Myopathies des ceintures

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Introduction :

Longtemps galvaudé, au point même d’être renié par certains spécialistes de maladies neuromusculaires il y a quelques années, le terme de myopathie des ceintures a fait et fait encore couler beaucoup d’encre.

Ces myopathies ont en commun un déficit de la musculature des ceintures pelvienne et scapulaire, ainsi qu’une formule histologique de dystrophie musculaire.

Myopathies des ceinturesIl s’agit d’un ensemble hétérogène, tant cliniquement que génétiquement, dont la classification vient d’être éclairée d’un jour nouveau grâce à la biologie moléculaire.

Ceci laisse aussi entrevoir quelques hypothèses physiopathologiques d’où émergeront sans doute des thérapeutiques efficaces.

Le mode de transmission est majoritairement autosomique récessif, mais dans quelques rares cas, autosomique dominant.

À ce jour, 14 gènes morbides, dont cinq dominants et neuf récessifs sont en rapport direct avec des myopathies des ceintures.

L’intérêt que suscitent les avancées en matière de génétique moléculaire ne doit pas faire oublier que l’analyse sémiologique du patient reste primordiale.

Même si elles représentent quantitativement un nombre peu important de patients, leur compréhension à l’échelle moléculaire et biochimique apportera probablement des éléments nouveaux pour la compréhension de la physiologie musculaire, et à terme, pour une approche pharmacologique à visée curative.

Histoire :

Si on attribue, à juste titre, à William Erb les premières descriptions cliniques et histologiques de l’authentique myopathie des ceintures à la fin du siècle dernier, le terme même de limb girdle muscular dystrophy (LGMD) est beaucoup plus récent et date des années 1950.

À cette époque, Walton et Nattrass popularisent le concept dans leur monumentale classification des maladies neuromusculaires.

Celle-ci prend en compte, pour la première fois en matière de dystrophies musculaires, le mode supposé de transmission héréditaire.

Dans leur définition de la myopathie des ceintures, les auteurs retiennent alors :

– un début relativement tardif de la maladie au cours de la première ou deuxième décennie ;

– une atteinte déficitaire des muscles des ceintures pelvienne et scapulaire ;

– une progression relativement lente, avec néanmoins quelques exceptions ;

– enfin, un mode de transmission autosomique récessif.

Le mérite de Walton et Nattrass est d’individualiser cet ensemble vis-à-vis de la maladie de Duchenne dont on découvre à l’époque qu’elle est liée au chromosome X, et surtout de la myopathie facioscapulo-humérale (FSH) (maladie de Landouzy-Déjerine), dont le caractère autosomique dominant est enfin clairement établi.

Une lecture attentive permettait aussi d’établir, pour un clinicien averti, un lien direct entre ce groupe de myopathie des ceintures et les premières descriptions d’Erb concernant une forme juvénile de dystrophie musculaire qu’il publie en 1884.

Le terme de myopathie des ceintures sera victime de son succès.

Très vite, et parce que les critères cliniques étaient dans l’ensemble peu discriminants, beaucoup de patients neuromusculaires vont se voir attribuer à tort ce diagnostic.

Les progrès en matière d’explorations (électrophysiologiques, morphologiques ou biochimiques) ou de nosologie (c’est l’époque où l’on découvre les myopathies congénitales et les myopathies métaboliques), permettront ensuite de redresser les erreurs les plus grossières, mais le mal était fait.

La myopathie des ceintures était devenue, pour reprendre un terme cher à Michel Fardeau, un diagnostic « fourretout », assurément commode en pratique clinique mais sans spécificité aucune et souvent entaché d’erreurs.

Il faut attendre les années 1980 et les succès probants du clonage positionnel pour revisiter cet ensemble de pathologies et proposer une nouvelle nomenclature.

La découverte de la dystrophine dans la myopathie de Duchenne en 1987 reste la pierre angulaire de toute la saga moléculaire des dystrophies musculaires progressives.

Grâce à une approche intégrée mêlant à la fois techniques de cartographie génétique et dissection moléculaire au niveau biochimique, d’autres protéines liées à la dystrophine et responsables de dystrophies musculaires sont rapidement identifiées.

Les études de cartographie vont s’effectuer sur des groupes de patients rapportés dans la littérature et caractérisés par leur forte endogamie.

Qu’il s’agisse des communautés des Petits Blancs de l’île de la Réunion, des Amishs de l’Indiana, des Mémonites américains ou des myopathes tunisiens du Maghreb, il y avait là un terreau formidable pour la « génétique inverse » qui venait de remporter ses premiers succès.

Parallèlement, les équipes de Campbell aux États-Unis et d’Osawa au Japon disséquaient le complexe protéique lié à la dystrophine et proposaient autant de gènes candidats que de nouvelles protéines.

Il est vite apparu que les myopathies des ceintures étaient en fait beaucoup plus hétérogènes que prévu, tant cliniquement que génétiquement. Pour essayer de s’y retrouver, une nomenclature destinée à faciliter les études génétiques fut proposée lors d’un séminaire de l’European Neuromuscular Centre (ENMC) en 1995.

On y faisait notamment référence au mode de transmission (avec le chiffre « 1 » pour les formes autosomiques dominantes et le chiffre « 2 » pour les formes autosomiques récessives) et au locus correspondant classé par ordre alphabétique et chronologique.

C’est ainsi que la forme commune aux Amishs et aux Réunionnais, par exemple, devint LGMD 2A, car autosomique récessive, « 2 », et cartographiée en premier sur le chromosome 15.

