Hémorragie méningée non traumatique

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L’hémorragie méningée (HM), ou hémorragie sous-arachnoïdienne, est définie comme étant une irruption de sang dans l’espace sous-arachnoïdien. C’est une pathologie grave, dont le diagnostic et le bilan étiologique sont urgents. L’hémorragie méningée, après un traumatisme crânien, pose des problèmes différents, qui ne seront pas abordés ici.

PHYSIOPATHOLOGIE :

Hémorragie méningée non traumatiqueL’irruption de sang dans l’espace méningé provoque plusieurs phénomènes.

oedème cérébral et hypertension intracrânienne aiguë

L’hémorragie méningée provoque d’abord un œdème cérébral et une hypertension intracrânienne et l’augmentation brusque de la pression intracrânienne (PIC) peut approcher les valeurs de la pression artérielle (PA).

La pression de perfusion cérébrale (PA-PIC) chute, parfois de façon importante, pouvant être à l’origine de la syncope qui accompagne parfois la rupture anévrismale. Cette diminution de la pression de la perfusion cérébrale entraîne une diminution de la pression transmurale à laquelle est soumise la paroi de l’anévrisme, ce qui favorise l’agrégation plaquettaire et l’hémostase.

Un caillot se forme sur la zone de rupture. Mais la fibrinolyse physiologique fait courir un risque important de resaignement en détruisant ce caillot. La récidive hémorragique, en règle générale plus grave que le saignement initial, menace donc le patient non opéré.

Gêne à la circulation du liquide céphalo-rachidien

Ensuite, on observe une gêne à la circulation du liquide céphalo-rachidien (blocage des voies d’écoulement du liquide céphalo-rachidien par des caillots, obstruction des granulations de Pachionni qui, sur le plan physiologique, résorbent le liquide céphalo-rachidien), qui peut provoquer une hydrocéphalie aiguë. A distance, une hydrocéphalie à pression normale peut se développer.

Spasme artériel

Enfin, le contact du sang avec la paroi externe des artères du polygone de Willis ou de leurs branches superficielles (qui parcourent la convexité du cerveau) cause un spasme artériel ou “ vasospasme ”, localisé ou diffus.

Il prédomine dans la région du saignement, mais il peut s’étendre bien au-delà, et la baisse de débit sanguin cérébral qui l’accompagne peut provoquer une ischémie cérébrale plus ou moins étendue. Il serait dû à des substances vasoactives libérées par l’hémorragie méningée.

Sa présence contre-indique un geste chirurgical.

Étiologie

Une hémorragie méningée non traumatique est le plus souvent provoquée par la rupture d’une malformation vasculaire : anévrisme artériel, plus rarement angiome artério-veineux.

Anévrismes artériels intracrâniens

Les anévrismes artériels intracrâniens sont des malformations fréquentes (présentes chez environ 5 % de la population générale), à l’origine de 60 à 75 % des hémorragies méningées non traumatiques.

Ils se constituent à partir d’une faiblesse de la paroi artérielle (média et limitante élastique interne) (voir figure 1). Dans certains cas, les anévrismes artériels intracrâniens font partie de tableaux polymalformatifs (polykystose rénale, maladie du tissu élastique : maladies de Ehlers-Danlos, Marfan). Dans la majorité des cas, l’origine congénitale ou acquise du défaut de la paroi artérielle ne peut être précisée.

– Ils sont de type sacciforme, implantés sur l’artère par un collet. Leur taille varie de quelques millimètres à quelques centimètres (rares anévrismes géants pouvant donner une symptomatologie compressive).

– Ils sont situés le plus souvent sur le polygone de Willis ou ses branches principales, particulièrement dans les zones de bifurcation artérielle. 90 % siègent sur la circulation antérieure (voir figure 2). Les 4 sites les plus fréquents sont l’artère communicante antérieure, l’origine de l’artère communicante postérieure près de la carotide interne, la bifurcation sylvienne et la bifurcation carotidienne.

– Ils sont multiples dans 20 % des cas.

– Ils sont situés dans l’espace sous-arachnoïdien, à l’origine d’hémorragie méningée, mais peuvent aussi être plus ou moins “ incrustés ” dans le parenchyme cérébral, donnant alors un syndrome méningé et des signes de localisation hémisphérique (hémorragie méningo-cérébrale).

– Leur volume augmente progressivement, avec le temps, jusqu’à la rupture. Cette dernière peut être favorisée par l’hypertension artérielle et survient le plus souvent entre 40 et 60 ans. Ils peuvent être partiellement thrombosés et peuvent également être le point de départ d’embolies distales.

