Négligence spatiale unilatérale

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Introduction :

La publication par Brain, en 1941, de trois cas anatomocliniques de « désorientation visuelle » en relation avec des lésions hémisphériques droites, est le véritable tournant descriptif et interprétatif de ce que cet auteur dénomma, à propos d’un de ces trois cas, l’agnosie spatiale unilatérale (ASU) ou « agnosie pour la moitié gauche de l’espace ».

Ce terme sera progressivement confondu avec celui de négligence spatiale unilatérale (NSU) ou de syndrome d’héminégligence (hemineglect des auteurs anglo-saxons).

Négligence spatiale unilatéraleDans les décennies précédentes, de nombreux neurologues tels Jackson (1876), Anton (1883), Zingerlé (1913), Poppelreuter (1917), Holmes (1918), Potzl (1928), Riddoch (1935), Lange (1936), Dide (1938) avaient souligné le rôle de l’hémisphère droit du droitier dans le traitement des données spatiales et reconnu son importance dans le maintien des processus attentionnels.

Mais le mérite essentiel de Brain est d’avoir établi la relation des différents aspects de la désorientation visuelle avec la présence d’une lésion postérieure de l’hémisphère droit, d’avoir souligné que la NSU ne pouvait se réduire à une cause purement sensorielle, et notamment la présence de l’hémianopsie latérale homonyme gauche, et d’avoir clairement identifié le syndrome d’héminégligence des autres symptômes de la « désorientation spatiale » (perte de la mémoire topographique, agnosies visuelles, troubles de discrimination droite-gauche…).

Critchley apporta, dès 1953, les éléments de réflexion physiopathologique qui soutiennent encore les interrogations sur l’unicité du comportement d’héminégligence.

Pour Critchley, les mécanismes en cause pourraient concerner :

– la perception spatiale, basée sur la reconnaissance du monde tridimensionnel et dont l’altération peut être liée à l’imperfection des synthèses visuelles, à l’atteinte de l’oculomotricité ou à un trouble de l’attention ;

– la conception de l’espace, c’est-à-dire la représentation du monde tridimensionnel dépendant de l’apprentissage visuel ;

– les manipulations spatiales, sous la dépendance de mécanismes sensorimoteurs.

Ces trois approches, perceptivo-attentionnelles, représentationnelles et sensorikinétiques restent parfaitement actuelles.

Jusqu’au début des années 1960, le « groupe de Zangwill » élabora des procédures d’investigation de plus en plus précises de la NSU.

C’est ainsi qu’une dissociation entre négligence personnelle et extrapersonnelle a pu être démontrée, remettant en question l’affirmation de Brain de l’association étroite entre négligence visuelle et hémiasomatognosie.

L’influence de la complexité des stimuli et la variabilité des conséquences de la NSU sur les activités de vie quotidienne furent également soulignées.

La période contemporaine a été marquée par l’inflation de la littérature sur le phénomène d’héminégligence.

Plusieurs faits expliquent cet engouement :

– l’importance de l’héminégligence comme modèle d’interprétation théorique des processus d’intégration spatiale, en terme d’attention sélective, de représentation mentale ou de préparation motrice des actes dirigés sur l’environnement ;

– l’intérêt porté par les neurologues et les rééducateurs sur le syndrome clinique dans sa période aiguë ou comme conséquence d’une incapacité résiduelle ; à ce titre, nous verrons que les procédures thérapeutiques visant à réduire les conséquences fonctionnelles de la NSU s’enrichissent remarquablement des concepts physiopathologiques.

Conceptions physiopathologiques :

Dans une perspective neuropsychologique, la NSU est une situation privilégiée permettant d’approcher les mécanismes qui sous-tendent les processus spatiaux et le rôle de l’attention.

Il est actuellement admis que l’héminégligence est un trouble qui peut impliquer plusieurs mécanismes psycho-physiopathologiques de niveau sensorimoteur ou cognitif, illustrant le fait que ce syndrome n’est pas univoque et peut intéresser de façon simultanée ou dissociée l’espace personnel, péripersonnel, extrapersonnel et représentationnel.

Les dissociations sont en effet nombreuses selon les modalités sensorielles, le domaine de l’espace considéré, la latéralisation de la réponse, le contenu de la stimulation, la réponse motrice.

Paillard propose, en 1997, une synthèse des théories neurophysiopathologiques suivant trois axes, selon que l’accent est mis sur les processus attentionnels, représentationnels ou intentionnels, ce qui correspond aux trois grands symptômes décrits chez le patient porteur d’une héminégligence sous les termes d’hémi-inattention, d’agnosie hémispatiale, ou encore de négligence motrice ou hémihypokinésie.

A – THÉORIES ATTENTIONNELLES :

Ces théories se sont remarquablement enrichies du développement des concepts de la psychologie cognitive sur l’attention.

La NSU est considérée ici comme la conséquence d’une inattention sélective à l’hémichamp spatial controlatéral à la lésion cérébrale, le plus souvent l’hémichamp gauche.

Le comportement d’héminégligence serait avant tout lié à un défaut de l’orientation de l’attention vers l’information spatiale.

Dans cette perspective, Kinsbourne émet l’hypothèse de la rivalité interhémisphérique avec, à l’état normal, une dominance de l’hémisphère gauche dans le contrôle général des processus attentionnels du fait que la majorité des actions est engagée dans des tâches langagières favorisant l’orientation de l’attention vers la droite.

Cette théorie de la « balance interhémisphérique » ou « d’activation-orientation », dont les bases neuro-anatomofonctionnelles sont incertaines, expliquerait l’asymétrie de la NSU, plus sévère après lésion droite du fait de la prépondérance naturelle des vecteurs d’orientation de l’attention vers la droite.

De Renzi et al évoquent l’existence d’un centre attentionnel pariétal droit, du fait de la grande fréquence des comportements d’héminégligence gauche en relation avec les lésions pariétales postérieures, tout en soulignant le rôle de la déviation oculaire vers la lésion, ainsi que la lenteur de la récupération de la NSU gauche par rapport à la négligence droite provoquée par les lésions hémisphériques gauches.

Mesulam, sur la base de données expérimentales chez le singe, postule un modèle en réseau distributif des processus d’attention dirigée.

Quatre ensembles fonctionnels pourraient être impliqués.

Le cortex pariétal postéro-inférieur (aire 7 a/PG) serait le carrefour de convergences multiples :

– motrices, issues du cortex prémoteur, du striatum et du colliculus supérieur (dimension d’exploration, de recherche et de saisie des informations pertinentes) ;

– sensorielles, fonctions intégrées dans les aires associatives corticales, le pulvinar médian, le thalamus postérolatéral (dimension perceptive et de représentation) ;

– motivationnelles, fonctions du cortex limbique, du gyrus cingulaire et du cortex préfrontal (choix des indices) ;

– dynamogéniques, associées aux systèmes réticulaires mésencéphaliques activateurs et aux noyaux intralaminaires du thalamus (activation générale non spécifique).

Dans ce « réseau attentionnel » de Mesulam, chaque composante neuro-anatomo-fonctionnelle jouerait un rôle spécifique dont on pourrait déduire des conduites psycho-physiopathologiques engageant l’individu selon des modalités diverses.

Heilman et son école proposent un schéma moins élaboré à partir du concept d’hypoactivation attentionnelle.

Pour ces auteurs, les systèmes réticulaires activateurs ascendants qui assurent à la fois l’éveil, l’alerte, puis l’attention sélective, seraient défaillants en cas d’héminégligence.

La distribution bilatérale du réseau dynamogénique réticulo-cortico-limbique pourrait être responsable d’une activation asymétrique expliquant la dissociation observée en cas de lésions droites ou gauches.

L’équipe de Posner a développé, dans une perspective cognitiviste, l’idée d’une perturbation de l’orientation de l’attention interne.

Trois opérations pourraient être identifiées : le désengagement de l’attention là où elle est initialement fixée, le déplacement et le réengagement.

