Traumatisme crânien

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Les traumatismes crâniens sont fréquents, en relation essentiellement avec les accidents de la voie publique et ceux du travail. Le mécanisme lésionnel est habituellement le choc direct qui, même modéré, peut être source de lésions intracrâniennes graves. Néanmoins, deux éléments sont à noter :
– l’existence ou non d’une perte de connaissance initiale.
– celle d’un trait de fracture du crâne croisant le trajet d’une branche de l’artère méningée moyenne.

LESIONS ANATOMIQUES :

Les lésions anatomiques possibles vont du plus superficiel au plus profond.

Lésions cutanées :

Les lésions cutanées de la face, du scalp peuvent être une ecchymose, un hématome sous-cutané, une plaie.

Traumatisme crânien
Lésions osseuses :

Les lésions osseuses retrouvées lors de traumatismes crâniens sont :

– une simple fracture (de la voûte ou de la base).

– une embarrure (décalage des rebords fracturaires).

Les fractures témoignent de la pointe du traumatisme (aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte).

A signaler qu’il existe des fractures survenant au cours de traumatismes sans perte de connaissance.

Lésions extra-durales :

L’hématome extra-dural est un épanchement de sang entre l’os et la dure-mère :

– il est d’origine artérielle (branche de l’artère méningée moyenne) ou veineuse (veine du diploé, sinus veineux).

– son évolution est caractéristique car en deux temps : l’aggravation neurologique se fait après un intervalle libre plus ou moins long.

Des travaux expérimentaux et cliniques tendent à prouver que l’hématome se constitue immédiatement après le choc et que l’intervalle libre correspond au temps d’épuisement des mécanismes de compensation par le cerveau.

Le pronostic est meilleur si la durée de l’intervalle libre est grande et surtout si la prise en charge par le traitement chirurgical a été précoce. Le pronostic est excellent lorsque l’hématome extra-dural a été découvert sur une TDM précoce post-traumatique chez un patient encore conscient et opéré rapidement.

Il faut noter qu’en France une conférence de consensus, où ne siégeaient que des urgentistes, réanimateurs, radiologues mais sans neurochirurgien, a “ décrété ” le scanner inutile en l’absence de troubles de la conscience ou de signes neurologiques déficitaires. C’est un scandale, car l’ amélioration du pronostic des hématomes extra-duraux ne vient que de leur diagnostic précoce.

Lésions sous-durales :

L’hématome sous-dural siège entre la dure-mère et l’arachnoïde, provenant souvent de la déchirure de petites veines traversant l’espace sous-dural. il est unilatéral ou bilatéral et peut être :

–  d’apparition précoce : hématome sous-dural aigu, le plus souvent associé alors à une contusion cérébrale sous-jacente. son origine est souvent artérielle (déchirure artérielle, arrachement au sein d’un foyer de contusion).

–  d’apparition tardive, l’hématome sous-dural chronique survenant des semaines, parfois des mois après un choc, même minime :

– il s’agit alors de sang noirâtre liquide ou même d’un liquide xanthochromique.

– la poche est délimitée par des membranes formées de dépôts fibrineux.

– il est probable que son volume initial soit modéré et que celui-ci augmente très progressivement par un mécanisme de pression osmotique.

– il faut y penser systématiquement devant tout tableau neurologique ou psychiatrique survenant dans les mois suivant un traumatisme crânien même minime.

Lésions sous-arachnoïdiennes :

L’ hémorragie méningée post-traumatique est fréquente, souvent peu symptomatique. La ponction lombaire, dans ce contexte, est inutile, le diagnostic est fait par la TDM.

Lésions parenchymateuses :

Commotion cérébrale

La commotion cérébrale est une notion difficile à définir : elle résulte de l’ébranlement en masse du cerveau.

La “ commotion ” est un tableau clinique : perte de la conscience brève post-traumatique immédiate.

Son substratum anatomique et/ou physiologique n’est pas connu de façon précise. Elle peut avoir existé sans la moindre lésion anatomique cérébrale décelable.

