution de ces signes se fait de façon variable en quelques semaines ou quelques mois chez un adulte de sexe féminin et principalement dans les pays scandinaves.

Le tableau est celui d’une mononeuropathie multiple, surtout motrice et amyotrophiante, habituellement régressive, sauf dans les cas entraînant des complications cardiorespiratoires.

Les troubles moteurs vont d’une simple parésie à une paralysie complète.

Leur topographie est capricieuse, parfois parcellaire.

Elle est habituellement disséminée mais atteint souvent avec prédilection les membres supérieurs.

Le tableau est celui d’une paralysie radiale plus ou moins complète avec main tombante bilatérale, entraînant souvent une attitude de main « qui fait les cornes » due à l’atteinte parcellaire des muscles extenseurs comme cela s’observe au cours de l’intoxication par le plomb.

Parfois, l’atteinte est asymétrique, réalisant une monoplégie ou, lorsqu’elle s’étend aux membres inférieurs, une sorte de disposition hémiplégique ou encore quadriplégique avec une prédilection particulière pour les muscles de loges antéroexternes des jambes.

La paralysie est flasque.

Les réflexes ostéotendineux sont abolis.

L’amyotrophie est importante et précoce.

Les troubles sensitifs sont subjectifs et objectifs.

Les premiers comportent des paresthésies, des impressions d’engourdissement, parfois des douleurs musculaires violentes et intolérables.

Les troubles sensitifs objectifs sont variables.

La répartition des troubles sensitifs se fait, soit selon une topographie distale, soit sur des sortes de bandes siégeant sur les membres supérieurs, soit encore sur le tronc.

Dans ces cas, la disposition est en « costume de bain ». Parfois des troubles sensitifs distribués en « gant » ou en « chaussette » s’étendent ultérieurement vers la racine des membres et vers le tronc.

Cette hypoesthésie du tronc est assez évocatrice de porphyrie.

Une atteinte du système autonome est fréquente, faite de douleurs abdominales, de troubles sphinctériens avec rétention d’urine, de constipation, d’une tachycardie importante à 100-160 battements par minute et d’une hypertension artérielle.

L’électromyogramme montre la présence de fibrillations et d’aspects de dénervation.

Les vitesses de conduction nerveuse sont souvent normales, parfois diminuées.

La biopsie nerveuse, rarement pratiquée, montrerait des lésions de démyélinisation paranodale d’origine probablement axonale.

Le diagnostic se fait par l’association des troubles habituels à la porphyrie, c’est-à-dire un syndrome abdominal (provoqué également par l’absorption de certains médicaments, en particulier des barbituriques) fait de douleurs abdominales, de vomissements et de complications en imposant souvent pour une affection chirurgicale.

Des crises convulsives sont souvent associées et surtout un syndrome psychique d’intensité plus ou moins importante fait de troubles délirants, d’hallucinations ou d’accès de type hystérique.

Les urines deviennent foncées à la lumière.

Elles contiennent du porphobilinogène transformé en uroporphyrine III et un précurseur, l’acide aminolévulinique.

4- Neuropathie amyloïde héréditaire :

La forme habituelle est liée à une anomalie de la transthyrétine dont le gène muté est sur le bras long du chromosome 18 (18q11-2-q21).

La forme portugaise type Andrade est la plus fréquente.

Elle débute aux membres inférieurs au cours de la deuxième ou troisième décennie, quelquefois plus tardivement, plus souvent chez l’homme, par des paresthésies douloureuses.

S’installe par la suite progressivement un tableau de neuropathie à petites fibres, débutant aux membres inférieurs, associant un déficit sensitif prédominant sur les sensibilités thermique et douloureuse et secondairement des maux perforants plantaires avec arthropathies nerveuses, ainsi que des manifestations dysautonomiques, notamment digestives (diarrhée) et génitosphinctériennes.

La biopsie nerveuse montre les dépôts amyloïdes colorés par le rouge Congo et biréfringents en lumière polarisée.

Le déficit moteur et l’amyotrophie apparaissent dans un second temps avec steppage puis déficit quadridistal.

L’aggravation est rapidement progressive et le sujet est généralement grabataire en moins de 5 ans, d’une part à cause du déficit moteur mais aussi à cause de l’intensité de la dysautonomie, en particulier de l’hypotension orthostatique.