Un désordre particulier du désengagement attentionnel pourrait être spécifiquement le fait de l’héminégligence associée aux lésions pariétales, surtout si la localisation lésionnelle est à droite, alors que la perturbation de l’engagement attentionnel serait plus directement reliée aux lésions thalamiques.

À ce niveau, on peut établir un certain rapport avec la théorie de Kinsbourne de la rivalité interhémisphérique et de son déséquilibre postlésionnel.

B – THÉORIES REPRÉSENTATIONNELLES :

La conception d’un trouble de représentation mentale de l’espace à l’origine de la NSU a été évoquée par Zingerlé, Brain et Critchley dans le cadre plus général d’une perturbation de la représentation du schéma corporel.

Mais cette idée ne tient pas compte de la perturbation de l’espace extracorporel, symptôme essentiel du syndrome de négligence unilatérale.

Ce sont les travaux de Bisiach et al qui ont montré que les patients atteints d’une négligence spatiale gauche dans les tâches perceptives avaient également un trouble de représentation mentale d’une image visuelle dans sa partie gauche (test d’évocation mentale de la place de la cathédrale de Milan).

Ce phénomène se reproduit, quel que soit le changement de position du patient « observateur » suggéré par l’examinateur.

Ces notions ont été confirmées dans d’autres situations expérimentales de tâches de reconstruction mentale de formes non verbalisables, des tâches de reconstruction visuelle dynamique, ou des tâches mentales d’épellation de la gauche vers la droite, ou en sens inverse.

Mais ce trouble de la représentation mentale pose avant tout le problème des mécanismes neurophysiologiques perturbés qui le sous-tendent.

– La notion de référentiel égocentrique s’inscrit partiellement dans ce cadre et vient à l’appui des thérapies de manipulations sensorielles utilisées en rééducation du syndrome d’héminégligence .

La référence égocentrique, axe médian du système de coordonnées de nature rétinocentrique transformées en coordonnées égocentriques, conduit à l’élaboration de deux hémiespaces gauche et droit, espace extracorporel vers lequel les actions sont dirigées.

Le cortex pariétal postérieur contribue à la construction de cette référence, en association avec certaines structures sous-corticales : colliculus supérieur, thalamus, réticulée mésencéphalique.

Une lésion pariétale postérieure conduirait au déplacement de la référence égocentrique du côté lésé : c’est la déviation ipsilésionnelle de la référence égocentrique qui serait ainsi le mécanisme principal de la NSU en raison d’altérations de la représentation centrale de l’espace.

– La rupture d’équilibre de l’organisation symétrique des représentations de l’espace corporel autour de ses coordonnées principales évoque à Biguer et al un déséquilibre d’activation des structures contribuant à la construction de la référence égocentrique : c’est la conception visuomotrice du biais d’orientation qui s’exprime dans l’exécution des mouvements oculaires, céphaliques ou segmentaires dirigés dans l’espace extracorporel.

Mais il existe de nombreuses limites au concept de déviation ipsilésionnelle de la référence égocentrique comme facteur explicatif de la NSU :

– la déviation n’est pas systématique chez les patients négligents : une double dissociation négligence égocentrique-exocentrique est loin d’être exceptionnelle, et il n’y a pas de corrélation significative entre la position de la référence égocentrique et les signes de NSU (la déviation de la référence égocentrique n’est qu’un symptôme inconstant de NSU) ;

– la déviation de la référence égocentrique n’est pas spécifique de la NSU ; en effet, elle peut s’observer dans d’autres circonstances : par exemple, en cas d’hémianopsie latérale homonyme, de lésions vestibulaires, voire de lésions cérébrales droites sans signe de négligence ; ainsi, selon Karnath, en présence d’une NSU on devrait identifier la coexistence de deux troubles : une déviation de la référence et un trouble de l’attention touchant essentiellement la composante d’orientation automatique.

– La NSU peut concerner plusieurs cadres de références ; centrées sur l’observateur, sur l’environnement ou sur l’objet ou concernant des coordonnées différentes (horizontale, verticale, espace proche ou lointain…), ces dissociations sont peu compatibles avec la seule explication de l’altération du cadre de référence égocentrique.

C – THÉORIES INTENTIONNELLES :

La théorie « prémotrice » soutenue par Rizzolatti et al se situe à l’interface des conceptions représentationnelles et attentionnelles du comportement d’héminégligence.

S’appuyant sur les résultats des cortectomies sélectives chez le singe (aires 6 et 8 frontales, aire pariétale 7b), cette théorie postule une conception unitaire en rejetant l’hypothèse de la séparation fonctionnelle des mécanismes attentionnels de ceux de l’incitation motrice.

Les lésions de l’aire 7b (lobule pariétal inférieur) produisent une négligence unilatérale limitée à l’espace péripersonnel proche de l’animal (régions péribuccales).

L’ablation de l’aire 8 entraîne une négligence des stimuli présentés à distance (espace extrapersonnel) ; les lésions de l’aire 6, richement connectée avec le lobule pariétal inférieur dans sa partie rostrale, produisent une négligence personnelle et péripersonnelle.

Ces résultats semblent ainsi montrer que le comportement d’héminégligence peut se limiter spécifiquement soit à l’espace extrapersonnel, soit à l’espace péripersonnel et personnel suivant le siège des lésions.

Il s’agit donc d’une conception de l’attention dirigée subordonnée à l’exécution d’un programme moteur.

La nature de la réponse motrice détermine ou tout au moins influence la qualité des mécanismes perceptifs.

Ainsi, le rôle focalisateur de l’étape prémotrice des actions dirigées dans l’espace est essentiel à l’activation des structures corticales au sein desquelles l’espace est « représenté ».

L’attention spatiale serait donc la conséquence et non la cause de l’action dirigée, d’où l’importance des structures activatrices du tronc cérébral (éveil, alerte…) et des centres déviationnels (orientation conjuguée des yeux, de la tête et du corps).

Cette conception souligne les limites de la dichotomie, héminégligence sensorielle (ou attentionnelle) et héminégligence motrice (ou intentionnelle), et ce malgré des localisations lésionnelles identiques.

Pourtant dans une perspective dualiste, Heilman et al avancent des arguments expérimentaux en faveur d’une ségrégation :

– la négligence motrice serait la conséquence d’un défaut d’activation des réactions d’orientation dans l’espace extrapersonnel, via la boucle cortico-réticulo-limbique ; le comportement de sousutilisation, ou hémihypokinésie directionnelle, serait la conséquence d’un déficit de mobilisation intentionnelle motrice par défaillance des systèmes activateurs ascendants à la base des réactions d’alerte ; une activation asymétrique a pu être démontrée expérimentalement et rendrait compte de la possibilité de l’expression unilatérale de l’hypokinésie ;

– il existerait un rôle différentiel du cortex cingulaire antérieur et postérieur ; les projections du cingulum antérieur sur l’aire motrice supplémentaire (AMS), les aires prémotrices dorsomédianes et le cortex préfrontal auraient pour corollaire l’organisation et l’incitation des réponses motrices intentionnelles ; au sein de l’AMS et de l’aire 6, une dissociation fonctionnelle impliquerait une gestion des activités motrices projectives (sur la base d’un projet, d’un modèle interne) et des activités réactives (réponse aux sollicitations de l’environnement) ; en revanche, le cingulum postérieur, par ses connexions avec le pulvinar médian et les projections massives de ce dernier sur le cortex pariétal inféropostérieur, le sillon temporal supérieur et l’aire 8 frontale, constituerait un ensemble fonctionnel dont les lésions seraient responsables d’une NSU typique évoquant un désordre attentionnel proprement dit ; les noyaux de relais sensoriels du thalamus et le contrôle sur ces derniers des noyaux réticulaires thalamiques et des structures intralaminaires placent ces structures en position stratégique pour la régulation du flux d’informations impliqué dans les processus d’activation sélective.

Ainsi, de nombreuses interrogations persistent quant aux mécanismes physiopathologiques en cause dans la NSU.

Entre les composantes sensorielles et motrices du processus attentionnel, les concepts cognitifs de la représentation interne de l’espace et du système interne de coordonnées, est posé en fait le problème de la ségrégation entre les niveaux de traitement sensorimoteur et cognitif du contrôle de l’action.

