Syndrome myogène

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Le tissu musculaire squelettique est constitué par des fibres musculaires striées. Chaque fibre est une cellule multinucléée, entourée d’une membrane, le sarcolemme, et contenant des éléments contractiles, les myofibrilles.

Sarcolemme

Syndrome myogèneLe sarcolemme est formé d’une membrane plasmique, doublée d’une membrane basale extérieure.

– Cette membrane cellulaire comporte, en son sein, un complexe glycoprotéique transmembranaire : le complexe DAG (“ dystrophin associated glycoproteins ”), constitué de dystroglycanes et de sarcoglycanes.

– Le complexe DAG sert de point d’encrage à la dystrophine, qui est une protéine du cytosquelette musculaire et il est également relié à la matrice extra-cellulaire par la laminine 2.

– Les noyaux sont nombreux et se situent normalement à la périphérie de la cellule musculaire, sous le sarcolemme.

Myofibrilles

Les myofibrilles sont le support de la contraction musculaire et sont disposées longitudinalement par rapport à l’axe de la fibre.

Elles sont constituées de deux types de filaments : les filaments épais formés de myosine et les filaments fins formés d’actine et de tropomyosine.

Cytoplasme musculaire

Le cytoplasme musculaire ou sarcoplasme comporte l’appareil de golgi, le réticulum endoplasmique, les mitochondries et du glycogène.

Innervation motrice

L’innervation motrice de la fibre musculaire a pour origine le motoneurone alpha de la corne antérieure de la moelle.

– La jonction neuro-musculaire, appelée “ plaque motrice ”, transmet les incitations motrices au muscle.

– Une seule cellule nerveuse motrice innerve plusieurs fibres musculaires, formant une “ unité motrice ”.

Diagnostic

On appelle syndrome myogène, l’ensemble des signes traduisant l’atteinte des cellules musculaires striées.

L’atteinte prédomine le plus souvent au niveau du tissu squelettique, mais peut également toucher le tissu cardiaque.

CLINIQUE :

Diminution de la force musculaire

La diminution de la force musculaire est le signe principal au cours de nombreuses maladies musculaires.

– L’atteinte, dont la sévérité est variable, est le plus souvent symétrique et à prédominance proximale.

– La musculature distale peut également être touchée, se traduisant par un “ steppage ” aux membres inférieurs.

– La faiblesse musculaire est parfois sélective, correspondant à une atteinte préférentielle de certains groupes musculaires au niveau d’un même segment de membre.

– Le déficit des muscles de la ceinture scapulaire se traduit par :

– un décollement des omoplates (scapulae alatae).

– des difficultés pour lever les bras en l’air ou pour porter des charges.

– Le déficit des muscles de la ceinture pelvienne (psoas, fessiers, quadriceps, adducteurs) se traduit par :

– une démarche dandinante.

– des difficultés pour se relever de l’accroupissement (signe de Gowers) ou de la position assise (signe du tabouret).

– des difficultés pour courir et monter un escalier.

– Le déficit des muscles du tronc se traduit par :

– des troubles de la statique, avec hyperlordose, le bassin basculé en avant et le thorax rejeté en arrière.

– des difficultés pour se relever de la position allongée.

– L’ atteinte de la face se caractérise par :

– un aspect peu expressif du visage.

– une difficulté à fermer les paupières (signe de Souques ou de Charles-Bell).

– des difficultés à siffler et à gonfler les joues.

– L’ atteinte vélo-pharyngée se traduit par :

– une voix nasonnée et un reflux des aliments par le nez.

– une dysphagie avec possibilité de fausses routes au cours des repas.

– L’ atteinte oculomotrice peut comporter :

– un ptosis unilatéral ou bilatéral.

– une limitation des mouvements oculaires, parfois associée à une diplopie.

– Chez le nourrisson, une atteinte musculaire se traduit généralement par une hypotonie, avec possibilité de troubles de la succion, de la déglutition et d’une insuffisance respiratoire.

Modifications de volume des muscles

On recherche des modifications de volume des muscles :

– on observe le plus souvent une amyotrophie associée à la faiblesse musculaire.

– une pseudo-hypertrophie des mollets par infiltration graisseuse s’observe au cours de certaines maladies musculaires héréditaires.

– une hypertrophie musculaire vraie est plus rarement observée au cours de certaines affections musculaires, contrastant avec la diminution de la force musculaire dans les territoires atteints.

Contraction musculaire

La percussion musculaire provoque normalement une contraction en masse suivie d’une décontraction rapide (réflexe idiomusculaire).

Cette contraction est diminuée ou abolie au cours des maladies musculaires.

La réaction myotonique correspond à une anomalie de la décontraction musculaire. On observe une décontraction anormalement lente et retardée du muscle après une contraction volontaire ou après percussion de l’éminence thénar.

