Troubles de la marche et chute du sujet âgé

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Les troubles de la marche et de l’équilibre chez le sujet âgé constituent un facteur de chute important. Ces chutes sont souvent responsables de nombreux décès ou d’un placement précoce dans une institution.

Particularités de la marche chez les sujets âgés :

Troubles de la marche et chute du sujet âgéLe vieillissement s’accompagne de modifications physiologiques de la marche :

– élargissement du polygone de sustentation.

– diminution du temps d’appui unipodal.

– diminution de la longueur et de la hauteur du pas.

– irrégularité des pas et ralentissement de la marche.

– diminution des mouvements de rotation du tronc et du balancement des bras.

Ces modifications, lorsqu’elles sont associées entre elles et à une atteinte sensorielle ou sensitive, à une maladie neurologique ou à une toxicité médicamenteuse, peuvent réaliser un tableau  d’astasie-abasie.

En pratique, les principales situations auxquelles le clinicien se trouve souvent confronté sont :

– une douleur et une incapacité à poser le pied par terre.

– une déformation d’un membre inférieur.

– un déficit moteur secondaire à diverses atteintes.

– des troubles de l’acuité visuelle.

– une instabilité posturale.

Chutes :

Toute chute n’est pas systématiquement due à un trouble de la marche ou de l’équilibre, mais il faut savoir que la plupart de ces chutes surviennent chez des sujets dont la marche est anormale.

Néanmoins, plusieurs études épidémiologiques ont montré que les chutes surviennent plus fréquemment chez les sujets déments, chez ceux prenant des benzodiazépines et chez ceux ayant des troubles de la vue ou de l’audition.

Lorsqu’il y a chute, on recherchera tout particulièrement chez le sujet âgé un environnement inadapté, un défaut d’habillement, une diminution de la vigilance, des troubles de la vision, une atteinte des fonctions cognitives.

Troubles de la marche

EXAMEN :

Le diagnostic d’un trouble de la marche est essentiellement clinique. Il est fondé sur l’interrogatoire du sujet et de son entourage ainsi que sur un examen minutieux.

Interrogatoire :

L’interrogatoire précise :

–  les antécédents :

– les antécédents de chirurgie orthopédique.

– les antécédents de chutes : nombre, fréquence.

– les conséquences des troubles de la marche : fractures, traumatismes, hospitalisations.

– le mode d’apparition des troubles de la marche : brutal (boiterie après traumatisme, accident vasculaire) ou progressif.

– les facteurs déclenchants : facteurs liés à l’environnement. médicaux : prise médicamenteuse, tout événement pathologique récent.

– signes fonctionnels : douleur, fatigabilité à l’effort, sensations vertigineuses, tremblements, palpitations.

– signes associés : troubles sphinctériens, troubles de la mémoire ou du comportement.

Examen clinique :

Examen orthopédique analytique

L’examen orthopédique analytique :

– précise l’attitude du rachis, la longueur comparée des membres inférieurs.

– recherche une déformation des pieds (pied creux antérieur, hallus valgus, hallus rigidus, pied plat ou rond).

– évalue la limitation de la mobilité articulaire aux membres inférieurs avec, dans le pire des cas, fixation en flessum de hanche, ou de genou ou en équin du pied.

Examen neurologique

L’examen neurologique :

– recherche un syndrome pyramidal, extra-pyramidal, des troubles de la sensibilité superficielle et profonde, un syndrome cérébelleux ou vestibulaire, une atteinte des nerfs crâniens, des signes frontaux.

– comporte un “ testing ” musculaire : fessier, psoas, quadriceps, releveurs du pied.

– procède à une évaluation des fonctions supérieures (MMS de Folstein).

Examen ophtalmologique

L’examen ophtalmologique évalue l’acuité visuelle de près et de loin, le champ visuel au doigt et il est complété par un avis ophtalmologique à la moindre anomalie.

Examen de la marche

L’examen de la marche, effectué sans vêtement encombrant et avec des chaussures, comporte trois étapes essentielles :

–  passage de la position assise à la station debout :

– troubles de l’équilibre (le patient ne ramène pas ses pieds en arrière).