Encore faut-il s’entendre sur la notion de représentation interne de l’espace et des systèmes de coordonnées dans lequel il est défini : référence égocentrique qui est celle du corps propre, référence exocentrique ou environnement visuel, référentiel géocentré ordonnant les relations de l’espace corporel et extracorporel.

Selon Paillard, un approfondissement des conséquences comportementales observées par l’atteinte sélective de ces différents systèmes de référence permettrait de « mieux appréhender les stratégies disponibles pour diriger sélectivement l’attention sur des secteurs privilégiés de l’espace perceptif et initialiser les activités spatialement orientées ».

Dans le cadre d’une approche cognitive modulaire, les mécanismes de l’attention dirigée conduisent à reconnaître plusieurs composantes.

Une étude de ces phénomènes serait particulièrement pertinente et adaptée à l’étude du phénomène de NSU, permettant d’en interpréter les conséquences sémiologiques globales ou dissociées.

Dans cette perspective, plusieurs phénomènes peuvent être en cause :

– soit un trouble du maintien d’un état de « vigilance et d’alerte attentionnelle » ; la prédominance de l’hémisphère droit est à ce niveau de mieux en mieux établie, via le réseau cortico-réticulo-limbique ;

– soit un trouble d’orientation de l’attention interne ou externe (porter attention, déplacer l’attention) ; ce niveau impliquerait le réseau postérieur réticulo-thalamo-pariétal ;

– soit, enfin, un trouble de la détection des signaux sensoriels et des événements sous la dépendance du réseau antérieur cingulaire-préfrontal.

Corrélations anatomocliniques et fonctionnelles :

L’héminégligence, que l’on attribue habituellement à une lésion de l’hémisphère droit chez le droitier et notamment dans sa partie postérieure, a été souvent comparée au plan épidémiologique à l’aphasie par lésion hémisphérique gauche.

Pour certains, en fonction des critères cliniques retenus, près de la moitié des lésions de l’hémisphère droit s’accompagneraient d’une héminégligence.

Parmi les grandes séries « historiques », celle de Hecaen, comportant une vérification anatomique chirurgicale ou postmortem, relève une agnosie spatiale unilatérale dans 56 cas sur 179 lésions droites et seulement un cas sur 286 lésions gauches.

Dans la série consécutive de 602 accidents vasculaires cérébraux observés au stade aigu, de la Copenhagen Stroke Study, l’héminégligence est notée chez 23 % des patients.

L’incidence de l’héminégligence est de 42 % en cas de lésion hémisphérique droite, et seulement 8 % dans les lésions gauches.

La présence d’une anosognosie est fortement corrélée à la présence de l’héminégligence (73 % des patients héminégligents contre 6 % de ceux ne présentant pas d’héminégligence).

L’héminégligence s’observe dans tous les types de lésions : vasculaires en premier lieu, mais aussi traumatiques, tumorales.

Les données contemporaines expérimentales et humaines ont souligné les possibles dissociations du comportement d’héminégligence, notamment dans le sens héminégligence personnelle versus extrapersonnelle, héminégligence sensorielle versus motrice.

Parallèlement, les progrès de l’imagerie morphologique et fonctionnelle cérébrale ont confirmé la diversité des sites lésionnels au sein d’un réseau neuronal cortico-souscortical complexe.

En outre, la négligence spatiale de l’hémiespace droit par atteinte hémisphérique gauche, quoique moins sévère et moins durable que la négligence spatiale gauche par lésion droite, serait plus fréquente que ne le laisserait penser la spécialisation fonctionnelle hémisphérique droite pour le traitement des données spatiales.

A – LÉSIONS CORTICO-SOUS-CORTICALES :

L’atteinte rétrorolandique droite est la plus fréquente et notamment dans la région du carrefour temporo-pariéto-occipital.

Plus précisément, le rôle critique du lobe pariétal dans sa portion inféropostérieure (lobule pariétal) a été souligné de longue date.

Il a été clairement établi une distinction des troubles consécutifs aux lésions du lobe pariétal supérieur (déficit d’orientation vers la cible dans l’espace controlatéral ou ataxie optique avec extinction) par rapport à l’héminégligence des lésions pariétales inféropostérieures.

L’atteinte du lobe frontal dans sa région prérolandique (cortex dorsolatéral) a été reconnue dès 1972 par Castaigne comme pouvant être à l’origine d’une héminégligence, que ce soit dans le sens d’une négligence spatiale gauche par atteinte hémisphérique droite ou l’inverse.

En outre, la répartition antéropostérieure des lésions à l’origine d’une héminégligence semble montrer une prédominance des lésions frontales en cas de négligence droite, pariétales en cas de négligence gauche.

B – LÉSIONS SOUS-CORTICALES :

Les progrès de l’imagerie cérébrale (tomodensitométrie [TDM], imagerie par résonance magnétique [IRM]) ont permis de reconnaître la responsabilité de lésions sous-corticales pures à l’origine de l’héminégligence controlatérale.

Ces lésions profondes seraient responsables de plus de 20 % des syndromes de négligence spatiale, du moins si l’on s’en tient aux lésions d’origine vasculaire.

Le thalamus droit est la structure le plus fréquemment en cause, soit après lésion ischémique (territoire de l’artère cérébrale postérieure ou occlusion du pédicule thalamique paramédian) ou plus souvent hémorragique, soit par lésion stéréotaxique pour chirurgie de la maladie de Parkinson.

La localisation intrathalamique concerne essentiellement le pulvinar et les noyaux intralaminaires (centre médian et parafasciculaire).

Les lésions des autres noyaux gris centraux sont rapportées de façon moins habituelle : il s’agit surtout du putamen, de la tête et du corps du noyau caudé à droite, ces lésions étant le plus souvent associées à une atteinte de la substance blanche adjacente.

Un rôle particulier peut être reconnu aux lésions isolées du bras postérieur de la capsule interne (infarctus de l’artère choroïdienne antérieure) et aux lésions frontales sous-corticales.

Les lésions isolées du bras antérieur de la capsule interne produiraient plus spécifiquement une négligence motrice.

La fréquence de l’héminégligence secondaire aux lésions souscorticales pures d’origine vasculaire concernerait la moitié des lésions thalamiques droites, un quart environ des lésions des autres noyaux gris, mais seulement 5 % des lésions de la substance blanche isolément.

La fréquence et la sévérité clinique de l’héminégligence semblent dépendantes de la taille de la lésion.

C’est le cas des lésions étendues des noyaux gris et notamment du thalamus postérieur associées à une lésion du bras postérieur de la capsule interne.

L’héminégligence est alors comparable, dans son expression et son intensité, à celle des lésions pariétales postéro-inférieures.

Ces faits plaident bien en faveur d’un circuit neuronal reliant les noyaux thalamiques aux aires corticales.

C – CORRÉLATIONS ANATOMOFONCTIONNELLES :

En effet, l’imagerie fonctionnelle cérébrale (positron emission tomography [PET]-scan, single photon emission computerized tomography [SPECT]) permet de montrer le diaschisis sous-corticocortical direct après lésions thalamiques ou juxtathalamiques droites.

L’interprétation de l’héminégligence après lésions souscorticales pures évoque ainsi une désafférentation des aires corticales dont la traduction est l’hypodébit relatif hémisphérique droit.

Cette hypoperfusion concerne essentiellement le cortex pariétal droit et, à un degré moindre, le cortex frontal droit.

Un diaschisis inverse cortico-sous-cortical a pu être mis en évidence expérimentalement chez le singe après lésion corticale sélective pariétale ou frontale produisant une héminégligence.

L’hypoactivité corticale mesurée par autoradiographie est associée à un hypométabolisme souscortical ipsilatéral (thalamus, ganglions de la base, tectum), c’est-àdire à distance de la lésion expérimentale.

Ces constatations, expérimentales et cliniques, plaident en faveur des deux composantes anatomofonctionnelles de l’héminégligence : prémotrice et perceptuelle.