Rétractions tendineuses

Les rétractions tendineuses sont fréquentes au cours des maladies musculaires chroniques, responsables de positions vicieuses et d’une majoration du handicap fonctionnel.

Douleurs musculaires

Des contractures musculaires, survenant essentiellement lors des efforts, peuvent constituer le symptôme principal au cours de certaines maladies enzymatiques musculaires.

Elles doivent être distinguées des crampes, qui surviennent souvent au repos, et dont l’origine est neuropathique.

Accès paralytiques

Des accès paralytiques aigus peuvent s’observer au cours des paralysies dyskaliémiques par anomalies des canaux ioniques.

Signes négatifs

Les signes négatifs doivent être recherchés :

– conservation des réflexes ostéo-tendineux (sauf lorsque l’importance de la faiblesse musculaire ne permet pas de réponse motrice).

– absence de trouble de la sensibilité.

– absence de fasciculations (qui s’observent au cours des atteintes de la corne antérieure de la moelle).

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

Dosage des CPK sériques

L’ élévation des CPK traduit une altération de la membrane musculaire généralement par nécrose des fibres musculaires. Elle est inconstante, indépendante de l’étiologie de l’affection musculaire et peut également s’observer au cours des maladies de la corne antérieure.

Le dosage des autres enzymes (aldolase, lacticodéshydrogénase) est de valeur relative et discutée.

Electromyogramme

– L’épreuve de détection peut mettre en évidence, lors de la contraction musculaire, un aspect “ microvolté ” et trop riche du tracé, fait de très nombreux potentiels d’unité motrice anormaux.

– La sommation spatiale correspond à un recrutement précoce de toutes les unités motrices.

– La durée et l’amplitude des potentiels d’unité motrice sont diminuées.

– Les vitesses de conduction nerveuses motrices et sensitives sont normales.

– Les salves myotoniques sont caractéristiques des affections musculaires avec myotonie. Elles correspondent à des salves de potentiels d’unité motrice très rapprochées, dont l’amplitude diminue progressivement.

Scanner et IRM musculaire

Le scanner musculaire permet de faire une cartographie précise des muscles atteints, qui apparaissent hypodenses.

L’IRM musculaire permet de retrouver des anomalies de signal au cours des myopathies inflammatoires ou infectieuses.

Biopsie musculaire

C’est un examen souvent déterminant, nécessitant des techniques d’analyse morphologiques, histo-enzymologiques, immuno-histochimiques et ultrastructurales.

– La biopsie musculaire montre, dans certains cas, des anomalies de structure caractéristiques d’une étiologie précise.

– Dans d’autres cas, la biopsie ne donne qu’une orientation : inégalité marquée de la taille des fibres, centralisations nucléaires, augmentation du tissu conjonctif et nécrose-régénération.

– Dans les myopathies héréditaires dues à des anomalies membranaires, l’étude immunohistochimique permet de caractériser la protéine déficiente.

Génétique moléculaire

Pour certaines affections musculaires génétiques, la détection d’une anomalie génétique caractéristique, à partir d’un prélèvement sanguin, permet de confirmer le diagnostic, la biopsie musculaire n’étant alors pas nécessaire.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

A éliminer

On doit éliminer :

– un syndrome neurogène périphérique.

– et un trouble de la transmission neuromusculaire (myasthénie ou syndrome de Lambert-Eaton).

Amyotrophies spinales progressives

Les amyotrophies spinales progressives par atteinte dégénérative de la corne antérieure de la moelle peuvent donner un tableau pseudo-myopathique avec une faiblesse musculaire proximale et parfois une pseudo-hypertrophie des mollets.

– Le taux de CPK est généralement élevé.

– Elles se distinguent cliniquement d’une atteinte musculaire primitive par la présence de fasciculations diffuses et d’une aréflexie généralisée.

– L’électromyogramme montre des anomalies de type “ neurogène ”.

– Le diagnostic est confirmé par l’ analyse génétique.

Stratégie diagnostique

Interrogatoire :

L’interrogatoire doit permettre de préciser :

– la nature des symptômes.

– l’ âge de survenue des troubles et le profil chronologique. Il faut notamment rechercher un éventuel retard des acquisitions motrices.

– les circonstances de survenue si les troubles sont intermittents : au cours ou après l’effort, après des repas riches en hydrates de carbone, après une prise médicamenteuse….

– les antécédents familiaux de maladie musculaire et un éventuel mode de transmission (hérédité autosomique dominante ou récessive, hérédité liée à l’X, hérédité maternelle).

– l’ allure évolutive :

– atteinte aiguë ou subaiguë évoquant une étiologie inflammatoire, toxique ou iatrogène.

