Hallucinations

0
2983

Les hallucinations sont la plupart du temps psychosensorielles, mais elles peuvent être purement psychiques ou d’ordre psychomoteur. Nous évoquerons le syndrome d’automatisme mental (de De Clérambault), proche des hallucinations psychiques et qui présente une valeur sémiologique particulière.

HALLUCINATIONS PSYCHOSENSORIELLES :

HallucinationsDans les hallucinations psychosensorielles, l’ objet perçu est situé à l’extérieur du sujet (il est objectivé et “ spatialisé ”) et dépend d’un organe des sens (il est “ sensorialisé ”), sans les stimuli qui normalement déclenchent la perception en question.

Les hallucinations peuvent être auditives, visuelles, olfactives ou gustatives, tactiles ou cénesthésiques.

Hallucinations auditives :

Les hallucinations auditives concernent des sons, des sifflements, des musiques ou des voix (hallucinations verbales) entendus par les oreilles, comme venant de l’extérieur de l’organisme et non perçus par la pensée.

– Les hallucinations verbales sont les plus fréquentes des hallucinations auditives : les patients décrivent qu’ils entendent ou ont entendu des mots isolés, parfois toujours les mêmes, parfois changeants, mais également des propositions ou des phrases :

– tantôt ces mots s’adressent à eux, tantôt il leur semble suivre une conversation qui ne leur est pas destinée.

– le contenu de ces propos peut être hostile, injurieux, menaçant. mais il peut aussi être flatteur et sympathique et, dans quelques cas, le positif et le négatif alternent.

– les paroles peuvent venir de loin ou de près, de tel ou tel point de l’espace, elles peuvent être claires ou malaisées à déchiffrer. Les interlocuteurs peuvent être identifiés ou non, être connus ou inconnus.

– Le retentissement émotionnel de ces hallucinations est variable. Ces hallucinations sont parfois vécues dans l’indifférence, quelquefois avec ironie et souvent avec indignation.

Hallucinations visuelles :

Les hallucinations visuelles peuvent être élémentaires ou complexes.

Hallucinations visuelles élémentaires

Les hallucinations visuelles élémentaires sont des événements éphémères bien que susceptibles de se répéter : lumières, flammes, “ flashs ”, éclats, couleurs, points, lignes, étoiles, choses flottant dans l’espace et parfois formes géométriques. Il ne s’agit jamais d’objets clairement identifiés.

Elles peuvent appartenir à la totalité du champ visuel ou à un hémichamp ou encore être vues par un seul œil.

Hallucinations visuelles complexes

Les hallucinations visuelles complexes ne sont pas des événements simples et éphémères mais plutôt un “ ensemble disparate d’objets ” qui ressemble à une énumération presque aléatoire. C’est pourquoi on parle d’hallucinations visuelles complexes.

Il peut s’agir d’“ objets ” déterminés sur le plan culturel, avec une forme, une couleur, des aspects bien concrets, tels qu’un animal, un être humain, un objet inanimé. Les objets peuvent être de tailles normales, lilliputiennes, gullivériennes, macroscopiques, microscopiques.

Il peut s’agir d’objets plus difficilement identifiables, atypiques, apparaissant en perspective dans l’espace ou plaqués à la surface des choses, opaques, plus ou moins transparents, achromatiques ou colorés. Le rapport au champ visuel est le plus souvent homogène.

Tonalité affective

La tonalité affective qui accompagne ces hallucinations peut être neutre, euphorique, exaltée ou passionnée. La vigilance peut être normale ou diminuée.

Certains types d’hallucinations visuelles sont plus spécifiques de certaines étiologies (par exemple, animaux au cours d’un delirium tremens).

Hallucinations olfactives

Les hallucinations olfactives sont des expériences où l’ odeur est ressentie comme désagréable, nauséabonde, le plus souvent, ou suave et agréable.

Ces odeurs peuvent n’être attribuées à aucun objet précis ou, au contraire, être en relation avec un objet bien déterminé (odeur suave d’un parfum connu, odeur corporelle à connotation scatologique).

Une place particulière est à réserver aux hallucinations au cours desquelles le sujet a l’impression d’émettre lui-même une odeur désagréable, qu’il sent dans certains cas ou qu’il ne sent pas, mais qu’il est certain d’émettre.

Il s’agit alors d’“ hallucinations psychomotrices avec une composante sensorielle ” lorsqu’il sent lui-même l’odeur qu’il a l’impression d’émettre, ou d’“ hallucinations purement psychiques ” lorsqu’il est simplement convaincu d’émettre une mauvaise odeur mais qu’il ne la sent pas lui-même.