Cette tentative de classification a été beaucoup critiquée car elle prenait peu en compte les disparités cliniques déjà établies ou celles qui restaient à établir entre chaque groupe.

De ce fait, elle était peu opératoire pour la plupart des cliniciens, surtout les non spécialistes.

Depuis, un effort certain est fait pour revisiter la clinique de chacune des sous-entités et élaborer des critères diagnostiques plus sélectifs.

C’est l’enjeu de ce qu’il est commun d’appeler la « médecine inverse », un mouvement qui n’est d’ailleurs pas spécifique aux dystrophies musculaires et qui vise à redéfinir les critères cliniques après la phase initiale de découverte des gènes morbides. Pour autant, des interrogations demeurent.

En l’absence de pistes tangibles pour rendre compte de la physiopathologie de ces affections, on hésite encore, pour les classer, entre plusieurs approches : la clinique permet de différencier trois ou quatre grandes sortes de phénotypes (Duchenne-Becker, Erb/Réunionnais, Emery- Dreifuss), mais de nombreuses formes de passage, ainsi que de fréquentes exceptions à la règle commune existent.

La classification protéique est séduisante mais devient de moins en moins pertinente à mesure que la liste des protéines incriminées s’allonge (calpaïnopathies, sarcoglycanopathies, etc).

Les tentatives de classification par mécanisme physiopathologique supposé se heurtent à l’absence de rôle précis dévolu à chaque protéine ou chaque groupe de protéines.

Si l’on peut admettre par exemple une certaine logique à regrouper les protéines du complexe liées à la dystrophine ou tout simplement du sarcolemme, on voit mal alors la place d’autres protéines majeures telles que la calpaïne ou plus récemment la myotiline.

On est donc devant un immense puzzle où certaines pièces maîtresses semblent encore manquer.

Un travail conséquent attend donc les chercheurs et les cliniciens pour les identifier d’une part, mais aussi pour essayer de comprendre leur interaction.

Par commodité, on décrira ici les formes autosomiques récessives pour lesquelles neuf loci (dont sept gènes sont clonés) ont été individualisés, puis les formes autosomiques dominantes où cinq loci (dont trois gènes clonés) ont été individualisés.

Dystrophies musculaires progressives autosomiques récessives :

A – MYOPATHIE DES CEINTURES AVEC DÉFICIT EN CALPAÏNE (LGMD 2A) :

À en croire Michel Fardeau, la référence incontestée en la matière, la dystrophie musculaire avec déficit en calpaïne 3 correspond à l’authentique, pour ne pas dire unique, myopathie des ceintures.

Elle présente un lien de parenté évident avec la forme juvénile de dystrophie musculaire décrite en son temps par Erb, en 1884.

La découverte d’un isolat de patients dans le sud de l’île de la Réunion a permis, en collaboration avec les équipes de généticiens du Généthon, de cartographier le gène morbide de cette affection sur le bras long du chromosome 15, en 1991.

Ce n’est que 4 ans plus tard que des mutations dans le gène codant pour la calpaïne 3 sont identifiées.

Cette enzyme musculaire était en fait connue depuis 1989, mais on était loin d’imaginer qu’elle puisse être à l’origine d’un processus dystrophique à la différence des protéines du sarcolemme comme la dystrophine ou les sarcoglycanes.

1- Physiopathologie :

Les calpaïnes représentent une famille d’enzymes protéolytiques calcium-dépendantes dont seule la calpaïne 3, appelée aussi p94, est spécifique au muscle.

Il n’y a pas de modèle humain décrit les concernant, en dehors de la myopathie des ceintures, et leur rôle physiologique est incomplètement connu.

La calpaïne 3, dont la localisation est nucléocytoplasmique, est constituée de quatre domaines (I à IV), dont un est riche en cystéine (II) et un autre lie le calcium (IV).

Par ailleurs, on a récemment fait l’hypothèse que la titine, une protéine de l’appareil contractile, serait liée à la calpaïne.

Pour autant, rien n’est connu du substrat, même par analogie avec les autres calpaïnes qui sont, elles, ubiquitaires.

Récemment, il a été démontré que la calpaïne pouvait être impliquée dans les phénomènes d’apoptose.

Les modèles animaux décrits à ce jour (des souris invalidées pour le gène CANP3) sont décevants car n’exprimant que très peu de symptômes, au moins à un jeune âge.

Le gène codant pour la calpaïne 3, le CANP3, comprend 24 exons et s’étend sur une longueur de 45 kb sur le chromosome 15q.

Sa pathologie est caractérisée par une grande diversité mutationnelle, et ce malgré l’existence de quelques mutations récurrentes dans des isolats géographiques : dans l’île de la Réunion, dans la province basque du Guipuzcoa, et aux États-Unis chez les Amishs. Plus de 100 mutations différentes ont ainsi été décrites à ce jour.

Ceci explique les difficultés des chercheurs lorsqu’il s’agit de les identifier à titre individuel.

La moitié de ces anomalies moléculaires environ sont des mutations stop, le reste étant des mutations faux-sens.

2- Épidémiologie :

La prévalence des calpaïnopathies est très variable d’un pays à l’autre et l’existence d’isolats génétiques vient souvent fausser les statistiques.

Dans les isolats amishs, basques ou réunionnais, les calpaïnopathies représentent jusqu’à 95 % des dystrophies musculaires autosomiques récessives, à la différence de populations tout-venant chez qui ce chiffre peut descendre à 10 %.

