Myélome multiple Physiopathologie

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Introduction :

Le myélome multiple (MM) est une maladie clonale acquise impliquant des lymphocytes B en fin de différenciation : les plasmocytes.

Le MM est considéré comme une néoplasie évoluant en plusieurs phases :

– une phase initiale durant laquelle les plasmocytes sont immortalisés mais s’accumulent dans la moelle sans proliférer ;

– une phase d’activité où une faible fraction des cellules devient proliférative, acquiert des caractères cytologiques plasmoblastiques, des caractéristiques phénotypiques particulières, et additionne des événements oncogéniques ;

– une phase terminale qui se caractérise par des localisations extramédullaires et une expansion du composant plasmoblastique.

Myélome multiple PhysiopathologieLe MM est souvent précédé par un processus tumoral non malin, dénommé gammapathie monoclonale de signification indéterminée.

Cette gammapathie est constituée de moins de 10 % de plasmocytes médullaires, et se transforme en un MM vrai, exprimant le même clonotype et le même isotype d’immunoglobuline, à un taux de 1 % par an.

Les études épidémiologiques suggèrent que 30 % environ des MM pourraient être précédés d’une telle gammapathie monoclonale, en opposition à des MM dits de novo.

Cellule myélomateuse maligne :

La cellule myélomateuse est un plasmocyte à durée de vie longue.

Ces plasmocytes dérivent de lymphocytes B activés ayant été stimulés par un antigène dans les centres germinatifs des ganglions.

Ces lymphocytes B dits postgerminatifs, ou « à mémoire », subissent des phénomènes répétés d’hypermutation dans les régions variables réarrangées de leurs gènes d’immunoglobulines.

Ils opèrent ensuite un switch de recombinaison de la chaîne lourde de l’immunoglobuline (Ig) (IgM à IgG, A, D, E), pour finalement migrer dans la moelle osseuse et s’y différencier en plasmocytes à longue durée de vie.

L’essentiel des événements oncogéniques qui conduisent à la cellule myélomateuse n’interfère pas avec la différenciation plasmocytaire normale.

Les régions variables des gènes d’immunoglobulines des cellules myélomateuses sont porteuses d’hypermutations somatiques nombreuses, qui semblent stables au cours du temps (fig 2).

Comme son homologue normal, la cellule myélomateuse est localisée dans la moelle en contact étroit, grâce à des molécules d’adhésion, avec les cellules du stroma médullaire et les cellules osseuses.

Dans sa forme terminale, le MM peut progresser vers une forme extramédullaire, dénommée leucémie à plasmocytes secondaire.

Parfois cependant, la maladie est inaugurée par une leucémie aiguë à plasmocytes primitive.

À tous les stades, la maladie est peu proliférative, avec des index de prolifération cellulaire allant de < 0,5 % dans les gammapathies monoclonales bénignes, à < 1 % dans le MM précoce, et rarement 5-10 % aux stades avancés de la maladie.

Oncogenèse au cours du myélome multiple :

La compréhension des mécanismes d’oncogenèse au cours du MM a très largement bénéficié de la mise en évidence de translocations chromosomiques de la région 14q32 impliquant le locus de la chaîne lourde des Ig (IgH) et des délétions 13q del(13q). Les études faites en cytogénétique classique ont permis d’identifier dans 20 à 60 % des cas des anomalies du nombre ou de la structure des chromosomes.

La présence de ces anomalies est corrélée au stade de la maladie : 20 % d’anomalies identifiées au stade I, 30- 40 % au stade II et plus de 60 % au stade III.

Ces anomalies sont dans 60 % des cas une hyperdiploïdie, dans 5 % des cas une pseudodiploïdie et dans 30 % des cas une hypodiploïdie.

L’hypodiploïdie est associée à un pronostic adverse. Les trisomies semblent également fréquentes et impliquent essentiellement les chromosomes 3, 5, 7, 9, 11, 15 et 19.

Parmi les pertes chromosomiques, c’est essentiellement la monosomie 13 qui est identifiée.

