Néoplasies endocriniennes multiples de type 2

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1966

Introduction :

Les NEM regroupent des affections héréditaires caractérisées, chez un même sujet, par l’apparition d’un processus prolifératif hyperplasique ou tumoral, bénin ou malin, généralement hyperfonctionnel, d’au moins deux glandes endocrines.

Il existe cependant d’authentiques cas familiaux de NEM avec une seule atteinte glandulaire, mais faisant partie du même cadre nosologique, puisqu’elles possèdent les mêmes anomalies génétiques.

Les NEM de type 2 (NEM2) sont une pathologie héréditaire à transmission autosomique dominante.

Néoplasies endocriniennes multiples de type 2La prévalence des NEM2 est estimée à 0,2/1 000. La première description par Sipple de l’association caractéristique du NEM2A (CMT, phéochromocytome, hyperparathyroïdie) date de 1961, suivie par celles de Gorlin du NEM2B (CMT, phéochromocytome, dysmorphie, neuromatose) puis de Farndon (CMT isolé familial).

L’ensemble des manifestations s’explique par une origine embryologique commune des tissus endocriniens atteints (crête neurale), et il est démontré depuis 1993 que la pathologie est liée à une anomalie moléculaire du protooncogène RET, dont l’analyse constitue la meilleure technique du dépistage familial.

Le diagnostic de cette affection chez les sujets à risque au sein d’une famille a d’abord reposé sur l’analyse des antécédents familiaux et l’étude anatomopathologique des lésions, puis par le dépistage nécessitant l’étude répétitive de la calcitonine (CT) plasmatique et du test de stimulation par la pentagastrine (test Pg).

C’est, à l’heure actuelle, l’analyse du proto-oncogène RET qui représente l’élément clé de ce dépistage, permettant de reconnaître les sujets atteints d’une famille avant même l’apparition de la première manifestation biologique.

Phénotypes :

– La NEM2A est la forme la plus fréquente des NEM2 (60 % des cas).

Elle associe un CMT, présent dans 100 % des cas à un phéochromocytome dans plus de 50 % des cas et à une hyperparathyroïdie primitive (HPT1) dans 5 à 20 % des cas.

En fonction des associations des différentes atteintes endocriniennes possibles, on distingue trois sous-types NEM2A.

Des affections cutanées (notalgia ou lichen amyloïde : zone hyperpigmentée et prurigineuse) sont observées au niveau de la partie haute du dos de façon précoce dans quelques familles. Plus exceptionnellement, la NEM2A est associée dans certaines familles à une maladie de Hirschsprung.

– La NEM2B, plus rare (5 % des NEM2), associe un CMT dans 100 % des cas à un phéochromocytome (50 % des cas), une ganglioneuromatose et une dysmorphie de type Marfan.

La ganglioneuromatose atteint le tractus digestif dans son ensemble, mais elle est particulièrement visible au niveau des lèvres, de la langue, des paupières et du tissu conjonctival, et constitue une caractéristique sémiologique de la maladie.

– Le CMT isolé familial (ou FMTC) représente 35 % des NEM2.

Sa définition est en fait un diagnostic d’exclusion des autres formes de NEM2.

Le diagnostic de FMTC ne pourra être affirmé qu’après une longue période de surveillance dans une famille où les CMT ne se sont jamais accompagnés d’une des autres manifestations typiques des NEM2.

Histoire naturelle des tumeurs endocrines des NEM2 :

Les NEM2 ont en commun l’histoire naturelle de la tumorigenèse : qu’il s’agisse duCMT, du phéochromocytome ou de l’hyperparathyroïdie, il existe toujours un stade d’hyperplasie qui précède l’apparition de l’adénome.

A – Cancer médullaire :

Les cellules C de la thyroïde dérivent de la crête neurale et sont responsables de la sécrétion de calcitonine (CT).

Elles sont essentiellement, mais non exclusivement, situées à l’union des tiers moyen et supérieur des lobes latéraux, au contact des vestiges du corps ultimobranchial.

L’immunomarquage par un anticorps anti-CT est le meilleur moyen d’identification des cellules C.

L’hyperplasie des cellules C de la thyroïde (HCC), est la première anomalie histologique constatée traduisant l’atteinte pathologique des cellules C.

L’HCC est quasiment toujours retrouvée dans les CMT faisant partie d’une NEM2, mais elle n’est pas spécifique de cette pathologie.