Autres anévrismes artériels

Il existe d’autres anévrismes artériels, plus rares :

– anévrismes mycotiques dus à la localisation dans la paroi artérielle d’une embole septique (le plus souvent au cours de l’endocardite infectieuse), siégeant préférentiellement à la partie distale des artères cérébrales, sur la convexité des hémisphères.

– anévrismes fusiformes favorisés par l’athérosclérose, touchant préférentiellement la carotide interne, les artères vertébrales et le tronc basilaire, dont le risque de rupture est moindre.

Angiomes artério-veineux

Les angiomes artério-veineux sont plus rares dans la population générale et causent de 5 à 10 % des hémorragies méningées non traumatiques.

Ce sont des malformations congénitales, résultant d’un “ court-circuit ” artério-veineux.

Ils se manifestent, souvent avant la rupture, par des céphalées, des crises comitiales ou des signes focaux.

Ils sont situés dans le parenchyme près de la convexité. ils sont rares dans la fosse postérieure.

Leur rupture, le plus souvent avant l’âge de 30 ans, provoque une hémorragie cérébro-méningée.

Autres causes

Une hémorragie méningée non traumatique peut survenir lors de nombreuses autres pathologies (20 % des cas) : dissection artérielle (en particulier dissection de l’artère vertébrale intracrânienne), encéphalite herpétique, hémopathies, traitements anticoagulants…

Aucune cause retrouvée

Aucune cause n’est retrouvée même après un bilan exhaustif dans 10 à 20 % des cas.

Diagnostic positif

TABLEAU CLINIQUE :

Le diagnostic est facile lorsque le tableau est complet.

Céphalée violente

Le signe majeur est une céphalée violente :

– elle survient brusquement (“ d’une seconde à l’autre ”), le plus souvent lors d’un effort physique, d’emblée maximale ou d’intensité rapidement progressive, persistante.

– sa localisation initiale a une valeur d’orientation pour situer l’anévrisme, mais la douleur diffuse ensuite rapidement.

– elle peut être associée à une perte de connaissance transitoire ou à des convulsions.

– elle s’accompagne souvent d’une obnubilation, d’une photophobie et de vomissements abondants.

Examen clinique

Syndrome méningé net

D’abord, l’examen clinique trouve une nuque raide (qui peut manquer au tout début), des signes de Kernig et de Brudzinski.

Troubles de la conscience

Il retrouve aussi des troubles de la conscience qui sont d’importance variable, de l’obnubilation au coma profond, parfois associés à une agitation, rendant l’interrogatoire et l’examen difficiles. L’interrogatoire de l’entourage s’attachera alors à retrouver la céphalée initiale.

Autres signes

De plus, il existe :

– parfois des signes de souffrance encéphalique (réflexes pyramidaux, signe de Babinski bilatéral) ou d’ hypertension intracrânienne (paralysie bilatérale du VI) sans valeur localisatrice.

– et souvent des troubles végétatifs : hypertension artérielle, dyspnée, il n’y a pas de fièvre initialement, mais une fébricule (38 °C) peut apparaître dans les heures suivantes.

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

Scanner cérébral en urgence

On effectue un scanner en urgence :

– devant ce tableau clinique très évocateur, il est urgent de confirmer le diagnostic, avec un scanner cérébral, avec des clichés sans injection (en cas d’injection d’emblée, une prise de contraste méningée peut être prise à tort pour une hémorragie méningée), qui montre :

– du sang dans l’espace sous-arachnoïdien, sous forme d’une hyperdensité spontanée, effaçant les sillons corticaux ou remplissant les citernes (voir figure 3), localisée à l’endroit du saignement (vallée sylvienne, scissure interhémisphérique) ou bien diffuse si l’hémorragie est abondante.

– on recherchera des lésions intraparenchymateuses associées (œdème, infarctus, hématome) et une hydrocéphalie qui peuvent survenir très tôt.

– dans 5 % des cas, le scanner cérébral initial est normal.

– il sera répété au cours de l’évolution en cas d’aggravation clinique.

Ponction lombaire

La ponction lombaire :

– est dangereuse en cas d’hypertension intracrânienne et doit donc être évitée si le scanner montre déjà l’hémorragie méningée.

– est en revanche indispensable si le scanner cérébral est normal, ou s’il existe un doute diagnostique avec une méningite.

– prudente sur un patient allongé, elle montre typiquement un liquide hypertendu, sanglant, uniforme dans les trois tubes et incoagulable (tous caractères permettant de la différencier d’une ponction lombaire traumatique). elle peut être normale si elle est faite très tôt.

– des pigments sanguins apparaissent à partir de la 12e heure et persistent pendant 3 semaines environ. Ils sont responsables de l’aspect xantochromique (jaune) du liquide centrifugé et peuvent confirmer rétrospectivement le diagnostic.

