Nævus pigmentaires

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Nævus pigmentaire acquis commun :

A – ÉPIDÉMIOLOGIE :

Les nævus pigmentaires acquis représentent la majorité des nævus.

Ils sont plus nombreux que les nævus congénitaux, et s’en distinguent par leur apparition après la naissance, à partir de 6 à 12 mois.

Ils se multiplient progressivement pendant l’enfance puis plus rapidement à l’adolescence.

Nævus pigmentairesL’adulte jeune présente en moyenne 20 à 30 nævus. Leur nombre diminue ensuite avec le vieillissement.

Certains disparaissent tandis que d’autres présentent une involution fibreuse.

Les patients de race noire présentent un nombre moyen de nævus moins important que les Caucasiens.

Les expositions solaires de l’enfance influenceraient leur grand nombre, leur taille et leur survenue précoce.

La présence d’un grand nombre de nævus (supérieur à 50) peut être héréditaire, et serait un facteur de risque indépendant pour le mélanome.

B – ASPECT DERMATOPATHOLOGIQUE :

Les mélanocytes næviques sont des cellules rondes ou fusiformes caractérisées par leur arrangement caractéristique en thèques.

On distingue trois types de nævus, en fonction de la localisation des thèques, qui correspondent à trois stades évolutifs.

Lorsque la prolifération de cellules næviques se situe dans la partie basale de l’épiderme et au niveau de la jonction dermoépidermique, le nævus est dit jonctionnel.

Les nævus dermiques présentent une diminution ou disparition de l’activité jonctionnelle, les mélanocytes se détachent de la membrane basale pour rejoindre le derme.

Les nævus composés ou mixtes résultent de l’association des deux types.

Les mélanocytes næviques intraépidermiques ou situés dans le derme papillaire sont « épithélioïdes » et pigmentés. Leur forme est ovale ou cuboïde.

Ils restent localisés dans les assises basales et n’atteignent pas la partie supérieure de l’épiderme.

Dans le derme moyen et profond, les cellules sont de plus petite taille que dans le derme superficiel, et d’aspect « lymphoïde ».

Il existe un gradient de maturation vers la profondeur du derme, les cellules apparaissant plus petites et moins pigmentées.

Certaines cellules du derme profond sont de forme plus allongée et prennent une allure neuroïde ou fibroblastique, surtout si elles sont isolées.

L’architecture globale du nævus est symétrique, et les cellules næviques sont semblables entre elles à un niveau donné de la lésion.

D’autres cellules peuvent également être occasionnellement retrouvées, comme des cellules géantes multinucléées, des cellules fusiformes ou ballonnisantes.

Des images histologiques de fibrose (fibroplasie sous-épithéliale), d’involution adipeuse, de mucinose suggèrent une régression nævique.

Les immunomarquages par les anti-PS100, vimentine et parfois HMB45 (en cas de composante jonctionnelle) sont positifs.

C – HISTOGENÈSE :

Les cellules næviques sont issues des mélanoblastes qui dérivent de la crête neurale.

Après une étape de migration (d’environ 6 semaines) et de différenciation, les mélanocytes næviques atteindraient la membrane basale de l’épiderme et le derme entre les 40e et 50e jours de gestation (ou le derme profond et l’hypoderme dans le cas des nævus congénitaux).

La perte d’adhésion avec les kératinocytes adjacents permettrait la formation de thèques dans l’épiderme (nævus jonctionnel), le derme (nævus dermique) ou les deux (nævus mixte ou composé).

Ces cellules sont semblables aux mélanocytes normaux de par leurs caractéristiques architecturales, immunophénotypiques et fonctionnelles ; c’est la raison pour laquelle le terme de « nævocytes » ou de « nævus nævocellulaire » doit être abandonné.

Des controverses persistent quant à l’origine commune des mélanocytes næviques dermiques et épidermiques.

En effet, certains auteurs suggèrent que les mélanocytes du derme profond dériveraient des cellules de Schwann.

Ces suppositions sont fondées sur l’aspect neuroïde en profondeur, l’arrangement en corpuscules ressemblant aux corpuscules de Meissner, la positivité des anticorps dirigés contre les cellules de Schwann et de la cholinestérase.

Pour la plupart des auteurs, l’évolution des nævus pigmentaires se fait vers la profondeur.

Les nævus récents étant jonctionnels, ils évoluent secondairement vers le derme en devenant composés puis dermiques purs avant de prendre, en fin d’évolution, un aspect « neuroïde ».

Le nombre de nævus dont un individu est porteur à l’âge adulte jeune est bien corrélé avec son taux d’exposition solaire dans l’enfance et l’adolescence.

Il semble donc bien exister, à côté des facteurs liés à l’embryogenèse, un déterminisme « environnemental » de l’apparition des nævus.

D – ASPECTS CLINIQUES HABITUELS :

Les aspects cliniques des nævus sont très variés.

Contrairement aux nævus congénitaux, ils sont habituellement de petite taille, inférieure à 15 mm, et mesurent souvent moins de 5 mm.

Il s’agit de macules ou papules hyperpigmentées symétriques, à bords réguliers, de couleur et de surface homogènes, ovales ou arrondies.

Ces lésions sont de taille stable.

Dans ces formes typiques, les critères ABCDE (asymétrie, bords irréguliers, couleur inhomogène, diamètre = 6 mm et extension en surface) sont donc tous négatifs.

Les plus irréguliers en forme et en couleur sont dits « cliniquement atypiques ».

La coloration est orange-rosé chez les sujets roux et, à l’inverse, très foncée, marron-noir chez les sujets de phototype plus foncé.

On les retrouve sur l’ensemble du tégument ainsi que sur les organes génitaux (10 à 15 %), mais les localisations sur le cuir chevelu, les paumes, les plantes et les muqueuses sont plus inhabituelles.

Les zones non exposées sont relativement épargnées.

Les localisations conjonctivales et palmoplantaires sont plus fréquemment rencontrées chez les patients à peau noire.

Le nombre et l’aspect général des nævus sont variables selon les individus, mais une personne donnée est souvent porteuse de nævus d’aspect similaire.

E – ASPECTS ANATOMOCLINIQUES ET DERMOSCOPIQUES :

L’évolution clinique d’un nævus suit étroitement son évolution histologique.

Quatre-vingt-dix pour cent des nævus sont jonctionnels dans l’enfance, ils évoluent au cours de la vie pour devenir des nævus dermiques ou composés (diminution ou disparition de l’activité jonctionnelle).

Ainsi, initialement maculeux et pigmentés, il deviennent progressivement en relief et moins pigmentés.

Leur croissance est proportionnelle à celle du site anatomique sur lequel ils se trouvent.

Des formes éruptives existent.

1- Nævus jonctionnel :

Il est cliniquement plutôt plan ou légèrement en relief et pigmenté.

Sa couleur varie du marron clair au marron foncé, voire noir, avec parfois un renforcement de la coloration au centre de la lésion.

Il s’agit du principal type anatomoclinique des nævus de l’enfant, et le plus souvent observé dans les localisations palmoplantaires et génitales.

L’examen dermoscopique retrouve un réseau pigmenté fin, régulier, non interrompu, qui s’efface progressivement en périphérie.

Ses mailles représentent la mélanine située en regard des crêtes épidermiques.

Inversement, les entre-mailles, plus hétérogènes, correspondent à la projection des papilles dermiques.

La symétrie de la lésion, la régularité de ses bords, l’homogénéité des couleurs, la régularité des mailles avec extinction progressive du réseau en périphérie, sont autant de critères dermoscopiques rassurants.

