Syndrome de la queue de cheval

0
2665

L’interrogatoire et l’examen neurologique soigneux sont primordiaux pour l’orientation étiologique d’un syndrome de la queue de cheval. L’installation rapide des troubles en fait une urgence diagnostique et thérapeutique. S’il n’y a pas de notion de traumatisme il faut réaliser, en urgence, une imagerie par résonnance magnétique (IRM) dorsolombaire (ou un radiculoscanner si l’imagerie par résonance magnétique n’est pas disponible) pour éliminer une cause tumorale ou compressive d’autre nature qui indique une intervention chirurgicale. Si ces examens sont négatifs il faut les compléter par des explorations biologiques, l’étude du liquide céphalo-rachidien (LCR), un électromyogram.

Clinique :

Syndrome de la queue de chevalL’anatomie de la région explique qu’une compression entraîne un syndrome lésionnel de type périphérique (la moelle se termine plus haut), pluriradiculaire (les racines sont très proches les unes des autres).

Plus la compression est latéralisée, plus le syndrome est pauciradiculaire, avec au minimum une sciatique ou une cruralgie et non plus un syndrome de la queue de cheval (pluriradiculaire par définition).

En fonction de l’étiologie, la souffrance neurologique peut se manifester de façon aiguë ou progressive.

SYNDROME AIGUE :

Que ce soit après un traumatisme, un faux mouvement ou spontanément, le tableau s’installe brutalement et associe des douleurs des troubles sensitifs, moteurs, réflexes et génito-sphinctériens.

Douleurs :

– Douleurs lombaires, d’allure mécanique.

– Elles sont associées à des irradiations vers le bas selon une topographie monoradiculaire ou pluriradiculaire, cruralgie ou sciatalgie le plus souvent. Les douleurs sacrées, périnéales ou génitales sont plus rares.

– La névralgie peut se manifester par de simples paresthésies dans le territoire correspondant. Elle est souvent augmentée par les manœuvres de Valsalva (expiration à glotte fermée, efforts de toux, défécation).

Troubles sensitifs :

L’examen retrouve une hypoesthésie, voire une anesthésie à tous les modes.

Ce déficit sensitif prédomine dans la région du périnée, des organes génitaux externes et de l’anus : c’est l’ anesthésie en selle, élément essentiel du diagnostic.

Troubles moteurs :

Il existe une impotence plus ou moins marquée des membres inférieurs, avec hypotonie musculaire.

L’importance du déficit moteur dépend de l’intensité de la compression et de son niveau : le déficit est plus massif si le niveau de la compression est situé plus haut.

Tous les intermédiaires sont possibles entre la paraplégie flasque (déficit depuis L2) et la simple gêne à la marche sur la pointe des pieds (déficit S1).

Troubles réflexes :

–  Abolition des achilléens et souvent des rotuliens (l’innervation polyradiculaire des rotuliens peut rendre compte d’une simple diminution et non d’une abolition).

–  Abolition des réflexes anal et bulbo-caverneux.

– Le cutané plantaire est en général indifférent, en tout cas jamais en extension.

Troubles génito-sphinctériens :

Retard à la miction, nécessité de pousser, rétention urinaire.

Après quelques heures, la rétention urinaire peut être masquée par des mictions par regorgement, responsables d’une pseudo-incontinence.

A noter que, contrairement aux rétentions de causes urologiques, et du fait de l’anesthésie viscérale, la rétention d’origine neurologique n’est pas douloureuse.

Constipation et impuissance sont constantes, mais généralement au second plan dans ce tableau grave.

SYNDROME PROGRESSIF :

Algies radiculaires :

Sacrées ou lombo-sacrées, les algies radiculaires dominent longtemps la scène clinique.

Elles peuvent s’accompagner de lombalgies et d’une raideur rachidienne, due à une hypertonie des muscles paravertébraux.