– enfin une hyperleucocytose (polynucléaires ou macrophages) peut se rencontrer ultérieurement dans le liquide céphalo-rachidien et risque d’égarer vers le diagnostic de méningite infectieuse, d’autant plus qu’une fièvre modérée peut apparaître au cours de l’évolution d’une hémorragie méningée. La xantochromie et les pigments sanguins dans le liquide céphalo-rachidien permettent alors d’affirmer le saignement méningé.

Autres examens

Sur place

Sur place, on effectue d’autres examens :

– il peut exister des anomalies biologiques non spécifiques : hyperglycémie, hyperleucocytose sanguine, hyponatrémie de dilution par syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH, hypernatrémie due à un diabète insipide, et des troubles de la repolarisation à l’électrocardiogramme.

– le fond d’œil peut montrer une hémorragie sous-hyaloïde (espace communiquant avec l’espace sous-arachnoïdien).

– le Doppler transcrânien peut permettre de suivre l’évolution du spasme (voir “ Évolution ”).

En milieu chirurgical

Si le patient est opérable (l’âge avancé et un coma d’emblée sont des contre-indications chirurgicales, la gravité de l’état clinique peut être classée sur l’échelle de Hunt et Hess), le transfert en neurochirurgie est urgent, à cause du risque d’aggravation brutale et irréversible.

C’est donc en milieu chirurgical que sera pratiquée une artériographie cérébrale, avec de nombreuses incidences, pour mettre en évidence la malformation et apprécier sa situation exacte, son volume, sa forme (collet ou base d’implantation large d’un anévrisme, pédicules nourriciers et veines de drainage d’un angiome) (voir figure 4) :

– elle étudie les quatre axes (deux carotides et deux vertébrales) à la recherche d’autres malformations asymptomatiques (anévrismes multiples dans 20 % des cas).

– elle apprécie l’état artériel sous-jacent (athérome, dissections artérielles récentes ou séquellaires), la valeur du polygone de Willis et elle peut montrer un spasme plus ou moins étendu.

Diagnostic étiologique

Arguments cliniques

La nature de la lésion qui a saigné peut être suspectée sur des arguments cliniques.

En faveur d’un anévrisme

En faveur d’un anévrisme, cas le plus fréquent, si :

– le patient est âgé entre 40 et 60 ans.

– absence de symptômes neurologiques antérieurs (en dehors de céphalées récentes témoignant de la fissuration, souvent passées inaperçues).

– mise en évidence de malformations associées : coarctation aortique, polykystose rénale.

– parfois signes de localisation évocateurs : paralysie du III (anévrisme de la communicante postérieure homolatérale), hémiplégie controlatérale (anévrisme de la bifurcation sylvienne).

En faveur d’un angiome

En faveur d’un angiome, si :

– le patient est âgé de moins de 30 ans.

– antécédents de crises d’épilepsie, de céphalées anciennes.

– parfois existence d’un souffle intracrânien ou d’une angiomatose diffuse.

Examens complémentaires

Scanner

On pourra parfois mettre en évidence une malformation vasculaire sur le scanner :

– avant injection : hyperdensité spontanée d’un anévrisme (voir figure 5), calcifications d’un angiome.

– ou après injection : prise de contraste de la malformation.

Artériographie cérébrale

Mais l’artériographie cérébrale permet de préciser exactement la nature de la malformation (voir supra).

Angioscanner et angio-IRM

Plus récentes, des techniques moins invasives sont en cours d’évaluation : l’angio-scanner et l’angio-IRM permettent de bien voir le polygone de Willis où siègent la plupart des anévrismes artériels. la partie distale des artères est moins bien explorée, rendant la caractérisation des angiomes plus difficile.

Artériographie normale

Dans 10 à 20 % des cas, l’artériographie cérébrale des 4 axes est normale.

Il existe alors plusieurs cas de figure :

– il peut s’agir d’un anévrisme thrombosé : l’IRM permet de le visualiser.

– il peut s’agir de la rupture d’une malformation vasculaire médullaire qui peut se révéler également par une hémorragie méningée, la céphalée pouvant être remplacée par une douleur cervicale ou dorsale, interscapulaire. des explorations de la moelle seront nécessaires (artériographie médullaire, IRM).

En dehors de ces cas, rares, il faudra refaire l’artériographie après une quinzaine de jours avec d’autres incidences, un petit anévrisme pouvant passer inaperçu ou être masqué par le vasospasme (voir).