Chaque composante pourrait relever d’une interruption de réseaux différents venant ainsi à l’appui des hypothèses de Mesulam et Heilman.

Dans la composante perceptuelle (hémi-inattention), le substratum anatomique de l’héminégligence concerne le cortex pariétal postérieur, le gyrus cingulaire postérieur, les noyaux postérieur et médial du thalamus.

La composante prémotrice (hémihypokinésie directionnelle) ou négligence motrice concernerait les lésions frontales droites ou gauches et notamment le cortex prémoteur dorsolatéral, le cingulum antérieur et les noyaux thalamiques associés (centres médian, ventral antérieur, ventrolatéral).

D – CORRÉLATIONS LÉSIONNELLES ET RÉCUPÉRATION :

En cas de lésions sous-corticales pures, la récupération de l’héminégligence est associée à une atténuation de l’hypométabolisme cortical, c’est-à-dire à la régression du diaschisis.

L’amélioration observée pendant la rééducation est elle-même corrélée à l’augmentation du métabolisme cérébral, en région frontale, mais aussi sur l’hémisphère sain.

De façon générale, un volume lésionnel important et l’existence d’une lésion frontale associée sont des facteurs de mauvais pronostic de l’héminégligence.

Mais globalement, l’héminégligence récupère plus rapidement et plus complètement que les déficiences « primaires » qui lui sont souvent associées : hémianopsie, hémiplégie.

Ce fait semble confirmer que les réseaux neuronaux impliqués dans la représentation spatiale et les processus attentionnels sont étendus et redondants.

En outre, le rôle dans la récupération de l’hémisphère controlatéral à la lésion peut être évoqué à partir de quelques observations ayant montré la réaggravation de l’héminégligence lorsqu’une deuxième lésion survient sur l’hémisphère jusqu’alors intact.

Évaluation clinique :

A – SÉMIOLOGIE CLINIQUE CLASSIQUE DE LA NÉGLIGENCE UNILATÉRALE :

La définition clinique de la négligence unilatérale la plus utilisée est celle d’Heilman : « difficultés à signaler, à répondre ou à s’orienter vers des stimuli porteurs de signification lorsque ceux-ci sont présentés du côté opposé à une lésion cérébrale ».

Dans les cas les plus spectaculaires, à la phase aiguë d’un accident vasculaire cérébral hémisphérique droit, la négligence est souvent évidente dès l’inspection du patient.

Celui-ci présente une déviation permanente de la tête et du regard vers la droite, vers laquelle il semble attiré de façon magnétique. Il ignore les sollicitations venant du côté ipsilatéral à la lésion.

Ce comportement pathologique peut être observé dans de nombreuses activités élémentaires de la vie quotidienne tels que les repas (oubli des aliments sur la gauche de l’assiette), la toilette (le sujet ne se lavant pas la partie gauche du visage), la lecture (omission de la page gauche du livre).

Une tendance à tourner systématiquement vers la droite alors qu’il faudrait aller à gauche, de même que la survenue de collisions avec des objets situés à gauche, sont fréquemment notées quand le patient récupère sa mobilité.

Ces troubles régressent de façon plus ou moins nette, mais même dans les cas de bonne récupération, il n’est pas rare de voir persister un certain biais vers la droite, qui peut n’apparaître que dans certaines circonstances (fatigue, tâche double).

B – ÉVALUATION ANALYTIQUE :

Il existe de nombreux tests cliniques de négligence décrits dans la littérature.

La plupart d’entre eux ont été conçus de façon empirique, sans s’appuyer sur un modèle théorique précis.

Une limite à la majorité des épreuves utilisées vient de l’absence de données normatives solides.

Quelle que soit l’épreuve choisie, il faut se rappeler de quelques règles :

– la négligence unilatérale n’obéit pas à une règle du « tout ou rien » ; elle peut varier d’un instant à l’autre en fonction du type de stimulus, de l’état attentionnel, de la fatigue ou de l’état émotionnel du malade ; il est donc préférable de ne pas se limiter à un test, mais au contraire de faire passer au patient une batterie de plusieurs épreuves ;

– le score brut à un test ne dispense pas de l’analyse qualitative des performances (par exemple, une tendance à systématiquement commencer par la droite, une exploration vers la gauche laborieuse, lente et hésitante) ;

– pour toutes ces épreuves, la feuille de test doit être présentée en situation médiane, l’examinateur face au patient ; ce dernier doit être de préférence assis confortablement, en évitant une inclinaison du tronc.

1- Épreuves visuoperceptives (aspect perceptif de la négligence) :

* Test des figures entremêlées :

On présente au sujet des planches représentant des dessins de cinq objets entremêlés, deux étant situés sur la gauche, deux sur la droite et le cinquième, médian, englobant les quatre autres.

La négligence unilatérale se traduit par des omissions d’images du côté opposé à la lésion ou, dans les formes moins sévères, par une tendance à identifier d’abord les images de droite.

* Test de Wundt-Jastrow :

Il repose sur la comparaison de deux fanions incurvés, identiques mais donnant l’illusion d’être de taille différente.

Les sujets doivent indiquer lequel des deux fanions paraît être le plus grand.

L’effet attendu disparaît en cas de négligence lorsque l’illusion est située du côté gauche.

* Test de dénomination et désignation d’objets :

Les sujets doivent dénommer et désigner les objets situés dans leur chambre ou dans une salle de l’hôpital.

Des omissions au-delà de 50° seraient pathologiques.

2- Épreuves visuographiques (aspect perceptifs et moteur de la négligence) :

* Tests de barrages :

Ils ont une place centrale dans l’évaluation de la négligence, en partie du fait de leur simplicité de passation et de cotation.

Le principe est de détecter des items cibles répartis sur une feuille de papier horizontale, en général de format A4, et de les barrer (ou les entourer).

Les cibles sont réparties de façon pseudoaléatoire, mais de telle façon qu’elles soient en nombre égal à gauche et à droite.

Les sujets négligents omettent de barrer des stimuli contralésionnels et ont tendance à utiliser une stratégie de recherche allant de la droite vers la gauche, voire plus anarchique.

Certains auteurs utilisent comme score le nombre total de cibles barrées ou d’omissions, alors que d’autres proposent un score d’asymétrie tenant compte de la latéralité des omissions.

Mesulam a montré que le nombre d’omissions était plus élevé avec des stimuli non verbaux et répartis de façon irrégulière.

La présence de distracteurs augmente la sensibilité d’un test de barrage.

Il existe de nombreuses versions de ce type de tâche.

– Barrage de ligne : la version la plus classique est celle d’Albert comprenant 40 lignes de 2,5 cm de long sans distracteurs, réparties de façon pseudoaléatoire en sept colonnes dont une centrale sur une feuille format A4.

La plupart des auteurs considèrent qu’un nombre d’omissions supérieur ou égal à deux est pathologique, bien qu’un seuil plus élevé (cinq omissions) ait pu être proposé.

Le test d’Albert réalisé dans les 48 premières heures d’un accident vasculaire cérébral a montré une bonne valeur prédictive du pronostic vital et fonctionnel à six mois, et est vraisemblablement un test sensible à la phase initiale.

Toutefois, il manque de sensibilité dans les formes discrètes de négligence.

– Barrage de lettres : le principe est de barrer une ou plusieurs lettres cibles, dispersées de façon pseudoaléatoire parmi d’autres lettres de l’alphabet. De nombreuses versions en ont été proposées, faisant varier le nombre de cibles et de distracteurs.

– Test des cloches : cette épreuve permettrait de détecter une négligence légère ou modérée. Trente-cinq cibles (des cloches noires, en ombre chinoise) sont mêlées à 280 distracteurs sur une feuille A4 horizontale.

Selon les auteurs de ce test, un nombre d’omissions total supérieur à trois suggérerait un déficit attentionnel, et un nombre d’omissions latéralisées supérieur ou égal à six serait en faveur d’une négligence unilatérale.

Il faut également tenir compte de la stratégie utilisée (progression de droite à gauche) et de la vitesse de réalisation.

– Test de barrage d’étoiles : cette épreuve fait partie de la batterie de l’équipe de Rivermead, le Behavioural inattention test ou BIT.