Troubles déficitaires :

Les troubles déficitaires sont d’installation plus tardive et vont en s’aggravant si le diagnostic n’est pas posé :

– faiblesse et dérobement des membres inférieurs, avec une hypotonie, paresthésies, hypoesthésie globale qui s’étend jusqu’à la région anale, accidents d’incontinence urinaire ou besoin de pousser pour déclencher la miction, impuissance, constipation ;

– l’examen objective le déficit sensitivo-moteur, avec amyotrophie et parfois déformation de l’extrémité du membre inférieur (pied équin), l’abolition des réflexes ostéo-tendineux achilléens, rotuliens, anal et bulbo-caverneux. Le cutané plantaire reste en flexion ou indifférent.

Tardivement peuvent s’installer des troubles trophiques, escarres sacrées et talonnières.

VARIANTES SELON LA TOPOGRAPHIE :

Compression haute, lombaire :

Souffrance des racines L3, L4, L5, responsable de lombo-cruralgies et d’un important déficit moteur des membres inférieurs.

La marche est compromise.

Les troubles sphinctériens et l’anesthésie en selle sont cependant très fréquents, par atteinte des racines sacrées.

Compression basse, sacrée :

Les racines lombaires sont respectées, le déficit des membres inférieurs se limite à une difficulté d’extension plantaire des pieds (S1).

Les troubles génito-sphinctériens et l’anesthésie en selle sont prédominants.

Compression lombaire très médiane :

(Hernie discale exclue médiane.)

Le tableau de compression lombaire très médiane mime une compression basse, car seules les racines sacrées sont touchées.

Les racines lombaires, plus latérales, sont respectées.

Diagnostic positif :

Radiographies standards :

– Les radiographies de rachis lombaire de face et de profil peuvent montrer des altérations osseuses évidentes : fracture vertébrale après un traumatisme, lyse ou tassement des tumeurs malignes, déminéralisation et pincement discal des spondylodiscites.

– En cas de tumeur intracanalaire, une analyse attentive des clichés peut trouver un élargissement de la distance interpédiculaire, une érosion concave des corps vertébraux (“ scalloping ”), un élargissement d’un trou de conjugaison (neurinome en sablier).

Scanner lombaire :

Sans et avec injection de produit de contraste, le scanner lombaire doit comporter des coupes sur tous les étages jusqu’à L2. Son apport est essentiel dans la pathologie discale et osseuse.

IRM :

met parfaitement en évidence les tumeurs intradurales ou extra-durales.

Une fois le niveau repéré, les coupes horizontales précisent la situation antéropostérieure et la latéralisation de la lésion.

Saccoradiculographie :

Quand 1’IRM est impossible à réaliser ou contre-indiquée (stimulateur cardiaque), la saccoradiculographie donne des images “ en négatif ” des processus compressifs, avec une étude en hauteur que ne permet pas le scanner.

Elle est avantageusement couplée au scanner, dont les résultats sont sensibilisés par l’injection du produit de contraste intradural (myélo-scanner).

Électromyogramme :

L’électromyogramme n’a aucun intérêt en urgence.

Diagnostic différentiel :

Syndrome du cône terminal :

Le tableau clinique est proche, et il s’y associe des signes centraux, souvent réduits à un signe de Babinski. L’IRM, qui remonte sur la moelle dorso-lombaire, rectifie le diagnostic.

Compression médullaire :

Le déficit est de type central, c’est-à-dire avec une hypertonie musculaire (spasticité) et des réflexes vifs.

Dans les premières heures des sections médullaires brutales, le déficit est flasque, les réflexes ostéotendineux sont abolis, le cutané plantaire est indifférent, pouvant en imposer pour un syndrome de la queue de cheval. Mais les troubles sensitifs ont une limite supérieure qui remonte jusqu’au tronc.

Polyradiculonévrites :

Il n’y a pas de troubles sphinctériens. Les troubles (au moins l’abolition de réflexes) s’étendent aux membres supérieurs, voire aux nerfs crâniens.

Compression plexique lombo-sacrée :

Par compression tumorale pelvienne. Il n’y a pas de syndrome rachidien. Le diagnostic est redressé par les examens radiologiques.