Hallucinations gustatives :

Il s’agit, la plupart du temps, de sensations gustatives désagréables (goût trop épicé d’un aliment ou trop amer).

Elles peuvent être ressenties immédiatement, comme elles peuvent être élucidées après coup (c’est-à-dire que le patient a ingéré un aliment ou un liquide qui ne lui a rien évoqué sur le moment mais dont il a ressenti le goût particulier par la suite).

Hallucinations tactiles :

Les hallucinations tactiles concernent le domaine de la sensibilité cutanée. Elles peuvent être élémentaires ou élaborées.

Hallucinations élémentaires

Dans les hallucinations élémentaires, le sujet ressent de manière bien limitée ou plus diffuse des impressions cutanées de type : sensation de piqûres, de chaud, de froid, de démangeaisons, de pression, etc., sans élaboration particulière et sans phénomène extérieur explicatif.

Hallucinations élaborées

Les hallucinations élaborées concernent un phénomène plus élaboré que le patient décrit : jet d’eau chaude ou d’eau froide, contact avec une main (visible ou invisible), présence de parasites, corroborée par la vue de squames cutanées et de petites lésions de grattage.

Ces hallucinations peuvent :

– rester isolées et peu thématisées.

– ou bien participer à une élaboration délirante plus ou moins organisée.

Hallucinations cénesthésiques :

Les hallucinations cénesthésiques (corporelles) concernent la sensibilité proprioceptive et intéroceptive.

Elles ont une place particulière au sein des hallucinations psychosensorielles puisqu’il s’agit de phénomènes qui se passent à l’intérieur du corps, mais qui sont cependant ressentis par le patient comme non volontaires et imposés.

Elles peuvent être :

– généralisées, concernant l’ensemble du corps, le patient se plaignant de :

– transformations corporelles (dans la schizophrénie par exemple).

– d’invasion diabolique ou animale (zoopathie).

– mais elles peuvent aussi être localisées à une région limitée du corps :

– lourdeur, allongement, irritation des jambes, impression d’absence d’un membre ou d’une partie du corps (comme dans l’asomatognosie des hémiplégies ou le syndrome de Cotard des mélancolies).

– impression de transformation d’une partie du corps (pouvant porter sur la taille, la densité, la forme, la position, etc.).

Une place particulière est à faire aux hallucinations cénesthésiques limitées au niveau génital en raison de leur fréquence d’apparition dans la pathologie mentale (psychose hallucinatoire chronique ou schizophrénie) : il s’agit d’une impression intérieure indubitable de rapports sexuels imposés par un partenaire proche ou lointain, inconnu ou identifié, unique ou multiple. Il peut s’agir de relations sexuelles ordinaires ou de relations dites “ contre nature ” (par exemple, sodomie) :

– ces rapports peuvent être refusés avec indignation et dégoût, considérés ainsi comme un viol, mais ils peuvent aussi être acceptés avec satisfaction et considérés comme une jouissance intense et “ supérieure ”.

– ces hallucinations cénesthésiques génitales peuvent n’être que très peu thématisées, mais elles peuvent aussi participer à une élaboration délirante qui va jusqu’au “ syndrome d’influence ” ou “ syndrome d’action extérieure ” (où les rapports sexuels sont imposés d’après le patient par une personne ou un groupe de personnes précises et nommées).

HALLUCINATIONS PSYCHIQUES :

Le terme “ psychique ” signifie qu’il n’y a pas d’intervention d’un appareil sensoriel dans la perception de l’hallucination.

– Ce sont des représentations mentales, des idées qui s’imposent à la pensée, des perceptions purement intellectuelles (“ qui ont leur point de départ dans l’exercice involontaire de la mémoire et de l’imagination et qui sont souvent assimilées à tort par les malades aux perceptions sensorielles ”).

– Il n’y a pas d’objectivation possible dans l’espace.

Les hallucinations psychiques ou intrapsychiques sont le plus souvent visuelles ou auditives et plus rarement olfactives ou gustatives.

Hallucinations visuelles :

Les hallucinations visuelles sont, la plupart du temps, des hallucinations élaborées (des images mentales, des représentations scéniques, une imagerie animée).

Le patient ne prétend pas qu’elles existent à l’extérieur mais elles sont présentes dans son esprit.

Hallucinations auditives :

Le patient ayant des hallucinations auditives reçoit par la pensée, la télépathie, des musiques, des voix, des “ conversations d’âme ”.

– Il s’agit de pensées pures, d’inspirations ou de voix secrètes, de voix intérieures, de voix sans bruit ou de “ paroles intellectuelles ” qui ne sont pas entendues de l’extérieur.