L’examen anatomopathologique retrouve une prolifération mélanocytaire en thèques situées dans les couches inférieures de l’épiderme.

La lésion est symétrique et les thèques sont régulières dans leur taille, leur espacement et dans la taille des cellules qui les composent.

Ce type de nævus est susceptible de dégénérer, notamment chez l’adulte.

On retrouve alors, histologiquement, la présence d’un contingent nævique coexistant avec les zones de mélanome.

2- Nævus composé :

Il est discrètement en relief ou plus papuleux.

La pigmentation, marron clair à marron foncé, est homogène.

Chez les grands enfants ou les adolescents, ce type de nævus s’épaissit et sa couleur s’atténue, en raison de la profondeur du pigment, inquiétant injustement les parents.

Le réseau, en dermoscopie, est comparable au nævus jonctionnel, mais il peut disparaître au centre de la lésion, éventuellement remplacé par un aspect de zone sans structure, plus ou moins pigmentée, avec parfois un « pseudoréseau inversé ».

Des globules bruns s’associent à ces images, ils correspondent aux mélanocytes de la jonction ou du derme papillaire.

Ce sont des éléments ronds ou ovales, de couleur beige-marron à noir-bleu selon la profondeur des thèques.

L’homogénéité de leur taille, de leur répartition, est en faveur de la bénignité.

L’examen dermatopathologique retrouve une combinaison des images de nævus jonctionnel et dermique.

3- Nævus dermique :

C’est le principal type de nævus rencontré chez l’adulte, surtout sur le visage.

Sa forme est en dôme, sessile ou pédiculée.

Parfois papillomateux, ou mou, à type de sac vidé, il peut être peu ou pas pigmenté.

Il peut se recouvrir de télangiectasies ou de poils, ces derniers sont souvent plus foncés, plus épais et plus longs que ceux de la peau adjacente.

Leur présence ne présage en rien de leur bénignité !

En dermoscopie, le réseau pigmenté est absent avec parfois un aspect de « pseudoréseau ».

Les globules bruns sont marron ou bleu violacé, de couleur, de taille et de répartition homogènes.

Les vaisseaux sont décrits en « virgule », c’est-à-dire courts, épais et courbés, superficiels et disposés parallèlement à la surface.

À l’examen histologique, on retrouve habituellement une « grenzzone », dépourvue de mélanocytes sous l’épiderme, et une prolifération mélanocytaire dermique avec le plus souvent une « maturation » cellulaire en profondeur. Leur involution adipeuse, voire leur disparition est possible.

Malgré tout, le mécanisme de la disparition progressive des nævus observée chez les sujets âgés n’est pas, à ce jour, complètement élucidé.

À côté de ces phénomènes d’involution dermique, des mécanismes de régression d’origine immunologique sont évoqués (phénomène de Sutton).

Enfin il n’est pas exclu, compte tenu du rôle de l’exposition solaire dans l’apparition des nævus et de l’accroissement de celle-ci dans la population occidentale contemporaine, que la différence du nombre de nævus entre sujets jeunes et âgés ne soit en partie que le reflet de ces changements sociologiques.

F – DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS :

1- Lésions mélaniques non næviques :

* Éphélides :

Elles correspondent à une hypermélaninose localisée (augmentation de la production de mélanine par un nombre normal de mélanocytes) et se présentent sous la forme de petites macules bruns clair de quelques millimètres.

On les rencontre principalement en cas de phototype clair, et elles sont influencées par le soleil, ce qui les distingue des lentigos.

* Lentigos :

Ce sont des lésions maculaires uniformes, plus sombres, brunes à noires, de 2-3 mm, qui ne présentent pas de variation saisonnière, elles ne disparaissent pas en hiver.

Ils correspondent à une augmentation de mélanocytes à la jonction dermoépidermique, non regroupés en thèques, une hyperplasie localisée de l’épiderme (dite « lentigineuse ») est observée.

Il existe un réseau régulier en dermoscopie, non interrompu, avec des mailles et entre-mailles homogènes.

Des points noirs, correspondant au pigment présent dans la couche cornée, et des globules marron-noir peuvent être retrouvés au centre.

L’« ink spot lentigo » est une forme anatomoclinique très foncée de lentigo observée volontiers chez les sujets de phototype clair en zone photoexposée.

Il se caractérise en dermoscopie par un réseau extrêmement foncé et épais, à bords nets mais très homogène.

Le « lentigo-nævus » est une variante anatomoclinique intermédiaire entre nævus et lentigo.

* Mélanome :

C’est évidemment le principal diagnostic différentiel.

Dans les cas typiques, le diagnostic peut être facile avec les critères ABCDE.

Ce diagnostic différentiel peut être extrêmement difficile notamment avec les nævus atypiques.

La dermoscopie apporte souvent des arguments plus fins en faveur de la bénignité ou de la malignité d’une lésion, mais, en cas de doute, seul l’examen anatomopathologique permet de trancher.

2- Lésions non mélanocytaires :

Elles sont toutes caractérisées par une absence de réseau pigmentaire en dermoscopie.

* Kératose séborrhéique :

Ce sont des lésions en relief, comme posées sur la peau, d’aspect squamokératosique, de coloration brun-gris à noire, mates.

Elles sont bénignes, très fréquentes chez le sujet âgé, notamment sur le dos, et se détachent facilement à l’aide d’une curette.

En dermoscopie, en l’absence de réseau, la présence de pseudokystes cornés et d’ouvertures pseudocomédoniennes oriente le diagnostic.

Un patron « cérébriforme » peut également être observé. Les limites sont nettes avec un arrêt brutal de la pigmentation.

* Dermatofibrome pigmenté :

Tumeur bénigne d’origine conjonctive, il se présente sous la forme d’une pastille de consistance dure.

Habituelle sur les jambes en particulier chez la femme, elle peut prendre une teinte très foncée.

En dermoscopie, cette lésion se caractérise par une accentuation périphérique de la réticulation cutanée physiologique, avec une zone sans structure plus ou moins kératosique centrale.

* Angiome thrombosé :

Il constitue plutôt un diagnostic différentiel du mélanome nodulaire, et apparaît comme un nodule très noir, d’apparition rapide.

La structure dermoscopique est sacculaire avec la présence de globules rouge-violet, bleus ou noirs s’arrêtant brutalement en périphérie.

* Carcinome basocellulaire pigmenté :

Le diagnostic différentiel avec un nævus ou un mélanome n’est pas toujours aisé, surtout lorsque le carcinome est pigmenté de façon diffuse.

En dermoscopie, la pigmentation dessine des structures en forme de feuilles ou de doigts de gant, des nids ovoïdes ou des structures gris-bleu en forme de roue dentée.

Il est associé à des télangiectasies en forme de tronc d’arbre et à des micro-ulcérations.

Son exérèse confirme le diagnostic.

G – MODIFICATIONS BÉNIGNES DES NÆVUS COMMUNS :

1- Modifications physiologiques :

Des modifications physiologiques des nævus acquis peuvent être observées pendant la puberté, avec l’exposition solaire, en cas de maladie bulleuse associée, lors d’un traitement par hormones stéroïdiennes ou d’immunosuppression (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], greffe ou chimiothérapie).

L’ensemble des nævus est alors concerné, on s’inquiétera davantage en cas de modification isolée.

Contrairement à une notion assez répandue, la grossesse ne change pas l’aspect clinique ni histologique des nævus préexistants en dehors des zones modifiées par l’état gravidique.