Son pronostic est favorable, les troubles initiaux de la conscience régressant rapidement.

Contusion cérébrale

La contusion cérébrale est une lésion anatomique du cerveau souvent hémorragique.

Un hématome sous-dural aigu est souvent associé.

Un œdème cerne le foyer de la contusion.

Le siège habituel est proche de l’arête sphénoïdale et des aspérités du plancher de l’étage antérieur : région frontale orbito-basale et pôles temporaux, de même, au niveau du tronc cérébral (par cisaillements sur le bord libre de la tente).

Hématome intracérébral post-traumatique

L’hématome intracérébral post-traumatique est rarement isolé, mais c’est plutôt un élément de l’attrition cérébrale hémorragique.

Il peut être immédiat ou se développer secondairement au sein du foyer d’attrition.

Il peut être superficiel ou profond.

ædème cérébral post-traumatique

L’œdème cérébral post-traumatique peut être localisé (à un foyer de contusion) ou diffus.

Sa gravité tient au fait qu’il se développe au sein d’une cavité inextensible (le crâne) et majore ainsi les signes cliniques de la lésion qu’il accompagne.

Il peut entraîner un engagement transtentoriel du lobe temporal, d’où compression du tronc cérébral (paralysie du III, rigidité de décérébration, troubles respiratoires).

Plaie cranio-cérébrale :

La plaie cranio-cérébrale réunit l’ensemble de ces lésions : il s’agit d’une plaie pénétrante avec lésion cutanée, osseuse et dure-mérienne rendant possible l’issue de matière cérébrale.

Il s’agit d’un traumatisme “ ouvert ” avec ses risques infectieux.

Conduite à tenir en urgence

BILAN A L’ARRIVÉE :

Interrogatoire :

L’interrogatoire, ne devant pas retarder l’heure du scanner cérébral à la moindre suspicion d’hématome extra-dural, précise :

– les circonstances du traumatisme et son mécanisme.

– le délai (temps écoulé).

– la notion de perte de connaissance initiale dont on fera préciser la durée et celle d’ aggravation secondaire après un intervalle libre (préciser sa durée).

– le terrain.

– les caractéristiques de troubles mnésiques éventuels, si l’état de conscience du patient traumatisé permet de les apprécier. L’amnésie antérograde indique une souffrance des structures temporales.

Examen neurologique :

L’examen neurologique précise simultanément l’existence de certaines caractéristiques.

Degré de conscience

Le degré de conscience est à comparer à l’état initial. on apprécie la qualité et la rapidité des réponses aux questions ou aux stimulations douloureuses.

Le blessé peut être :

–  conscient.

–  obnubilé.

–  dans le coma.

Existence de troubles neurovégétatifs

Ces troubles peuvent être une modification du pouls, de la température, de la tension, une gêne respiratoire (imposant l’intubation) : signes qui, chez un blessé inconscient et après élimination d’une autre cause, témoignent d’une souffrance du tronc cérébral.

Existence d’un signe de localisation

L’existence d’un signe de localisation est retrouvée :

– le blessé est conscient, valeur :

– d’une asymétrie de la motricité volontaire, du tonus, de la sensibilité, des réflexes ostéo-tendineux.

– d’une mydriase.

– d’un syndrome vestibulaire.

– le blessé est inconscient, valeur :

– d’une déviation conjuguée de la tête et des yeux.

– d’une hypotonie.

– d’une hyporéactivité unilatérale à la stimulation douloureuse.

– d’une paralysie faciale (manœuvre de Pierre-Marie et Foix).

– d’une mydriase unilatérale (étude du réflexe photo-moteur direct et consensuel).

Existence de crises d’épilepsie focales ou généralisées

Examen cranio-facial :

L’examen cranio-facial recherche :

–  au niveau de la face :

– une ecchymose orbitaire.

– un écoulement clair ou sanglant (par le nez ou l’oreille).

– une disjonction cranio-faciale.

– un enfoncement frontal (embarrure de la face).

–  au niveau du scalp : une plaie, une dépression localisée évoquant une embarrure.