– Parfois, le patient lui-même ne parle pas réellement de voix mais plutôt d’idées, même lorsqu’elles peuvent être verbalisées.

Ces voix peuvent parfois répéter la pensée du sujet, ses lectures, ou commenter ses actes comme dans l’automatisme mental. Il se produit comme une désappropriation des langages intérieurs de la personne et l’absence d’esthésie n’empêche pas qu’il s’agisse là de langage, mais d’un langage dont le sujet a perdu la maîtrise volontaire.

Hallucinations olfactives et gustatives :

Dans le cas des hallucinations olfactives, le sujet est certain d’émettre une mauvaise odeur ou une odeur nauséabonde mais il ne la sent pas lui-même. Il est convaincu que les autres la sentent et qu’il les incommode.

Pour ce qui est des hallucinations gustatives, le sujet est persuadé, après coup, qu’il a ingéré un aliment d’un goût particulier ou qu’il a dans la bouche un goût désagréable sans le ressentir réellement.

HALLUCINATIONS PSYCHOMOTRICES :

Les hallucinations psychomotrices sont, la plupart du temps, verbales : le sujet ne reçoit pas mais émet des paroles, parfois à voix haute, parfois à voix basse, parfois avec seulement quelques mouvements des lèvres à peine perceptibles.

C’est un phénomène rare.

– Il peut s’agir d’un mot, d’une proposition ou d’une phrase et son émission s’impose au sujet malgré lui.

– Quelquefois, il change de timbre de voix pour proférer ces hallucinations psychomotrices.

– Quelquefois, il dialogue à haute voix avec elles, produisant les questions et les réponses.

– Le patient n’admet pas que les propos hallucinatoires lui appartiennent. l’émission des mots lui est imposée.

– Quelquefois, il les rattache à une influence extérieure, précise ou vague, identifiée ou non.

– Ces hallucinations concernent souvent les membres de l’appareil phonatoire, mais le sujet peut les attribuer à un autre organe de son corps comme son cerveau, son estomac ou ses organes génitaux.

– Soulignons une particularité des hallucinations psychomotrices lorsqu’elles concernent un membre : le sujet a la sensation que l’on mobilise son membre (jambe, bras…), qu’on l’oblige à marcher, à agir. Il sent les mouvements sans les exécuter.

SYNDROME D’AUTOMATISME MENTAL DE DE CLERAMBAULT :

Définitions :

Le syndrome d’automatisme mental décrit par de Clérambault est très proche des hallucinations psychiques et il constitue une entité autonome au sein des différents mécanismes hallucinatoires.

Il désigne un ensemble de signes, en général incomplet, qui représente l’ échappement, hors du contrôle de la volonté du sujet, d’une partie de sa pensée.

– Ces signes sont de purs phénomènes de pensée sans caractère sensoriel (il s’agit de langage intérieur), sans projection extérieure et à teneur essentiellement neutre, tout au moins au début.

– Il s’agit, en fait, de la perte totale ou partielle de la propriété privée de la pensée, et le patient est sûr de n’être plus maître de sa propre pensée par la réflexion.

Par la suite, l’automatisme mental peut prendre des caractéristiques plus sensorielles, plus hallucinatoires (hallucinations intrapsychiques ou psychosensorielles).

Ce syndrome s’inscrit essentiellement dans le cadre de la pathologie mentale :

– il a un rôle initial, générateur, fondamental dans les psychoses hallucinatoires chroniques.

– on le rencontre également dans les bouffées délirantes aiguës et les formes paranoïdes de la schizophrénie.

Types d’automatisme :

On distingue l’automatisme idéoverbal, l’automatisme sensitif et l’automatisme moteur.

Automatisme idéoverbal

L’automatisme idéoverbal est considéré par de Clérambault comme un ensemble qu’il appelle le “ petit automatisme mental ”, processus autonome, neutre, ne comportant par lui-même aucune thématique délirante précise (de Clérambault dit : “ Il se limite à des jeux sur les éléments de la pensée, rien en eux ne peut présager la couleur du délire futur. ”).

Par la suite, la pensée ou les voix peuvent prendre un caractère thématique : syndrome d’influence (où le sujet a le sentiment d’être dirigé de l’extérieur) érotique, mystique, persécuteur, avec satisfaction ou hostilité.

L’automatisme idéoverbal (ou petit automatisme mental) comporte les manifestations suivantes :

– commentaire des actes ou de la pensée (avant, pendant ou après l’action ou la pensée du patient). Le contenu est souvent désobligeant, insultant, ironique, menaçant, plus rarement laudatif : “ Tu es la plus belle ”.

– écho de la pensée, de la lecture ou de l’écriture : le patient entend une voix qui répète sa pensée, à mesure qu’elle se déroule. Parfois l’écho précède la pensée (pensée devancée).