B – NEUROPATHIES DOULOUREUSES ACQUISES :

1- Neuropathies métaboliques douloureuses :

* Neuropathies diabétiques douloureuses :

Les formes avec atteinte des grandes fibres comportent au maximum des paresthésies des membres inférieurs.

Les formes douloureuses pures ou prédominantes sont des neuropathies à « petites fibres » variables dans leur expression : symétriques ou asymétriques, portant sur les membres inférieurs, souvent nocturnes, faites de paresthésies à type de syndrome des jambes sans repos ou franchement douloureuses et exagérées par l’exercice, évoluant par poussées ou de façon chronique.

Souvent, elles débutent par des lombalgies ou des douleurs de hanches qui s’étendent à une cuisse et à un genou.

Ces formes peuvent être purement subjectives mais parfois elles s’associent à des signes de neuropathie fruste, en particulier hypoesthésie distale thermodouloureuse, aréflexie achilléenne, modification des vitesses de conduction.

Elles sont souvent révélatrices d’un diabète modéré chez un sujet âgé mais compliquent parfois un diabète ancien.

Les formes douloureuses pures seraient en relation avec une altération axonale comportant des anomalies des petites fibres amyéliniques avec sprouting ou bourgeonnement et aussi des petites fibres myéliniques.

L’évolution est dans l’ensemble régressive mais demande parfois des mois ou des années.

Une variété particulière serait la neuropathie diabétique douloureuse aiguë survenant chez des hommes dans un diabète de type I et précédée par une importante perte de poids (correspondant à la cachexie-neuropathie d’Ellenberg).

La douleur à type de brûlures continues siège sur la portion distale des membres inférieurs et surtout sur la plante des pieds.

L’examen met en évidence une sensation désagréable au contact, sans troubles sensitifs majeurs, avec des anomalies réflexes variables.

Une impuissance sexuelle, un état dépressif sont constants.

L’insulinothérapie améliore la perte de poids et la neuropathie.

Les vitesses de conduction sont normales ou légèrement diminuées.

La biopsie nerveuse met en évidence une dégénérescence des fibres de tous diamètres.

Certaines formes s’accompagnent de troubles trophiques, mais sont indolentes le plus souvent mais pas toujours, aboutissant à un tableau d’acropathie ulcéromutilante.

Elles sont marquées par des maux perforants plantaires d’apparition insidieuse mais aussi par des arthropathies portant surtout sur les articulations interphalangiennes et métatarsophalangiennes.

De telles atteintes sont vraisemblablement en relation avec une souffrance du système autonome. Peuvent coexister avec l’indolence distale totale, des douleurs fulgurantes dans les mollets, des troubles vésicaux et des anomalies pupillaires.

C’est la forme dite, naguère, « pseudotabétique ». L’amyotrophie diabétique ou neuropathie fémorale, symétrique ou asymétrique, s’accompagne souvent de douleurs crurales violentes.

Dans l’ensemble, le diabète est fréquemment à l’origine des neuropathies hyperalgiques, qu’elles soient symétriques distales, proximales et même thoraciques.

* Insuffisance rénale :

Les neuropathies, complication sans doute la plus fréquente de l’insuffisance rénale chronique, sont connues depuis le XIXe siècle.

Toutefois, c’est surtout depuis l’introduction de la dialyse rénale et de la transplantation rénale qu’elles ont suscité un intérêt.

Leur mécanisme de survenue est mal connu.

L’urémie elle-même n’est habituellement pas retenue comme facteur essentiel.

Divers facteurs, en particulier toxiques, sont incriminés tels que les moyennes molécules (méthylguanidine, myo-inositol), des perturbations enzymatiques diverses, notamment de la transcétolase qui intervient dans le métabolisme de la myéline.

La fréquence des neuropathies de l’insuffisance rénale est appréciée de façon variable.

Elle s’étendrait de 20 à 65 % des sujets soumis à une dialyse rénale.

La neuropathie précède souvent la dialyse.

Il n’est pas rare qu’elle la suive.

La fréquence est beaucoup plus élevée chez les sujets de sexe masculin.

La transplantation rénale amène la guérison. Les manifestations cliniques revêtent des aspects variés, plus souvent sensitifs que moteurs.