2- Folliculite sous-nævique :

Souvent secondaire à l’ablation d’un poil situé en regard du nævus, la folliculite sous-nævique se manifeste par une augmentation rapide du volume de la lésion (en quelques jours) qui devient inflammatoire, ferme et sensible.

L’examen histologique, quand il est pratiqué, retrouve un abcès folliculaire ou plus tardivement un granulome à corps étrangers autour du follicule pileux.

Les signes sont habituellement résolutifs en moins de 10 jours sous traitement antiseptique.

3- Hémorragie et thrombose intranævique :

Ce phénomène se traduit par un durcissement et un gonflement soudain du nævus.

Il peut se produire en cas de torsion d’un nævus pédiculé.

L’examen dermoscopique peut dans ces cas être trompeur et faire croire à tort à un angiome thrombosé.

4- Phénomène de Sutton ou halonævus :

Survenant le plus souvent avant l’âge de 20 ans, il s’agit de l’apparition d’un halo de dépigmentation symétrique autour d’un nævus préexistant, sur une période de quelques jours à quelques semaines.

Il s’agit souvent d’un nævus acquis (surtout composé), mais également parfois d’un nævus congénital.

La pigmentation centrale peut alors devenir rouge ou plus rosée.

Le dos est préférentiellement atteint, mais toutes les localisations peuvent être concernées.

L’évolution se fait souvent, mais non obligatoirement, vers la disparition complète ou partielle du nævus central puis de la zone achromique quelques mois ou années plus tard. Dans 25 à 50 % des cas, l’atteinte est multiple.

L’association à un vitiligo n’est pas obligatoire, mais elle a été rapportée dans environ 20 % des cas.

Le même phénomène peut survenir rarement autour de tumeurs non mélanocytaires.

En particulier chez les adultes, un aspect central atypique (forme ou couleur), un halo asymétrique ou irrégulier, doivent faire craindre la possibilité d’un nævus atypique ou surtout d’un mélanome avec phénomènes de régression tumorale.

À l’examen histologique, les thèques næviques centrales sont dissociées par un infiltrat lymphocytaire et mélanophagique dense, et les mélanocytes épidermiques disparaissent de la zone dépigmentée.

Le mécanisme physiopathologique reste incertain, mais il pourrait s’agir d’un processus auto-immun.

Le patient doit être averti de la possibilité de brûlures voire de bulles au niveau de la zone dépigmentée en cas d’exposition solaire en l’absence de protection.

L’exérèse des halonævus cliniquement typiques n’est pas justifiée.

5- Eczématisation : phénomène de Meyerson

Elle se manifeste par une réaction inflammatoire asymétrique et eczématiforme sur et autour d’un nævus généralement acquis, avec possibilité de prurit et de desquamation superficielle.

Cette modification touche habituellement les nævus composés, mais elle est également rapportée pour des nævus atypiques.

Ce phénomène a été également décrit en rapport avec des tumeurs cutanées non mélanocytaires.

L’exérèse est souvent pratiquée, car l’inflammation pourrait faire craindre une éventuelle dégénérescence.

L’étude microscopique retrouve, en plus du nævus, une spongiose épidermique, une hyperacanthose, un infiltrat lymphocytaire périvasculaire, associé, dans certains cas, à des éosinophiles.

H – TRANSFORMATION MALIGNE :

La majorité des mélanomes survient de novo en peau saine.

Cependant, le risque de transformation d’un nævus pigmentaire acquis typique en mélanome existe, mais reste rare.

On estime qu’environ 30 % des mélanomes surviennent sur un nævus, mais cette notion dérive d’études anatomopathologiques et sous- (ou sur-) estime peut-être le phénomène.

En outre, les reliquats næviques le plus souvent observés à proximité d’un mélanome présentent généralement les altérations architecturales et/ou cytologiques des nævus atypiques.

L’apparition de plusieurs couleurs au sein de la lésion (marron foncé ou noir), l’hétérogénéité et l’asymétrie de leur répartition sont des signes suspects.

C’est surtout en fait la modification d’aspect (changement de taille, de couleur, apparition d’un halo inflammatoire…) ou parfois de sensations (apparition d’un prurit, d’une minime douleur…) d’une lésion pigmentaire ancienne qui va, le plus souvent, permettre de poser le diagnostic de transformation maligne.

Une fragilité anormale, avec saignements pour des traumatismes minimes, pourra également faire suspecter une transformation, mais c’est plutôt un signe tardif.

Une exérèse de la totalité de la lésion s’impose alors au moindre doute, avec une marge de 1 à 2mm afin d’affirmer ou non la transformation.

I – INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES :

En dehors des cas de doute diagnostique pour un mélanome ou de l’apparition de signes faisant craindre la transformation maligne d’un nævus, l’exérèse n’est pas indiquée. L’exérèse peut être réalisée dans un but esthétique, sur demande du patient, en raison de la localisation, d’une gêne ou d’une irritation du nævus (zones de friction vestimentaire), même si dans ce dernier cas, il n’existe pas de risque de dégénérescence accru.

Il faut peser cette indication en fonction du risque cicatriciel.

L’exérèse peut également être proposée en cas de phénomènes récurrents de folliculite sous-nævique.

On peut parfois proposer une exérèse des lésions situées dans les endroits difficiles à surveiller (espace interorteil, plante, périnée ou cuir chevelu), tout en sachant que le potentiel malin dans ces localisations n’est pas majoré, et que les cicatrices peuvent être douloureuses dans certaines de ces topographies.

Si l’exérèse est réalisée, elle sera toujours complète, avec une marge de 1 à 2mm et analyse histologique de la pièce.

Le « shaving » des nævus dermiques est une technique chirurgicale plus discutable.

Il ne doit en tout cas jamais être réalisé en cas de suspicion clinique de mélanome, car ce mode d’exérèse est quasi toujours incomplet en profondeur.

Il persiste ainsi souvent un contingent de cellules næviques dans le derme profond.

Ces cellules résiduelles peuvent donner naissance à une nouvelle lésion pigmentaire, atypique cliniquement, et dont l’image histologique est proche de celle retrouvée dans les mélanomes à un stade précoce.

Ce phénomène a été décrit sous le terme de « pseudomélanome d’Ackerman » ou de nævus récurrent ; il peut également survenir lors d’une exérèse classique incomplète ou lors du traumatisme d’un nævus.

L’organisation lentigineuse des mélanocytes, l’absence de mitoses, l’existence d’une fibrose cicatricielle et surtout la relecture des lames initiales permettent de rétablir le diagnostic.

La surveillance est souvent une alternative préférable à la chirurgie dans les nævus pigmentaires.

Elle peut se baser sur la mesure des lésions, la réalisation de calques ou de photographies.

Les appareillages numériques de vidéodermoscopie permettent une surveillance très précise des lésions les plus atypiques non excisées.

Formes cliniques :

A – NÆVUS EN COCARDE :

Souvent de localisation multiple chez les jeunes patients, ce nævus pigmentaire assez rare est composé de cercles concentriques avec :

– un centre pigmenté (zone de nævus jonctionnel ou composé) ;

– une zone intermédiaire qui peut être dépigmentée ;

– une zone périphérique pigmentée (thèques jonctionnelles).

Il peut ressembler cliniquement à un nævus atypique, mais l’examen histologique est tout à fait rassurant.

B – NÆVUS SUR NÆVUS OU « NÆVUS SPILUS » (NÆVUS LENTIGINEUX MOUCHETÉ) :

Le nævus sur nævus (terme désormais préféré à celui de « nævus spilus ») se présente comme une macule pigmentée bien limitée, de 1 à 10 cm de diamètre (mais des variétés géantes existent), tachetée d’éléments plus foncés.