– vol et devinement de la pensée : le patient ressent l’intrusion d’un autre individu dans sa pensée : “ Vous savez très bien ce que je pense, docteur, et vous ne voulez pas me répondre. ”.

– mots “ jaculatoires ”, fortuits, explosifs, en dehors de la volonté du patient : cela peut être des absurdités, des non-sens ou un dévidage de la pensée, des souvenirs sur lesquels il n’a pas prise : “ ça n’arrête pas de penser. ”.

Automatisme sensitif

L’automatisme sensitif comporte des hallucinations psychosensorielles visuelles, gustatives, olfactives et cénesthésiques :

– elles constituent un parasitisme des perceptions normales.

– leur caractère peut être voluptueux ou douloureux.

Automatisme moteur

L’automatisme moteur comporte des hallucinations psychomotrices faites de mouvements imposés (impulsions motrices) ou d’ articulations verbales forcées.

Pour de Clérambault, l’ensemble de ces trois automatismes constitue le triple automatisme mental ou “ grand automatisme mental ” : idéoverbal, sensitif et moteur. Il représente la base des psychoses hallucinatoires chroniques mais se retrouve aussi dans les états psychotiques aigus (bouffée délirante aiguë) ou chronique (schizophrénie paranoïde).

Diagnostic positif

Le diagnostic positif d’hallucinations n’est pas toujours facile à poser, car nous disposons plus souvent d’ éléments évocateurs (attitudes, comportements), de phénomènes hallucinatoires sous-jacents que de symptômes francs pouvant affirmer la présence d’hallucinations.

– Ce diagnostic tient à la subjectivité de la relation avec le patient, puisque tout ce que nous pouvons savoir sur ce qu’il éprouve dépend de ce qu’il en dira au cours de l’entretien clinique, d’où l’ importance d’une relation de qualité et de confiance à établir avec lui.

– Pour pouvoir poser le diagnostic d’hallucinations, il faut donc, de façon idéale, que le patient décrive très clairement une expérience où il éprouve “ quelque chose ” qui ne dépend pas de sa volonté mais qui s’impose à lui de façon évidente et dont il est intimement convaincu, même s’il n’arrive pas à l’expliquer.

– L’ expérience hallucinatoire doit avoir été vécue à plusieurs reprises pour poser le diagnostic d’hallucinations. Lorsque cette expérience n’est survenue qu’une seule fois, de façon éphémère, elle n’a que peu de valeur.

– Dans bien des cas, le patient ne verbalise pas clairement son vécu hallucinatoire (souvent en raison d’une certaine réticence : il ne veut pas passer pour un “ fou ”), et on suspectera la présence d’hallucinations devant certaines attitudes évocatrices du type :

– attitudes d’écoute, propres aux hallucinations auditives : le patient se fige, le regard fixe, silencieux, comme s’il écoutait une voix. Parfois un dialogue peut s’engager avec la ou les voix.

– interruption brutale du discours, puis reprise de la conversation.

– obturation des oreilles par du coton, des haricots, un casque de baladeur.

– obturation des portes, des conduits d’aération.

– autres attitudes bizarres (lutte contre des agresseurs invisibles, démarche précautionneuse “ pour ne pas écraser des crabes par terre ”, par exemple).

– port de “ ceinture de chasteté ”.

– attitude indifférente ou indignée.

– action ou acte imposé par une voix, dans une thématique d’influence.

Diagnostic différentiel

Les états hallucinatoires sont à distinguer d’un certain nombre de situations dont nous citerons les plus fréquentes.

SIMULATION :

La simulation touche des sujets qui miment un état hallucinatoire ou qui prétendent être hallucinés mais qui ne le sont pas, dans le but d’ obtenir des bénéfices secondaires :

– par exemple, lorsqu’un médecin psychiatre procède à une expertise pénale et que le sujet veut se faire passer pour un malade mental.

– autre exemple, lors d’une visite d’incorporation au service national. ou enfin lorsqu’un patient souhaite se faire hospitaliser pour une raison ou pour une autre.

ILLUSIONS SENSORIELLES :

Les hallucinations sont à distinguer des illusions sensorielles qui sont des perceptions déformées d’un objet : par exemple, des bruits mal définis pris pour des paroles ou des rayons du crépuscule vus comme l’“ auréole de Dieu ” et ainsi pour chacun des sens.

Les illusions s’intriquent fréquemment avec les hallucinations dans les états d’onirisme et il est souvent difficile de faire la part des unes et des autres.