Si l’artériographie ne montre toujours pas de malformation, le risque de nouveau saignement est faible et le pronostic est plutôt bon (cas fréquent des hémorragies méningées périmésencéphaliques, limitées à la périphérie du tronc cérébral).

Diagnostic différentiel

De nombreuses formes cliniques rendent le diagnostic difficile :

Céphalée

La céphalée peut être l’unique symptôme et l’examen clinique être normal :

– on s’attachera à sa survenue brutale, à son intensité inhabituelle même chez un patient migraineux connu, à sa persistance.

– il peut s’agir d’une fissuration de l’anévrisme, annonciatrice d’une rupture prochaine : ces symptômes ne doivent pas être négligés et doivent faire rechercher une malformation vasculaire (bilan variable selon l’âge du sujet).

Troubles du comportement

Des troubles du comportement peuvent révéler l’hémorragie méningée et sont parfois pris à tort pour une ivresse alcoolique ou des troubles psychiatriques. l’examen s’attachera particulièrement à la mise en évidence d’un syndrome méningé et de signes de souffrance encéphalique.

Crise comitiale ou PC brève

Une crise comitiale ou une PC brève peuvent être les seules manifestations cliniques :

– les anomalies de l’électrocardiogramme peuvent orienter à tort vers une syncope d’origine cardiaque.

– l’interrogatoire, à la recherche d’une céphalée, et la mise en évidence d’un syndrome méningé permettent de redresser le diagnostic.

Tableau d’infarctus cérébral

Si l’hémorragie méningée est vue seulement au stade du vasospasme (voir “ Evolution ”), le tableau est celui d’un infarctus cérébral, particulier du fait de son association à un syndrome méningé :

– l’interrogatoire cherche la notion de céphalées négligées les jours précédents.

– le diagnostic d’hémorragie méningée ayant précédé l’ischémie cérébrale est suffisamment important pour ne pas traiter ce patient par des anticoagulants.

Coma

C’est le diagnostic d’un coma, le plus souvent sans signe de localisation :

– la raideur de nuque peut manquer si le coma est profond.

– le scanner cérébral permet souvent le diagnostic (hémorragie méningée abondante, parfois inondation ventriculaire de mauvais pronostic).

Évolution

L’évolution est imprévisible initialement et nécessite une surveillance clinique rigoureuse (état de conscience, signes de localisation, troubles végétatifs), en soins intensifs neurochirurgicaux.

Outre la correction des anomalies électrolytiques, des troubles de la ventilation et de l’hémodynamique, le repos au lit et la nimodipine (Nimotop*), inhibiteur calcique ayant une activité antispastique démontrée), sont les bases du traitement médical.

Complications systémiques

Des complications systémiques peuvent survenir lors de l’évolution : hypertension artérielle, pneumopathies et complications de décubitus.

Complications spécifiques

Le plus souvent, le patient s’améliore, mais une recrudescence des céphalées, l’aggravation de l’état de conscience et l’apparition de signes de localisation doivent faire pratiquer un scanner cérébral, en urgence, qui permet seul d’affirmer la survenue d’une des trois complications spécifiques (voir “ Physiopathologie ”).

Récidive hémorragique

Dans le cas d’une récidive hémorragique ou resaignement, le pic de fréquence, dans les 48 premières heures et à la fin de la première semaine, est plus grave que l’accident initial (fatal dans un tiers à la moitié des cas). La chirurgie précoce est le meilleur moyen de l’éviter.

Hydrocéphalie aiguë

L’hydrocéphalie aiguë survient dans les 15 premiers jours qui suivent l’hémorragie méningée, mais elle peut survenir dans les premières heures.

Elle ne donne pas de déficit focal, en dehors d’une paralysie de l’élévation oculaire (syndrome de Parinaud), rare mais évocatrice.

Vasospasme

Le vasospasme est la seule complication toujours différée par rapport à l’hémorragie méningée initiale :

– il est le plus fréquent entre 6 et 8 jours après l’hémorragie méningée, il est exceptionnel après la 2e semaine.

– il provoque une ischémie cérébrale retardée, localisée ou diffuse.

– son apparition est souvent précédée par de la fièvre, une recrudescence des céphalées et une hyperleucocytose sanguine.

– il peut être fatal ou laisser de lourdes séquelles fonctionnelles.

A distance

A distance de l’hémorragie méningée peuvent persister des séquelles importantes : troubles mnésiques, déficits neurologiques, comitialité, hydrocéphalie à pression normale.

Conclusion

Au total, avec environ un patient sur deux qui décède et la moitié des survivants qui gardent des séquelles, l’hémorragie méningée reste encore une pathologie particulièrement grave. l’amélioration du pronostic passe par un diagnostic plus précoce.

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