La fréquence d’identification des anomalies cytogénétiques augmente avec les techniques d’hybridation in situ (FISH pour fluorescence in situ hybridization), permettant une analyse de nombreuses cellules en interphase.

Ces techniques sont plus sensibles et plus adaptées au contexte d’activité mitotique faible des plasmocytes.

Elles sont idéalement pratiquées sur des cellules plasmocytaires, préalablement purifiées par tri positif à l’aide d’un anticorps reconnaissant le CD138 (syndécan-1).

Ces techniques de tri permettent de suivre l’évolution des anomalies cytogénétiques à tous les stades de la maladie : monoclonal gammapathy of undetermined significance (MGUS), MM au diagnostic ou bien en rechute, leucémie à plasmocytes primitive ou secondaire, permettant d’approcher la physiopathologie de la maladie.

Concernant les anomalies de structure, les translocations impliquant la bande 14q32 du locus IgH sont identifiées dans 30 à 40 % des cas en cytogénétique classique.

Les techniques de FISH retrouvent une incidence de translocations impliquant la région 14q32 dans 75 % des échantillons analysés, indiquant que les translocations 14q32 sont un événement important dans la physiopathologie du MM.

Trois translocations récurrentes principales ont été identifiées. Il s’agit de t(11 ; 14) t(4 ; 14) et t(14 ; 16). Les locus impliqués sont respectivement : 11q13 – cycline D1, 4p16.3 – FGFR3, 16q23 – c-maf.

Ces translocations conduisent toutes à la surexpression du gène correspondant présent sur le chromosome partenaire de la translocation, et sont dues à des anomalies du système de recombinaison VDJ.

Elles sont identifiées en technique de FISH sur plasmocytes purifiés : t(11 ; 14) 16 %, t(4 ; 14) 10 % et t(14 ; 16) 2 % des cas.

Dans les autres cas de translocations impliquant la bande 14q32 (48 %), le partenaire de la translocation reste à déterminer.

Enfin, 25 % des patients porteurs de MM n’ont pas d’anomalie détectable de la région 14q32. La t(11 ; 14) s’associe à une hyperexpression de la cycline D1.

Cette translocation semble caractériser un groupe homogène de patients.

Ces patients ont un taux d’Ig monoclonale faible, une cytologie lymphoplasmocytique, un faible index de prolifération, et sont rarement hyperdiploïdes.

Le pronostic de cette translocation est à préciser.

Elle est identifiée à la même fréquence à tous les stades ; MGUS, MM au diagnostic et leucémie à plasmocytes primitive.

Cependant, puisque environ un quart de ces patients a un MM à chaîne légère, il semble probable que la t(11 ; 14) survienne dans des MM de novo.

Aucune corrélation n’est retrouvée avec la del(13).

La t(4 ; 14) conduit à la surexpression de la protéine FGFR3, qui correspond au récepteur du fibroblast growth factor (FGF).

On suppose que le FGF produit par les cellules stromales stimule la prolifération et/ou la survie des cellules myélomateuses exprimant anormalement la protéine FGFR3.

Dans certaines lignées de MM, des mutations activatrices situées dans le domaine d’activité kinase de FGFR3 ont été identifiées, conduisant à une activité kinase constitutive du récepteur.

L’expression d’une forme constitutivement activée de FGFR3 dans des cellules de lignée myélomateuse dépendantes d’interleukine (IL) 6 pour leur prolifération, les rend indépendantes d’IL 6 et résistantes à l’apoptose de déprivation.

Dans 85 % des cas, une del(13) est associée à la t(4 ; 14).

L’isotype IgA est souvent retrouvé, alors que les MM à chaînes légères sont rares.

Enfin, la t(4 ; 14), identifiée avec la même fréquence dans les MM et dans les leucémies à plasmocytes primitives, n’est presque jamais retrouvée dans les plasmocytes des gammapathies monoclonales bénignes.

Elle définit ainsi un groupe homogène de patients porteur de MM de novo, de mauvais pronostic.