INTERPRETATIONS :

L’interprétation est définie comme un jugement, ou une intuition erronée, fondé sur une perception juste :

– par exemple, un sujet entend réellement dire par un groupe de personnes à côté duquel il passe “ cela va être difficile ”, et il estime alors que l’on parle de lui et que cela signifie que ses ennemis souhaitent lui faire du mal et cherchent pour cela une solution.

– autre exemple : un sujet renifle une odeur de gaz de ville bien réelle et comprend que ce sont ses persécuteurs qui cherchent à l’empoisonner.

Les hallucinations sont à distinguer des interprétations dans le but de différencier :

– deux types de pathologie mentale (par exemple, schizophrénie et paranoïa).

– ou une pathologie organique d’une pathologie mentale.

OBSESSIONS :

Certaines obsessions, prises comme des pensées parasites, ressemblent aux hallucinations psychiques et certaines hallucinations psychomotrices verbales peuvent prendre un caractère obsédant.

Il faut, en particulier, distinguer :

– l’ obsession hallucinatoire où le sujet est obsédé par l’idée d’être halluciné.

– de l’ hallucination obsédante où il s’agit bel et bien d’une hallucination mais qui prend tous les caractères d’une obsession (avec angoisse paroxystique et soulagement).

Cette distinction permettra essentiellement de discriminer une pathologie névrotique (troubles obsessionnels) d’une pathologie psychotique (schizophrénie, psychose hallucinatoire).

HALLUCINATIONS PHYSIOLOGIQUES :

Des hallucinations sont possibles à l’ endormissement (scènes colorées qui peuvent ressembler à des hallucinations visuelles) : ce sont les hallucinations hypnagogiques.

Le même type d’hallucinations est possible au réveil : ce sont les hallucinations hypnopompiques.

Des phénomènes hallucinatoires peuvent également survenir lors d’ expériences de privation de sommeil ou d’isolement sensoriel.

Diagnostic étiologique

Les phénomènes hallucinatoires peuvent être d’origine très diverses tant sur le plan organique que psychiatrique.

Il est cependant possible d’avoir une idée du diagnostic étiologique en fonction du type d’hallucinations en question et en fonction du tableau clinique qui accompagne ces hallucinations.

EN FONCTION DU TYPE D’HALLUCINATIONS :

Hallucinations auditives :

Hallucinations psychosensorielles auditives élémentaires ou simples

Les hallucinations psychosensorielles auditives élémentaires ou simples un bruit, un son…, ainsi que les hallucinations psychosensorielles verbales réduites au mot isolé doivent faire penser d’abord à un processus neurologique tumeur, hématome, épilepsie, en particulier au niveau postérieur du lobe temporal.

Hallucinations psychosensorielles complexes

Les hallucinations psychosensorielles complexes, ainsi que les hallucinations psychomotrices verbales complexes s’observent le plus souvent dans la pathologie psychiatrique délirante aiguë et chronique :

– dans la pathologie aiguë, elles sont présentes dans les tableaux de bouffées délirantes aiguës polymorphes, mais également dans les formes hallucinatoires de la manie (thèmes mégalomaniaques…) et de la mélancolie (thèmes d’auto-accusation et d’indignité, ordres de suicide…).

– dans la pathologie délirante chronique, elles sont présentes surtout dans les délires chroniques hallucinatoires tels que la schizophrénie (hébéphrénique essentiellement) et la psychose hallucinatoire chronique.

– elles sont rares dans les délires paranoïaques, mais peuvent survenir dans les moments de décompensation de paranoïa sensitive (bref épisode hallucinatoire auditif).

Hallucinations auditives psychiques

Les hallucinations auditives psychiques s’observent dans diverses variétés de psychoses fonctionnelles chroniques (schizophrénie, psychoses hallucinatoires), mais elles se rencontrent également dans les tableaux compliquant les intoxications alcooliques chroniques (hallucinose des buveurs de Wernicke) et dans les psychoses chroniques compliquant les toxicomanies.

Hallucinations visuelles :

Les hallucinations visuelles doivent faire avant tout suspecter un processus organique.

Hallucinations visuelles élémentaires

Les hallucinations visuelles élémentaires renvoient à une pathologie neurologique des voix et des centres de la vision (par exemple, tumeur, hématome, épilepsie du cortex occipital).

Elles sont parfois liées à des atteintes périphériques (atteinte de l’œil comme dans les hallucinations visuelles des ophtalmopathes).

Remarque : dans le cas des épilepsies partielles du cortex occipital et dans les lésions pédonculaires, il s’agit plus souvent d’hallucinoses, c’est-à-dire d’hallucinations critiquées par le sujet.