– atteinte chronique, lentement progressive évoquant une dystrophie musculaire.

– un éventuel contexte iatrogène ou toxique.

Examen clinique :

L’examen clinique doit préciser la distribution de l’atteinte musculaire :

– territoires affectés (membres, muscles axiaux, face, oculo-motricité).

– caractère proximal ou distal.

– symétrie ou non.

– sélectivité.

Si le déficit est discret ou absent, il faut rechercher une fatigabilité aux épreuves de Barré et de Mingazzini orientant vers une myasthénie.

On recherche :

– des douleurs à la pression des muscles (en faveur d’une myopathie inflammatoire).

– une myotonie spontanée et à la percussion (en faveur d’une maladie de Steinert ou d’un syndrome myotonique congénital).

– un myo-œdème (en faveur d’une hypothyroïdie).

– des signes généraux (fièvre, altération de l’état général, signes d’endocrinopathie).

Bilan :

Le bilan doit s’attacher à dépister des symptômes susceptibles d’aider au diagnostic et intervenant dans le pronostic de la maladie musculaire, par la recherche :

– de troubles du rythme ou de conduction cardiaque (ECG, épreuve de Holter), de cardiomyopathie (échocardiographie).

– d’une insuffisance respiratoire restrictive (épreuves fonctionnelles respiratoires et gaz du sang).

– d’une atteinte sensorielle (cataracte, rétinite pigmentaire, surdité).

– d’une atteinte neurologique centrale (épilepsie, ataxie cérébelleuse), ou périphérique (polyneuropathie).

Principales affections musculaires

Au terme de ce bilan, il est le plus souvent possible de distinguer :

– les maladies musculaires acquises, potentiellement curables, d’évolution le plus souvent aiguë ou subaiguë.

– les maladies musculaires génétiquement déterminées, d’évolution le plus souvent chronique.

MYOPATHIES D’EVOLUTION AIGUË OU SUBAIGUE :

Myopathies inflammatoires :

Myosites

Les myosites ont en commun :

– l’existence de douleurs musculaires spontanées et provoquées par la palpation des muscles.

– une atteinte musculaire proximale des membres, et souvent une dysphagie.

– une élévation du taux des enzymes musculaires.

– l’existence d’un syndrome inflammatoire.

– la présence de nécroses des fibres musculaires et de lésions inflammatoires du tissu interstitiel sur la biopsie.

On distingue :

– les polymyosites, qui sont le plus souvent primitives.

– les dermatomyosites, comportant une atteinte cutanée et souvent associées à un cancer ou à une collagénose.

Rechercher une étiologie

Les myosites doivent systématiquement faire rechercher une cause :

– connectivite (lupus, polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie, périartérite noueuse…).

– sarcoïdose.

– cancer viscéral (broncho-pulmonaire).

Traitement

Le traitement repose sur les médicaments immunosuppresseurs : corticothérapie en première intention, puis autres immunosuppresseurs ou immunoglobulines polyvalentes en cas d’échec de la corticothérapie.

Myosites virales et parasitaires :

Les myosites spécifiques sont rares.

Étiologies virales

Les étiologies virales les plus fréquentes sont le VIH (à distinguer de la myopathie à l’AZT), le virus influenza (grippe), les virus Coxsackie (myalgie épidémique de Bornholm).

Étiologies parasitaires

Les étiologies parasitaires sont essentiellement la trichinose et la toxoplasmose.

Myopathies toxiques et iatrogènes :

Les myopathies toxiques et iatrogènes peuvent être responsables, au maximum, de tableau de rhabdomyolyse, avec gonflement musculaire douloureux, myoglobinurie et insuffisance rénale.

Les principales causes sont :

– l’alcool (au cours d’ingestion massive chez les sujets alcooliques chroniques), l’héroïne.

– certains médicaments : hypocholestérolémiants, vincristine, émétine, acide epsilon caproïque, cimétidine, lithium, danazol.

MYOPATHIES D’EVOLUTION CHRONIQUE :

Myopathies endocriniennes :

Une endocrinopathie doit être systématiquement recherchée devant une atteinte musculaire non sélective de l’adulte, en l’absence de tout facteur héréditaire :

– surtout l’ hyperthyroïdie, qui peut également donner lieu à des accès paralytiques périodiques.

– mais également l’hypothyroïdie, l’hyperparathyroïdie, l’ostéomalacie, le syndrome de Cushing, l’insuffisance surrénalienne et le syndrome de Conn.

Myopathies médicamenteuses :

Certaines myopathies médicamenteuses ont une évolution chronique : myopathie des corticoïdes et après prise de chloroquine ou de colchicine au long cours.