La t(14 ; 16) est rare (2 % des MM), mais est identifiée dans 11 % des leucémies à plasmocytes. La del(13) est retrouvée en association dans 71 % des cas.

Cette translocation pourrait, comme la t(4 ; 14), s’associer à un mauvais pronostic.

Les trois translocations que nous venons de décrire correspondent probablement à des événements oncogéniques précoces dans la genèse du MM.

À l’inverse, les réarrangements de l’oncogène c-myc semblent constituer des événements secondaires dans la genèse de la maladie.

Ils sont retrouvés chez 15 % des patients porteurs de MM et de leucémie à plasmocytes.

Les t(8 ; 14) et t(8 ; 22) représentent seulement 25 % de ces réarrangements.

Elles s’associent à un taux de bêta2-microglobuline sérique élevé.

La monosomie 13 est l’anomalie cytogénétique la plus fréquente au cours du MM.

Elle est détectée en FISH chez 43 % des patients porteurs de MM au diagnostic ou en rechute.

Son incidence augmente à 70 % dans les leucémies à plasmocytes.

Elle est de l’ordre de 22 % au cours des MGUS.

La plupart des plasmocytes sont porteurs de la délétion aux stades de MM, alors que dans les MGUS, une sous-population seulement de cellules est atteinte.

De plus, l’incidence de la del(13) est supérieure dans les MM secondaires à une MGUS (70 %) à celle des MM de novo (31 %).

Ces données indiquent que la monosomie 13 est un événement moléculaire précoce dans la maladie, et qu’elle pourrait définir un groupe de gammapathie bénigne évoluant vers un MM.

La valeur pronostique péjorative associée à la présence d’une monosomie 13 a été confirmée.

Chez 112 patients traités par chimiothérapie intensive avec autogreffe de cellules souches périphériques, la survie médiane des patients porteurs de MM sans del(13) et sans augmentation de la bêta2-microglobuline (bêta2-m) est de 111 mois ; celle des patients del(13)+, bêta2-m normale est de 47 mois et celle des patients del(13)+, bêta2-m élévée de 25 mois.

Ainsi, la recherche d’une del(13) au diagnostic par la technique de FISH sur plasmocytes purifiés est recommandée dans un but pronostique.

Myélome multiple et cytokines :

Le caractère peu mitotique des plasmocytes malins suggère que le MM est essentiellement une maladie d’accumulation avec un index apoptotique faible.

Les plasmocytes de MM ne se différencient pas totalement, mais dépendent pour leur survie, leur prolifération et leur différenciation, de facteurs de croissance ou cytokines.

À côté de ces facteurs qui favorisent la survie des cellules myélomateuses humaines existent des éléments inhibiteurs.

Le MM est une maladie à localisation essentiellement médullaire.

Les interactions qui se créent entre la cellule plasmocytaire maligne et les différents types cellulaires de son environnement osseux constituent une sorte de « niche osseuse » favorable à la survie des plasmocytes.

A – FACTEURS FAVORISANT LA SURVIE DES CELLULES MYÉLOMATEUSES :

1- Interleukine 6 (IL 6) :

L’IL 6 est le facteur de croissance le plus important des cellules myélomateuses.

L’IL 6 se lie à son récepteur (IL 6R) à la surface des cellules.

L’IL 6R se compose de deux chaînes polypeptidiques :

– une chaîne alpha spécifique de 80 kDa (gp80) qui se lie à l’IL 6 avec une faible affinité et qui ne transmet pas de signal ;

– une chaîne bêta, dite chaîne commune ou gp130 (pour glycoprotéine de 130 kDa), qui transmet le signal.

Cette chaîne bêta appartient à la superfamille des récepteurs de cytokines, et est impliquée dans la transduction de signal en réponse à l’IL 6, à l’oncostatine M (OM), au leukemia inhibitory factor (LIF), à l’IL 11, au ciliary neurotrophic factor (CNTF), et à la cardiotrophine 1.