Examen somatique complet :

L’examen somatique complet s’impose, recherchant, notamment dans le cadre d’un polytraumatisme, une lésion rachidienne, viscérale ou orthopédique pouvant nécessiter une prise en charge urgente.

Radiographies standards du crâne :

Les radiographies standards du crâne sont systématiques (face, profil et incidence de Worms, voire en incidence de Blondeau).

Elles sont tantôt normales, ailleurs elles retrouvent une fracture ou une embarrure.

En cas de traumatisme sévère, des radiographies du rachis cervical s’imposent.

Scanner cérébral :

On effectue un scanner cérébral systématiquement en cas de trouble de la vigilance, de confusion mentale ou de déficit neurologique focalisé.

Il doit être réalisé en cas de fracture de la voûte ou de la base même en l’absence de troubles de la conscience.

Un hématome extra-dural découvert sur une TDM chez un patient encore conscient et opéré guérira sans séquelle.

CONDUITE A TENIR :

La conduite à tenir est fonction de ce bilan initial.

Parfois, dans le cas d’un polytraumatisme, l’urgence thérapeutique peut être dominée par le traitement d’une lésion associée abdominale ou thoracique.

En dehors de ce cas-là, différentes situations sont possibles.

Traumatisme crânien minime :

Lorsque le traumatisme crânien est minime :

– il n’y a pas eu de perte de connaissance initiale.

– l’examen clinique est normal ainsi que les radiographies.

L’habitude est de ne pas garder le patient en milieu hospitalier. Les complications précoces sont très rares mais justifient surveillance et vigilance.

Traumatisme avec perte de connaissance initiale :

Lorsque le traumatisme est accompagné d’une perte de connaissance initiale, il est indispensable de réaliser un scanner cérébral et de surveiller le blessé en milieu hospitalier, car une complication peut survenir précocement, d’autant plus qu’existe un trait de fracture.

Tantôt l’évolution est favorable

Le patient sort du service après 24 à 48 heures si l’électroencéphalogramme et le scanner cérébral sont normaux et sera revu en consultation du fait des possibilités de complications tardives.

Tantôt l’évolution est défavorable

Les examens cliniques répétés décèlent une aggravation de la conscience ou l’apparition d’un signe de localisation.

Il faut redouter :

– un hématome extra-dural d’autant plus qu’existe un intervalle libre ou un hématome sous-dural aigu, imposant en urgence le transfert en neurochirurgie, après accord téléphonique et au mieux après scanner.

– une contusion cérébrale.

Transfert en neurochirurgie :

Le transfert en neurochirurgie s’impose dès l’arrivée du blessé, après accord téléphonique et scanner :

– en cas d’ embarrure fermée entraînant un signe de localisation ou des crises comitiales.

– en cas d’ embarrure ouverte.

– en cas de plaie cranio-cérébrale.

– en cas de traumatisme crânien entraînant d’emblée des troubles de conscience avec ou sans signe de localisation, faisant ainsi évoquer une contusion cérébrale (associée ou non à un hématome sous-dural aigu).

Hématome extra-dural

L’hématome extra-dural est le plus souvent d’origine artérielle.

La précocité du diagnostic conditionne le pronostic.

C’est une urgence thérapeutique extrême.

DIAGNOSTIC :

Contexte clinique évocateur :

Un patient traumatisé crânien ayant fait une perte de connaissance initiale et une fracture du crâne est surveillé en milieu hospitalier.

Après un intervalle libre net (préciser sa durée) apparaît une aggravation :

– troubles de conscience progressifs.

– déficit moteur localisé.

– irritation pyramidale unilatérale.

– anisocorie.

– troubles du langage.

Contexte moins évocateur :

Le contexte est moins évocateur d’hématome extra-dural quand :

– il n’y a pas d’intervalle libre net (un hématome extra-dural peut être associé à une contusion cérébrale).

– les signes d’aggravation sont très modérés (céphalées, vomissements…).