– faiblesse musculaire (le patient s’appuie sur sa chaise pour se relever).

–  à la station debout :

– trouble statique majeur du rachis : raideur, cyphose dorsale, perte de la lordose lombaire et des réflexes posturaux.

– absence de réaction d’équilibre, spontanément ou à la poussée en avant, en arrière ou latérale.

– signe de Romberg.

–  au cours de la marche :

– raideur du tronc avec absence de balancement des bras.

– instabilité du bassin avec signe de Trendelenburg.

– raideur de la hanche ou du genou.

– élargissement du polygone de sustentation.

– rétropulsion.

– difficultés à effectuer un demi-tour.

– insuffisance de soulèvement du pied, “ steppage ”.

Tests d’évaluation fonctionnelle de l’équilibre

Les tests d’évaluation fonctionnelle de l’équilibre complètent l’examen clinique :

– test de Tinetti.

– “ get up and go test ”.

Examens complémentaires :

Les examens complémentaires seront guidés par l’examen clinique et peuvent comporter : ECG, radiographies du rachis, scanner cérébral.

La statokinésimétrie sur plate-forme fixe, ou mieux, permet l’étude de l’équilibre dans des conditions physiologiques et renseigne sur ses trois éléments afférents : vestibulaire, visuelle et proprioceptive. L’“ équitest ” permet de mettre en évidence un défaut de coordination entre ces éléments afférents et de sélectionner les patients pouvant bénéficier ultérieurement d’une rééducation vestibulaire.

ORIENTATION ETIOLOGIQUE ET THERAPEUTIQUE :

Les troubles de la marche peuvent être d’origine mécanique, neurologique, sensorielle ou psychologique.

Bien souvent, ces causes sont intriquées. Elles doivent toutes être diagnostiquées et traitées si l’on veut prévenir les chutes ultérieures.

On peut regrouper les causes de troubles de la marche en plusieurs situations, dont la liste n’est pas exhaustive.

Douleurs aux membres inférieurs :

Premier cas : le sujet a surtout mal et cette douleur le rend physiquement instable, voire incapable de poser le pied par terre.

On peut retrouver :

– un pied dur : exostoses, hyperkératose, hallus valgus, pied creux, pied plat. La prise en charge nécessite des soins de pédicure, la confection d’orthèses et l’amélioration du chaussage.

– une jambe artéritique ou veineuse (ulcère de jambe, œdème dû à une insuffisance veineuse) pour laquelle on envisage un traitement par des vasodilatateurs périphériques, des soins pour les ulcères, une contention veineuse efficace.

– une neuropathie périphérique à prédominance sensitive (carence en vitamine B12, diabète, hypothyroïdie, alcoolisme, insuffisance rénale, myélome, syndrome paranéoplasique, etc.). On recherche l’étiologie et on tente de corriger le trouble (administration de vitamine B12, traitement d’un diabète ou d’une hypothyroïdie, arrêt d’une intoxication éthylique, etc.).

– un genou douloureux : inflammatoire (arthrite inflammatoire ou microcristalline : traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens), ou arthrosique (possibilité de prothèse ou d’ostéotomie).

– une coxarthrose (possibilité de prothèse).

– un rachis pathologique : un canal lombaire étroit (traitement par infiltrations, voire neurochirurgical), une lombarthrose ou des tassements vertébraux (traitement antalgique, traitement de l’ostéoporose, port d’un lombostat).

Déformation des membres inférieurs :

Deuxième cas : le sujet a, avant tout, une déformation spontanée ou mise en évidence à l’examen.

On peut retrouver :

– un raccourcissement avec une inégalité des membres inférieurs (compensation par le port d’une talonnette).

– une rétraction tendineuse : flessum de hanche, du genou ou équin du pied (rééducation et éventuellement ténotomie).

– une position vicieuse ou instable du genou sur hémiplégie ou gonarthrose (appareillage orthopédique).

Déficit moteur :

Troisième cas : le sujet a avant tout un déficit :

–  non séquellaire d’un accident vasculaire cérébral :

– myasthénie.