Ces différentes cytokines se lient à une chaîne alpha qui leur est spécifique.

Cette liaison induit la formation d’un récepteur de haute affinité par dimérisation de la chaîne de transduction de signal gp130.

Ainsi, des cytokines différentes peuvent avoir des effets biologiques identiques.

Dans le cas du MM, on sait que des lignées de cellules myélomateuses peuvent répondre à l’IL 11, au LIF, à l’OM ou bien au CNTF.

In vivo, le rôle de ces cytokines dans la survie des cellules myélomateuses n’a pas été bien étudié, mais il semble que les taux sériques d’IL 11 soient augmentés au cours du MM.

Une forme soluble de la chaîne alpha du récepteur est générée (sIL 6R), qui peut s’associer à la gp130 en présence d’IL 6 et transmettre un signal.

Ainsi, une cellule plasmocytaire n’exprimant pas la chaîne alpha membranaire de l’IL 6 peut néanmoins être stimulée par l’IL 6 sérique, s’associant à sIL 6R à condition que cette cellule plasmocytaire exprime la gp 130.

Alors que la forme soluble du récepteur de l’IL 6 est détectable chez les sujets normaux à faible taux, elle est augmentée dans le sérum des patients porteurs de MM.

Plusieurs éléments indiquent que l’IL 6 a un rôle essentiel dans la physiopathologie du MM :

– l’IL 6 fait proliférer les cellules myélomateuses des patients in vitro et s’oppose aux effets proapoptotiques de la dexaméthasone sur ces cellules ;

– les cellules myélomateuses peuvent synthétiser de l’IL 6 et expriment un récepteur fonctionnel alpha-bêta de haute affinité ;

– les taux d’IL 6 circulants sont augmentés au cours du MM et semblent corrélés à l’évolutivité de la maladie ;

– des anticorps anti-IL 6 peuvent inhiber la prolifération des cellules myélomateuses fraîches et de lignées de cellules myélomateuses dépendantes d’IL 6 in vitro ;

– l’utilisation d’anticorps bloquants in vivo a une certaine efficacité antitumorale chez certains patients.

La production d’IL 6 au cours du MM est essentiellement paracrine, et nécessite une interaction étroite entre cellules myélomateuses et cellules stromales.

En synthétisant du transforming growth factor (TGF)b, du tumor necrosis factor (TNF-a) et de l’IL 1bêta le plasmocyte induit la synthèse d’IL 6 par les cellules stromales et par les ostéoblastes.

L’IL 6 a un rôle essentiel dans la survie des plasmocytes et induit l’expression des protéines à fonction antiapoptotique de la famille Bcl-2 : bcl-Xl et mcl-1.

2- Autres facteurs agissant sur la croissance des cellules myélomateuses :

* « Insulin growth factor » (IGF 1) :

Les taux sériques d’IGF 1 sont augmentés au cours du MM, et cette augmentation semble associée à un mauvais pronostic.

L’IGF 1 est un facteur de survie et de prolifération des plasmocytes in vitro, et agit comme l’IL 6 selon un mode paracrine.

L’IGF 1 est synthétisé par les cellules stromales, et cette synthèse est accrue localement en réponse à une dégradation de la matrice extracellulaire.

* Interleukine 10 (IL 10), IL 15 et IL 21 :

L’IL 10 est un facteur de croissance des cellules myélomateuses humaines qui agit par un mécanisme indépendant de l’IL 6.

L’IL 10 pourrait induire l’expression du récepteur au LIF et à l’IL 11 à la surface des lignées myélomateuses indépendantes d’IL 6 pour leur prolifération.

Dans les lignées dépendantes d’IL 6, l’IL 10 induirait une boucle autocrine impliquant l’oncostatine M.

Les taux sériques d’oncostatine M semblent augmentés au cours du MM et corrélés à l’évolutivité de la maladie.

Cette cytokine pourrait faire proliférer les cellules myélomateuses en interagissant avec le récepteur du LIF induit par l’IL 10 et la gp130 constitutivement exprimée par les cellules de MM.