Les études menées à l’échelle paneuropéenne ou en Turquie donnent des chiffres intermédiaires (40 à 50 %) malgré une très forte endogamie dans ce dernier pays.

En France, et en l’absence de registre de patients, on en est réduit à estimer aux alentours de 200 la population de patients métropolitains concernée.

Il est certain que beaucoup de patients restent mal diagnostiqués, et ce en l’absence de marqueur biochimique fiable et facile d’utilisation.

L’affinement des méthodes diagnostiques devrait donc à l’avenir rendre plus pertinentes ces études épidémiologiques.

3- Données cliniques :

Le début des signes survient habituellement entre 10 et 15 ans et se traduit par un déficit musculaire des ceintures, lentement progressif, symétrique et à prédominance proximale.

La marche est volontiers dandinante avec une tendance modérément rétractile au niveau des tendons d’Achille.

L’atteinte musculaire est sélective au début, notamment au niveau des muscles grands fessiers, des adducteurs de cuisse, puis du moyen fessier, du psoas et des ischiojambiers.

Le contraste avec la relative préservation du quadriceps est souvent évocateur du diagnostic, d’où l’intérêt d’une imagerie musculaire à un stade précoce de la maladie.

L’atteinte scapulaire apparaît secondairement par rapport à l’atteinte pelvienne et touche préférentiellement le grand dorsal, le grand dentelé, le rhomboïde, le grand pectoral puis, plus tardivement, le biceps brachial.

À la différence du phénotype Duchenne-Becker, on ne note pratiquement jamais de pseudohypertrophie des mollets ou de macroglossie, et encore moins d’atteinte cardiorespiratoire.

Il n’y a pas non plus d’atteinte de la face, ni rigid spine, ni retard mental.

L’évolution est lentement progressive mais variable d’un individu à l’autre.

Aux membres inférieurs, le déficit s’étend au quadriceps, puis aux muscles de la jambe, alors qu’aux membres supérieurs, on note une atteinte secondaire du deltoïde, du triceps brachial et des muscles radiaux.

La perte de la marche survient entre 20 et 30 ans en moyenne, mais peut être accélérée par la survenue de rétractions au niveau des hanches et des genoux.

La statique rachidienne est habituellement respectée et il est exceptionnel d’avoir à opérer ces patients pour scoliose évolutive.

4- Examens complémentaires :

Les enzymes musculaires sont généralement très augmentées au début de la maladie, puis décroissent par la suite.

L’imagerie musculaire (scanner ou imagerie par résonance magnétique [IRM]) est intéressante à un stade de début pour mettre en évidence la sélectivité de l’atteinte musculaire.

Les études électrophysiologiques (électromyogramme [EMG]) ne sont pas indispensables à l’établissement du diagnostic et montrent un tracé myopathique.

La biopsie musculaire montre des signes en faveur d’une dystrophie musculaire avec une formule nécrose-régénération, des variations de taille des fibres et des noyaux volontiers internalisés.

La présence de fibres anormalement lobulées n’est pas spécifique mais peut faire évoquer le diagnostic quand elles sont très nombreuses.

Les études immunocytochimiques sur coupe musculaire révèlent la présence normale de la dystrophine et des sarcoglycanes.

De tels marquages in situ ne sont pas encore très fiables concernant la calpaïne ellemême.

Seul le western blot permet actuellement de s’assurer de l’absence de la protéine, avec néanmoins le risque de quelques faux positifs.

Les études génétiques sont les seules à permettre un diagnostic de certitude.

Les études de liaison sont rarement utilisées du fait de leur lourdeur.

La méthode de référence reste donc la recherche directe de mutations dans le gène CANP3.

5- Pronostic :

Il est actuellement extrêmement difficile d’établir un pronostic à titre individuel.

Les corrélations génotype-phénotype sont pour l’instant de peu d’utilité compte tenu de la grande variabilité intra- ou interfamiliale.

L’absence totale de protéines en western blot correspondrait plutôt à des mutations nulles et à une sévérité accrue sur le plan clinique, mais il existe des exceptions à ce semblant de règle.

B – DYSTROPHIES MUSCULAIRES PROGRESSIVES AVEC DÉFICIT EN SARCOGLYCANE (LGMD 2C, 2D, 2E, 2F) :

On a parfois mauvaise grâce à employer le terme de myopathie des ceintures concernant ce groupe d’affections tant elles ressemblent phénotypiquement aux dystrophinopathies (myopathies de Duchenne et de Becker).

Il faut néanmoins constater que la confusion s’est installée dès leur description princeps, ce d’autant que la nomenclature génétique de l’ENMC adoptée par la suite renforçait le camp des assimilationnistes.

Par définition, les sarcoglycanopathies correspondent à des pathologies touchant les quatre gènes codant pour les sarcoglycanes alpha, bêta, delta et gamma, et correspondent depuis 1995 aux abréviations suivantes : LGMD 2C, 2D, 2E et 2F.

On les retrouve aussi, et de manière plus récente, sous le terme SGCA, B, C ou D (pour sarcoglycanopathies de type A, B, C ou D).

Elles sont excessivement proches sur le plan clinique, avec quelques variantes sur le plan évolutif.

À la différence des dystrophinopathies, les cas avec cardiomyopathies avérées sont rares.

D’un point de vue clinique il est quasi impossible de les différencier individuellement.

Seule l’approche mixte combinant l’immunocytochimie et une analyse mutationnelle est susceptible d’y parvenir.