Une feuille format A4 contient 56 petites étoiles (cibles), 52 grandes étoiles, 13 lettres isolées et 10 mots courts.

Le seuil pathologique serait de trois omissions, bien que cela ait été discuté par Stone et al qui ont proposé un critère beaucoup plus prudent de 16 omissions, diminuant beaucoup la sensibilité de l’épreuve mais en augmentant la spécificité.

– Tests de bissection de lignes : le principe est de barrer par le milieu une ligne horizontale.

Les patients négligents à gauche déplacent le milieu de la ligne vers la droite, au contraire des sujets contrôles qui présentent une discrète déviation vers la gauche.

Cette déviation est plus importante pour les lignes situées dans l’hémiespace gauche.

Elle peut être réduite en indiquant l’extrémité gauche de la ligne.

Un effet de la longueur de la ligne a été montré, traduit habituellement par une augmentation de la déviation avec la longueur de la ligne.

Curieusement, une déviation inverse, vers la gauche, a été constatée pour les lignes de moins de 5 cm.

Il existe de nombreuses versions de tests de bissection dans la littérature.

Une limite à l’interprétation de ces tests vient de l’importante variabilité interindividuelle.

* Tests de dessins, de mémoire ou en copie :

Les dessins spontanés ou sur copie de patients négligents à gauche peuvent mettre en évidence une asymétrie de réalisation : oubli ou mauvaise réalisation de la partie gauche, transposition sur la droite de détails situés à gauche, utilisation de la seule partie droite de la feuille.

Les dessins les plus souvent utilisés sont de forme symétrique (papillon, cube, bonhomme, marguerite, maison, cadran d’horloge, formes géométriques).

Des scènes comportant plusieurs objets simples répartis horizontalement sont également souvent utilisées, dont les plus classiques sont la scène de Gainotti et celle d’Ogden, pouvant mettre en évidence soit une omission de la partie gauche de l’ensemble de la scène, soit une omission de la partie gauche de chacun des objets la constituant, ou négligence centrée sur l’objet.

Peu de données normatives sont disponibles sur ces épreuves.

3- Épreuves informatisées :

Bien que n’étant pas partout réalisables en routine, elles peuvent avoir un grand intérêt pour dépister des déficits discrets.

Il s’agit essentiellement d’épreuves de temps de réaction visuels latéralisés, telles celle de la batterie attentionnelle de Zimmermann.

Le sujet doit répondre en déprimant un bouton-réponse lors de l’apparition de stimuli de part ou d’autre du point de fixation central.

Typiquement, les sujets négligents présentent un nombre plus élevé d’omissions et un allongement des temps de réaction pour les stimuli situés à gauche.

Une asymétrie des temps de réaction est parfois la dernière anomalie à persister chez les patients ayant une bonne récupération apparente.

4- Synthèse :

Du fait de la variabilité inter- et intra-individuelle de la négligence unilatérale, plusieurs auteurs ont suggéré qu’il était préférable d’utiliser non pas un seul test, mais une association de tests.

La sensibilité relative des épreuves cliniques est très variable.

Des batteries comportant plusieurs épreuves ont ainsi été constituées, telles que le BIT, en langue anglaise, qui comprend six tests papier-crayon et a bénéficié d’une validation et d’une normalisation.

Une batterie francophone est en cours de validation (batterie du Groupe d’étude de la rééducation et de l’évaluation de la négligence [Geren]).

Lors de la récupération, on peut cependant observer un effet plafond des tests et certains patients continuent à présenter un biais attentionnel dans la vie de tous les jours, contrastant avec des performances quasi normales aux tests papier-crayon.

C’est dans ces situations que les tests informatisés et l’évaluation comportementale (ou écologique) prennent tout leur intérêt.

C – ÉVALUATION FONCTIONNELLE ET COMPORTEMENTALE DE LA NÉGLIGENCE :

La nécessité de développer des outils d’évaluation comportementale de la négligence est apparue à la suite d’observation de dissociation entre les tests traditionnels et le comportement du patient dans sa vie quotidienne.

Cette dissociation se manifesterait de préférence chez des patients en phase chronique.

Selon Seron, la réalisation des tests papier-crayon reposerait avant tout sur l’orientation volontaire de l’attention, alors que dans la vie quotidienne, c’est l’orientation automatique de l’attention qui serait nécessaire.

Un déficit spécifique de cette dernière composante rendrait bien compte de la persistance d’un comportement de négligence contrastant avec de bonnes performances aux tests.

1- « Behaviour inattention test » (BIT) :

Le BIT, que nous avons déjà évoqué, comporte, en dehors des tests conventionnels, un ensemble de neuf tests dits « comportementaux », simulant des activités de la vie quotidienne et donc supposés plus proches de la gêne réelle ; par exemple, faire un numéro de téléphone, lire un menu ou un article de journal, lire l’heure sur un cadran de montre et mettre une pendule à l’heure, désigner des pièces de monnaie.

Le subtest le plus sensible serait le test des pièces de monnaie.

Cette batterie a montré une bonne validité, mais sa supériorité par rapport aux tests papier-crayon traditionnels reste à démontrer.

2- Échelles de Zoccolotti :

Zoccolotti et al proposent une évaluation à base de situations semi-structurées, simulations de tâches de la vie quotidienne, avec des objets réels.

Cette évaluation comprend deux échelles, correspondant à la négligence extrapersonnelle (servir du thé et distribuer des cartes à quatre personnes assises autour d’une table carrée, décrire trois images complexes et décrire une pièce) ou à la négligence personnelle (utilisation d’objets courants : rasoir ou poudrier, peigne, lunettes).

La distinction entre négligence corporelle et extracorporelle semble être un des apports les plus originaux de cette échelle.

3- Questionnaire de Towle et Lincoln (« subjective neglect questionnaire ») :

Towle et Lincoln ont proposé un questionnaire administré au patient lui-même et à ses proches, leur demandant d’évaluer la présence de difficultés dans 19 situations de vie quotidienne (par exemple : se heurter dans des meubles ou dans le cadre des portes, ne placer qu’un pied sur la palette du fauteuil, avoir des difficultés à lire l’heure).

Les auteurs ont montré une différence entre le score obtenu par l’interrogatoire des patients et par celui de la famille, ce qui permet d’évaluer l’anosognosie.

4- Test du plat à four (« baking tray task ») :

Ce test consiste à répartir de façon régulière 16 cubes sur une planche, « comme s’il s’agissait de petits pains sur un plat à gâteau avant de le mettre au four ».

Ce test a paru plus sensible que les tests conventionnels. Son intérêt par rapport aux autres outils, et surtout sa pertinence écologique, demandent à être précisés.

5- Échelle de Catherine Bergego (ECB) :

Cette échelle permet d’évaluer de façon standardisée et semi-quantitative le comportement de négligence, à partir d’une observation du patient par un thérapeute, dans différentes situations de sa vie quotidienne.

Le deuxième intérêt de l’ECB est d’apprécier la conscience que le patient a de ses difficultés, en comparant les données de l’observation et celles de l’interrogatoire.

L’échelle comprend 10 items portant sur des activités élémentaires, chacun étant coté de 0 (normal) à 3 (négligence sévère).

Cette échelle, dont la validité et la reproductibilité ont paru satisfaisantes s’est avérée plus sensible que les tests papier-crayon traditionnels.

Les trois items les plus sensibles étaient la conscience de l’hémicorps gauche, l’habillage et les déplacements.

Un score d’anosognosie peut également être calculé par la différence entre le score de l’examinateur et le score d’autoévaluation par le patient lui-même.

Cette échelle semble donc intéressante par sa sensibilité, mais elle est surtout réalisable dans un cadre hospitalier.

D – SYNTHÈSE :

L’évaluation de la négligence unilatérale doit se concevoir de façon différente selon le moment auquel on voit le malade et selon les objectifs de cette évaluation.

Schématiquement, à la phase initiale d’un accident vasculaire cérébral, l’évaluation ne peut être que minimale.