L’HCC peut être présente dans un certain nombre d’autres pathologies thyroïdiennes telles que les thyroïdites chroniques lymphocytaires de Hashimoto ou au contact de lésions tumorales thyroïdiennes bénignes ou malignes autres que leCMT.

Cette pathologie initiale peut être dépistée par le dosage de la calcitonine plasmatique (valeur basale ou après stimulation par pentagastrine) ; l’HCC diffuse, multifocale et bilatérale, apparaît très précocement après la naissance dans les NEM2A et 2B.

Dans les FMTC, ce stade initial apparaît de façon très variable en fonction des familles.

L’HCC évolue rapidement vers le microcarcinome, le plus souvent multifocal en cas de NEM2A et 2B. Dans l’évolution de la maladie, tous les stades coexistent au sein de la thyroïde, de la cellule C normale au carcinome.

La diffusion métastatique aux chaînes ganglionnaires récurentielles et jugulocarotidiennes est très précoce, et peut se faire au stade de microcarcinome.

Pour les NEM2B, les microcarcinomes sont observés dès la période néonatale ; pour les NEM2A, ils peuvent être présents à partir de 4 ans et quasiment toujours avant l’âge de 10 ans.

Pour les FMTC, le CMT peut n’apparaître qu’après l’âge de 50 ans dans certaines familles.

L’évolution générale des CMT des NEM2 s’effectue sur plusieurs dizaines d’années : un nodule thyroïdien ne devient souvent cliniquement palpable qu’après l’âge de 20 ans mais, à ce stade d’évolution, il existe toujours une dissémination ganglionnaire métastatique.

À noter que l’âge moyen du diagnostic de NEM2Achez le cas index est de 37 ans, ce qui prouve la longue latence clinique du CMT.

B – Phéochromocytomes :

Lorsqu’ils font partie du tableau, les phéochromocytomes sont bilatéraux dans deux tiers des cas, d’emblée ou au décours de l’évolution.

Le stade d’hyperplasie précède l’adénome médullosurrénalien. Seuls 4 % des phéochromocytomes deviennent malins.

L’âge moyen de découverte du phéochromocytome est de 35 ans sur les études rétrospectives.

Sur les cas de NEM2 diagnostiqués avant l’âge de 20 ans par l’étude du proto-oncogène RET et suivis sur le dosage de la CT basale et/ou du test Pg, le phéochromocytome apparaît toujours après le CMT et rarement avant l’âge de 20 ans (deux fois sur 71 cas colligés en France par le Groupe d’étude des tumeurs à calcitonine ou GETC).

C – Hyperparathyroïdie (HPT) :

L’hyperplasie du tissu parathyroïdien, associée à un ou plusieurs adénomes parathyroïdiens, est caractéristique de l’HPT desNEM2lorsqu’elle fait partie du phénotype.

Il n’a jamais été observé de cancer parathyroïdien.

L’HPT se révèle à un âge moyen de 32 ans sur les études rétrospectives mais, comme pour le phéochromocytome, les séries récentes de sujets jeunes diagnostiqués montrent que l’HPT apparaît presque toujours après le CMT.

Dans la série de NEM2A du GETC, l’HPT n’est présente que chez cinq des 71 patients de moins de 20 ans atteints de CMT.

Manifestations cliniques :

A – Cancer médullaire :

Il est totalement asymptomatique jusqu’à ce qu’il devienne palpable.

Il se traduit alors par un nodule thyroïdien avec euthyroïdie.

Il est difficile de le distinguer d’un nodule non fonctionnel d’origine vésiculaire.

Il est suspect s’il existe des adénopathies satellites et surtout si on peut avoir connaissance d’antécédents familiaux évocateurs d’une NEM2 (notion de « cancer » thyroïdien familial, de phéochromocytome…).

Il est exceptionnel que l’hypercalcitoninémie se traduise par le classique syndrome de flush avec diarrhée motrice, une telle symptomatologie est en faveur d’un stade très avancé avec des valeurs de calcitonine plasmatique supérieures à 1 000 pg/mL (valeurs normales inférieures à 10 pg/mL).

B – Phéochromocytome :

Il est classiquement responsable d’hypertension paroxystique avec tachycardie et céphalées, sueurs et hypotension orthostatique.

Mais le phéochromocytome des NEM2 n’est symptomatique que dans environ un tiers des cas, et dans 10 % des cas il est responsable d’une mort par méconnaissance de l’atteinte médullosurrénalienne (mort subite, au cours de l’anesthésie ou de l’accouchement…).

Il ne faut donc pas attendre les manifestations cliniques pour en faire le diagnostic qui doit être fait sur la biologie.