1- Évolution du concept :

Plusieurs auteurs avaient déjà rapporté des cas de myopathie de Duchenne-like chez des enfants de sexe féminin.

Salih, neuropédiatre au Soudan, y consacre même sa thèse de médecine en 1978 à partir de cas autochtones.

C’est à Fardeau et Ben Hamida, son homologue tunisien, que l’on doit au début des années 1980 la description clinique de ce qui fut appelé à l’époque severe childhood autosomal recessive muscular dystrophy (SCARMD).

Quelques années plus tard, il apparaissait que la dystrophine était qualitativement et quantitativement normale dans le muscle de ces patients et donc qu’une autre protéine devait être en cause.

En fait, ce n’est pas une mais deux autres protéines qui ont été impliquées.

La première fut identifiée grâce aux travaux des biochimistes qui étaient en train de disséquer parallèlement le complexe protéique lié à la dystrophine.

Cette première protéine connut plusieurs synonymes : DAG50, 50kD, adhaline, avant de prendre le nom définitif de sarcoglycane alpha dans la période récente.

Le terme « adhaline » fut longtemps employé et provenait du mot arabe signifiant « muscle », un clin d’oeil destiné à rendre compte de la grande prévalence de cette myopathie au Maghreb.

La deuxième protéine en cause découla de la première, puisqu’il s’agissait d’une autre sarcoglycane, la sarcoglycane gamma, appelée aussi DAG35 ou 35kD par référence à son poids moléculaire.

Il fut ainsi possible de distinguer les adhalinopathies primaires (liées génétiquement au chromosome 17 et donc au gène codant pour la sarcoglycane alpha) des adhalinopathies secondaires (liées au chromosome 13 et donc au gène codant pour la sarcoglycane gamma).

La découverte ultérieure des deux autres sarcoglycanes (bêta et delta) et des pathologies génétiques correspondantes ont rendu ce distingo caduc.

On parle désormais des sarcoglycanopathies qui, comme les

Trois mousquetaires (« muscletaires » pour reprendre l’expression de Beckmann), sont quatre.

2- Physiopathologie :

Les quatre sarcoglycanes (alpha, bêta, delta, gamma) font partie de la même famille de protéines transmembranaires glycosylées.

Elles sont codées par quatre gènes situés sur quatre chromosomes différents (respectivement 17q, 4q, 5q, 13q).

Deux des sarcoglycanes sont exprimées exclusivement dans le muscle cardiaque et squelettique (alpha et gamma), alors que les deux autres (bêta et delta) sont plus ubiquitaires.

Toutes les quatre appartiennent à un ensemble protéique, le dystrophin-glycoprotein complex (DGC), qui comprend au moins dix éléments étroitement associés à la dystrophine. Ce complexe se subdivise en trois compartiments :

– un sous-complexe sous-sarcolemmal comprenant la dystrophine elle-même, les syntrophines et la dystrobrévine ;

– un sous-complexe autour des deux formes épissées de dystroglycane (l’alpha et la bêta-DG), la première s’articulant avec la matrice extracellulaire par l’intermédiaire de la mérosine, et la seconde avec la partie C-terminale de la dystrophine ;

– un réseau transmembranaire comprenant les quatre sarcoglycanes et la sarcospane, une protéine de 25 kDa avec quatre domaines transmembranaires, et pour lequel aucune pathologie correspondante n’a été identifiée à ce jour.

Malgré plusieurs tentatives de mise à plat des interactions à l’intérieur de ce complexe, on connaît peu le rôle de chacun de ces éléments pris individuellement.

Dans ce contexte, les sarcoglycanes qui sont solidaires les unes des autres, pourraient jouer un rôle dans la transduction du signal et/ou la stabilisation de la membrane.

* Sarcoglycanopathie alpha (LGMD 2D) :

Comme son abréviation (LGMD 2D) ne le laisse pas supposer, la sarcoglycanopathie alpha a été la première des sarcoglycanopathies à être élucidée sur le plan moléculaire.

Elle correspond aux anciennes adhalinopathies primaires et est universelle quant à sa distribution géographique.

+ Données cliniques :

Dans la forme classique, les premiers symptômes (difficultés à la course puis à la montée des escaliers) surviennent dans la première décennie, de façon souvent retardée par rapport à la myopathie de Duchenne.

L’examen clinique montre dès ce stade une tendance à l’hyperlordose et une marche dandinante, souvent en équin bilatéral.

L’atteinte musculaire est moins sélective que dans les calpaïnopathies mais touche aussi les muscles de la racine pelvienne.

Les muscles fessiers, psoas, quadriceps et ischiojambiers sont atteints de manière précoce, comme l’atteste l’imagerie musculaire.

L’atteinte des muscles des membres supérieurs survient quelques années plus tard et touche également la racine du membre.

Certains auteurs insistent sur la précocité de l’atteinte du muscle deltoïde par comparaison avec les autres dystrophies musculaires.

La tendance rétractile, notamment au niveau des tendons d’Achille, est fréquente et s’associe à une pseudohypertrophie des mollets de manière quasi constante.

Une macroglossie est notée plus inconstamment, alors que les muscles du visage, ceux commandant la déglutition et l’oculomotricité, sont épargnés.

Les complications cardiorespiratoires restent exceptionnelles.

L’évolution est habituellement lente et surtout très variable.

Le spectre clinique va ainsi de formes quasi asymptomatiques jusqu’à des formes exactement superposables à une myopathie de Duchenne classique, la cardiomyopathie en moins.