Hallucinations visuelles complexes

Les hallucinations visuelles complexes ont une signification étiologique assez diverse mais elles sont le plus souvent d’origine organique :

– souffrances corticales à l’origine d’un onirisme :

– dans les intoxications alcooliques (delirium tremens, ivresse aiguë hallucinatoire).

– dans les états infectieux hyperpyrétiques (encéphalopathies, septicémies).

– et dans les pharmacopsychoses (en particulier intoxication aux hallucinogènes, aux amphétamines ou à la cocaïne).

– dans les états épileptiques occipitaux (hallucinose visuelle) et temporaux (“ dreamy state ” : avec un tableau d’altération de la vigilance, état de remémoration avec impression de “ déjà-vu ”, des sentiments de malaise).

– dans les atteintes périphériques de l’appareil visuel (hallucinations visuelles des ophtalmopathes).

– dans l’ hallucinose pédonculaire, d’origine fréquemment artériopathique mais parfois tumorale (à la tombée de la nuit, les patients voient des animaux et des petits personnages qui disparaissent lorsqu’ils tentent de les toucher. Ces hallucinations sont critiquées : hallucinoses).

– dans la pathologie mentale, les hallucinations visuelles sont présentes :

– autant dans les états délirants aigus tels que les bouffées délirantes polymorphes.

– que dans les délires chroniques tels que les psychoses hallucinatoires chroniques ou les schizophrénies.

Hallucinations cénesthésiques :

Les hallucinations cénesthésiques doivent avant tout faire évoquer une pathologie neurologique, mais l’indication sera donnée en fonction du type d’hallucination cénesthésique et du tableau clinique qui l’accompagne.

Asomatognosies

Les asomatognosies unilatérales ou bilatérales (méconnaissance d’une partie ou de la totalité du corps sans atteinte de la sensibilité) sont la plupart du temps associées à une hémiplégie gauche (chez les droitiers) ou plus rarement droite (chez les gauchers).

Les asomatognosies bilatérales existent dans certains syndromes neurologiques complexes (syndrome de Gerstmann).

Syndrome de Cotard

Dans le champ psychiatrique, il existe des altérations plus globales de la connaissance du corps dans les délires de négation (syndrome de Cotard) présents dans les tableaux mélancoliques des états dépressifs.

Illusions et hallucinations corporelles

– Les illusions et les hallucinations corporelles peuvent avant tout faire penser à des lésions hémisphériques unilatérales, en général droites chez les droitiers et postérieures donc pariétales, pariéto-temporales ou pariéto-occipitales, surtout si elles ne s’accompagnent pas de symptômes psychiatriques (par exemple, épilepsie pariétale entraînant des phénomènes plutôt aigus).

En revanche, lorsque des hallucinations corporelles du type : impression d’absence d’un membre, ou d’un organe, ou de la transformation de celui-ci (par exemple, organe pourri) accompagnent un tableau psychiatrique d’ordre mélancolique, ces hallucinations peuvent rentrer dans le cadre d’un syndrome de Cotard.

Au niveau génital

Les hallucinations cénesthésiques situées au niveau génital s’observent surtout dans les délires chroniques où prédominent le syndrome d’influence et les thèmes de possession par une puissance extérieure (schizophrénie, psychoses hallucinatoires chroniques…).

Elles peuvent être présentes dans les bouffées délirantes polymorphes mais rarement dans certaines formes particulières de mélancolie.

Elles sont souvent associées à d’autres types d’hallucinations (hallucinations auditives), et le tableau clinique qui les accompagne précise ou confirme le diagnostic.

Autres types d’hallucinations :

Hallucinations élémentaires

Les hallucinations élémentaires du tact, du goût et de l’odorat doivent faire évoquer une atteinte des voies et des centres nerveux en rapport avec chacune des modalités sensitivo-sensorielles en cause. (Il s’agit donc, la plupart du temps, d’un problème organique d’ordre neurologique.)

Hallucinations complexes

Les hallucinations complexes tactiles, gustatives ou olfactives :

– renvoient surtout à la pathologie mentale et en particulier à des organisations délirantes chroniques (schizophrénie, psychoses hallucinatoires chroniques…).

– et sont souvent associées à d’autres types d’hallucinations (en particulier verbales) et bon nombre d’autres symptômes psychiatriques.

Syndrome d’automatisme mental :

Le syndrome d’automatisme mental tient une place particulière puisqu’il est exclusivement associé à la pathologie psychiatrique :

– et en particulier aux psychoses hallucinatoires chroniques (où il a un rôle initial, générateur et fondamental).

– et quelquefois à certaines formes paranoïdes de la schizophrénie ou aux bouffées délirantes aiguës.

