Paralysie faciale

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Le diagnostic de paralysie faciale, souvent facile, peut être rendu délicat par le caractère fruste du déficit. Une analyse sémiologique précise permet de distinguer la paralysie faciale périphérique et centrale, et de préciser parfois, en cas de paralysie faciale périphérique, le niveau d’atteinte du tronc nerveux. La paralysie faciale centrale s’inscrit le plus souvent dans le cadre d’une hémiplégie. Les causes de la paralysie faciale recouvrent une gamme très large d’affections neurologiques. Elles sont totalement différentes selon la nature périphérique ou centrale de la paralysie faciale. La cause la plus fréquente des paralysies faciales périphériques est la paralysie faciale a frigore.

ANATOMIE :

Paralysie facialeLa motricité faciale met en jeu deux voies qui s’articulent au niveau de la protubérance.

Première voie

La première voie appartient au système nerveux central :

– elle naît dans le cortex frontal. Les corps des neurones moteurs se localisent au pied de la frontale ascendante au niveau de l’opercule rolandique.

– les axones participent à la constitution du faisceau corticonucléaire ou géniculé.

– ils se terminent dans la protubérance où ils se projettent, après avoir croisé la ligne médiane, sur les neurones du noyau du nerf facial.

– les neurones innervant la partie supérieure du territoire facial reçoivent, de plus, une innervation homolatérale.

Seconde voie

La seconde voie appartient au système nerveux périphérique.

– Elle comprend le noyau du nerf facial et les axones qui en sont issus.

– Le nerf facial ou VIIe nerf crânien est un nerf mixte dont la fonction est motrice (VII proprement dit), ainsi que sensitivo-sensorielle et sécrétoire (VIIbis ou nerf intermédiaire de Wrisberg).

Contingent moteur :

Noyau d’origine du nerf facial

Le noyau d’origine du nerf facial est situé dans la partie basse de la protubérance, en dehors et en avant du nerf oculomoteur externe (VIe nerf crânien).

Neurones

Les neurones innervant le territoire facial supérieur reçoivent une innervation des deux hémisphères, tandis que les neurones innervant la partie inférieure du territoire facial ne proviennent que de l’hémisphère cérébral controlatéral.

Fibres

Les fibres issues des neurones du noyau du nerf facial contournent le noyau du nerf oculomoteur externe et émergent de la protubérance au niveau du sillon bulbo-protubérantiel.

– Le nerf facial se dirige en haut, en avant et en dehors, pour pénétrer dans le conduit auditif interne dans lequel il est accompagné par le nerf auditif (VIIIe nerf crânien) et rejoint par le nerf intermédiaire de Wrisberg (VIIbis).

– Il quitte le crâne par le trou stylomastoïdien et pénètre dans la parotide où il se termine en deux branches : temporo-faciale et cervico-faciale.

Contingent sensitivo-sensoriel :

Les corps des neurones sont situés dans le ganglion géniculé.

– Ils reçoivent des informations sensitives provenant de la zone de Ramsay-Hunt et du cuir chevelu rétro-auriculaire et des informations sensorielles des deux tiers antérieurs de la langue (sensibilité gustative).

– Les fibres issues des corps cellulaires des neurones du ganglion géniculé suivent le nerf facial pour pénétrer dans la protubérance par le sillon bulbo-protubérantiel et se terminer à la partie supérieure du noyau solitaire.

Contingent végétatif :

Le contingent végétatif appartient au système parasympathique et prend son origine dans :

– le noyau lacrymal dont les neurones donnent naissance à des fibres suivant le nerf facial, puis le nerf pétreux superficiel pour se terminer dans le ganglion sphéno-palatin. Les fibres postganglionnaires innervent la glande lacrymale.

– le noyau salivaire supérieur, dont les fibres suivent le VIIbis jusqu’au ganglion géniculé, puis le trajet de la corde du tympan et du nerf lingual, pour aboutir aux ganglions sous-maxillaire et sous-lingual d’où naissent les fibres postganglionnaires destinées aux glandes salivaires.

Paralysies faciales périphériques

DIAGNOSTIC :

Diagnostic clinique :

Les paralysies faciales périphériques résultent d’une atteinte du noyau du nerf facial ou des fibres qui en sont issues.

Elles ont pour conséquence une paralysie ou une parésie intéressant de façon homogène l’hémiface homolatérale.

La paralysie faciale périphérique se manifeste par un visage asymétrique au repos avec une déviation des traits du côté sain.

– Du côté atteint, le visage est flasque et atone, la commissure labiale est abaissée, le sillon naso-génien effacé, la fente palpébrale plus largement ouverte et les rides frontales effacées.