C’est la notion d’aggravation qui, dans tous les cas, oriente le diagnostic.

Le blessé est alors transféré en milieu neurochirurgical après accord téléphonique.

Il y subit dès son arrivée un scanner cérébral qui :

– confirme le diagnostic (hyperdensité biconvexe).

– précise son siège, sa taille, le degré d’effet de masse (refoulement des structures médianes) et l’existence d’une lésion associée.

Dans un nombre réduit de cas, l’intervalle libre est très court et le centre neurochirurgical très éloigné : le chirurgien après avoir examiné le patient traumatisé opère l’hématome extra-dural (éventuellement seul et avec les conseils du neurochirurgien).

ÉVOLUTION ET PRONOSTIC :

Le pronostic est bon quand le diagnostic est fait précocement.

A l’inverse, le moindre retard peut être catastrophique :

– le tableau évolue rapidement vers la souffrance du tronc cérébral (mécanisme d’engagement temporal) : mydriase unilatérale puis bilatérale, rigidité de décérébration, troubles respiratoires.

– la souffrance cérébrale risque alors d’être irréversible.

Le pronostic est meilleur lorsque l’aggravation secondaire est plus tardive ou l’intervalle libre plus long, à la condition de ne pas perdre de temps.

FORMES CLINIQUES :

Les différentes formes cliniques sont essentiellement le fait des localisations :

–  hématome extra-dural frontal :

– intervalle libre long.

– prédominance des troubles de conscience.

–  hématome extra-dural du vertex : évolution parfois très grave en cas de rupture du sinus longitudinal supérieur. valeur des coupes coronales au scanner.

–  hématome extra-dural de la fosse postérieure : la fracture occipitale et le syndrome cérébelleux orientent le diagnostic.

TRAITEMENT :

Le traitement est toujours chirurgical. c’est une urgence chirurgicale.

Il nécessite un volet crânien permettant l’évacuation de l’hématome, l’hémostase locale et la suspension de la dure-mère.

A défaut de volet (manque de matériel ou milieu non spécialisé), on peut pratiquer une craniectomie élargie centrée sur l’hématome extra-dural.

L’espace extra-dural sera drainé pendant 48 heures.

Lésions parenchymateuses

Le tableau clinique des lésions parenchymateuses est habituellement bien différent et très évocateur.

DIAGNOSTIC :

Le traumatisme crânien entraîne d’emblée des troubles de conscience avec ou sans signe de localisation.

Après réanimation (en cas de nécessité), la conduite à tenir est fonction de l’importance du tableau neurologique, clinique et du bilan lésionnel par scanner pratiqué en urgence.

Simple obnubilation isolée

Une simple obnubilation isolée impose :

– un scanner cérébral.

– la surveillance et le transfert en neurochirurgie si l’état du patient s’aggrave.

En cas d’obnubilation ou coma avec signe de localisation

En cas d’obnubilation (ou coma) avec signe de localisation s’imposent :

– le scanner cérébral à la recherche d’une contusion (zone hypodense hétérogène du territoire œdémateux et hyperdensités parenchymateuses des foyers hémorragiques diffus ou localisés, avec effet de masse sur le système ventriculaire) avec ou non hématome sous-dural aigu.

– et, le plus souvent, le transfert en neurochirurgie.

En cas de coma grave d’emblée

En cas de coma grave d’emblée avec réaction en décérébration et mydriase, le scanner est là aussi impératif :

– il ne retrouve bien souvent que des signes indirects d’œdème diffus (ventricules collabés). on parle habituellement de contusion du tronc cérébral (quelques taches hémorragiques sont parfois retrouvées à son niveau).

– le transfert se discute avec le service de neurochirurgie : les patients présentant un tel tableau sont mieux suivis et traités en milieu neurochirurgical, même si leur état initial ne nécessite pas un geste chirurgical en dehors de la pose d’un capteur de pression intracrânienne (PIC) pour adapter le traitement médical.

ÉVOLUTION ET PRONOSTIC :

Le pronostic dépend de l’importance des lésions anatomiques et du retentissement neurologique initial.