EN FONCTION DU TABLEAU CLINIQUE :

Il est possible d’avoir des indications sur l’origine de phénomènes hallucinatoires en fonction du tableau clinique qui les accompagne mais également en fonction de la rapidité d’apparition de celui-ci et de sa durée dans le temps.

Nous évoquerons les étiologies les plus fréquentes, lorsque les hallucinations surviennent au cours d’épisodes aigus et lorsqu’elles surviennent au cours d’épisodes chroniques.

Hallucinations au cours d’épisodes aigus :

Confusion mentale

La confusion mentale consiste en des hallucinations visuelles surtout :

– délire onirique du delirium tremens : thèmes professionnels, zoopsiques.

– ivresse : forme délirante, hallucinatoire.

– sevrage : délire alcoolique subaigu, delirium tremens.

– hypoglycémies, accidents vasculaires cérébraux, encéphalites infectieuses (VIH).

– drogues, toxiques.

Mélancolie délirante

– “ Flammes de l’enfer ”.

– Odeur de pourriture.

– “ Voix ” accusatrice intimant le suicide.

Bouffée délirante aiguë

– Hallucinations auditives multiples, incohérentes.

– Automatisme mental.

Hallucinations au cours d’épisodes chroniques :

Psychose hallucinatoire chronique

– Hallucinations multiples, riches, constantes surtout auditives.

– Automatisme mental.

– Hallucinations génitales cénesthésiques.

Schizophrénie

– Schizophrénie paranoïde : automatisme mental, hallucinations polymorphes, incohérentes.

– Schizophrénie catatonique : riche vécu hallucinatoire.

Syndrome démentiel

Dans le cas du syndrome démentiel, les hallucinations auditives sont fréquentes, la thématique est pauvre.

Conduite à tenir

CONSIDERATIONS GENERALES :

Examen clinique :

Etant donné la diversité des étiologies pouvant être à l’origine de phénomènes hallucinatoires et la fréquence de la pathologie organique, il est avant tout nécessaire, devant un patient qui présente des hallucinations, de procéder à un examen clinique complet et en particulier un examen neurologique attentif ainsi qu’un examen psychiatrique.

Pour cela, il faut d’emblée instaurer avec le patient une relation clinique de bonne qualité et de confiance qui consiste déjà dans la réassurance et la dédramatisation de la situation ainsi que dans l’ écoute bienveillante qui permettra de diminuer la réticence du sujet à dire ce qu’il vit et son anxiété lorsqu’elle est présente.

Examens paracliniques :

L’examen clinique sera toujours complété par des examens paracliniques dont le but sera de confirmer ou d’ éliminer une pathologie organique sous-jacente :

– numération formule sanguine.

– ionogramme sanguin (et en particulier calcémie, glycémie, urée, créatinine).

– bilan hépatique, amylasémie.

– gaz du sang.

– hémocultures, ECBU, ponction lombaire.

– alcoolémie, recherche de toxiques (dans le sang et dans les urines).

– électrocardiogramme, électroencéphalogramme, radiographie pulmonaire.

– scanner cérébral, voire IRM.

CONDUITE A TENIR EN FONCTION DU TABLEAU CLINIQUE :

La conduite à tenir sera légèrement différente :

– en fonction du tableau clinique qui accompagne les phénomènes hallucinatoires.

– et en fonction de la rapidité de survenue des hallucinations et des symptômes associés.

Hallucinations au cours d’épisodes aigus :

– En cas d’hallucinations au cours d’épisodes aigus, il sera nécessaire de répéter l’examen clinique et surtout l’examen neurologique pour éliminer un phénomène organique sous-jacent qui peut être d’évolution rapide (onirisme dans le cas d’un delirium tremens, d’un surdosage de produits toxiques, d’un syndrome infectieux hyperpyrétique ou d’un accident vasculaire cérébral…).

– Les examens paracliniques seront demandés en urgence.

– Une hospitalisation sera, la plupart du temps, nécessaire avec ou sans le consentement du patient (hospitalisation sur demande d’un tiers ou hospitalisation d’office si nécessaire), dans un service spécialisé (réanimation, neurologie…).

– Le traitement, qui peut être à la fois symptomatique et étiologique, doit être instauré sans délai :

– réhydratation, rétablissement de l’équilibre hydroélectrolytique, traitement d’un syndrome infectieux, etc., en cas d’atteinte organique.

– ou traitement neuroleptique incisif en cas d’hallucinations d’ordre psychiatrique.

– Même si le traitement est dans le meilleur des cas avant tout étiologique, cela n’exclut pas, de la part du médecin, une attitude bienveillante et dédramatisante, voire un soutien et une psychothérapie quelle que soit l’origine des hallucinations.