– Au cours de la mimique spontanée ou sur commande, l’asymétrie du visage s’accentue.

– Lors de la protraction de la langue, celle-ci est déviée du côté sain, car elle est repoussée par la commissure labiale paralysée.

– Si l’on demande au patient de montrer ses dents en gardant la bouche fermée, le relief du muscle peaucier du cou disparaît du côté atteint.

– Lors de l’occlusion des paupières, l’œil ne peut se fermer du côté atteint, le globe oculaire se déjetant en haut et en dehors : il s’agit du signe de Charles-Bell. L’occlusion palpébrale réflexe est abolie du côté atteint.

– Le patient ne peut siffler et sa parole est perturbée car les consonnes et voyelles labiales ne peuvent être prononcées correctement.

Localisation de la lésion :

– Lorsque la lésion siège au-dessus de l’origine de la corde du tympan, il existe une perte du goût des deux tiers antérieurs de la langue. L’hypoesthésie de la zone cutanée de Ramsay-Hunt est plus rarement mise en évidence.

– Si la lésion siège avant l’origine du nerf grand pétreux superficiel et de la corde du tympan, les sécrétions lacrymales et salivaires sont diminuées du côté atteint. Le test de Schirmer permet d’objectiver la diminution des sécrétions lacrymales en montrant une différence supérieure ou égale à 30 % par rapport au côté sain.

– Lorsque la lésion est située en amont de l’émergence du nerf du muscle de l’étrier, qui permet l’adaptation de la tension de la membrane du tympan, on observe une hyperacousie douloureuse et une perte du réflexe stapédien.

Électromyogramme :

L’électromyogramme montre un syndrome neurogène périphérique en rapport avec la dénervation.

Il permet, quand il est pratiqué 3 semaines après le début des troubles, de quantifier la proportion de fibres atteintes.

La présence de potentiels d’unités motrices polyphasiques traduit une réinnervation.

COMPLICATIONS :

Réinnervation aberrante

Au cours de la récupération, certaines complications peuvent survenir signant une réinnervation aberrante  :

– les syncinésies sont caractérisées par la contraction involontaire d’un groupe musculaire lors de la contraction volontaire ou réflexe d’un autre groupe musculaire : ainsi, la contraction de la houppe du menton et de la commissure labiale lors du clignement palbébral, ou l’occlusion palpébrale au cours du sourire.

– le syndrome des “ larmes de crocodile ”  est un larmoiement abondant de l’œil du côté atteint lors de la mastication (et donc de la production de salive).

–  l’hémispasme postparalytique du côté atteint.

Myokymies

Un cas particulier est constitué par la survenue de myokymies qui sont des contractions anormales des muscles faciaux donnant l’impression d’ondes vermiculaires sous la peau.

Elles s’observent dans les lésions des fibres du nerf facial dans leur trajet protubérantiel (sclérose en plaques surtout, mais aussi tumeur du tronc cérébral).

ÉTIOLOGIE :

Paralysie faciale a frigore :

La paralysie faciale a frigore (idiopathique) ou paralysie de Bell est la cause la plus fréquente des paralysies faciales périphériques.

Sa cause est inconnue : l’hypothèse la plus couramment admise est celle d’une origine virale.

Elle survient à tout âge.

Une installation rapide

Elle s’installe rapidement (en 24 à 48 heures au maximum), réalisant une paralysie faciale complète, sans autre signe neurologique ni cutané (il est nécessaire de vérifier l’absence d’éruption dans la zone de Ramsay-Hunt).

Elle est parfois précédée d’une sensation désagréable ou d’une douleur rétro-auriculaire du côté atteint.

Evolution

Elle évolue vers la guérison spontanée dans 80 % des cas en 3 mois :

– une parésie faciale ou des syncinésies, ainsi qu’un syndrome des “ larmes de crocodile ” ou un hémispasme facial peuvent persister ou apparaître.

– la régression incomplète de la paralysie et la présence de complications sont d’autant plus fréquentes que le sujet est âgé.

Examens complémentaires

Les examens complémentaires ne sont pas indispensables.

– On peut, selon le contexte, réaliser une vitesse de sédimentation, une numération formule sanguine et une glycémie.

– Une sérologie VIH et une sérologie de Lyme sont à discuter selon le contexte clinique et les populations à risque.

– L’électromyogramme n’a pas d’intérêt lors de l’installation de la paralysie. Réalisé éventuellement 3 semaines après le début des troubles, il apprécie le nombre de fibres atteintes et l’existence éventuelle d’une réinnervation (potentiels polyphasiques).