En cas de tableau initial modéré

En cas de tableau initial modéré (simple obnubilation chez un sujet jeune) :

– l’évolution est habituellement favorable.

– une séquelle peut persister quand existe d’emblée un signe de localisation (hémiparésie, troubles du langage séquellaires, syndrome vestibulaire, amnésie).

En cas de tableau grave d’emblée

En cas de tableau grave d’emblée, le pronostic vital est péjoratif.

L’âge du patient, la conservation ou non des réflexes du tronc cérébral sont des éléments déterminants.

TRAITEMENT :

Traitement médical

Le traitement médical est systématique :

– réanimation en milieu spécialisé neuro-chirurgical.

– anti-œdémateux cérébraux.

– anticomitiaux.

– voire ventilation assistée en cas de besoin.

La surveillance de la pression intracrânienne est souvent très utile.

Indications chirurgicales

Les indications chirurgicales sont limitées :

– évacuation d’un hématome sous-dural aigu associé s’il est de taille importante.

– évacuation d’un hématome intracérébral post-traumatique volumineux.

– dans certains cas, exérèse d’une zone contuse en zone non fonctionnelle entraînant un risque d’engagement.

Hématome sous-dural aigu

L’hématome sous-dural aigu est d’origine veineuse, parfois d’origine artérielle (voir plus haut).

L’hématome sous-dural aigu est rarement isolé, il est associé alors à une contusion cérébrale.

DIAGNOSTIC :

Le tableau évoque en général une contusion cérébrale.

La notion d’ aggravation secondaire oriente le diagnostic.

Le scanner :

– confirme le diagnostic (hyperdensité extra-cérébrale en croissant).

– précise son siège, sa taille, le degré d’effet de masse et l’existence d’une lésion parenchymateuse associée.

PRONOSTIC :

Le pronostic est indissociable de celui des lésions sous-jacentes.

En cas d’aggravation neurologique secondaire

En cas d’aggravation neurologique secondaire chez un blessé porteur d’une contusion cérébrale, le pronostic peut être favorable si :

– l’aggravation est due à l’existence d’un hématome sous-dural aigu.

– celui-ci est évacué en urgence.

– le tableau neurologique préopératoire ne comporte pas de signe de souffrance du tronc cérébral. 

En cas d’hématome sous-dural aigu isolé

En cas d’hématome sous-dural aigu isolé, le pronostic est fonction de l’état neurologique préopératoire et du terrain.

TRAITEMENT :

Le traitement de l’hématome sous-dural aigu est chirurgical.

Il nécessite :

– un volet crânien qui permet l’ouverture de la dure-mère.

– l’évacuation de l’hématome.

– l’hémostase locale.

– la fermeture et la suspension de la dure-mère.

L’ indication est formelle en cas :

– d’hématome sous-dural aigu pur exerçant un effet de masse.

– d’hématome sous-dural aigu de volume important associé à des lésions parenchymateuses.

L’ abstention est de règle quand le volume très modéré de l’hématome n’explique pas l’important effet de masse (dû en fait à la contusion sous-jacente) au scanner, le pronostic étant ici lié à la contusion elle-même.

Le scanner devra être répété pour suivre l’évolution.

Lésions osseuses

FRACTURES DU CRANE :

Les fractures du crâne ne sont cliniquement graves que par leur retentissement intracrânien (lésion d’une artère ou d’une veine extra-durale, à l’origine d’un hématome extra-dural).

Cette complication éventuelle impose de réaliser un scanner cérébral et d’entamer une surveillance chez tout patient traumatisé crânien porteur d’une fracture du crâne.

Scanner cérébral indispensable

Il faut effectuer un scanner cérébral :

– certaines fractures peuvent intéresser une cavité aérique de la base (sinus frontaux, ethmoïde, sphénoïde, rocher) avec risque de rhinorrhée ou d’otorrhée et risque infectieux.

– certaines fractures peuvent léser un nerf crânien sur son trajet :

– bandelette olfactive (fracture ethmoïdale ou de la lame criblée).