Les impatiences des membres inférieurs, souvent précoces, se traduisent par un tableau assez analogue à celui du syndrome des jambes sans repos encore que la prédominance nocturne soit moins nette qu’au cours du diabète sucré.

Les impatiences prédominent sur les mollets.

Elles sont calmées par la mobilisation ou par la marche.

Souvent également des crampes distales sont décrites.

Elles n’ont pas forcément la signification d’une atteinte neuropathique.

Une polyneuropathie sensitive est fréquente.

Elle porte essentiellement sur la plante des pieds et réalise le tableau de brûlure des pieds (burning feet).

Le patient se plaint de paresthésies douloureuses à type de brûlure accompagnées ou non de troubles vasomoteurs de la plante des pieds.

Toutes les sensations tactiles sont ressenties douloureusement.

Ces impressions de brûlure gênent considérablement la marche et le sujet est condamné au lit ou au fauteuil.

L’examen ne met pas en évidence de déficit moteur, ni de modifications des réflexes. Parfois existe une discrète hypoesthésie distale.

Les formes sensitives pures s’accompagnent souvent d’une dénutrition.

La correction du déséquilibre alimentaire est parfois susceptible d’améliorer rapidement les troubles.

Un tableau de polyneuropathie sensitivomotrice distale grave peut également s’observer.

Il apparaît d’emblée ou succède au tableau de burning feet.

Le liquide céphalorachidien comporte souvent une hyperalbuminose habituellement modérée.

L’électromyogramme met en évidence des tracés neurogènes.

Les vitesses de conduction motrice et sensitive sont diminuées.

Il est fréquent que les signes électriques précèdent l’atteinte clinique.

Cette notion de neuropathie urémique infraclinique est importante en pratique.

Par ailleurs, il faut savoir que l’étude des vitesses de conduction nerveuse avant et après dialyse permet souvent de suivre l’efficacité de celle-ci.

Enfin, le nerf urémique, comme le nerf diabétique, résiste à l’ischémie.

La biopsie nerveuse met en évidence des lésions de démyélinisation segmentaire bien visibles sur le teasing, prédominant dans la région distale, ainsi que des altérations à type de dégénérescence axonale.

Ces dernières sont vraisemblablement antérieures à la démyélinisation.

* Neuropathie alcoolique et alcoolocarentielle :

Le début est souvent progressif.

Il est marqué par des crampes et des paresthésies distales ainsi que par des douleurs spontanées à prédominance nocturne.

Il est fréquent que la sémiologie initiale soit fruste.

On met alors au maximum en évidence de discrets troubles de la sensibilité distale superficielle et profonde, répartis en « gants » et en « chaussettes », une douleur à la pression des masses musculaires, parfois un discret déficit des loges antéroexternes des jambes.

Secondairement s’installe le tableau habituel de la polyneuropathie alcoolique avec déficit des loges antéroexternes des jambes puis des loges postérieures, aréflexie, amyotrophie, troubles sensitifs faits à la fois de douleurs spontanées et d’hyperesthésie des pieds et des jambes avec douleurs profondes, douleurs superficielles et lancinantes, ou fulgurantes, crampes, sensations de froid et plus souvent de chaud dans les pieds, exagérées par le contact.

L’hypoesthésie objective se retrouve à tous les modes.

Elle prédomine dans les régions distales.

Les troubles de la sensibilité profonde, s’ils sont importants, sont à l’origine d’une ataxie.

L’électromyogramme montre une atteinte prédominante des vitesses de conduction sensitive.

Cette atteinte prédomine aux membres inférieurs.

Elle est surtout distale.

La biopsie nerveuse met en évidence une axonopathie initiale suivie d’altérations myéliniques.

On admet en effet actuellement que les polyneuropathies alcooliques sont une maladie distale de l’axone.

Lors des carences se produit un déficit enzymatique dans la partie distale de l’axone.

Le flux axonal s’arrête.

Des neurofilaments s’accumulent, à l’origine d’un gonflement paranodal.

Une dénervation se produit en aval, suivie de phénomènes de dégénérescence wallérienne.

De noeud de Ranvier en noeud de Ranvier, la destruction progresse vers les centres.