C – Hyperparathyroïdie :

Elle n’est pas différente des HPT primitives par adénome parathyroïdien sporadique.

Elle est asymptomatique dans deux tiers des cas et de découverte fortuite sur les éléments de surveillance d’une NEM2A connue, par la mise en évidence d’une hypercalcémie associée à des valeurs élevées de la parathormone (PTH) plasmatique.

D – Signes associés :

La ganglioneuromatose labiale linguale et palpébrale avec l’aspect de dysmorphie de type Marfan est spécifique des NEM2B.

L’atteinte cutanée pigmentée et prurigineuse scapulaire (lichen amyloïde ou notalgia) peut s’observer dès le plus jeune âge dans certaines familles de NEM2A.

Diagnostic biologique et par imagerie :

A – Cancer médullaire :

Le marqueur biologique du CMTest la CT plasmatique, peptide de 32 acides aminés normalement sécrété par les cellules C de la thyroïde, mais dont le rôle hypocalcémiant est physiologiquement peu important chez l’homme.

La CT mature monomère est dosée dans le plasma de façon spécifique par une méthode immunométrique utilisant deux anticorps monoclonaux, l’un reconnaissant la partie N-terminale de la molécule, l’autre sa partie C terminale.

En valeur basale, la CT du sujet sain, sans pathologie thyroïdienne, est inférieure à 10 pg/mL ; chez certains patients dysthyroïdiens (thyroïdites dysimmunitaires essentiellement) la valeur basale de CT est considérée comme normale jusqu’à 20 pg/mL.

L’injection intraveineuse lente (sur 3 minutes) de 0,5 íg/kg d’un analogue synthétique de la gastrine (pentagastrine, Peptavlon) provoque une augmentation de la CT lorsque les cellules C sont pathologiques (HCC ou carcinome).

Cette réponse est caractéristique des CMT en général. Une augmentation de la CT après pentagastrine jusqu’à 30 pg/mL peut être observée chez des adultes indemnes de CMT.

Cependant, chez les sujets porteurs d’une mutation de l’oncogène RET, toute augmentation de la CT au-dessus de 10 pg/mL en base ou après pentagastrine doit être considérée a priori comme pathologique, surtout s’il s’agit d’un sujet jeune.

Cependant, les nourrissons de moins de 1 an ont des valeurs physiologiques de CT en base qui peuvent atteindre 50 pg/mL.

Le test à la pentagastrine est donc le premier élément du diagnostic de la pathologie des cellules C (HCC ou microcarcinomes), et il a été, jusqu’à la localisation puis l’identification du gène responsable, la seule méthode de dépistage des sujets à risque d’une famille connue.

Ce test est inutile lorsque la CT basale est déjà augmentée.

Cependant, une absence de réponse de la CT au test ne permet pas d’affirmer l’absence de maladie puisque qu’un test « négatif » peut se « positiver » ultérieurement.

Chez les membres d’une famille connue de NEM2, le test devrait donc être répété chaque année jusqu’à l’âge de 30 ans avant de pouvoir affirmer que le sujet exploré n’était pas atteint de la maladie familiale.

D’où l’avantage de disposer d’un marqueur moléculaire qui permette de différencier les sujets atteints des sujets sains avant même l’apparition des premiers signes biologiques témoins de la pathologie.

L’antigène carcinoembryonnaire (ACE) peut, mais de façon inconstante, être augmenté ; c’est un marqueur moins fiable et moins spécifique que la CT.

B – Phéochromocytome :

Le diagnostic repose sur l’augmentation des dérivés méthoxylés des catécholamines urinaires totales et fractionnées (métadrénaline, normétadrénaline) sur les urines de 24 heures.

Le dosage des catécholamines urinaires totales et leur fractionnement n’apporte pas plus de précision, de même que le dosage des catécholamines plasmatiques, d’interprétation difficile.

Dans l’avenir, il est possible que le dosage des méthoxycatécholamines plasmatiques puisse faciliter le diagnostic en permettant de se dispenser du recueil des urines des 24 heures, toujours difficile à réaliser.

Lorsque le diagnostic biologique de phéochromocytome est fait, les techniques d’imagerie permettent de localiser le ou les phéochromocytome(s) (tomodensitométrie [TDM], imagerie par résonance magnétique [IRM] et scintigraphie à la méta-iodobenzylguanidine ou MIBG).

C – Hyperparathyroïdie :

C’est la constatation de calcémies et parathormonémies augmentées qui permet de faire le diagnostic d’HPT.