– nerf optique (fracture du sphénoïde).

– III, IV ou VI dans les fractures de la grande aile du sphénoïde et dans certaines fractures du rocher.

– atteinte des VII et VIII dans les fractures du rocher.

– atteinte des IX, X ou XI dans les fractures occipitales irradiées au trou déchiré postérieur (souvent traumatisme très violent et coma profond).

EMBARRURE :

L’embarrure pose en soi un problème et impose le scanner pour juger des éventuelles lésions sous-jacentes.

Le diagnostic est clinique (dépression palpable de la voûte, à ne pas confondre avec un hématome sous-cutané), confirmé par les radiographies du crâne (systématiques).

En cas d’embarrure fermée

En cas d’embarrure fermée sans retentissement neurologique, sa levée se fait à froid dans un but anticomitial et esthétique.

Indication opératoire urgente

N’ont d’indication opératoire urgente que :

– l’ embarrure fermée ayant un retentissement neurologique (crises comitiales, déficit moteur controlatéral à une embarrure rolandique, aphasie en cas d’embarrure temporale du côté de l’hémisphère dominant).

– l’embarrure ouverte.

Une embarrure peut aussi n’être qu’un élément d’un traumatisme crânien complexe (tableau clinique évoquant un hématome extra-dural, une contusion cérébrale…). la conduite à tenir relève alors des principes énumérés précédemment.

PLAIE CRANIO-CEREBRALE :

C’est une urgence neurochirurgicale.

Le diagnostic de la plaie cranio-cérébrale est facile

Il existe une plaie du cuir chevelu avec issue de matière cérébrale.

L’exploration rapide aux urgences retrouve un défect osseux plus ou moins étendu.

Le transfert en neurochirurgie s’impose de toute urgence.

Parfois, le diagnostic est moins évident

Il semble s’agir d’une embarrure ouverte, confirmée par la radiographie, le scanner cérébral ne montrant aucune lésion cérébrale évidente.

Mais le traitement neurochirurgical de cette embarrure permet de retrouver une déchirure de la dure-mère.

Les radiographies du crâne et le scanner cérébral sont systématiques avant le traitement.

Traitement

Le traitement consiste à faire une esquillectomie puis une réparation de la dure-mère lésée après nettoyage local.

Les antibiotiques sont largement indiqués du fait du risque accru d’infection.

Complications infectieuses

DIAGNOSTIC :

Les complications infectieuses sont le fait des plaies cranio-cérébrales et de certaines fractures (fractures faisant communiquer l’espace intracrânien par le biais d’une lésion dure-mérienne avec une cavité septique telle qu’un sinus aérien).

L’existence d’une rhinorrhée ou d’une otorrhée sont des arguments cliniques en faveur d’une telle fracture.

Méningite :

La méningite associe un syndrome infectieux franc à un syndrome méningé.

La ponction lombaire, faite au moindre doute, ramène un liquide louche qui impose sa mise en culture et la mise en route immédiate du traitement avec antibiothérapie à large spectre par voie générale et injection intrathécale, sans attendre le résultat de l’analyse bactériologique du liquide.

C’est une urgence thérapeutique.

Le transfert du patient en milieu spécialisé sera réalisé et le traitement sera secondairement adapté aux données de l’antibiogramme.

Abcès cérébral et empyème sous-dural :

L’abcès cérébral et l’empyème sous-dural ont un retentissement neurologique polymorphe :

– troubles de conscience progressifs.

– signes de localisation.

– syndrome infectieux inconstant.

Dans tous les cas, seul le scanner confirme le diagnostic :

– hypodensité arrondie avec prise de contraste en couronne évoquant un abcès.

– hypodensité extra-cérébrale à bords parallèles, plus ou moins étendue, évoquant un empyème sous-dural.

TRAITEMENT :

Méningite :

La méningite relève d’un traitement antibiotique adapté et d’une surveillance en milieu spécialisé.