On insiste également sur la grande variabilité intra- et interfamiliale.

+ Examens complémentaires :

Les enzymes musculaires sont constamment et franchement élevées, d’autant plus qu’on est à un stade de début. L’EMG est le plus souvent myopathique.

L’imagerie musculaire est intéressante, surtout en cas de doute avec une calpaïnopathie.

L’atteinte, à un stade de début, se fait en effet au détriment des loges antérieure et postérieure de cuisse, avec préservation des muscles couturier et droit interne, comme dans les dystrophinopathies.

La biopsie musculaire montre une dystrophie musculaire de sévérité variable.

L’examen clé reste l’immunocytochimie sur coupe musculaire qui révèle, en immunofluorescence ou en peroxydase, un déficit préférentiel portant sur la sarcoglycane alpha, et dans une moindre mesure sur les autres sarcoglycanes.

Les techniques semiquantitatives (western blot) confirment généralement cette analyse visuelle, de même qu’elles vérifient la normalité de la dystrophine, de la mérosine et de la dysferline.

Les examens génétiques restent actuellement le seul moyen de confirmer l’affection avec certitude.

Les études indirectes ont peu d’intérêt diagnostique, sauf en cas de grandes familles et/ou quand l’analyse du muscle n’a pas été préalablement possible.

La recherche directe de mutations reste donc la méthode de choix, quelles que soient les techniques employées (SSCP/DGGE [Single strand conformation polymorphism/Denaturing gradient gel electrophoresis] et séquençage ou DHPLC).

Environ 40 mutations différentes ont été décrites.

Quelques mutations peuvent être récurrentes, notamment au niveau de l’exon 3 (Arg77C), mais sans distribution géographique particulière.

+ Pronostic :

Du fait d’une grande variabilité inter- et intrafamiliale, l’établissement d’un pronostic est toujours délicat pour les patients atteints de sarcoglycanopathie alpha.

De plus, on manque d’un recul suffisant pour affirmer de manière définitive le caractère bénin de certaines formes cliniques s’apparentant cliniquement à des dystrophinopathies mineures (simples crampes ou intolérance à l’effort).

Il est également difficile de prédire avec certitude l’absence de complications cardiaques pour ces malades en général.

Seules des études de suivi longitudinal peuvent lever le doute.

D’autres paramètres apparaissent néanmoins péjoratifs : une mutation stop à l’état homozygote avec absence de protéine résiduelle a toutes les chances d’être sévère, de même qu’un âge de début très précoce.

* Sarcoglycanopathie gamma (LGMD 2C) :

Cette myopathie correspond en fait aux cas initialement décrits par Fardeau et Ben Hamida en Tunisie.

Le déficit moléculaire correspond à la sarcoglycane gamma, protéine de 35 kDa, codée par un gène situé sur le chromosome 13q12.

Le phénotype est en règle plus sévère que la sarcoglycanopathie alpha.

+ Épidémiologie :

Même si la sarcoglycanopathie gamma a été rapportée un peu partout dans le monde, deux groupes ethniques sont plus particulièrement concernés par cette affection :

– les populations à forte endogamie du pourtour méditerranéen.

Dans certaines contrées, comme le Maroc ou l’Algérie, elles peuvent même représenter jusqu’à la moitié des cas de dystrophie musculaire autosomique récessive ;

– les Tziganes vivant en Europe.

Dans les deux cas, une mutation dite privée dans le gène de sarcoglycane gamma permet facilement de faire le diagnostic moléculaire (la mutation delD521T pour les premiers, la mutation C283Y pour les seconds) et d’apprécier la prévalence de la maladie dans certaines communautés à risque.

Dans les populations tout-venant, la prévalence reste néanmoins faible, de l’ordre de 10 à 20 % des formes autosomiques récessives de dystrophie musculaire progressive.

+ Données cliniques :

Le spectre clinique est généralement moins étendu que celui de la sarcoglycanopathie alpha.

La cardiomyopathie mise à part, la sarcoglycanopathie gamma est plus proche de la myopathie de Duchenne que de la myopathie de Becker.

Les signes de début, la date d’apparition des symptômes et l’évolution en diffèrent peu.

Le tableau clinique associe une atteinte proximale, bilatérale, symétrique et rapidement invalidante, avec une perte de la marche vers 14 ans en moyenne.

On retrouve volontiers une pseudohypertrophie des mollets, une tendance rétractile marquée et des complications orthopédiques (rétractions tendineuses, scoliose).

Il semblerait qu’un nombre non négligeable de patients présentent à terme des complications cardiaques (cardiomyopathie dilatée) et respiratoires (syndrome restrictif nécessitant une ventilation assistée de nécessité).

Il existe néanmoins des variantes moins sévères, paucisymptomatiques, comme celles décrites par exemple au Brésil.

+ Examens complémentaires :

Les enzymes musculaires, l’EMG ou l’imagerie musculaire sont tout à fait superposables à la sarcoglycanopathie alpha.

On insiste en revanche sur la nécessité d’un bilan cardiorespiratoire minutieux et régulier à la recherche d’éventuelles complications.

La biopsie musculaire permet d’orienter le diagnostic.

Si l’aspect de dystrophie musculaire n’a rien de spécifique, les immunomarquages révèlent une absence ou une diminution franche de la sarcoglycane gamma, la sarcoglycane alpha restant quant à elle normale ou légèrement diminuée.

Les deux autres sarcoglycanes sont en règle légèrement diminuées.