C’est le phénomène de dying back.

Les fibres les plus grosses et les plus longues sont les plus vulnérables.

Lorsque la dépopulation neuronale progresse, elle porte sur des fibres de plus en plus courtes et accélère la marche centripète du déficit.

Progressivement, les fibres motrices sensitives et végétatives sont altérées.

* Neuropathies métaboliques diverses :

Les neuropathies amyloïdes non héréditaires, qu’elles soient secondaires ou primitives, ont souvent une expérience douloureuse, en particulier l’amyloïdose non héréditaire primitive, dyscrasie plasmocytaire mineure.

La substance amyloïde de cette forme est un polypeptide produit par les plasmocytes, fragment de chaîne légère kappa ou lambda.

La protéine AL est concernée.

Les neuropathies amyloïdes sporadiques débutent chez un homme aux environs de la soixantaine.

Tantôt l’atteinte nerveuse révélatrice porte sur le canal carpien.

Tantôt elle porte sur les quatre membres et s’exprime par des paresthésies initiales importantes associées à des douleurs permanentes.

Au cours de l’hypothyroïdie, certaines polyneuropathies diffuses s’expriment chez les myxoedémateux âgés par des paresthésies des extrémités et des crampes.

L’examen met en évidence une hypoesthésie distale, tactile, vibratoire et arthrocinétique, ainsi qu’une diminution des réflexes sur un fond d’hypertrophie musculaire.

Les vitesses de conduction nerveuse sont diminuées.

Dans le liquide céphalorachidien, une albuminose est présente avec une augmentation des gammaglobulines.

Enfin, de nombreuses atteintes métaboliques s’accompagnent de paresthésies et de douleurs surtout distales, notamment l’hypoglycémie, les déficits vitaminiques divers (notamment en pyridoxine).

2- Neuropathies paranéoplasiques :

Les neuropathies sensitivomotrices sont les plus fréquentes.

Les neuropathies sensitives (type Denny-Brown) sont les plus douloureuses.

On les nomme également neuropathies sensitives primaires malignes ou ganglioradiculites.

Rares, elles précèdent la découverte du cancer dans près de la moitié des cas.

L’intervalle moyen entre leur survenue et la découverte du cancer est de 6 mois mais s’étend parfois à plusieurs années.

Quelquefois, cependant, elles surviennent plus tardivement.

L’âge moyen est de 59 ans.

Il existe une prépondérance féminine manifeste.

Le début est en général subaigu et se constitue en quelques mois, se fixant secondairement.

Un début aigu en quelques heures est cependant possible.

La sémiologie est faite de paresthésies et d’engourdissement des extrémités s’étendant parfois à la face.

Ces paresthésies s’associent à une ataxie sensitive et à des douleurs lancinantes des membres. Une hypoesthésie à tous les modes est présente.

Il est rare qu’un déficit et une atrophie musculaire se constituent.

Dans ces cas, ils sont en général tardifs.

Parfois la sémiologie est plus importante.

Elle revêt alors une topographie asymétrique.

Il est enfin des cas au cours desquels l’ataxie de type cordons postérieurs est au premier plan du tableau clinique.

Elle s’accompagne parfois de mouvements involontaires pseudoathétosiques dus à l’atteinte proprioceptive.

Il existe une hypoesthésie distale avec aréflexie.

Parfois sont associées une atteinte bulbaire ou vestibulaire, une dysarthrie, une amyotrophie neurogène, une aréflexie pupillaire.

D’autres fois, une véritable forme encéphalomyélitique est associée.

L’électromyogramme met en évidence des signes de dénervation.

Les vitesses de conduction motrice sont normales ou modérément diminuées.

Habituellement, les vitesses de conduction sensitive sont diminuées de façon plus importante.

Le liquide céphalorachidien est normal ou montre la présence d’une hyperalbuminose.

Le cancer en cause est le plus souvent un cancer bronchique à petites cellules.

Parfois il s’agit d’un cancer de l’oesophage, du larynx ou d’un cancer digestif, d’un thymome ou d’un cancer du médiastin.

Des formes analogues sémiologiquement sont révélatrices de la maladie de Kahler.

La survie moyenne est de 14 mois après la découverte de la neuropathie.

Le traitement étiologique est habituellement de peu d’effet.