L’IL 15 pourrait avoir un rôle important dans la survie des cellules myélomateuses, proche de celui exercé par l’IL 6.

Les cellules de MM la synthétisent et expriment des récepteurs de haute affinité pour l’IL 15.

Le mécanisme d’action serait donc essentiellement autocrine.

L’IL 21, principalement synthétisée par les lymphocytes T activés, est aussi un facteur de croissance et de survie de plasmocytes dont la fonction in vivo reste à déterminer.

* « Granulocyte-macrophage colony stimulating factor » (GM-CSF) et « granulocyte colony stimulating factor » (G-CSF) :

Ils sont capables de faire proliférer les cellules myélomateuses in vitro.

Cependant, leur utilisation en clinique ne s’accompagne pas de poussées évolutives de la maladie.

* Interféron alpha (IFN alpha) :

L’IFN alpha n’a pas d’effet prolifératif. Il a un rôle antiapoptotique sur les cellules myélomateuses en situation de déprivation en IL 6 et en présence de dexaméthasone.

Ces effets biologiques expliquent probablement les résultats décevants des essais de traitement par l’IFN alpha au cours du MM.

* « Tumor necrosis factor » alpha (TNF alpha) :

Le TNF alpha est présent en quantité augmentée dans le microenvironnement médullaire des patients porteurs de MM.

Il régule positivement l’expression de molécules d’adhésion impliquées dans l’interaction entre le plasmocyte et le stroma médullaire.

Le TNF alpha induit la prolifération des plasmocytes en activant la voie de signalisation NF-kB.

* Estrogènes :

Les estrogènes sont capables d’induire la prolifération et la survie des cellules myélomateuses.

À l’inverse, le tamoxifène, utilisé dans les tumeurs mammaires, exprimant les récepteurs aux estrogènes du fait de son effet antiestrogénique, induit une apoptose et un arrêt en G0-G1 du cycle cellulaire dans des lignées de MM, justifiant les essais thérapeutiques actuellement en cours dans le MM.

B – FACTEURS INHIBITEURS DE LA CROISSANCE DES CELLULES MYÉLOMATEUSES OU INDUCTEURS D’APOPTOSE :

1- Interféron bêta (IFN bêta) et interféron gamma (IFN gamma) :

L’IFN bêta interrompt la voie de signalisation induite par l’IL 6 en diminuant la phosphorylation de la gp130 et l’association à cette protéine d’autres protéines de transduction de signal importantes pour l’activation de la voie Ras, dont la protéine Grb2.

L’IFN gamma a aussi été décrit comme inhibiteur de la prolifération des cellules myélomateuses.

Il pourrait augmenter leur apoptose, peut-être par sa capacité d’induire l’expression de la protéine Fas/Apo-1/CD95 à la surface des cellules myélomateuses.

2- Protéine Fas/Apo-1/CD95 :

La protéine Fas/CD95/Apo-1 appartient à la famille des récepteurs de type TNF-R1.

Fas induit l’apoptose lorsqu’elle est stimulée par son ligand.

Cette voie de signalisation apoptotique fait intervenir des protéines à activité cystéines protéases appartenant à la famille des caspases, qui sont les principaux effecteurs d’apoptose actuellement décrits.

La plupart des lignées cellulaires myélomateuses et les plasmocytes des patients atteints de MM expriment la protéine Fas.

Cependant, cette protéine Fas exprimée n’est pas toujours capable d’induire l’apoptose.

Les raisons de cette non-fonctionnalité ne sont pas élucidées.

L’expression par les cellules myélomateuses de protéines à fonction antiapoptotique comme Bcl-2 ou Bcl-Xl peut constituer un mécanisme de résistance à l’action proapoptotique de Fas.

Il a par ailleurs été suggéré, dans certains modèles cellulaires, que l’apoptose induite par les drogues cytostatiques nécessite la mise en jeu d’une voie de signalisation Fas/FasL fonctionnelle, ce qui suggère que les lignées résistantes à l’apoptose induite par Fas pourraient être également résistantes à l’action de ces drogues.