Un test simple, comme un barrage de ligne, suffira souvent à confirmer l’existence d’une négligence unilatérale, dont l’importance a une valeur pronostique aussi bien vitale que fonctionnelle.

À un stade ultérieur, le but de l’évaluation est de rechercher des déficits pouvant avoir un retentissement fonctionnel sur les activités de la vie quotidienne, dans une optique thérapeutique.

L’emploi d’une batterie plus complète, et en particulier d’une évaluation comportementale, est alors souhaitable.

E – FORMES CLINIQUES DE LA NÉGLIGENCE :

Les épreuves que nous venons de décrire n’évaluent que la négligence visuospatiale dans l’espace péripersonnel proche.

Or, la négligence n’est plus considérée aujourd’hui comme une entité une et indivisible, mais plutôt comme un ensemble complexe regroupant des troubles pouvant être cliniquement dissociés.

Les manifestations cliniques de la négligence unilatérale peuvent être très différentes d’un patient à un autre et chez un même patient en fonction de la nature des stimuli utilisés, de la modalité sensorielle, du mode de réponse demandé, ainsi que du référentiel spatial utilisé.

Ces différentes modalités cliniques de la négligence ne sont pas prises en compte par les évaluations traditionnelles.

Nous sommes ici toutefois à la limite entre la pratique clinique et la recherche, et nous ne ferons donc que citer brièvement quelques épreuves proposées dans la littérature, en sachant qu’aucune d’elles n’a fait l’objet d’une étude de validation systématique.

1- Dissociations en fonction de la partie de l’espace concerné :

* Espace extrapersonnel proche ou lointain :

De nombreux travaux cliniques et expérimentaux ont suggéré une distinction dans le traitement cognitif de l’espace à portée de main (reaching distance), ou espace péripersonnel, et de l’espace à portée de marche (walking distance), ou espace extrapersonnel.

La négligence dans l’espace lointain peut être évaluée en utilisant des stimuli (cibles à détecter, lignes à barrer en leur milieu) situés hors de portée de la main du sujet.

Halligan a rapporté un cas de négligence limitée à l’espace proche (péripersonnel), respectant l’espace lointain (extrapersonnel).

Des dissociations inverses ont également été rapportées.

* Négligence personnelle :

La négligence personnelle (ou corporelle) est un défaut d’exploration de la moitié du corps controlatéral à la lésion.

Le patient semble oublier son hémicorps lors d’activités élémentaires (toilette, habillage) ou n’arrive pas à désigner certaines parties de l’hémicorps négligé.

Des doubles dissociations ont été décrites entre négligence personnelle et extrapersonnelle.

Bisiach et al proposent une épreuve simple et rapide de négligence personnelle, dont le principe est de demander au patient d’aller toucher sa main contralésionnelle avec sa main ipsilésionnelle.

Le score va de 0 à 3.

2- Négligence et langage écrit :

* Dyslexie de négligence :

La dyslexie de négligence peut se traduire lors de la lecture d’un texte, dont le sujet ne lit que la partie droite.

La lecture commence souvent au milieu de la page, et les retours à la ligne s’avèrent difficiles, le patient ayant du mal à détecter le début de la nouvelle ligne.

Des parallaxes peuvent également être constatées : non-lecture ou substitution de lettres sur la partie gauche des mots.

En pratique clinique, la dyslexie de négligence est souvent évaluée de façon purement qualitative, peu d’épreuves validées ayant été publiées.

On peut utiliser la lecture d’un texte, de phrases, de mots ou de non-mots isolés.

En langue française, le texte le plus utilisé est celui dit du « vernis à ongle », issu d’un recueil pour aphasiques.

Il a été normalisé et a montré une bonne sensibilité chez un groupe de patients avec lésion droite.

Plus récemment, un protocole plus complet d’évaluation de la dyslexie de négligence a été proposé, comprenant la lecture d’un texte court, de mots horizontaux et verticaux, de sigles courants, de logatomes, ainsi que de nombres et de lettres isolés.

La lecture de texte était moins sensible que les autres subtests.

Le nombre d’erreurs était significativement corrélé à la longueur des mots, au nombre de caractères, de syllabes et de phonèmes.

Les erreurs étaient également plus nombreuses sur les mots moins fréquents.

* Dysgraphie de négligence (ou dysgraphie spatiale) :

La dysgraphie de négligence ou dysgraphie spatiale se traduit par l’utilisation d’une marge gauche anormalement grande, le patient n’utilisant que la partie droite de la feuille.

Des erreurs (paragraphies) peuvent concerner la partie gauche des mots (omissions, substitutions ou additions de lettres et/ou de jambages).

Une difficulté à maintenir une écriture rectiligne est également fréquemment notée.

L’analyse de l’écriture est essentiellement qualitative.

Une épreuve de dictée d’un texte a été validée dans le cadre d’un réseau multicentrique francophone sur 96 sujets (non publiée).

3- Aspects moteurs de la négligence :

La négligence peut également porter sur l’organisation de la réponse motrice.

On distingue deux aspects différents selon que le trouble moteur concerne l’utilisation de l’hémicorps controlatéral à la lésion, indépendamment du côté de l’espace dans lequel se déroule l’action (classique négligence motrice), ou qu’il s’agisse d’une difficulté à réaliser des mouvements vers l’espace contralésionnel, quel que soit l’hémicorps considéré (hypokinésie directionnelle).

* Négligence motrice :

La négligence motrice est définie par Laplane comme une sousutilisation d’un hémicorps, contrastant avec une force musculaire relativement préservée.

Dans sa forme pure, qui est rare, le patient se présente comme s’il était hémiplégique, mais sur forte incitation, il peut mobiliser son hémicorps avec une force quasi normale.

Il peut s’y associer une lenteur gestuelle et une perte des réactions de placement et d’évitement.

La négligence motrice contralésionnelle peut-être mise en évidence par un paradigme de réponse croisée : on demande à un patient de lever la main droite lorsqu’il est touché à gauche, et inversement, ou les deux mains en cas de stimulation bilatérale.

La tâche peut aussi être proposée avec des stimulations auditives ou visuelles.

* Hypokinésie directionnelle :

Il s’agit d’une difficulté pour initier et/ou réaliser un geste dirigé vers l’espace controlatéral à la lésion.

Ce déficit touche également le membre ipsilatéral à la lésion.

En dehors de la lenteur d’initiation, une lenteur de réalisation (bradykinésie) et une hypométrie ont également été signalées.

L’hypokinésie directionnelle nécessite pour être mise en évidence des techniques sophistiquées, la difficulté étant de distinguer les parts perceptive et motrice.

L’hypokinésie directionnelle peut toucher le comportement oculomoteur, entraînant une diminution des mouvements spontanés du regard vers la gauche, y compris pendant le sommeil, avec des saccades hypométriques.

Il peut s’y associer un biais moteur directionnel, le patient ayant tendance à orienter spontanément son regard vers le côté de la lésion et à dévier vers le côté ipsilatéral lorsqu’on lui demande de pointer droit devant lui les yeux fermés.

4- Négligence représentationnelle :

La négligence peut affecter l’espace représenté ou imaginé, indépendamment de la présence physique d’un stimulus.

Ce sont Bisiach et al qui ont individualisé la négligence représentationnelle.

Ils ont demandé à des patients négligents de décrire de mémoire la place de la cathédrale de Milan à partir d’un point donné.

Les détails de cette place, situés du côté gauche, étaient omis par les patients ; toutefois, quand le point de vue imaginaire était inversé de 180°, les détails précédemment négligés pouvaient être cités, alors que les détails précédemment cités étaient omis.

Quelques cas de négligence limitée à l’imagerie mentale, sans autre signe de négligence spatiale, ont été rapportés.

Il est toutefois difficile d’évaluer de façon pure la négligence de l’espace représenté.

Rode et al ont décrit le test de la carte de France : on demande au sujet de se représenter mentalement la carte de France et d’évoquer le plus grand nombre de villes qu’il peut ainsi visualiser.

Le score est la comparaison entre le nombre de villes citées à droite et à gauche de l’axe Lille-Perpignan.