La lésion apparaît souvent dans l’enfance sur le dos ou les membres, initialement comme une macule brune homogène, qui se parsème progressivement d’éléments punctiformes maculeux ou discrètement papuleux plus sombres de quelques millimètres.

On la retrouve chez 2 % des adultes caucasiens environ.

La tache de fond correspond à une hyperplasie mélanocytaire lentigineuse (hypermélanose ou « tache café au lait ») avec, par endroits, une prolifération de cellules næviques groupées en thèques qui correspondent aux points lenticulaires.

Ces derniers réalisent des aspects localisés de nævus jonctionnels, composés ou dermiques, et plus rarement de nævus de Spitz, bleus ou atypiques.

Les principaux diagnostics différentiels se posent avec les taches café au lait, l’hamartome de Becker et les nævus congénitaux en nappe.

Le nævus sur nævus est habituellement bénin, et moins d’une vingtaine de cas de mélanomes associés ont été rapportés.

Le risque semblerait plus important dans les formes dysplasiques ou congénitales.

L’exérèse n’est indiquée qu’en cas d’aspect clinique atypique des éléments pigmentés ou de modification de la lésion.

C – OSTÉONÆVUS (DE NANTA) :

Défini par l’association d’un nævus pigmentaire et d’une ossification cutanée, l’ostéonævus est un diagnostic de découverte histologique.

Il représente environ 1,5 % des nævus pigmentaires, dont la grande majorité sont des nævus dermiques.

Il concerne essentiellement le visage de la femme (80 %), d’un âge moyen de 30 à 50 ans.

L’ossification pourrait être secondaire à une folliculite sous-nævique ou aux microtraumatismes induits, par exemple, par l’épilation mécanique.

D – NÆVUS DE SPITZ (NÆVUS À CELLULES ÉPITHÉLIOÏDES ET FUSIFORMES) :

Cette lésion mélanocytaire bénigne survient essentiellement chez l’enfant.

Elle présente des images histologiques souvent difficiles à distinguer du mélanome.

D’ailleurs, AS Spitz la décrivait pour la première fois en 1948 sous le terme de « mélanome juvénile ».

Cette dénomination doit être abandonnée au profit de « nævus de Spitz » ou éventuellement de « nævus à cellules épithélioïdes et fusiformes ».

Il représente moins de 1 % des nævus de l’enfant.

Près de 80 % des nævus de Spitz apparaissent avant l’âge de 20 ans, avec une discrète prédominance féminine.

Les formes congénitales sont estimées à 7 %.

Leur croissance est rapide, en 3 à 6 mois, suivie d’une période de stabilité.

La présentation clinique habituelle est celle d’une lésion nodulaire unique (des formes multiples voire éruptives existent cependant) et ferme de couleur rose, rouge ou marron clair, de surface lisse ou verruqueuse.

Sa taille est habituellement inférieure à 0,6 cm (70 % des cas), mais elle peut atteindre 1,5 cm.

Certaines lésions peuvent avoir un aspect clinique très inquiétant.

Les lésions sont plus rarement planes, ou pédiculées.

C’est classiquement un nodule de couleur rosée de la tête (joues) et du cou chez les enfants tandis que, chez les adultes, il se présente plus volontiers sous la forme d’une lésion brune, des jambes chez la femme et du tronc chez l’homme.

Les paumes, plantes et les muqueuses sont généralement épargnées.

Ce nævus est habituellement asymptomatique, mais certains signes peuvent alerter le patient comme un prurit localisé, un saignement après un traumatisme minime, en raison d’une fragilité de l’épiderme en regard.

La présence d’une ulcération est inhabituelle.

L’image dermoscopique la plus fréquente est décrite en « rayons de soleil ».

La lésion apparaît symétrique, avec une pigmentation gris-bleu à noire diffuse, selon la profondeur du pigment, plus marquée au centre.

Elle est surtout caractérisée par la présence d’extensions périphériques du réseau pigmenté, appelées stries (ou parfois pseudopodes lorsque leur extrémité est renflée) réparties sur toute la circonférence de la lésion et s’arrêtant brutalement.

Cette répartition très symétrique des extensions radiaires permet de distinguer le nævus de Spitz du mélanome.

Les pelotons vasculaires peuvent être nombreux et facilement observables en dermoscopie dans des lésions peu pigmentées.

Un aspect de pseudoréseau inversé localisé au centre est souvent décrit dans les lésions plus pigmentées.

1- Histologie :

Histologiquement, la lésion est symétrique, en forme de parachute et composée de mélanocytes de grande taille, fusiformes et/ou épithélioïdes de grande taille, parfois multinucléés, présentant des atypies nucléaires.

Ces cellules sont regroupées en thèques, de topographie intradermique, jonctionnelle ou, plus souvent, mixte (deux tiers des cas).

On observe en profondeur une maturation progressive des cellules næviques, qui deviennent plus petites et semblables aux mélanocytes næviques habituels.

Une hyperacanthose épidermique recouvre fréquemment la tumeur.

Au niveau de la jonction dermoépidermique, on observe des images de clivage séparant les thèques mélanocytaires des kératinocytes adjacents, ce qui est inhabituel dans le mélanome, ainsi que des globules éosinophiles appelés corps de Kamino, équivalents de corps colloïdes.

Ces derniers ne sont pas caractéristiques de ce nævus, on les retrouve en effet aussi, quoique plus rarement, dans les mélanomes à un stade précoce.

Une dilatation capillaire importante est souvent notée.

Au niveau du derme, il existe fréquemment un infiltrat inflammatoire dense ou modéré, périvasculaire ou plus diffus, disposé en bande, et un oedème qui peut être marqué dans certains cas.

Des mitoses peuvent être retrouvées dans 50 % des cas, mais on n’observe pas de divisions anormales.

Des mitoses situées dans le contingent profond de la lésion doivent faire plutôt évoquer un mélanome.

Le diagnostic différentiel dermatopathologique entre nævus de Spitz et mélanome spitzoïde est parfois extrêmement difficile.

On devra toujours préciser à l’intention du laboratoire de dermatopathologie l’âge du patient et la topographie de la lésion.

On retiendra également en faveur du diagnostic de nævus de Spitz :

– une activité mitotique faible, surtout en profondeur ;

– l’absence de mitoses atypiques ;

– un pléiomorphisme discret ;

– la rareté des noyaux de grande taille ;

– une composante de cellules fusiformes marquée ;

– l’absence ou un degré modéré d’invasion épidermique ;

– l’absence de pigmentation intense, surtout en profondeur ;

– l’absence d’ulcération marquée ;

– l’absence d’extension de la tumeur dans le derme réticulaire profond ou dans l’hypoderme.

À l’inverse, les critères histologiques en faveur de la malignité de la lésion sont :

– la profondeur de la tumeur dans le derme ;

– l’asymétrie architecturale de la lésion ;

– la densité du contingent profond de la lésion (« heavy bottom ») ;

– l’importance de production de pigment mélanique dans le derme ;

– l’absence de maturation des mélanocytes vers la profondeur ;

– la présence de nombreuses mitoses d’aspect atypique en profondeur ;

– la formation d’agrégats continus de cellules épithélioïdes.

La tumeur exprime la protéine S100, l’HMB45 et le PCNA (proliferating cell nuclear antigen) de façon inconstante, mais, de toutes façons, ces marquages ne sont pas discriminatifs avec le mélanome car ils manquent de spécificité.