Traitement

Le traitement repose sur :

– la prévention des complications oculaires dans tous les cas (kératite) par :

– l’instillation de collyres (par exemple, collyre Biocidan*, 2 gouttes par œil, quatre fois par jour).

– et une occlusion palpébrale du côté atteint par un sparadrap, opération que le patient doit apprendre à réaliser lui-même.

– une corticothérapie, jamais indispensable, en l’absence de contre-indications : Cortancyl*, 1 mg/kg/j, pendant 8 jours, en diminuant de 5 mg tous les 3 jours jusqu’à arrêt.

Autres causes :

Lésion au niveau de la protubérance

Une lésion au niveau de la protubérance réalise le syndrome de Millard-Gubler (paralysie faciale périphérique du côté de la lésion associée à une hémiplégie respectant la face controlatérale à la lésion) ou le syndrome de Foville, qui comporte une paralysie faciale périphérique, une paralysie de la latéralité et du nerf moteur oculaire externe du côté de la lésion associés à une hémiplégie respectant la face controlatérale à la lésion.

Un accident vasculaire ischémique en représente le plus souvent la cause.

Les tumeurs (gliomes, métastases) et les accidents vasculaires hémorragiques peuvent parfois aussi en être à l’origine.

Syndrome de l’angle ponto-cérébelleux

Une paralysie faciale périphérique peut entrer dans le cadre d’un syndrome de l’angle ponto-cérébelleux (neurinome de l’acoustique, méningiome du rocher).

Une paralysie faciale périphérique peut compliquer une otite (cholestéatome, tuberculose) ou un traumatisme du rocher.

Maladie générale ou maladie dysimmunitaire

Une maladie générale ou dysimmunitaire peut comporter une paralysie faciale périphérique : sarcoïdose, sclérose en plaques, diabète, périartérite noueuse, maladie de Kahler ou lymphome, porphyrie, syndrome de Guillain-Barré.

Tumeur parotidienne

Maladie infectieuse

Une maladie infectieuse peut comporter une paralysie faciale périphérique :

–  zona du ganglion géniculé (éruption au niveau de la zone de Ramsay-Hunt).

– VIH (association ou circonstance de révélation d’une séropositivité).

– maladie de Lyme.

– poliomyélite antérieure aiguë, oreillons, infection par le virus Coxsackie, mononucléose infectieuse.

Autres causes encore plus rares

Anomalie du développement ou malformation  : agénésie (syndrome de Mœbius), syringobulbie.

–  Syndrome de Melkersson-Rosenthal  : association de paralysies faciales récidivantes, d’un œdème facial à prédominance labiale et d’une plicature linguale.

– Une diplégie faciale périphérique peut se rencontrer dans le syndrome de Guillain-Barré, le diabète, la sarcoïdose, les hémopathies et la porphyrie.

– Les maladies de la jonction neuro-musculaire ou musculaire peuvent comporter une paralysie faciale : myasthénie, myopathie facio-scapulo-humérale (aspect possible de diplégie faciale).

Paralysies faciales centrales

Les paralysies faciales centrales (ou supranucléaires) résultent d’une lésion touchant les neurones de l’opercule rolandique ou les fibres qui en sont issues (faisceau géniculé).

La paralysie faciale est controlatérale à la lésion et prédomine sur le territoire facial inférieur.

Caractéristiques

La paralysie faciale centrale se caractérise par :

– une prédominance sur le territoire du facial inférieur. L’atteinte du facial supérieur se limite alors au signe des cils de Souques.

– une dissociation entre une motricité volontaire impossible et une mobilité automatique ou réflexe (sourire) partiellement respectée.

Au cours d’un coma

La paralysie faciale centrale est parfois de diagnostic difficile en cas de coma.

Deux signes peuvent aider :

– le signe du “ malade qui fume la pipe ”  (gonflement unilatéral d’une joue à l’expiration).

– et la contraction asymétrique du visage lors d’une compression rétromandibulaire (manœuvre de Pierre Marie et Foix).

Particularités

La paralysie faciale centrale est rarement isolée.

Elle s’associe le plus souvent à une hémiplégie.

Les causes sont variées : accidents vasculaires ischémiques et hémorragiques, tumeurs secondaires ou primitives, infections (abcès)….

Bilatéralité

La paralysie faciale peut être bilatérale :

– elle s’observe au cours de lésions vasculaires multiples ou dans le cadre de certaines maladies dégénératives (sclérose latérale amyotrophique, sclérose latérale primitive par exemple).

– elle accompagne alors un syndrome pseudo-bulbaire témoignant de lésions bilatérales du faisceau géniculé (voies supranucléaires).

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