La suite de la prise en charge dépendra de la confirmation de l’étiologie (l’évolution clinique par les examens paracliniques, par exemple), et le patient sera donc orienté et traité en fonction de cela.

Hallucinations au cours d’épisodes chroniques :

Diagnostic

En cas d’hallucinations au cours d’épisodes chroniques, l’examen clinique, et en particulier le recueil des données anamnestiques (lorsqu’il est possible), devrait permettre de repérer une pathologie organique ou psychiatrique déjà connue, par exemple : épilepsie, tumeur cérébrale, alcoolisme chronique, toxicomanie ancienne, psychose hallucinatoire chronique, schizophrénie ou syndrome démentiel.

Ainsi un entretien clinique seul, bien mené, permet la plupart du temps de poser un diagnostic.

Les examens paracliniques seront moins systématiques que lors d’un tableau aigu et ils ne seront indiqués qu’en cas de suspicion d’une pathologie organique sous-jacente et en particulier neurologique (EEG, fond d’œil, scanner, recherche de toxiques…).

Etiologie

Les hallucinations, au cours d’épisodes chroniques, sont la plupart du temps d’ origine psychiatrique :

– soit dans le cas d’une psychose fonctionnelle d’apparition progressive (psychoses hallucinatoires chroniques, schizophrénie), et on sera alors attentif au “ terrain ” et aux circonstances d’apparitions (personnalité schizoïde ou schizotypique ou consommation ancienne de toxiques).

– soit dans le cadre d’une psychose évolutive déjà diagnostiquée chez un patient qui présente une rechute ou qui a volontairement ou involontairement suspendu son traitement :

– on sera alors attentif aux circonstances de la rechute, ainsi qu’au type de thérapeutiques déjà prescrit et à la réaction du sujet à ces traitements (posologie, type de neuroleptiques, durée de la prescription, nécessité d’un correcteur).

– dans le cadre de la pathologie organique, une reprise de phénomènes hallucinatoires chroniques peut survenir chez des patients épileptiques également en rupture de traitement.

Traitement

Bien souvent, une hospitalisation est nécessaire pour introduire ou réintroduire un traitement, que ce soit psychiatrique ou antiépileptique :

– cette hospitalisation peut se faire avec ou sans le consentement du sujet (hospitalisation à la demande d’un tiers, hospitalisation d’office), en fonction de la dangerosité de la situation pour lui ou pour autrui (par exemple, hallucination lui intimant l’ordre de se suicider ou de se venger d’autres personnes) :

– dans le cas d’une pathologie psychiatrique, cette hospitalisation permettra la mise en route d’un traitement neuroleptique avec l’assurance d’une prise correcte de ce traitement, la protection du sujet et de son entourage en cas de dangerosité, la prise d’éventuelles mesures de contrainte (hospitalisation à la demande d’un tiers, hospitalisation d’office) et la précision du diagnostic qui est souvent évolutif.

– elle permettra éventuellement d’éliminer définitivement une pathologie organique sous-jacente pouvant être à l’origine des hallucinations ou ayant précipité la rechute d’une psychose évolutive.

– la chimiothérapie préconisée dans ce cas est, en première intention, lorsque aucune indication privilégiée n’est dégagée par l’évaluation clinique, un neuroleptique incisif ou polyvalent :

– de type : chlorpromazine (Largactil*), 150 à 300 mg/j, ou halopéridol (Haldol*), 10 à 30 mg/j.

– la plupart du temps, cette prescription permet la diminution ou la sédation des hallucinations ainsi qu’une anxiolyse lorsque le patient est angoissé.

– cependant, il est parfois nécessaire d’adjoindre, en cas d’anxiété majeure ou d’agitation associée, un neuroleptique sédatif du type : lévopromazine (Nozinan*), 150 à 300 mg/j, ou cyamémazine (Tercian*), 200 à 300 mg/j, ou thioridazine (Melleril*), 200 à 400 mg/j. Ce neuroleptique sédatif sera très rapidement diminué, voire supprimé, une fois la sédation et l’anxiolyse obtenues.

– il n’est pas toujours nécessaire d’adjoindre un correcteur (Artane* ou Piportil*), et l’on préférera plutôt adapter les posologies en cas d’apparitions d’effets secondaires (les diminuer) avant de prescrire un correcteur.

– la suite du traitement chimiothérapique dépendra de l’évolution et du diagnostic précis.

Ces mesures ne dispensent pas du maintien d’une relation thérapeutique de qualité et de confiance avec le patient permettant la dédramatisation et la réassurance de celui-ci. Nous insistons sur la nature de cette relation, quelle que soit l’origine des hallucinations.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.