La cytométrie de flux, l’étude de l’organisation des régions nucléaires à l’argent colloïdal (AgNOR) sont utilisés en recherche mais n’ont pas d’intérêt en routine dans le diagnostic différentiel avec le mélanome.

2- Traitement :

Le traitement consiste en une excision complète de la lésion, avec recoupe en cas de marges positives.

Elle est habituellement conseillée, surtout en cas de modification récente de la couleur, de la taille ou de la forme.

On préconise également un suivi des patients opérés, surtout à l’âge adulte.

Les récurrences, même si elles sont rares, surviennent le plus souvent en cas d’exérèse incomplète, dans un délai moyen de 12 mois, et prennent un aspect de « pseudomélanome », ce qui rend le diagnostic différentiel anatomopathologique encore plus difficile.

E – NÆVUS DE REED-GARTMANN OU NÆVUS À CELLULES FUSIFORMES PIGMENTÉ :

Sa description classique est une lésion papuleuse unique, lisse, bien limitée, très pigmentée voire noire, de 3 à 6mm de diamètre des jambes du sujet jeune.

Malgré sa nature bénigne, son aspect clinique inquiétant et sa croissance initialement rapide conduisent souvent à suspecter cliniquement un mélanome.

L’aspect dermoscopique peut aider au diagnostic différentiel.

On retrouve un aspect proche du nævus de Spitz avec un centre noir uniforme, masquant parfois les structures sous-jacentes, et une couronne de stries périphériques en « rayons de soleil », ayant parfois l’aspect de pseudopodes, avec un arrêt brutal de la pigmentation.

Ce nævus jonctionnel ou composé est histologiquement caractérisé par la présence de cellules fusiformes regroupées en thèques à la jonction ou dans le derme superficiel.

Elles sont chargées d’un pigment mélanique abondant.

La lésion est symétrique.

Le diagnostic de mélanome est écarté notamment devant l’absence d’ascension « pagétoïde » des mélanocytes dans l’épiderme, mais le diagnostic différentiel est parfois difficile.

Certains le rapprochent du nævus de Spitz et le considèrent comme un de ses variants en raison de la présence de cellules fusiformes.

F – NÆVUS DESMOPLASTIQUE :

Il s’agit d’un nævus intradermique qui se présente sous la forme d’un nodule rose ou rouge, dur, semblable à une chéloïde.

Il est caractérisé par une fibrose importante.

Histologiquement, de rares cellules næviques, sans formation de thèques vraies, sont dispersées dans un stroma collagène abondant.

Les cellules sont souvent de grande taille avec un large cytoplasme qui peut contenir des inclusions.

Les atypies nucléaires sont fréquentes mais non suspectes et les mitoses sont rares.

L’exérèse initiale est souvent incomplète en raison de l’infiltration du tissu dermique.

G – NÆVUS À PÉNÉTRATION PROFONDE (NÆVUS PLEXIFORME À CELLULES FUSIFORMES OU NÆVUS DE MEHREGAN) :

Le nævus à pénétration profonde est rare.

Il touche le visage, le tronc et les extrémités proximales de l’adulte de moins de 40 ans.

Il se présente sous la forme d’une lésion de moins de 1 cm de diamètre, en relief, pigmentée marron-bleu à noire, facilement confondue avec un nævus bleu ou un mélanome.

Il apparaît à l’analyse histologique comme une lésion s’étendant du derme superficiel jusqu’à l’hypoderme qu’il pénètre « en coin » en profondeur, suivant les vaisseaux, les nerfs et les annexes.

Les thèques superficielles semblent bénignes, tandis qu’à la partie profonde on retrouve des mélanocytes fusiformes pléiomorphes organisés en thèques ou en faisceaux, associés à de nombreux mélanophages.

Les atypies cytologiques sont modérées.

Un infiltrat inflammatoire discret s’y associe dans 75 % des cas.

Le mélanome, cliniquement suspecté dans 30 % des cas, est éliminé devant l’architecture globale de la lésion, l’absence de thèques intraépidermiques, d’atypies sévères et la rareté des mitoses.

Les autres diagnostics différentiels histologiques sont le nævus combiné, congénital, ou le nævus de Spitz profond pigmenté.

Le nævus à pénétration profonde est de nature bénigne, aucun cas de transformation maligne ou de métastase n’a été rapporté.

H – NAEVUS UNGUÉAL :

1- Clinique :

Cliniquement, un nævus jonctionnel situé dans la matrice de l’ongle se traduit sur la tablette par une bande longitudinale plus ou moins pigmentée ; la pigmentation unguéale peut survenir à tout âge et tend à persister indéfiniment.

Cette mélanonychie longitudinale ne peut être facilement différenciée cliniquement d’un lentigo simple, d’une pigmentation ethnique, d’une pigmentation postinflammatoire, de certaines ecchymoses sous-unguéales et surtout d’un mélanome unguéal.

Sont cliniquement en faveur de la bénignité d’une mélanonychie longitudinale :

– le caractère acquis pendant l’enfance de la lésion ;

– la stabilité de la lésion ;

– son caractère polydactylique ;

– l’homogénéité de sa couleur.

Sont à l’inverse évocateurs d’un mélanome les éléments sémiologiques suivants :

– l’apparition à l’âge adulte de la bande pigmentée ;

– son caractère évolutif ;

– la présence d’une pigmentation de la peau périunguéale (signe de Hutchinson) ;

– l’unicité de la lésion ;

– l’hétérochromie.

La biopsie-exérèse s’impose au moindre doute avec un mélanome, mais la biopsie d’une lésion unguéale est douloureuse, et peut conduire à une dystrophie permanente de l’ongle.

2- Examen dermoscopique :

L’examen dermoscopique des pigmentations unguéales, récemment proposé, permet de mieux déterminer les cas suspects qui devront faire l’objet d’une biopsie matricielle.

Un nævus unguéal se caractérise alors par un fond brun, une disposition régulière des lignes longitudinales.

Ces lignes sont de coloration, de largeur, et d’espacement réguliers et sont parallèles entre elles.

À l’inverse, dans le mélanome si le fond est également brun, la coloration des lignes longitudinales, leur largeur et leurs intervalles sont irréguliers ; il existe des zones de perte de parallélisme entre ces lignes.

3- Histologie :

L’histologie des lésions mélanocytaires de l’appareil unguéal est d’interprétation délicate et nécessite des biopsies de très bonne qualité.

La distinction entre un lentigo et un nævus, et surtout entre une hyperplasie mélanocytaire atypique et un mélanome in situ est souvent très difficile, d’autant plus que ces différents aspects peuvent se succéder au sein d’une même lésion, d’où la nécessité de réaliser des coupes sériées sur l’ensemble de la lésion.

Les nævus de la matrice unguéale sont le plus souvent de type jonctionnel, avec une présentation comparable à celle des nævus cutanés.

Les cellules næviques sont organisées en thèques à la jonction dermoépidermique.

4- Prise en charge :

La prise en charge des mélanonychies longitudinales ne fait pas l’objet d’un consensus.

Certains auteurs proposent une exérèse systématique de toute bande pigmentée unguéale au risque de créer une dystrophie unguéale définitive ; d’autres ne proposent d’intervenir que dans les cas où le diagnostic de mélanome ne peut être éliminé par la clinique et la dermoscopie.

Il n’existe aucune raison de penser que les nævus unguéaux aient un potentiel de dégénérescence supérieur à celui des nævus cutanés habituels.

I – NÆVUS À CELLULES BALLONNISANTES :

C’est une variété anatomoclinique rare de nævus composé.