Le western blot vient confirmer de manière objective cette constatation visuelle.

Les tests génétiques reposent sur les mêmes principes que précédemment.

L’origine ethnique oriente parfois vers une des deux mutations privées, méditerranéenne (delD521T) ou tzigane (C283Y), lesquelles sont facilement détectables.

À défaut, un screening complet du gène est souvent nécessaire.

Sept autres mutations ont été décrites dans la littérature à ce jour.

+ Pronostic :

Il est en général moins bon que dans les sarcoglycanopathies alpha.

L’existence de groupes génétiquement homogènes de patients fait apparaître une sévérité plus grande et un phénotype plus proche de la myopathie de Duchenne que de la myopathie de Becker.

La question actuellement posée, et toujours sans réponse, est celle d’une possible cardiomyopathie associée.

* Sarcoglycanopathie bêta (LGMD 2E) :

+ Généralités :

Des études menées chez les Amishs de l’Indiana et de Pennsylvanie dans les années 1990 ont permis la mise en évidence d’une autre forme d’adhalinopathie secondaire.

La moitié des familles de myopathes de cette communauté avaient en effet été exclue du locus LGMD 2A, ce qui laissait supposer l’existence d’une hétérogénéité génétique.

Des études de liaison ultérieures permettaient de découvrir un nouveau locus sur le chromosome 4q12, puis une mutation privée (T151A) dans un gène candidat, celui codant pour la sarcoglycane bêta.

À ce jour, une vingtaine d’autres mutations ont été rapportées dans la littérature ou dans les bases de données.

Il semble néanmoins qu’il s’agisse d’une pathologie très rare, notamment en Europe.

+ Données cliniques :

En l’absence de grandes séries celles-ci sont parcellaires.

Le phénotype est néanmoins proche d’une myopathie de Becker avec, dans la forme la plus fréquemment rencontrée, un début des troubles vers 7 ans en moyenne, un déficit proximal peu sélectif, des gros mollets, une macroglossie et une évolution lente (bien que certains patients perdent la marche prématurément vers 15 ans).

Il ne semble pas exister d’atteinte cardiaque ou respiratoire.

+ Examens complémentaires :

Seule l’histologie permet d’évoquer le diagnostic devant la normalité de la dystrophine et la diminution franche du marquage de la sarcoglycane bêta sur coupe musculaire.

Les autres sarcoglycanes sont diminuées, mais à un degré moindre.

Le diagnostic de ces formes est probablement sous-évalué du fait de la non-utilisation en routine des anticorps contre la sarcoglycane bêta, au moins en France.

La recherche de mutations dans le gène de la sarcoglycane bêta n’est effectuée que par quelques laboratoires très spécialisés.

* Sarcoglycanopathie delta (LGMD 2F) :

Cette myopathie tire plus son intérêt du fait de l’existence d’un modèle animal spontané, le hamster syrien, que du nombre de malades concernés (moins d’une dizaine à ce jour).

Des études conjointes de linkage sur des familles brésiliennes et une approche par gène candidat ont permis de mettre en évidence des mutations pathogènes dans le gène

codant pour la sarcoglycane delta, la dernière des sarcoglycanes à être individualisée. La clinique ressemble plutôt à celle d’une myopathie de Duchenne.

À la différence de cette dernière, et du modèle animal déjà cité, il ne semble pas exister de cardiomyopathie en pathologie humaine.

Les immunomarquages (effondrement de la sarcoglycane delta, réduction relative des autres sarcoglycanes et légère diminution de la dystrophine) et la recherche directe de mutations dans le gène sont les méthodes diagnostiques actuelles.

C – MYOPATHIE DES CEINTURES AVEC DÉFICIT EN DYSFERLINE (LGMD 2B) :

1- Concept :

Cette dystrophie musculaire autosomique récessive a été initialement rapportée dans une grande famille palestinienne de myopathie des ceintures, avec atteinte proximale, et a ensuite été cartographiée sur le chromosome 2p.

Il a été clairement démontré que le gène codant pour la dysferline, lequel se trouvait précisément dans cette région, pouvait donner lieu à deux entités morbides différentes : cette myopathie des ceintures en particulier (LGMD 2B), mais surtout une autre myopathie, celle-ci distale, dite aussi de Miyoshi.

Plus troublante encore fut la constatation, à l’intérieur d’une même famille ou d’une même communauté endogame, de la coexistence de cas de LGMD et de Miyoshi, et ce malgré la présence d’une mutation identique.

Il est donc probable que des gènes modificateurs influent sur l’expressivité du phénotype.

2- Données cliniques :

Le tableau clinique n’a rien de vraiment spécifique.

Il s’agit d’une atteinte proximale qui, avec le temps, peut se propager à des muscles distaux, ou à l’inverse d’une atteinte distale type Miyoshi qui peut elle progresser de manière proximale à un stade plus tardif.

Dans ce contexte, une amyotrophie marquée au niveau des loges postérieures de jambe est évocatrice.

Il n’y a pas d’atteinte faciale ou pharyngée, et on ne rapporte pas de complications cardiorespiratoires.

3- Examens complémentaires :

À l’inverse des autres formes de myopathie distale (Welander, Markersberry-Udd ou autres), les enzymes musculaires sont toujours très élevées, au moins au début.

L’EMG est myopathique et l’imagerie musculaire apprécie l’existence ou non d’une composante distale surajoutée.

C’est en fait la biopsie musculaire, et plus particulièrement le western blot, qui permet de faire le diagnostic : la dysferline est absente ou franchement réduite.