Diagnostic étiologique :

SYNDROMES AIGUËS :

Traumatisme du rachis lombaire :

Le diagnostic du traumatisme du rachis dorso-lombaire avec fracture vertébrale est évident.

Hernie discale exclue :

La hernie discale exclue est la cause la plus fréquente de syndrome de la queue de cheval aigu, de diagnostic et de traitement urgents.

– La hernie peut provenir du disque L5-S1, L4-L5, L3-L4 ou L2-L3, plus rarement L1-L2 (possibilité de migration vers le bas).

– Dans certains hémisyndromes frustes, c’est la sciatalgie, et non les troubles sphinctériens, qui sont au premier plan.

Compression extra-durale par des tumeurs malignes :

La tumeur primitive n’est connue que dans la moitié des cas.

– Dans les tassements métastatiques, le tableau est aigu, associé à de violentes douleurs.

– En cas d’ épidurite (maladie de Hodgkin, métastases, sarcomes), l’évolution est subaiguë sur quelques jours.

pondylodiscite :

Un abcès épidural est à l’origine de la compression au cours d’une spondylodiscite.

S’il s’agit d’un germe banal, le contexte infectieux est en général évident : fièvre, altération de l’état général, hyperleucocytose et augmentation de la vitesse de sédimentation.

Rare aujourd’hui, la tuberculose (mal de Pott) donne un tableau plus traînant.

SYNDROMES PROGRESSIFS :

Tumeurs intradurales :

Méningiomes :

Le méningiome est une tumeur bénigne de croissance lente, implantée sur l’arachnoïde. Terrain : femme âgée.

Neurinomes :

Le neurinome est une tumeur développée à partir d’une racine. Le syndrome complet est rare, souvent précédé par une radiculalgie isolée ancienne.

Terrain : homme jeune.

Compressions extra-durales :

Canal lombaire étroit:

– D’un point de vue clinique, il existe un fond douloureux permanent, mais le déficit moteur et les paresthésies n’apparaissent qu’à la marche, cédant à l’arrêt. C’est la claudication radiculaire intermittente, a ne pas confondre avec une claudication d’origine artéritique. Les troubles sphinctériens sont exceptionnels.

Parfois, il existe une maladie générale : achondroplasie, acromégalie, maladie de Paget, fluorose, spondylarthrite ankylosante.

Tumeurs extra-durales :

De rares tumeurs bénignes peuvent se développer sur la ligne médiane lombo-sacrée : lipome, kyste dermoïde, kyste épidermoïde, tératome, chordome… Leur origine est embryonnaire.

Traitement et pronostic :

Dans les syndromes aigues :

Le traitement est urgent et s’effectue en neurochirurgie.

– Une laminectomie réalise l’abord du fourreau dural et le premier temps de la décompression.

– Dans les hernies discales exclues, le curetage du disque complète l’ablation de la hernie.

– Dans les tumeurs malignes, il faut souvent fixer le rachis pour éviter un tassement vertébral. La radiothérapie a un but antalgique et de consolidation.

– Dans certaines compressions subaiguës par des tumeurs malignes radiosensibles, la radiothérapie peut être pratiquée en urgence sous couvert de corticoïdes à haute dose, ce qui évite la chirurgie à des malades dont la durée de survie est faible.

– Les épidurites et spondylodiscites infectieuses nécessitent un drainage de l’abcès et un traitement antibiotique adapté grâce aux prélèvements peropératoires.

Syndromes progressifs :

Les syndromes progressifs sont de traitement moins urgent tant que les troubles sphinctériens ne sont pas installés avec prise en charge neurochirurgicale.

Pronostic :

Le pronostic dépend de la cause du syndrome de la queue de cheval et de la durée de la compression.

– Le déficit moteur a souvent une récupération rapide, même après plusieurs jours d’évolution.

– En revanche, les troubles sphinctériens laissent rapidement des séquelles irréversibles.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.