Son aspect clinique est indistinguable des nævus composés communs acquis.

Il est anatomiquement composé de cellules ballonisées au cytoplasme vacuolisé représentant tout ou une partie de la tumeur (au moins 30 %).

La présence de cellules géantes multinucléées est souvent rapportée.

Une forme histologique de mélanome à cellules ballonnisantes, avec lequel il ne doit pas être confondu, a aussi été décrite.

J – NÆVUS CONGÉNITAUX :

1- Nosologie :

Ils sont apparents dès la naissance et surviennent chez environ 1 % des nouveau-nés sans prédominance de sexe.

Leur survenue est très majoritairement sporadique, bien qu’existent aussi de rares formes familiales.

Ils peuvent être séparés de manière arbitraire en fonction de leur plus grand diamètre le jour de la naissance : petits nævus congénitaux si < 1,5 cm, moyens de 1,5 à 20 cm et grands si > à 20 cm.

Une autre classification est basée sur les possibilités d’exérèse chirurgicale de ces nævus.

Ils sont alors petits s’ils peuvent être excisés facilement avec simple suture d’emblée, et grands dans les autres cas nécessitant notamment des lambeaux de reconstruction ou des greffes cutanées.

Ils sont aussi enfin parfois qualifiés de « géants » s’ils occupent une surface équivalant à au moins 30 % de la surface corporelle totale.

2- Clinique :

Les petits nævus congénitaux sont cliniquement indistinguables des nævus acquis.

Les nævus congénitaux de taille moyenne ou de grande taille peuvent atteindre n’importe quelle partie du corps.

Ils forment une nappe souvent asymétrique et de pigmentation inhomogène.

Leur surface est souvent irrégulière, mamelonnée, cérébriforme, voire verruqueuse, leur coloration varie du brun clair au noir.

Ils sont souvent recouverts de poils épais et longs.

Ils peuvent être l’objet d’une perte de pigmentation, de régression, ou être cerclés d’un halo de dépigmentation.

Les nævus congénitaux géants peuvent être associés de façon significative avec une neurofibromatose de type I.

Les grands nævus congénitaux de l’extrémité céphalique, du cou et de la ligne médiane postérieure, sont parfois associés avec une mélanose leptoméningée.

Ce phénomène est le plus souvent totalement asymptomatique.

Si la mélanose leptoméningée est symptomatique (hydrocéphalie, épilepsie, déficits neurologiques focalisés, retard mental), le pronostic devient alors médiocre.

En cas d’apparition ou d’aggravation brutale des signes neurologiques, il faut craindre une dégénérescence en mélanome du nævus leptoméningé.

3- Histologie :

Sur le plan histologique, on retrouve une hyperplasie mélanocytaire lentigineuse associée à une infiltration profonde du derme voire de l’hypoderme, en nappes, dissociant le collagène, ainsi qu’une extension aux annexes épidermiques, aux nerfs et aux vaisseaux sanguins cutanés.

Les petits nævus congénitaux n’ont le plus souvent aucune caractéristique microscopique formelle permettant de les distinguer des nævus communs acquis ; cependant l’expansion dans les deux tiers inférieurs du derme réticulaire et les tissus sous-jacents est en faveur d’un nævus congénital.

Notons cependant que ces constatations histologiques peuvent être faites dans le cas d’authentiques nævus acquis, aussi si le compte rendu histologique peut parfois rapporter une « architecture de type nævus congénital », seul l’interrogatoire des parents peut établir le caractère formellement congénital d’une lésion.

Les grands nævus congénitaux se présentent sous la forme d’hamartomes complexes associant des contingents mélanocytaires, épithéliaux, nerveux et annexiels.

Les très grands nævus congénitaux peuvent également s’étendre dans les tissus osseux, cartilagineux, musculaires, placentaires ou méningés.

En outre, on peut observer des malformations vasculaires, des hémangiomes, du tissu osseux ou cartilagineux au sein de ces nævus congénitaux géants.

4- Évolution et pronostic :

Les nævus congénitaux se développent pendant la croissance dans les mêmes proportions que l’organe atteint.

Ils prennent aussi le plus souvent du relief, des poils se développent à leur surface, leur pigmentation peut s’intensifier ou au contraire s’atténuer.

Les grands nævus congénitaux sont associés à un risque augmenté de développer un mélanome.

Ce risque est d’environ 4,5 %, et la dégénérescence se produit dans un peu moins d’un quart des cas en dehors de la lésion cutanée, sur le tissu méningé.

Le risque serait proportionnel à la taille du nævus ; 70 % sont diagnostiqués avant la puberté.

Le risque de dégénérescence des nævus congénitaux de taille moyenne ne serait pas significativement supérieur à celui des nævus acquis.

Enfin, le risque évolutif des petits nævus congénitaux n’est pas connu à ce jour, mais il ne semble pas logique de leur attribuer un risque supérieur à celui des nævus de taille moyenne.

5- Traitement :

Le traitement des grands nævus congénitaux est très difficile, et fait encore l’objet de controverses.

L’excision chirurgicale doit être proposée lorsqu’elle est techniquement possible sans être trop délabrante.

Elle nécessite souvent des gestes multiples, des hospitalisations répétées et l’usage de techniques d’expansion cutanée.

Les alternatives que sont la dermabrasion, le laser CO2, le curetage en période néonatale, permettent d’obtenir un résultat cosmétique acceptable (avec cependant une pousse de poils tardive compromettant parfois le bon résultat cosmétique initial).

Aucune méthode chirurgicale ne peut être considérée comme anatomiquement complète, et ne peut donc éliminer complètement le risque de transformation en mélanome.

Le bénéfice de ces méthodes est donc essentiellement psychologique et social, mais on doit peser l’impact négatif éventuel des interventions répétées sur le développement psychologique de l’enfant.

Pour les nævus congénitaux de taille moyenne ou de petite taille, l’excision systématique n’est pas la règle.

Elle doit en revanche être proposée en cas de retentissement psychosocial défavorable de la lésion.

Une surveillance régulière, parfois aidée de clichés photographiques peut être proposée.

L’évolution naturelle des nævus congénitaux, en termes de taille et de pigmentation, rend évidemment cette surveillance difficile.

La biopsie des zones suspectes pourra être proposée au cours de cette surveillance.

K – NÆVUS BLEUS :

1- Nævus bleu lenticulaire :

C’est une tumeur congénitale ou acquise bleue, bleu-gris ou bleunoir, présente chez 0,5 à 4 % des adultes sains.

On en distingue trois formes anatomocliniques principales : le nævus bleu commun, le nævus bleu cellulaire et le nævus bleu combiné.

La couleur de ces nævus est due à un effet d’optique ; la mélanine intradermique étant plus profonde, seules les longueurs d’ondes correspondant au bleu visible sont renvoyées.

* Nævus bleu commun :

C’est une papule ou nodule bleu sombre ou noir, généralement de moins de 10 mm de diamètre, principalement localisé aux extrémités, surtout le dos des mains et des pieds mais aussi le visage.

Il est habituellement unique, mais des formes multiples existent.

Une forme en net relief ou « agminée » existe également.

Il peut rarement prendre une apparence de cible, avec des zones hyperpigmentées au centre et en périphérie séparées par un anneau hypopigmenté.

Le nævus bleu en grandes plaques, présent dès la naissance ou survenant au cours de l’enfance, est composé d’un lentigo associé à des lésions de nævus bleu.