S’il existe une otorrhée ou une rhinorrhée persistante, un bilan s’impose, à distance de la méningite, à la recherche d’un trait de fracture éventuellement passé inaperçu et d’une déchirure persistante de la dure-mère de la base du crâne (scanner en coupes fines coronales ou reconstruction sagittale en fenêtre osseuse, IRM, transit isotopique).

La réparation de la dure-mère prévient la récidive de la méningite.

Abcès cérébral :

L’abcès cérébral nécessite un traitement chirurgical  :

– soit ablation en masse ou ponction et ablation de la coque.

– soit simple ponction évacuatrice avec traitement antibiotique adapté et prolongé.

Empyème :

L’empyème nécessite un volet crânien, avec lavage de l’espace sous-dural, et un traitement antibiotique adapté et prolongé.

Complications tardives

HÉMATOME SOUS-DURAL CHRONIQUE :

Diagnostic :

Signes cliniques

Les signes cliniques apparaissent progressivement et tardivement (des semaines, voire des mois après un traumatisme crânien souvent modéré, voire oublié) :

– les céphalées inaugurent souvent la maladie, capricieuses, irrégulières, de topographie imprécise. elles sont plus rarement nocturnes et matinales, influencées par les changements de position de la tête.

– un syndrome frontal.

– les troubles psychiques, mineurs, sont rapportés par l’entourage : modification du caractère, troubles de la mémoire, apathie, troubles de l’humeur et du comportement.

– l’ hypertension intracrânienne avec œdème au fond d’œil, le déficit moteur sont d’apparition plus tardive. ce sont des éléments péjoratifs, tout comme les troubles de conscience.

Scanner

Le tableau, de constitution progressive, évoque une lésion expansive intracrânienne.

La fluctuation des troubles, les antécédents de traumatisme crânien orientent vers le diagnostic que confirme le scanner cérébral en montrant :

– soit une hypodensité extra-cérébrale, à bords parallèles, avec effet de masse.

– soit un simple refoulement des structures médianes par un processus isodense.

– parfois, les structures médianes sont en place : l’hématome sous-dural est bilatéral. son diagnostic est facile s’il est hypodense, difficile s’il est isodense : le moindre doute impose une IRM.

Diagnostic à évoquer systématiquement

Mais le traumatisme crânien peut être oublié ou méconnu, et il faut savoir évoquer ce diagnostic systématiquement devant des troubles neuro-psychiques d’aggravation progressive survenant sur un terrain prédisposé :

– vieillard.

– traitement anticoagulant.

– sujets déshydratés.

– sujets éthyliques.

– jeune enfant ou nourrisson.

Pronostic :

Le pronostic est favorable si le traitement est précoce, mais mauvais s’il s’agit d’un sujet âgé présentant déjà des troubles de conscience, une mydriase.

Traitement :

Le traitement est chirurgical, consistant à faire un (ou deux) trou(s) de trépan agrandi(s), à ouvrir la dure-mère et évacuer l’hématome. Un drainage postopératoire de l’espace sous-dural est parfois laissé pour 48 heures.

Le traitement chirurgical n’est urgent qu’en cas de trouble important de la conscience.

Sinon il vaut mieux faire précéder le geste chirurgical d’un traitement médical destiné à réexpandre le cerveau (acétate de cortisone et chlorure de sodium).

Un scanner cérébral apprécie le degré de retour du cerveau à la paroi.

Surtout chez le sujet âgé, le maintien de la position déclive, tête en bas, permet d’aider ce retour à la paroi.

Un hématome de faible abondance chez un sujet très âgé n’est justiciable que d’un traitement symptomatique (corticoïdes).

SYNDROME SUBJECTIF DES SUJETS TRAUMATISES CRANIENS :

Le syndrome subjectif des sujets traumatisés crâniens est très fréquent (entre 30 et 40 % des traumatismes crâniens).

Il peut survenir quelle que soit la gravité du traumatisme initial, même bénin.

Symptômes associés

On retrouve diversement associées :

– des céphalées permanentes puis s’espaçant, diffuses ou localisées au point d’impact, souvent intenses et tenaces.