Il n’existe pas de données normatives sur cette épreuve qui, comme la description de mémoire d’un lieu célèbre, dépend de l’origine géographique et des connaissances culturelles des sujets.

Citons enfin le O’Clock test, qui consiste à comparer mentalement les angles entre les aiguilles de deux horloges et de dire lequel des deux est le plus grand.

Les sujets négligents feraient plus d’erreurs quand les aiguilles sont situées dans la moitié gauche du cadran.

F – TROUBLES ASSOCIÉS ET APPARENTÉS :

1- Extinction :

C’est l’incapacité à détecter un stimulus controlatéral à la lésion cérébrale lorsque celui-ci est présenté simultanément à un stimulus ipsilatéral, alors que ce stimulus est détecté lorsqu’il est présenté isolément.

L’extinction peut s’observer à l’intérieur d’un hémiespace ; c’est alors le stimulus le plus à gauche qui est « éteint » par le stimulus le plus à droite.

L’extinction a été décrite dans toutes les modalités sensorielles, visuelle, auditive, tactile ou olfactive.

2- Allochirie et alloesthésie :

Il s’agit de la perception ipsilésionnelle d’un stimulus qui est en fait controlatéral à la lésion.

3- Anosognosie :

Ce terme décrit l’absence de conscience ou le déni de l’hémiplégie.

Elle peut également concerner l’hémianopsie. Un patient présentant une hémiplégie massive peut vouloir se lever pour rentrer chez lui et chuter, sans comprendre le motif de sa chute, ni de son hospitalisation, et en niant totalement toute paralysie.

Cette négation peut même persister après que l’examinateur ait démontré au patient son déficit.

Elle régresse habituellement progressivement et plusieurs niveaux d’intensité ont été décrits.

Certains patients peuvent reconnaître verbalement l’existence d’un déficit moteur, mais tenter de se comporter comme si ce déficit n’existait pas ou encore paraître indifférents à leur paralysie (anosodiaphorie).

Bisiach et al proposent une échelle d’évaluation de l’anosognosie pour le déficit moteur et pour le déficit visuel.

La cotation se fait sur quatre niveaux de 0 (le trouble est rapporté spontanément par le patient) à 3 (le trouble n’est jamais reconnu par le patient, même après sa démonstration clinique par l’examinateur).

L’anosognosie est souvent associée à une méconnaissance de l’hémicorps contralésionnel, qui n’est plus reconnu par le sujet comme étant le sien (asomatognosie).

Des phénomènes d’illusions ou de confabulations (somatoparaphrénie) sont parfois rencontrés.

Certains sujets peuvent ainsi nier qu’une partie de leur corps leur appartienne, ou prétendre à une présence étrangère dans leur lit, ou encore à un membre surnuméraire, en particulier durant la nuit.

Prise en charge rééducative :

Si une partie de la négligence disparaît spontanément dans 60 % des cas en 3 mois, elle n’en demeure pas moins un handicap lourd pour les 40 % de patients qui ne récupèrent pas naturellement et, dans tous les cas, un retard à la récupération fonctionnelle.

Le traitement étiologique de la lésion cérébrale est à l’heure actuelle insuffisant pour améliorer significativement la négligence et il n’existe pas de traitement médicamenteux reconnu, même si l’approche neuropharmacologique demeure une piste d’avenir.

La rééducation tient dès lors une part prépondérante dans la prise en charge de ce syndrome.

Elle fait, depuis une vingtaine d’années, l’objet de nombreux travaux s’appuyant sur les avancées théoriques et méthodologiques décrites précédemment, et sur des études cliniques récentes.

A – OBJECTIF, CONCEPT ET MOYENS :

1- Objectif :

L’objectif principal de la rééducation est de réduire l’héminégligence de façon significative et durable.

C’est-à-dire :

– améliorer la perception et l’exploration de l’hémichamp spatial négligé qu’il soit interne (représentations) ou externe (espaces personnel, péripersonnel, extrapersonnel) ;

– obtenir un gain supérieur à la récupération naturelle et une amélioration de l’autonomie (transfert des acquis dans la vie quotidienne) ;

– conserver un bénéfice clinique après l’arrêt de la rééducation (apprentissage).

2- Concept :

Le concept de base de la rééducation de la négligence, issu de l’observation clinique et des données récentes de la neuroimagerie fonctionnelle, est qu’il existe une capacité de récupération liée à des phénomènes de plasticité cérébrale, de compensation ou de levée de diaschisis.

Cette récupération dépendrait de stimulations plurimodales spontanées ou provoquées par la rééducation, réactivant une partie des circuits lésés ou activant des circuits de suppléance tels que les aires frontales ipsiou controlatérale.

Ces stimulations, selon le modèle de Mesulam, peuvent être primaires (attentionnelles, visuelles, sensitives, vestibulaires, auditives ou motrices) ou secondaires (représentationnelles ou comportementales : exploration, motivation).

La rééducation visera alors à reproduire, amplifier et combiner ces stimulations qui seront appliquées de façon progressive, répétitive et prolongée, en salle de rééducation puis en milieu naturel.

3- Moyens :

Les moyens sont représentés par la prise en charge globale et par différentes techniques analytiques classiques ou récentes.

B – PRISE EN CHARGE GLOBALE :

Il s’agit d’une approche multidisciplinaire de l’héminégligence s’intégrant précocement dans la prise en charge de l’hémiplégie.

Cette prise en charge est lourde, requérant un personnel compétent, motivé, et coordonné autour d’un projet de soin adapté défini par le médecin physique.

1- Adaptation de l’environnement :

L’installation de la chambre est un préliminaire indispensable à la rééducation et doit être adapté à chaque cas.

L’objectif est de stimuler l’orientation vers le côté négligé sans nuire à la sécurité du patient. Quelques consignes simples sont proposées :

– orientation du lit : au début côté droit vers la porte pour voir entrer les personnes, puis progressivement à gauche ;

– objets de sécurité : sonnette, téléphone, urinal…du côté droit ;

– objets de confort : radio, télévision, confiseries, photos, livres… en face du patient au début (sur table mobile par exemple), puis de plus en plus du côté gauche.

Il est possible de disposer des indiçages visuels sous forme de panneaux de couleur vive à gauche des lieux stratégiques : porte, lavabo, cabinet de toilette…

La personne aura pour consigne de repérer l’indice avant d’effectuer l’action.

2- Autonomisation :

L’autonomisation sera travaillée par l’équipe de soin (infirmières et aides-soignantes) dans la chambre du patient, puis progressivement par l’ergothérapeute en chambre, en salle d’ergothérapie, puis en appartement thérapeutique et à l’extérieur de l’établissement si possible.

La stratégie d’autonomisation de l’hémiplégique négligent peut suivre les recommandations suivantes :

– faire prendre conscience du trouble par la verbalisation et la mise en situation progressive et répétitive, dans un climat calme et sécurisant ;

– proposer des solutions simples pour pallier l’échec : incitation à explorer visuellement et tactilement le côté gauche, incitation à tourner le tronc et la tête à gauche avant chaque action, stimulation du côté gauche de façon plurisensorielle par le soignant placé à la gauche du patient (stimulations tactiles, auditives, visuelles) ;

– donner le résultat de l’action, en valorisant l’effort et en précisant si nécessaire la raison de l’échec ;

– répéter l’action en fonction de la tolérance du patient.

On peut conseiller de débuter l’autonomisation par l’alimentation, puis la toilette, les transferts et l’habillage.

Le travail du déplacement est capital car la négligence se démasque ou se majore fortement au cours de cette activité, pouvant mettre le patient et son entourage en danger (chutes, collisions).

Il nécessite un entraînement spécifique à l’aide de parcours standardisés, permettant d’apprendre l’utilisation d’un fauteuil roulant pour hémiplégique (à double commande ou de type Arnas selon le cas).

Le même type de travail est ensuite proposé pour la marche.

L’entourage du patient est informé de la nature du trouble et des moyens d’y faire face dès les premiers jours.

Des sorties thérapeutiques à domicile sont mises en place dès que possible en fonction des capacités d’accueil de la famille.