En dermoscopie, le nævus bleu est marqué par l’absence de réseau pigmenté, des bords flous et la présence de zones bleues diffuses sans pseudoréseau et sans réseau inversé.

L’examen histologique révèle des mélanocytes fusiformes ou étoilés, pigmentés, isolés ou groupés dans le derme réticulaire, pouvant s’étendre dans le derme papillaire ou l’hypoderme, associés à des mélanophages.

* Nævus bleu cellulaire :

Il est en général de plus grande taille, 1 à 3 cm.

Il est situé sur les fesses ou la région sacrococcygienne.

Il est histologiquement composé des mêmes éléments que la forme commune, avec en plus par endroits de larges cellules ayant un arrangement sarcomatoïde ou neuroïde.

D’évolution généralement bénigne, il peut être associé à des localisations ganglionnaires improprement appelées « métastases bénignes ».

* Nævus bleu combiné :

Il fait souvent évoquer à tort le diagnostic de mélanome ou de nævus atypique.

Ces lésions sont irrégulières, bleu-marron ou bleunoir.

Histologiquement, un nævus bleu est associé à un nævus mélanocytaire commun.

* Nævus bleu épithélioïde :

Récemment décrit, il est le plus souvent associé à un syndrome de Carney avec myxomes cardiaques et cutanés, lentigines, une hyperactivité endocrinienne (syndrome de Cushing, adénome hypophysaire) et des schwannomes.

Ce type survient essentiellement sur le tronc et les extrémités.

En histologie, il est mal limité, très pigmenté et composé de deux types de mélanocytes différents à localisation intradermique : des mélanocytes très pigmentés fusiformes, et des mélanocytes peu pigmentés polygonaux.

* Nævus bleu amélanique :

Il est cliniquement difficile à reconnaître du fait de sa faible pigmentation.

Aucun traitement n’est requis pour un nævus bleu stable depuis plusieurs années chez un sujet adulte.

En revanche, l’apparition rapide d’un nodule bleuté ou la modification récente d’un nævus bleu doivent conduire à une analyse histologique.

L’excision doit alors comprendre l’hypoderme sous-jacent.

2- Nævus d’Ota :

Le nævus d’Ota ou « nævus fuscocæruleus ophtalmomaxillaris » est localisé au visage, dans le territoire innervé par la première et la deuxième branche du nerf trijumeau.

Il est présent dès la naissance dans 50 % des cas, mais peut apparaître chez l’enfant et l’adulte jeune.

Il est nettement plus fréquent chez les sujets asiatiques, de sexe féminin dans 80 % des cas, avec 5 % de formes bilatérales.

Cliniquement, il s’agit d’une pigmentation de couleur variable, noire ou brune, bleu-noir, pourpre ou ardoisée siégeant dans la région orbitaire : paupière, front, nez, région malaire et temporale.

Les muqueuses aérodigestives supérieures peuvent aussi être pigmentées.

Le globe oculaire est atteint dans 70 % des cas avec une pigmentation de la sclérotique, de la conjonctive, de la cornée, de l’iris, le nerf optique, la graisse rétrobulbaire ou du périoste ; sans répercussion sur la fonction visuelle.

L’examen histologique note la présence de mélanocytes dans le derme réticulaire autour des vaisseaux, des glandes sébacées et sudorales.

Ces mélanocytes, regroupés en amas, sont fusiformes, bipolaires ou étoilés, contiennent des mélanosomes de type IV.

Les mélanocytes épidermiques peuvent être en nombre augmenté.

L’évolution vers un mélanome ou, plus souvent, vers une forme localement invasive (intraoculaire, sinusienne, osseuse, méningoencéphalique) à partir d’un nævus d’Ota demeure exceptionnelle.

Elle se traduit par des modifications visibles de la lésion et/ou par une modification de l’acuité visuelle.

Le traitement, à but essentiellement esthétique, peut reposer sur les lasers émetteurs de longueurs d’ondes sélectives pour les mélanosomes, avec des temps d’impact brefs et une puissance élevée (laser Q-switched).

3- Nævus d’Ito :

Le nævus d’Ito ne diffère du nævus d’Ota que par la topographie de la pigmentation cutanée.

Le moignon de l’épaule, les aires supraclaviculaires, la partie latérale du cou et la partie supérieure du cou sont atteints de façon homolatérale avec le globe oculaire.

4- Nævus fusco-cæruleus-zygomaticus :

Il se distingue du nævus d’Ota par son extension bilatérale au niveau zygomatique et par un caractère souvent familial.

5- Tache bleue mongolique :

La tache mongolique est une pigmentation bleu-gris de la région sacrée présente à la naissance d’enfants normaux à peau foncée.

Son incidence varie de 1 % chez les enfants blancs européens, à plus de 90 % chez les enfants de type mongoloïde.

Généralement unique, parfois multiple, mesurant à la naissance 10 cm ou plus, exceptionnellement étendue aux lombes, aux cuisses ou aux épaules, elle pâlit progressivement et a en principe cliniquement disparu dans la première décennie.

Elle ne persiste que très rarement à l’âge adulte.

En revanche, les altérations histologiques restent présentes après l’effacement clinique de la lésion.

L’examen histologique trouve dans le derme profond des mélanocytes dendritiques contenant de fins granules de mélanine dispersés entre les fibres de collagène dermiques et autour des faisceaux vasculonerveux.

On n’observe pas de mélanophage.

Aucun traitement n’est nécessaire.

6- Nævus bleu malin :

Il ne s’agit pas d’un nævus mais d’une forme clinique exceptionnelle de mélanome survenant de novo, à partir d’un nævus bleu cellulaire ou d’un nævus d’Ota.

Le diagnostic clinique mais également l’analyse histologique sont très difficiles ; le recours à des méthodes de biologie moléculaire peut aider dans ces cas-là à asseoir le diagnostic.

L – NÆVUS ATYPIQUE (OU DYSPLASIQUE) :

Peu de sujets ont enflammé la littérature dermatologique comme la « querelle du nævus dysplasique ».

Aujourd’hui, alors que les passions se sont apaisées, on peut raisonnablement admettre qu’il existe un type histologique de nævus avec des caractéristiques architecturales et surtout cytologiques particulières qui, s’il n’est pas le « chaînon manquant » entre nævus et mélanome, est plus souvent que les autres associé au mélanome.

Sa définition est désormais exclusivement dermatopathologique, car la corrélation clinicopathologique est globalement mauvaise.

Le terme de nævus atypique a progressivement remplacé celui de nævus dysplasique, de nævus de Clark, de BK mole syndrome voire de FAM(M) (familial atypical mole melanoma) syndrome.

1- Épidémiologie :

La prévalence du nævus atypique est estimée de 1,8 à 4,9 % aux États-Unis et 2,2 % en Allemagne.

Parmi les sujets atteints de mélanome, 17 % sont porteurs d’un ou plusieurs nævus atypiques, d’où la notion de marqueur de risque.

Dans certaines familles atteintes du syndrome familial des nævus atypiques avec mélanome, 40 % des enfants d’une fratrie ont des nævus atypiques, et tous les sujets développant un mélanome ont des nævus atypiques.

Les mutations génétiques concernant 33 familles porteuses de nævus atypiques et mélanome(s) ont mis en évidence une mutation du gène CDKN2A dans 17 cas, CDK4 dans deux cas et l’absence de mutation génétique connue dans les 14 cas restants.

Dans le cas des nævus atypiques sporadiques, les délétions intralésionnelles homozygotes de CDKN2A semblent particulièrement fréquentes ainsi que les instabilités de microsatellites.