Les techniques d’imagerie complémentaires sont inutiles puisque le diagnostic d’HPT dans ce cadre nosologique impose l’exploration chirurgicale des quatre parathyroïdes.

Dépistage génétique :

Les différentes formes de NEM2 ont en commun une origine génétique identique, puisqu’il s’agit d’une maladie héréditaire autosomique dominante liée à une mutation du gène RET situé sur la région péricentromérique du chromosome 10 (10q11.2).

Le gène RET, d’une longueur de 60 kb et constitué de 20 exons, est un protooncogène codant pour un récepteur membranaire à activité tyrosine-kinase dont le ligand est une protéine impliquée dans la différenciation et la migration des cellules du neuroectoderme, le GDNF (glial derived nerve growth factor).

Le récepteur tyrosine-kinase comprend un domaine extramembranaire riche en cystéines, un domaine transmembranaire et un domaine intracellulaire.

Le complexe formé par le GDNF et son récepteur alpha (GDNF-GDNFRalpha) se fixe sur le site de liaison extramembranaire et entraîne une dimérisation du récepteur avec activation de la région intramembranaire du domaine tyrosine-kinase.

Les modèles expérimentaux de transfection sur des cellules in vitro ont permis de démontrer que les mutations observées dans les NEM2 entraînent une autoactivation du domaine tyrosine-kinase.

L’utilisation de souris transgéniques qui expriment une forme NEM2A de RET dans les cellules C thyroïdiennes développent desCMTavec une pénétrance quasi complète entre 8 et 18 mois, démontrant ainsi que la protéine RET porteuse de cette mutation est effectivement responsable de la maladie.

La NEM2 est le premier cancer héréditaire connu lié à une mutation dominante d’un proto-oncogène.

Des mutations germinales de RET sont aussi responsables d’environ 50 % des formes familiales de maladie de Hirschsprung caractérisée par une absence de ganglions entériques (qui proviennent de la crête neurale) de l’intestin terminal : dans ce cas, les mutations inactivatrices entraînent une perte de fonction du récepteur tyrosine-kinase.

Dans les quelques familles où coexistent une NEM2A et une maladie de Hirschsprung, les mutations s’observent sur les codons 618 ou 620 de l’exon 10 : elles entraînent à la fois une dimérisation covalente activatrice et une diminution de la quantité de protéine RET mature qui pourraient expliquer ces deux entités pathologiques apparemment contradictoires.

La prise en charge familiale à partir du cas index doit reposer sur la recherche d’une des mutations génomiques spécifiques du proto-oncogène RET de l’acide désoxyribonucléique (ADN), à partir de lymphocytes, afin de déterminer quels sont les sujets à risque dans la famille.

Lorsqu’une mutation a été identifiée chez un membre atteint d’une famille (cas index), tous les membres de la famille porteurs de la mutation développeront la maladie familiale et devront donc bénéficier des investigations biologiques nécessaires au diagnostic des diverses atteintes ; inversement, les membres de la famille qui n’ont pas la mutation sont définitivement indemnes et peuvent être dispensés de surveillance.

L’étude de l’ADN génomique est donc prépondérante dans la décision à prendre vis-à-vis d’un membre d’une famille : elle conditionne la prise en charge thérapeutique ou l’arrêt des investigations.

Il est donc impératif de confirmer les résultats de l’analyse du proto-oncogène par un deuxième prélèvement.

Rappelons que toute étude de l’ADN nécessite une information préalable et un accord signé par le patient.

Dans les familles où aucune mutation n’est identifiable, ce qui est exceptionnel dans les familles de NEM2A ou 2B, mais ce qui est le cas pour 10 % des familles de FMTC, la discrimination entre sujets sains et atteints nécessite une étude du polymorphisme génique par analyse de liaison, si la structure de la famille le permet ; dans ce cas, l’étude de l’ADN génomique doit être entreprise sur au moins deux sujets atteints et deux sujets indemnes afin qu’une probabilité puisse être faite chez le membre testé de la famille.

Dans les rares cas où aucune discrimination n’est possible, il faut se contenter d’un dépistage biologique chez tous les apparentés directs (enfants, fratrie, ascendants) par la répétition du test à la pentagastrine.

Jusqu’à présent, les mutations ont été observées sur sept des exons du protooncogène RET : exons 8, 10, 11, 13, 14, 15 et 16.

La recherche du marqueur moléculaire de la maladie doit donc porter sur l’ensemble de ces exons chez le cas index.