Le point de départ est une atteinte du ganglion spinal avec neuronophagie et prolifération microglique, infiltration lymphoplasmocytaire.

Les anticorps anti-Hu dirigés contre les noyaux des neurones sont présents dans le sang et le liquide céphalorachidien.

3- Neuropathies douloureuses des maladies vasculaires :

La plus caractéristique est celle de la périartérite noueuse.

Cette neuropathie est présente dans les deux tiers des cas, de survenue précoce, généralement avant le quatrième mois d’évolution.

Elle révèle la maladie une fois sur deux.

L’installation aiguë se fait dans un contexte algique dans un grand tableau de syndrome inflammatoire avec altération de l’état général.

Le déficit et l’amyotrophie obéissant à une topographie tronculaire sont rapidement sévères, ils sont associés le plus souvent à un déficit sensitif de même systématisation. Le déficit prédomine le plus souvent sur les perceptions thermiques et douloureuses.

La neuropathie évolue par poussée, avec une tendance à la généralisation.

La corticothérapie permet généralement de contrôler l’affection, toutefois des séquelles sensorimotrices sont fréquentes.

Le diagnostic, suspecté sur le contexte général, est fait par la biopsie nerveuse qui montre les foyers de nécrose et d’inflammation avec des images de thrombose des vaisseaux à l’origine de lésions ischémiques responsables de la souffrance des nerfs périphériques.

En dehors de la périartérite noueuse, la granulomatose de Wegener, la maladie de Churg et Strauss, la granulomatose lymphomatoïde, l’artérite à cellules géantes, la polyarthrite rhumatoïde et les cryoglobulinémies peuvent entraîner des tableaux en tous points comparables.

4- Neuropathies infectieuses douloureuses :

La neuropathie de l’infection par le VIH est actuellement fréquente.

Les formes précoces, multifocales, sont marquées par des paresthésies distales, d’abord des membres inférieurs puis quadridistales.

Parmi les formes tardives, les polyneuropathies axonales distales les plus fréquentes représentent probablement le stade tardif des neuropathies infracliniques découvertes aux premiers temps de la maladie.

Il s’agit d’une neuropathie axonale exclusivement, à prédominance sensitive, distale, symétrique et douloureuse.

Le déficit sensitif est surtout thermoalgique.

La biopsie nerveuse met rarement en évidence un infiltrat inflammatoire.

Aucun traitement n’est efficace sauf la mexilétine. Les manifestations dysautonomiques sont rares, à l’exception de quelques manifestations sévères à type de syncope.

Les myéloradiculopathies secondaires dans la plupart des cas à une infection par le cytomégalovirus apparaissent à un stade très tardif du syndrome immunodéficitaire acquis.

Il s’agit d’un syndrome de la queue-de-cheval, hyperalgique, évoluant dans un contexte fébrile et cachectisant, auquel s’associent rapidement une atteinte des nerfs crâniens et une atteinte polyradiculaire des membres supérieurs.

Les lésions comportent des microabcès avec infiltrats de polynucléaires.

L’évolution spontanée est rapidement fatale.

La maladie de Lyme comporte des douleurs neuropathiques.

Cette rickettsiose survient après morsure de tique.

Après une phase d’érythème migrant accompagné de douleurs diffuses et d’adénopathies s’installe un tableau de méningoradiculite avec douleurs extensives intenses et insomniantes, paralysie proximale asymétrique, amyotrophie et aréflexie. Une paralysie faciale uni- ou bilatérale est fréquente. Une vasculite préendoneurale est visible sur la biopsie nerveuse.

La recherche d’anticorps dans le liquide céphalorachidien (qui est le siège d’une hypercytose) est plus spécifique que le sérodiagnostic par immunofluorescence indirecte.

5- Neuropathies toxiques douloureuses :

De nombreuses neuropathies d’origine toxique s’accompagnent de douleurs.

Parmi elles, deux variétés comportent des douleurs au premier plan.

* Neuropathie arsenicale :

Elle est particulièrement douloureuse.

Après des troubles digestifs (vomissements, diarrhée, douleurs abdominales), des troubles cutanés (sécheresse, prurit, kératose palmoplantaire) et des céphalées s’installent des douleurs sourdes, distales, associées à un tremblement fin des extrémités.