Les sujets porteurs de nævus atypiques peuvent avoir de une à plusieurs dizaines de lésions pigmentées irrégulières.

La moyenne serait de 10 par individu, en dehors des cas familiaux.

2- Anatomie pathologique :

Par définition, les nævus atypiques sont caractérisés cytologiquement par une dysplasie mélanocytaire, avec des noyaux mélanocytaires plus gros que ceux des kératinocytes adjacents mais de manière non continue à la jonction dermoépidermique.

Sur le plan architectural, on observe une prolifération mélanocytaire jonctionnelle ou composée symétrique, caractérisée en périphérie par des phénomènes d’horizontalisation et de fusion des thèques (appelés effet d’épaule). Une fibroplasie sous-épithéliale, voire une minime réaction inflammatoire dermique, sont parfois observées.

Les cas limites, très complexes, sont fréquents, et la distinction entre dysplasie cellulaire sévère et mélanome in situ est souvent très difficile voire, dans certains travaux, discutable…

3- Clinique :

Il n’existe pas de corrélation satisfaisante entre l’aspect clinique de ces nævus et leur définition histologique.

Le degré de dysplasie mélanocytaire n’est pas prévisible à partir des données de l’examen clinique.

Ces lésions sont souvent multiples, elles siègent généralement sur le tronc, leur diamètre est souvent supérieur à 6 mm, elles sont volontiers asymétriques et hétérochromes.

Les critères classiques ABCD ne permettent donc pas une distinction satisfaisante avec le mélanome.

Seule leur stabilité évolutive est un critère diagnostique robuste, mais on dispose rarement d’éléments objectifs fiables pour l’authentifier.

Ces nævus sont le plus souvent assez semblables entre eux chez un même individu.

C’est pour cette raison que certains auteurs ont proposé, dans le cadre de campagnes de dépistage, de porter attention sur les lésions différant notablement du canevas habituel des nævus du sujet, celles-ci ayant plus de risque de correspondre à un éventuel mélanome (concept du « vilain petit canard »).x

4- Examen dermoscopique :

L’examen dermoscopique revêt ici toute son importance, il objective un patron polymorphe asymétrique associant des zones de réticulation, des zones sans structures pigmentées et parfois même des zones de régression.

Les bords sont irréguliers parfois abrupts, avec des zones de stries radiaires.

L’ensemble reste cependant assez symétrique. Le diagnostic différentiel avec un mélanome est donc, dans certains cas, extrêmement difficile même pour des experts.

Les algorithmes de Stolz, Argenziano ou Menzies permettent d’approcher plus finement le diagnostic, mais ils sont difficilement utilisables en pratique quotidienne.

Le suivi dynamique de ces lésions en vidéodermoscopie digitale permet de mieux distinguer les cas douteux.

5- Évolution :

Ils commencent à apparaître comme des nævus de grande taille vers l’âge de 10 ans, mais le diagnostic ne peut généralement pas être posé avant la puberté.

La présence de nævus atypiques chez un individu signe un risque accru de mélanome, mais ces lésions ne peuvent en aucun cas être considérées comme un état précancéreux.

On note néanmoins que les reliquats næviques le plus souvent retrouvés à proximité d’un mélanome ont les caractéristiques cytologiques et architecturales des nævus atypiques.

Le risque de développer un mélanome est important chez les patients porteurs d’un syndrome familial des nævus atypiques avec mélanome.

Ce risque cumulé a été estimé à 56 % entre 20 et 59 ans, et 100 % à 76 ans.

En dehors de ces cas, le risque est estimé, selon les auteurs, de 7 à 70 fois supérieur à celui de la population générale, avec une incidence cumulée de 18 % au cours de la vie.

La présence de nævus atypiques constitue certes, en analyse multivariée, un risque indépendant de mélanome, mais ce critère prédictif est moins puissant que le nombre de nævus dont un individu est porteur à 25 ans.

Il paraît donc plus raisonnable de se baser sur le nombre de nævus pour établir des programmes ciblés de dépistage du mélanome ou de surveillance des individus à risque.

Enfin, même si les patients porteurs de nævus atypiques ont un risque supérieur de nævus conjonctival, irien ou choroïdien, l’incidence du mélanome oculaire chez eux ne semble pas augmentée.

Il n’existe donc pas de recommandation particulière concernant le suivi ophtalmologique de ces individus.

6- Traitement :

Le traitement a longtemps fait l’objet de nombreuses discussions.

Des règles simples doivent être soulignées :

– l’exérèse de toute lésion suspecte d’être un mélanome doit être proposée et les indications chirurgicales doivent rester larges en cas de doute ;

– la destruction systématique de tous les nævus d’un individu porteur de nævus atypiques n’a aucun sens ;

– lorsqu’elle est décidée, l’exérèse d’un nævus atypique se doit d’être complète (marge de 2 mm, exérèse jusqu’à l’hypoderme, « shaving » interdit et examen dermatopathologique impératif) ;

– un individu ayant au moins l’un des facteurs de risque suivant : antécédent personnel ou familial de mélanome, antécédent de nævus atypiques, nombre de nævus supérieur à 50, doit être surveillé régulièrement (autosurveillance et surveillance spécialisée dermatologique) ;

– les cas difficiles peuvent faire l’objet d’une surveillance photographique et photodermoscopique.

M – NÆVUS DES EXTRÉMITÉS :

Il ne s’agit pas, à proprement parler d’une forme clinique de nævus car, dans la plupart des cas, les lésions mélanocytaires bénignes des extrémités entrent dans le cadre des nævus jonctionnels, composés ou dermiques habituels ; cependant certaines caractéristiques anatomocliniques méritent d’être soulignées.

1- Clinique :

Cliniquement, ces lésions sont souvent asymétriques et allongées le long des dermatoglyphes.

Leur couleur est le plus souventj homogène et leur taille stable.

Des cas complexes existent, notamment en raison du diagnostic différentiel parfois difficile avec le mélanome de type acrolentigineux (ALM : acral lentiginous melanoma).

2- Examen dermoscopique :

L’examen dermoscopique permet par, des critères simples, de distinguer les cas suspects.

En effet, une disposition parallèle de la pigmentation est observée selon l’axe des dermatoglyphes.

Si les sillons sont pigmentés, avec respect des crêtes et respect des orifices sudoraux (au sommet des crêtes des dermatoglyphes), il s’agit vraisemblablement d’une lésion bénigne.

À l’inverse, un mélanome acrolentigineux se caractérise par des sillons achromiques et des crêtes pigmentées avec une pigmentation assez caractéristique en points des orifices sudoraux.

Contrairement à une idée très répandue, le risque de transformation maligne d’une lésion pigmentaire bénigne palmoplantaire ne semble pas supérieur à celui d’une lésion du même type sur un quelconque autre territoire cutané.

3- Examen histologique :

L’examen histologique d’une lésion pigmentée palmoplantaire est parfois d’interprétation difficile.

En effet, la prolifération jonctionnelle peut parfois se faire sous la forme d’une hyperplasie mélanocytaire en cellules isolées à la jonction dermoépidermique.

Dans certains cas, comme dans le type anatomique « MANIAC », une ébauche d’ascension pagétoïde de ces mélanocytes est également observée.

4- Exérèse :

L’exérèse chirurgicale d’un nævus acral n’est indiquée qu’en cas de doute diagnostique avec un éventuel mélanome.

La destruction de telles lésions sous le prétexte qu’elles sont moins facilement accessibles à la surveillance que d’autres doit être mise en balance avec le risque de création de cicatrices douloureuses, notamment sur les plantes.

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