La découverte d’une mutation permet de faire le diagnostic d’une forme familiale et donc d’étendre la même recherche aux membres de la famille susceptibles d’être atteints (enfants, fratrie et ascendants).

Dans la quasi-totalité des cas de NEM2A ou 2B, l’identification d’une mutation permet d’affirmer le caractère familial de la maladie.

À l’inverse, chez un patient atteint de CMT isolé, l’absence de mutation sur les sept exons permet de faire le diagnostic deCMT sporadique non transmissible (donc ne faisant pas partie d’une NEM2) avec une certitude de 90 %.

Il existe certaines corrélations phénotype-génotype : 98 %des NEM2B ont une mutation du codon 918 sur l’exon 16 (et exceptionnellement exon 15, codon 883), 87 à 93 % des NEM2A présentent une mutation du codon 634 sur l’exon 11, 38 % des FMTC une mutation des codons 618 ou 620 sur l’exon 10, et 18 % des FMTC sur le codon 634 de l’exon 11.

Plus rarement, et essentiellement pour les FMTC à expression tardive, les mutations sont retrouvées sur les exons 8, 13, 14 et 15.

Il est certain que l’étude des corrélations phénotype/génotype n’est pas encore terminée : c’est ainsi qu’il vient d’être décrit une famille associant CMT et phéochromocytome avec mutation sur l’exon 13, considéré jusqu’à présent comme étant relié au phénotype FMTC.

En raison de l’importance du travail lié aux techniques de biologie moléculaire et de leur coût (non encore codifié, mais de l’ordre de BHN 700), la démarche diagnostique doit être rationalisée : si le cas index présente une NEM2B, la recherche de la mutation doit débuter par l’étude de l’exon 16, et par celle des exons 10 et 11 s’il s’agit d’une NEM2A ; si cette première recherche est négative, en particulier pour les cas de CMT isolés familiaux (FMTC), la recherche devra être étendue aux exons 13, 14 et 15, puis à l’exon 8.

Le dosage de la calcitonine plasmatique avec test de stimulation par la pentagastrine prouvera, soit dès le premier test, soit dans l’évolution, l’existence d’une pathologie des cellules C (hyperplasie ou microcancer) infraclinique dans la quasi-totalité des sujets porteurs de la mutation, puisque l’HCC est l’atteinte la plus précocement décelable.

Traitement :

Le traitement des NEM2 ne peut être que chirurgical.

Le seul traitement efficace du CMT est une thyroïdectomie totale avec exploration et curage bilatéral ganglionnaire du compartiment central du cou (chaînes récurentielles).

Ce curage comprend une cellulolymphadénectomie complète entre les deux axes jugulocarotidiens de l’os hyoïde au tronc veineux brachiocéphalique, emportant également les coulées thymiques et les ganglions médiastinaux antérosupérieurs accessibles par la cervicotomie.

L’existence d’une métastase dans ce compartiment nécessite l’exploration et le curage des chaînes latérales jugulocarotidiennes.

La survie dépend essentiellement de la qualité de l’acte chirurgical initial et du stade auquel est découvert le CMT : 97,7 et 70,3 % de survie à 10 ans chez les CMT respectivement considérés comme biologiquement guéris ou non en postopératoire, et 100 % des cas opérés après détection familiale.

La thyroïdectomie totale avec curage ganglionnaire (au minimum central) doit être obligatoirement effectuée dès que le test à la pentagastrine met en évidence une réponse de la CT supérieure à 10 pg/mL, puisqu’il a été montré que des atteintes ganglionnaires peuvent exister dès ce stade précoce de la maladie.

Lorsque la chirurgie est effectuée à ce stade précoce, chez l’enfant ou l’adolescent, par une équipe chirurgicale habituée à ce type d’intervention, la morbidité est très faible : deux cas d’HPT transitoires et une définitive ont été enregistrées par le GETC sur 71 interventions de ce type pratiquées entre 1993 et mars 1998. Pour les sujets dépistés porteurs de la mutation, la question débattue est celle d’une thyroïdectomie prophylactique pratiquée avant même toute anomalie de la CT, dès l’âge de 4 ans ou moins pour les NEM2A et en postnatal pour les NEM2B, afin d’éviter la répétition des tests à la pentagastrine et surtout d’intervenir avant le stade de microcarcinome.

Une telle chirurgie prophylactique, qui n’a encore été pratiquée que dans quelques cas, pourrait peut-être dispenser du curage ganglionnaire du compartiment central, principal responsable de la morbidité opératoire (hypoparathyroïdie et paralysie récurrentielle).