– des sensations vertigineuses, malaises avec pâleur, impression de déséquilibre, hypersudation marquée.

– des manifestations psychiques : émotivité accrue, irritabilité, fatigabilité, difficulté d’attention et de concentration, sentiment d’incapacité, de désintérêt, angoisse et dépression, troubles du sommeil, détérioration intellectuelle.

Bilan paraclinique

Le bilan paraclinique est normal (examen vestibulaire, électroencéphalogramme, fond d’œil, scanner).

La personnalité antérieure du patient joue un rôle considérable ainsi que les circonstances de l’accident.

Traitement médical

Le traitement est médical, consistant à rassurer le malade, traiter son facteur dépressif et lui faire reprendre son activité physique et intellectuelle.

Sa prévention peut être aidée par une prise en charge neurologique adaptée des traumatismes crâniens avec pression intracrânienne initiale.

SEQUELLES :

Déficit neurologique

Le déficit neurologique peut consister en :

– une hémiparésie (rééducation).

– une aphasie (orthophonie).

– une paralysie oculomotrice.

– une paralysie faciale (fracture du rocher).

– un syndrome vestibulaire.

– une surdité de perception (fractures du rocher).

– une anosmie (fracture de l’ethmoïde).

Affaiblissement intellectuel

L’affaiblissement intellectuel doit faire penser à une hydrocéphalie à pression normale post-traumatique.

Le scanner est indispensable au moindre doute.

Epilepsie post-traumatique

L’épilepsie post-traumatique débute souvent tardivement (de 6 mois à plusieurs années).

Un traitement préventif est indispensable, ses indications sont larges :

– plus fréquentes lors de traumatismes crâniens compliqués, d’autant plus probable qu’il y a eu :

– une perte de connaissance, surtout si elle s’est prolongée plus d’une heure.

– une lésion osseuse, a fortiori une lésion parenchymateuse.

– une crise comitiale au moment du traumatisme crânien.

– plus souvent généralisée que focale, mais tous les types sont possibles.

– impose le scanner pour ne pas méconnaître un hématome sous-dural chronique.

Fistules carotido-caverneuses

– Le diagnostic de fistules carotido-caverneuses est évoqué sur la clinique avec :

– exophtalmie pulsatile et soufflante.

– hyperhémie conjonctivale.

– dilatation des vaisseaux conjonctivaux en “ tête de méduse ”.

– Le diagnostic est confirmé par la TDM ou l’angio-IRM : veines ophtalmiques supérieures dilatées et artérialisées, exophtalmie, plus ou moins anomalie intracaverneuse.

– L’artériographie est faite à titre préthérapeuthique.

Syndrome frontal médio-basal

Dans le cas d’un syndrome frontal médio-basal : désinhibition, hypomanie, comportements d’utilisation et d’imitation.

Les algies vasculaires de la face post-traumatiques (rares) sont anecdotiques par rapport aux complications précédemment citées.

Traumatismes crâniens et du rachis cervical

Traumatisme du rachis cervical au premier plan :

Dans certains cas le traumatisme du rachis cervical domine le tableau.

Il ne faut pas méconnaître le traumatisme crânien et demander le scanner cérébral au moindre doute.

Traumatisme crânien au premier plan :

Dans d’autres cas, le traumatisme crânien est au premier plan.

Si le blessé est conscient

– Si le blessé est conscient, une douleur spontanée de la nuque et provoquée par les mouvements cervicaux évoque le diagnostic et fait entamer le bilan radiologique.

– De même, une tétraparésie chez un sujet traumatisé crânien doit faire penser à une lésion cervicale instable.

Si le patient est dans le coma

– Si le patient est dans le coma, le diagnostic repose sur les radiographies systématiques du rachis cervical (face, profil et trois quarts) et de la charnière cranio-cervicale. au moindre doute, on réalisera un scanner cervical.

– La mobilisation d’un patient traumatisé dans le coma doit toujours respecter l’axe du rachis avant d’éliminer une fracture instable à ce niveau.

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