Les études génétiques sont actuellement rendues très difficiles du fait de la taille du gène et de la grande diversité des mutations.

On peut espérer que l’approche par DHPLC permettra de s’affranchir de ces obstacles techniques dans un avenir proche.

4- Physiopathologie :

La dysferline est une protéine sous-sarcolemmale dont le rôle est pour l’instant inconnu. Un modèle murin spontané existe et reproduit assez fidèlement la maladie.

D – MYOPATHIE DES CEINTURES AVEC DÉFICIT EN TÉLÉTHONINE (LGMD 2G) :

La téléthonine est une protéine récemment découverte et exprimée préférentiellement dans le muscle.

Par une approche mixte (gène candidat et études de liaison), il a été possible de rapporter une mutation dans le gène qui la code dans une unique grande famille brésilienne d’origine italienne. Son rôle précis est encore inconnu.

Le tableau clinique est celui d’une atteinte des muscles proximaux, débutant dans la deuxième décennie, mais associée à une atteinte distale se traduisant par un steppage.

Une cardiopathie est notée chez la moitié des patients.

La perte de la marche survient vers 30 ans en moyenne.

On ne rapporte pas de cardiomyopathie ni d’autre atteinte associée, notamment intellectuelle.

Si la biopsie musculaire montre une atteinte de type dystrophique avec normalité de tous les immunomarquages connus, on retrouve curieusement des vacuoles bordées dont la signification reste à ce jour équivoque.

E – AUTRES LGMD RÉCESSIVES :

On sait déjà que la liste des gènes impliqués dans les myopathies des ceintures est loin d’être close.

L’existence d’une huitième forme autosomique récessive (LGMD 2H) est acquise depuis les travaux réalisés dans un autre groupe sur une parentèle étendue de myopathes huttérites vivant au Manitoba.

Il a été possible d’établir chez eux une liaison génétique avec le chromosome 9q31-33.

Une approche similaire de myopathes tunisiens a été utilisée pour cartographier un nouveau gène sur le chromosome 19q (LGMD 2I).

Formes autosomiques dominantes de myopathie des ceintures :

Les partisans de l’orthodoxie diront que le fait de parler de formes autosomiques dominantes dans la myopathie des ceintures est en totale contradiction avec la classification originelle de Walton et Nattrass.

Pour ces auteurs, la seule forme de dystrophie musculaire à hérédité autosomique dominante à considérer était, en dehors de la dystrophie myotonique décrite par Steinert, la myopathie FSH. Ils la distinguaient clairement des myopathies des ceintures.

À partir des années 1970, cependant, la littérature a commencé à s’enrichir d’observations de cas familiaux où le phénotype était cliniquement et histologiquement proche de la myopathie des ceintures classique, mais où manquait le caractère autosomique récessif.

Plus récemment, la mise au point d’un test génétique pour la myopathie FSH a permis de s’assurer que ces formes s’en différenciaient clairement sur le plan moléculaire.

Dans la classification établie en 1995 à l’ENMC, il fut ainsi décidé de les intégrer dans la nomenclature LGMD en leur attribuant le chiffre « 1 », complété d’une lettre alphabétique en fonction des résultats des différentes études de liaison.

A – MYOPATHIE DES CEINTURES AVEC DÉFICIT EN MYOTILINE (LGMD 1A) :

C’est historiquement la première LGMD dominante à avoir été décrite, puis à avoir été localisée en 1992 sur le chromosome 5.

C’est seulement en 2000 qu’une mutation dans le gène de la myotiline a finalement pu être mise en évidence après un laborieux travail de clonage positionnel.

À se rapporter à la grande famille princeps décrite en Virginie puis aux autres cas liés au même locus, on retient d’un point de vue clinique une prédominance des symptômes aux membres inférieurs, un début tardif des troubles (vers la fin de la deuxième décennie), une évolution lente, et surtout l’existence de troubles phonatoires, signes totalement inhabituels dans le contexte de la myopathie des ceintures classique.

On note aussi que l’histologie suggère des aspects un peu atypiques, dont quelques-uns sont rencontrés dans certaines myopathies congénitales à némaline.

Ce point est d’autant plus important que la myotiline est une protéine du sarcomère et non du sarcolemme.

Il n’est donc pas exclu que cette forme de LGMD fasse l’objet d’un reclassement nosologique dans un avenir proche.

B – MYOPATHIE DES CEINTURES AVEC DÉFICIT EN LAMINE (LGMD 1B) :

Cette dystrophie musculaire, rapportée de façon extensive par l’équipe hollandaise de de Visser, présente des similitudes troublantes avec la forme autosomique dominante de la myopathie d’Emery-Dreifuss.

Dans les trois grandes familles qui ont servi pour assigner cette affection au locus 1q11-q21, on retrouve la notion d’une maladie peu invalidante, débutant habituellement dans l’enfance, avec une atteinte proximale, et surtout une atteinte cardiaque (sous forme de troubles de la conduction nécessitant un pacemaker, ou d’une cardiomyopathie dilatée à un stade plus tardif).

À la différence de la myopathie d’Emery-Dreifuss typique, on ne retrouve pas de rétractions tendineuses très marquées, notamment au niveau des coudes et du rachis cervical.

Cette parenté avec la myopathie d’Emery-Dreifuss autosomique dominante a été définitivement confirmée lors de la découverte de mutations dans le même gène morbide, à savoir celui codant pour une protéine de l’enveloppe nucléaire, la lamine A/C.