Dystrophies musculaires progressives :

Ces affections génétiquement déterminées se distinguent selon leur mode d’hérédité, la topographie de l’atteinte musculaire, le profil évolutif et l’existence éventuelle d’une myotonie.

Transmission autosomique dominante

La maladie de Steinert est la plus fréquente :

– elle débute chez l’adulte jeune.

– l’atteinte musculaire est caractéristique au niveau de la face, avec ptosis, atrophie des muscles masséters et temporaux, et éversement des lèvres.

– la musculature distale des membres est préférentiellement touchée, et une atteinte des muscles pharyngés est possible.

– la myotonie est présente au niveau de la main et des mâchoires.

– l’ atteinte cardiaque est fréquente et potentiellement sévère : troubles du rythme ou de conduction (plus rarement cardiomyopathie) et elle doit être systématiquement recherchée.

– des signes d’atteinte systémique sont souvent associés : cataracte précoce, calvitie, troubles endocriniens (diabète, hypogonadisme).

– le diagnostic repose sur la génétique moléculaire (détection d’une expansion anormale de triplets CTG sur le chromosome 19).

– la sévérité de la maladie est très variable.

– le pronostic dépend de la sévérité de l’atteinte motrice et de l’existence de troubles cardiaques ou respiratoires associés.

La myopathie facio-scapulo-humérale ou maladie de Landouzy-Déjerine :

– débute à l’adolescence.

– l’atteinte musculaire est généralement asymétrique, débutant à la face et à la ceinture scapulaire.

– une atteinte des membres inférieurs est présente dans 50 % des cas.

– l’évolution est très lente, et les formes bénignes sont fréquentes.

– le diagnostic repose sur la détection d’une délétion caractéristique sur le chromosome 4.

Transmission récessive liée à l’X

La myopathie de Duchenne :

– elle touche électivement les garçons.

– elle débute dans la petite enfance après l’acquisition de la marche.

– l’atteinte musculaire s’associe à une pseudo-hypertrophie des mollets.

– la marche est perdue vers 8 à 10 ans.

– le décès survient avant 25 ans par insuffisance cardiaque ou respiratoire.

– le diagnostic repose sur l’étude immunocytochimique de la dystrophine sur la biopsie musculaire, et sur la génétique moléculaire qui montre, dans 70 % des cas, une délétion au sein du gène de la dystrophine.

La dystrophie de Becker :

– elle correspond à une forme allélique de la maladie de Duchenne.

– l’atteinte musculaire touche la ceinture pelvienne et s’associe à une hypertrophie des mollets.

– elle survient plus tardivement et est moins sévère.

Transmission autosomique récessive

Les dystrophies musculaires des ceintures :

– sont des affections rares.

– touchent les ceintures scapulaires et pelviennes de manière symétrique et parallèle, sans atteinte faciale.

– leur sévérité est variable.

– certaines d’entre elles sont en rapport avec un défaut d’une protéine membranaire reconnaissable en immunohistochimie.

– elles sont hétérogènes sur le plan génétique.

Myopathies métaboliques :

Les myopathies métaboliques sont secondaires à des anomalies enzymatiques portant sur les voies de dégradation des sucres et des graisses, ou sur la chaîne respiratoire mitochondriale.

Symptomatologie

Les myopathies métaboliques se manifestent le plus souvent par des symptômes d’intolérance à l’effort et/ou de rhabdomyolyse.

On peut également observer une faiblesse musculaire permanente.

Glycogénose

La glycogénose la plus fréquente est la maladie de McArdle due à un déficit en phosphorylase et se traduit par des contractures douloureuses à l’effort avec parfois une myoglobinurie.

Myopathies mitochondriales

Les myopathies mitochondriales sont souvent dominées par l’existence d’une ophtalmoplégie chronique associant un ptosis bilatéral permanent et des paralysies oculomotrices. D’autres signes témoignant d’une atteinte plurisystémique peuvent être observés.

Paralysies dyskaliémiques :

Les paralysies dyskaliémiques sont des affections héréditaires rares, de transmission autosomique dominante, se manifestant par des accès paralytiques aigus pouvant durer de quelques minutes à quelques heures.

– La paralysie familiale hypokaliémique correspond à des mutations du gène du canal calcium de la membrane musculaire.

– La paralysie familiale hyperkaliémique correspond à des mutations du gène du canal sodium de la membrane musculaire.

En l’absence d’antécédent familial, il faut rechercher une cause acquise d’hypokaliémie ou d’hyperkaliémie.

Myopathies congénitales :

Ce groupe d’affections musculaires débute en général dans la petite enfance (hypotonie néonatale, retard des acquisitions motrices).

– Les myopathies congénitales sont définies par des anomalies caractéristiques observées sur la biopsie musculaire.

– Leur pronostic est très variable.

– Un diagnostic génétique est encore rarement possible.

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