Le traitement de l’HPT repose sur la résection sélective des parathyroïdes adénomateuses ou hyperplasiques.

Les parathyroïdes (ou fragments de parathyroïde) laissées en place pour éviter l’hypoparathyroïdie doivent être repérées car elles peuvent être à l’origine de récidives de l’HPT.

Le traitement du phéochromocytome nécessite une surrénalectomie, en sachant que l’atteinte des deux surrénales est bilatérale (d’emblée ou dans l’évolution) dans 66,7 % des NEM2A et 79 % des NEM2B.

Il y a indication opératoire dès que la preuve de l’existence de phéochromocytomes est apportée par la biologie.

Les conditions actuelles de localisation des phéochromocytomes (TDM, IRM, MIBG) sont suffisamment performantes pour que la surrénalectomie par voie coelioscopique soit proposée.

La surrénalectomie sera bilatérale si l’imagerie démontre que l’atteinte est bilatérale.

En cas de phéochromocytome unilatéral, le choix entre surrénalectomie unilatérale ou bilatérale est d’emblée conditionné par l’analyse du risque individuel : risque d’insuffisance surrénale par nonobservance du traitement substitutif par hydrocortisone et difficulté de surveillance au long cours dans le but de dépister l’apparition éventuelle d’un phéochromocytome controlatéral.

Surveillance :

Le diagnostic de NEM2 impose des actes chirurgicaux dès que les éléments du dépistage biologique attestent de l’existence d’une des pathologies endocrines.

Pour le CMT, il est même envisagé une chirurgie prophylactique chez les NEM2A et 2B dès que la mutation a été identifiée.

Un dépistage biologique annuel doit être instauré chez tous les sujets porteurs de la mutation ou atteints de la maladie.

Il doit comprendre : le dosage plasmatique de la CT et test à la pentagastrine si la CT basale est normale, dérivés méthoxylés des catécholamines urinaires, calcémie et parathormonémie.

En postopératoire, le dosage de CT permet de dire si l’acte chirurgical a été complet ou non : une valeur résiduelle de CT en base ou une élévation de la CT après pentagastrine prouve une non-guérison, des CT indosables en base et après pentagastrine permettent d’affirmer la rémission.

La guérison à long terme ne peut être affirmée que sur la répétition annuelle des dosages de CT en base et des tests à la pentagastrine tous les 5 ans si la CT en base est normale.

En cas de non-guérison, la seule possibilité thérapeutique est la reprise chirurgicale.

Elle est impérative, quelles que soient les valeurs de la CT, aux niveaux cervical et médiastinal si le premier acte chirurgical a été incomplet (thyroïdectomie partielle, curage incomplet).

Si la chirurgie a été complète en première intention, la reprise chirurgicale ne s’envisage que si les valeurs basales résiduelles de CT sont suffisamment élevées (supérieures à 100 pg/mL) et après repérage par imagerie des sites résiduels ou métastatiques (par TDM et IRM cervicothoracoabdominales, échographie abdominale, scintigraphie osseuse et scintigraphie par immunomarquage anti-ACE) et par cathétérisme veineux étagé. Les traitements non chirurgicaux ne sont envisageables que si la chirurgie est impossible, car ils sont peu efficaces.

Le bénéfice en termes de survie des nouveaux protocoles de chimiothérapie reste encore à évaluer.

La radiothérapie externe est surtout utilisée dans un but antalgique sur les métastases osseuses douloureuses ; elle a été proposée sur les sites résiduels cervicaux inopérables dans le but de retarder l’évolution (50 Gy en 25 séances de 2 Gy étalés sur 5 semaines) en sachant que son inconvénient majeur est de rendre plus difficile encore, sinon impossible, toute reprise chirurgicale ultérieure.

La radiothérapie métabolique au moyen d’anticorps anti-ACE marqués est actuellement envisagée ; ce traitement n’en est encore qu’au stade d’essais de phase II.

Les autres méthodes thérapeutiques (administration d’131 I ou de MIBG-131 I, somatostatinergiques) se sont révélées inefficaces. De tels traitements ne se conçoivent qu’en cas de CMT très évolutifs ; ils ne doivent pas être entrepris dans le seul but de normaliser la CT.

Après chirurgie parathyroïdienne ou surrénalienne, la surveillance annuelle doit comprendre les dosages de calcémie-parathormonémie et dérivés méthoxylés des catécholamines urinaires pour dépister les récidives éventuelles de l’HPT et l’apparition du phéochromocytome controlatéral.

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