C – MYOPATHIE DES CEINTURES AUTOSOMIQUE DOMINANTE AVEC DÉFICIT EN CAVÉOLINE 3 (LGMD 1C) :

Sous réserve d’inventaire, cette myopathie des ceintures ne concerne que quelques familles ou cas sporadiques.

Des études de liaison ont permis d’établir que le locus, situé en 3p25, était celui de la cavéoline 3, une protéine localisée dans les replis de la membrane sarcoplasmique mais dont le rôle et les rapports avec les protéines du complexe lié à la dystrophine restent encore obscurs.

Des études de screening systématique du gène sont en cours, en complément d’une analyse immunocytochimique avec des anticorps dirigés contre la cavéoline 3.

D – AUTRES MYOPATHIES DES CEINTURES AUTOSOMIQUES DOMINANTES :

Deux autres loci ont été découverts pour d’autres formes dominantes de LGMD, respectivement sur le chromosome 6q23 (LGMD 1D) et le chromosome 7q (LGMD 1E).

On peut prévoir que d’autres localisations surviendront dans un avenir proche, tant la diversité génétique semble grande, là aussi.

Le problème est plus d’ordre nosologique, car on peut se demander dans ce cas précis ce qu’il reste du concept de myopathie des ceintures tel qu’il avait été défini par Walton et Nattrass.

Conduite à tenir pratique :

Pour le neurologue praticien, cet éclatement de la nomenclature et certains revirements nosologiques sont source de difficulté. Pour autant, on ne peut plus, en ce début de millénaire, se contenter du simple diagnostic de myopathie des ceintures.

Il faut aller au-delà, si possible jusqu’à la signature moléculaire.

Une analyse sémiologique fine prenant en compte l’âge de début, la sélectivité de l’atteinte musculaire, l’évolution, l’origine ethnique, l’évolution de la maladie, et le pattern d’expression de quelques protéines-clés suffisent en règle à démêler l’essentiel de l’écheveau.

C’est dire l’importance capitale que revêt la pratique d’une biopsie musculaire, dans de bonnes conditions de prélèvement et de conservation.

Dans les cas plus difficiles, quand la clinique est moins parlante, quand le caractère familial manque, ou quand le muscle n’est plus étudiable biologiquement, d’autres hypothèses peuvent être avancées dans le cadre du diagnostic différentiel.

La disponibilité de tests génétiques ou biochimiques fiables pour la plupart d’entre elles (SMA [amyotrophin spinal infantile], Steinert, déficit en maltase acide, myopathie FSH, dystrophie musculaire congénitale avec déficit partiel en mérosine, pour ne citer que les plus communément recherchées) doit faciliter ce travail d’exclusion.

Une fois acquise la certitude du diagnostic de myopathie des ceintures, le danger majeur réside ensuite dans ce qu’il est convenu d’appeler la « pêche au gène ».

Avec près de 14 gènes concernés, toutes formes confondues, la palette moléculaire est très étendue et la tentation grande de tester tous ces gènes les uns après les autres.

C’est en pratique impossible, et de toutes les façons excessivement coûteux.

C’est dans ce contexte qu’un dialogue entre le clinicien, le biochimiste et le biologiste moléculaire s’avère indispensable afin de guider l’analyse génétique vers le ou les quelques gènes les plus probablement impliqués.

On peut espérer que les puces à acide désoxyribonucléique (ADN) viennent à terme résoudre le problème, mais pour le moment, elles sont un peu (et pour les myopathies des ceintures s’entend) du domaine de la science-fiction.

Faute de perspectives tangibles en matière de thérapies génique ou cellulaire, force est de constater la primauté du traitement palliatif.

Comme dans toutes les dystrophies musculaires, le risque rétractile existe. Les complications orthopédiques sont à redouter, surtout chez l’enfant en pleine croissance.

Ceci est particulièrement vrai dans les sarcoglycanopathies sévères et précoces.

Une kinésithérapie régulière, associée ou non à un appareillage orthopédique selon le cas, est indispensable et permet souvent de retarder la perte de la marche.

L’autre grand volet thérapeutique concerne les complications cardiaques dont on a vu qu’elles pouvaient émailler l’évolution de certaines des myopathies des ceintures (LGMD 1B, 1D ou 2D).

Les indications de pacemaker doivent être larges en cas de troubles de la conduction, et en cas de dysfonction myocardique sévère on peut discuter au cas par cas de l’intérêt d’une transplantation cardiaque, à l’instar de ce qui a pu être proposé dans certains cas de myopathie de Becker.

La prévention repose sur un conseil génétique qui se doit là aussi d’être le plus précis possible.

Le préalable réside dans la connaissance précise du gène en cause, et ceci est, comme nous l’avons vu, parfois difficile à réaliser.

Certaines de ces affections, dans leurs formes les plus invalidantes, peuvent faire l’objet d’un diagnostic prénatal, en sachant qu’il s’agit à chaque fois d’une décision individuelle.

Les thérapies génique ou cellulaire n’en sont qu’au stade expérimental.

Elles s’appuient sur des modèles animaux spontanés ou créés en laboratoire.

Les essais chez l’homme sont très préliminaires et se heurtent à des problèmes de faisabilité et de toxicité potentielle car ils font appel pour l’instant à des vecteurs essentiellement viraux.

Un espoir nouveau réside désormais dans les vertus thérapeutiques de certaines cellules souches de la moelle osseuse dont le caractère pluripotent fait l’objet d’intenses travaux de recherche.

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