Ils permettent en effet une mise en situation dans un lieu connu et structurant.

C – PRISE EN CHARGE ANALYTIQUE :

Cette approche est l’aspect rééducatif proprement dit du syndrome d’héminégligence.

Il permet un réentraînement intensif et ciblé du déficit avant de transférer les résultats dans la vie quotidienne, ce qui reste l’objectif principal de la prise en charge.

Pour être efficace, il nécessite une régularité et une durée minimum : la plupart des études positives font mention d’au moins 20 à 40 séances d’1 heure, au rythme d’une par jour.

1- Techniques traditionnelles :

Ces techniques sont les plus anciennement et les plus habituellement pratiquées, faisant appel à un support théorique de type apprentissage.

Leur utilisation est consacrée par le temps malgré un défaut d’évaluation scientifique.

* Ergothérapie :

Il s’agit classiquement d’une discipline centrale de la rééducation de l’héminégligence.

Elle permet, dans un premier temps, un travail global de l’attention puis, et surtout, de focaliser ce travail sur des activités courantes de la vie quotidienne après un bilan d’autonomie du type ECB.

Elle s’appuie sur :

– un travail analytique en salle : exploration visuelle (à partir de jeux, de lecture, de rampes lumineuses…) et manuelle (exercices de pointages, déplacements bimanuels dans l’espace, négligé dans un premier temps, puis déplacement du membre supérieur gauche seul : cônes, cercles, plots, puzzles…) ;

– un travail en situation pratique : atelier (peinture, vannerie, menuiserie…), cuisine, appartement thérapeutique, chambre, domicile, extérieur, etc ; le thérapeute insistera, là aussi, sur la prise de conscience du déficit dans des situations de base (transferts, repas, hygiène, toilette, habillage, déplacements) et sur les moyens d’y remédier.

* Neuropsychologie et orthophonie :

Avec ces deux disciplines proches, ce sont les aspects cognitifs de l’héminégligence qui seront le plus exercés.

Le patient travaillera la lecture et l’écriture en s’aidant, dans un premier temps, de gros caractères, d’indiçages visuels et de textes en colonne.

Pourront être réalisées : des descriptions de scénettes ou de vues connues, des plans de lieux (domicile, ville…) ou de trajets connus (domiciletravail, domicile-lieux publics…), des exercices de calcul…

* Kinésithérapie :

Les techniques traditionnelles de rééducation de l’hémiplégie (type Bobath, Brunström, Perfetti…) sont à intégrer pleinement dans la prise en charge de l’héminégligence.

En effet, elles participent directement à la récupération, par le travail, des postures et le contrôle du tronc spécifique à ces techniques.

Le thérapeute veillera simplement à se positionner le plus fréquemment possible à gauche du patient, à lui prodiguer des stimuli plurisensoriels répétitifs et à verbaliser de façon très simple les difficultés et les consignes.

2- Techniques récentes et expérimentales :

Ces techniques innovantes sont développées depuis les années 1975-1980.

Elles ont pour points communs d’avoir un support théorique ou empirique et une réelle évaluation méthodologique.

Elles ont pratiquement toutes démontré une efficacité en situation de test, mais quelques-unes seulement ont permis une réelle amélioration fonctionnelle.

Nous proposons une classification selon le mode d’activation du cortex pariétal postérieur, suivant les modèles de Mesulam et de Vallar.

* Stimulations primaires, attentionnelles, sensorielles et motrices :

Ces techniques consistent à réaliser des stimulations répétées sensorielles ou motrices de l’hémiespace gauche, recentrant les coordonnées spatiales égocentriques vers la gauche (déviation forcée de l’attention vers la gauche) et réactivant l’hémisphère droit sous-utilisé.

Il peut s’agir d’une activation attentionnelle de type alerte, de stimulations visuelles directes classiques telles que les indiçages , ou de manipulations du champ visuel telles que l’occultation de l’oeil droit ou mieux de l’hémichamp visuel droit, et le port de lunettes à prisme.

Ces deux dernières techniques sont particulièrement prometteuses, compte tenu de leur facilité de mise en oeuvre et des résultats préliminaires, mais elles nécessitent une confirmation par des essais multicentriques.

D’autres stimulations sensorielles se sont révélées efficaces de façon transitoire, mais sans application rééducative jusqu’à présent : les stimulations auditives avec une amélioration de l’héminégligence par l’écoute musicale et une dégradation par l’écoute verbale, et les stimulations vestibulaires avec suppression transitoire de la négligence par stimulation calorique froide du côté négligé.

Les stimulations sensitives ou somesthésiques semblent elles aussi efficaces : vibrations des muscles cervicaux gauches, rotation gauche de la tête et du tronc, stimulations électriques cutanées cervicales gauches.

Les stimulations motrices par mobilisation volontaire de l’hémicorps négligé donnent elles aussi des résultats prometteurs.

* Stimulations secondaires cognitive et comportementale :

Il peut s’agir d’un reconditionnement exploratoire (scanning training) par apprentissage de stratégies exploratoires déclenchées par des stimuli sensoriels.

Seron et al proposent de déclencher la séquence exploratoire par un stimulus sonore (buzzer).

Diller et Weinberg proposent un ancrage attentionnel suivi d’une poursuite visuelle lente de gauche à droite et de l’identification d’un signal lumineux avec biofeedback sur rampe lumineuse (« machine à explorer »).

Cette stratégie est ensuite appliquée à des tâches pratiques, telles que la lecture ou l’évaluation de la longueur de tiges transparentes.

D’autres auteurs proposent un travail cognitif sans stratégie comportementale prédéfinie.

Robertson puis Bergego proposent sans succès des exercices de comparaison droite-gauche sur micro-ordinateur.

Söderback fait effectuer à ses patients une auto-analyse d’une tâche filmée (confection de petits pains).

Tham fait effectuer une analyse en vidéo-feed-back direct. Smania propose des exercices de visualisation mentale de postures, de trajets ou de lieux avec de bons résultats.

* Stimulations mixtes, plurimodales-plurisensorielles :

Ce type de technique permet un couplage des approches cognitivocomportementales et sensorimotrices grâce à des appareillages associés à des méthodes de rééducation. Diller, dans sa dernière étude, utilise un mannequin sur lequel est disposé un réseau d’ampoules électriques reliées à un tableau de commande.

Le sujet doit indiquer sur le mannequin, suivant la séquence apprise sur la machine à explorer, la zone stimulée par le thérapeute qui active la lumière en cas de bonne réponse. Parmi les trois études du groupe new-yorkais, il s’agit de la plus performante puisqu’elle permet une amélioration de l’autonomie.

Bon Saint Come et Wiart, très récemment, ont développé un appareillage et une méthode originale couplant l’exploration spatiale (stimuli visuels et auditifs) à une mobilisation volontaire du tronc (mise en jeu motrice et vestibulaire) avec biofeedback en temps réel (motivation, stimulations cognitives et comportementales).

Il permet d’obtenir une amélioration significative de la négligence et de l’autonomie dans le groupe expérimental par rapport au groupe témoin (rééducation traditionnelle) avec conservation du bénéfice 1 mois, puis 1 an après l’arrêt du traitement, faisant évoquer une sous-utilisation des capacités d’apprentissage avec les méthodes traditionnelles.

Une étude multicentrique française est en cours pour valider cette technique innovante.

Conclusion :

Les nombreux travaux de ces 15 dernières années ont permis :

– une meilleure connaissance clinique et physiopathologique de la négligence ; les techniques de neuro-imagerie fonctionnelle seront certainement d’une grande utilité pour une meilleure compréhension de ce syndrome ;

– une meilleure évaluation clinique, préliminaire indispensable à l’étude séméiologique et aux études cliniques comparatives ; une batterie standardisée est en cours de validation dans le cadre d’un travail au niveau national (batterie du Geren) ;

– la confirmation de l’intérêt des pratiques rééducatives traditionnelles et l’éclosion en parallèle d’une multitude de méthodes prometteuses dont la validation et les indications restent encore à préciser par des études multicentriques.

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