Puis le tableau se complète pour donner lieu à une polyneuropathie sensitivomotrice majeure des quatre membres, avec douleurs vives, crampes, hyperpathie, hypoesthésie distale, paralysie et amyotrophie importantes des muscles et des mains, abolition des réflexes ostéotendineux, troubles vasomoteurs des extrémités.

Les vitesses de conduction nerveuse sont modérément diminuées.

La biopsie met en évidence une dégénérescence axonale distale.

Outre les lésions cutanées existent des troubles des phanères (ongles et cheveux).

L’évolution, régressive après arrêt du traitement, ne semble pas modifiée par le traitement chélateur au BAL.

* Neuropathie du thallium :

Le thallium, inodore et insipide, est souvent utilisé pour des raisons criminelles.

La forme aiguë est précédée de troubles digestifs puis marquée par une neuropathie atrocement douloureuse.

Les douleurs, diffuses mais prédominant aux quatre membres, parfois au tronc, s’accompagnent de signes d’atteinte centrale (paralysie des nerfs crâniens, crises épileptiques, mouvements anormaux) aboutissant au coma et à la mort.

Dans la forme subaiguë, plus progressive, la polyneuropathie peut être isolée.

Elle débute une ou plusieurs semaines après l’absorption de toxique.

Elle est à très nette prédominance sensitive, dominée par des troubles subjectifs majeurs empêchant la marche, beaucoup plus que par les troubles moteurs : douleurs atroces des pieds à type de brûlures, piqûres, impression de section ou d’écartèlement.

C’est l’« hyperpathie torturante aux pieds » responsable d’un état d’agitation anxieuse rendant l’examen difficile.

Objectivement existent une hypoesthésie superficielle quadridistale, une abolition des réflexes achilléens, une discrète parésie des pieds et des orteils.

Il existe également des troubles évocateurs des phanères dominés par une alopécie diffuse du cuir chevelu (mais elle n’apparaît que 15 jours à 1 mois après l’ingestion) et par des stries unguéales.

Une atteinte cardiaque (tachycardie et précordialgies) et rénale est possible, beaucoup plus rarement une atteinte du système nerveux central.

Les lésions du nerf périphérique sont faites d’une axonopathie distale portant particulièrement sur les fibres sensitives de grand calibre.

Des vacuoles sont parfois visibles dans les axones.

Le thallium se combinerait au groupe sulfhydryle des protéines ou se lierait aux membranes des mitochondries.

Dans ces formes subaiguës et chroniques, l’évolution se fait spontanément vers la guérison, en plusieurs mois, après l’arrêt de l’intoxication.

L’utilisation de chélateurs (éthylène-diamine-tétra-acétique ou BAL) accélère ce processus favorable.

Traitement :

Bien que les processus en cause énumérés ci-dessus paraissent aboutir à une hyperexcitabilité ou à une sensibilisation des voies nociceptives, la physiopathologie des neuropathies douloureuses reste mal connue et diffère pour chaque patient, des symptômes en apparence identiques pouvant résulter de mécanismes différents.

Les antidépresseurs tricycliques sont considérés comme actifs dans environ 50 % des cas.

Les antidépresseurs classiques semblent plus efficaces que les inhibiteurs de la réincorporation de la sérotonine.

Les anticonvulsivants ont un effet comparable.

Les plus anciens sont les hydantoïnes et la carbamazépine.

Les nouveaux produits comme la lamotrigine ou la gabapentine auraient un effet supérieur.

Les antagonistes des récepteurs NMDA comme la kétamine, l’amantadine, le dextrométorphane peuvent réduire la douleur sans la faire totalement disparaître.

L’action des opioïdes est très discutée avec des effets variables selon les séries.

L’utilisation de morphine ou de fentanyl par voie intraveineuse est préconisée.

L’acide alphalipoïque serait actif dans les neuropathies diabétiques douloureuses.

La capsaïcine en application locale soulage les formes hyperesthésiques avec brûlures, surtout d’origine diabétique.

Elle entraîne une déplétion en substance P.

La mexilétine a un effet antalgique notable.

La neuromodulation peut être utile dans des formes particulièrement rebelles de neuropathies douloureuses, en particulier diabétiques.

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