– myopathie par carence en vitamine D (supplémentation en vitamine D) ou par hypothyroïdie (supplémentation en hormones thyroïdiennes) ou cortisonique (arrêt de la corticothérapie).

– neuropathie périphérique à prédominance motrice.

–  séquellaire d’un accident vasculaire cérébral : insuffisance du moyen fessier (rééducation).

Troubles de l’acuité visuelle :

Quatrième cas : le sujet a des troubles de l’acuité visuelle et tâtonne : consultation ophtalmologique et éventuellement traitement chirurgical d’une cataracte.

Instabilité posturale :

Cinquième cas : le sujet a une ataxie ou une instabilité posturale :

Vers l’avant

Instabilité vers l’avant :

– des syndromes parkinsoniens (dopathérapie en cas de maladie de Parkinson, arrêt des neuroleptiques en cas de syndrome extra-pyramidal iatrogène).

– un état lacunaire (prévention des accidents vasculaires par des antiagrégants plaquettaires).

Vers l’arrière

Instabilité vers l’arrière faisant chercher :

– une hydrocéphalie à pression normale (dérivation ventriculo-péritonéale ou, en cas de contre-indication opératoire, ponctions lombaires évacuatrices itératives ou traitement par Diamox*).

– une régression psychomotrice (traitement symptomatique des troubles psychiatriques).

– une phobie (rééducation fonctionnelle).

Latérale

Instabilité latérale :

– des troubles vestibulaires : vertige positionnel paroxystique bénin.

– une insuffisance ou un infarctus vertébro-basilaire, des vestibulopathies iatrogènes.

Chutes

Toute chute n’est pas systématiquement due à un trouble de la marche ou de l’équilibre, mais il faut savoir que la plupart de ces chutes surviennent chez des sujets dont la marche est anormale.

Néanmoins, les chutes surviennent plus fréquemment chez les sujets déments, chez ceux prenant des benzodiazépines et chez ceux ayant des troubles de la vue ou de l’audition.

Facteurs étiologiques :

Lorsqu’il y a chute, on recherchera tout particulièrement chez le sujet âgé :

– un environnement inadapté (obstacles, mauvais éclairage) ou un défaut d’habillement (chaussures inadaptées).

– une diminution de la vigilance : prise de psychotropes ou d’alcool.

– des troubles de la vision.

– une atteinte des fonctions cognitives.

En principe, le diagnostic étiologique des malaises et des lipothymies, sources de chutes, ne rentre pas dans le cadre de cette question (voir “ Perte de connaissance brève ”). Toutefois, de nombreux sujets âgés ont un intellect qui fonctionne mal et ont donc des souvenirs imprécis des circonstances de leur chute.

Pour retrouver celles-ci, il importe d’interroger le patient, dans la mesure du possible de façon approfondie, pour retrouver la notion d’une perte de connaissance complète qui, précédant la chute, fait que le patient “ ne se revoit pas tomber ” car cela oriente vers deux étiologies précises qui sont soit le bloc atrio-ventriculaire paroxystique soit l’ épilepsie.

Retentissement :

Il est, par ailleurs, important d’évaluer le retentissement psychologique des chutes car plusieurs situations peuvent être rencontrées :

– le patient ayant des réactions adaptées de précaution : il peut bénéficier d’un apprentissage par le kinésithérapeute des techniques permettant de se relever en cas de chute et d’une télé-alarme.

– le patient qui a peur de retomber réagit par un repli sur soi pouvant aller jusqu’à la grabatisation. Outre les mesures précédentes, une kinésithérapie de verticalisation, une psychothérapie et la prescription d’antidépresseurs non imipraminiques sont souvent nécessaires.

– le patient est dément, il déambule et présente un risque de chutes itératives : les gaines rembourrées de protection peuvent limiter les conséquences traumatiques de sa chute.

Conclusion :

En conclusion, il appartient au clinicien de ne négliger aucune chute, aussi bénigne soit-elle, chez le sujet âgé, car celle-ci peut avoir des répercussions psychologiques graves à court et moyen termes.

D’autre part, il faut s’efforcer de porter un diagnostic étiologique précis afin de prendre les mesures thérapeutiques et préventives adéquates.

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