Ce phénomène de résistance croisée ne semble pas être vrai dans le cas du MM.

En effet, des lignées myélomateuses sélectionnées pour leur résistance à l’action de Fas ont une sensibilité conservée à l’apoptose induite par la daunorubicine qui active la caspase-8 et la caspase-3.

Ainsi, si les effecteurs apoptotiques utilisés sont identiques pour Fas et les chimiothérapies, le point de convergence entre les deux voies apoptotiques se fait en aval de l’interaction entre Fas et son ligand.

D’autre part, il a été montré que l’IFN gamma et l’IFN alpha augmentent l’apoptose induite par Fas dans les lignées myélomateuses, et que l’IFN alpha augmente l’expression de la protéine Fas à la surface de ces cellules.

Cependant, l’effet antiapoptotique de l’IL 6 sur les cellules myélomateuses est prédominant sur l’effet apoptotique médié par Fas.

Cet effet protecteur de l’IL 6 passe possiblement par une inhibition de l’activation de la voie des SAPK (stress-activatedprotein-kinase) et p38 MAPK (mitogen-activated-protein-kinase) induite en réponse à une stimulation de Fas.

Par ailleurs, on sait que le couple Fas/FasL a un rôle important dans l’élimination des cellules tumorales par les lymphocytes T effecteurs exprimant le ligand de Fas, mais également à l’inverse dans la suppression des réponses immunes dirigées contre les cellules malignes ou non.

Ce deuxième mécanisme pourrait avoir son importance dans le MM.

En effet, il a été montré que des lignées myélomateuses expriment le ligand de Fas, et que ces lignées induisent la lyse apoptotique de cellules T, suggérant qu’un des mécanismes d’échappement des cellules myélomateuses in vivo à une surveillance immune pourrait être médié par le système Fas/FasL.

Enfin, l’expression de FasL à la surface des cellules myélomateuses pourrait rendre compte de l’anémie observée au cours du MM, par apoptose induite des progéniteurs érythroïdes exprimant la protéine Fas à leur surface.

3- Autres récepteurs à domaine de mort (TRAIL) :

Le TNF-related apoptosis-inducing ligand (TRAIL/Apo2L) est un membre de la superfamille des ligands inducteurs de mort cellulaire, qui comprend le TNF alpha et le Fas-Ligand.

TRAIL induit l’apoptose des cellules cancéreuses de types divers, mais pas des cellules normales in vitro.

TRAIL induit l’apoptose des cellules myélomateuses, mais est sans effet sur les lymphocytes B, les cellules mononucléées de la moelle ou les progéniteurs hématopoïétiques.

Des cellules myélomateuses résistantes à l’action de Fas seraient sensibles à l’apoptose induite par TRAIL.

L’apoptose induite par TRAIL induit une cascade apoptotique dépendante des caspases.

Cette sensibilité à la voie d’apoptose induite par TRAIL devrait conduire à des applications thérapeutiques.

4- Somatostatine :

La somatostatine et ses analogues sont connus comme inhibiteurs de croissance cellulaire, en partie par une inhibition de la voie de signalisation induite par l’IGF 1.

Les lignées myélomateuses expriment des récepteurs à la somatostatine, et l’octréotide, un analogue de la somatostatine, inhibe la croissance de lignées myélomateuses dépendantes ou non d’IL 6 pour leur survie.

Ainsi, les cellules myélomateuses sont soumises in vivo à des effets prolifératifs ou inhibiteurs, selon les récepteurs de cytokines qu’elles expriment, lesquels peuvent probablement varier de patient à patient, et peut-être au sein même de la population myélomateuse.

Phénotype des cellules de myélome multiple :

Comme les plasmocytes normaux, les cellules myélomateuses expriment fortement l’antigène CD38 (CD38+).

Certains clones de plasmocytes sont aussi CD10+, CD34+, CD19+, CD20+ et CD24+ .

L’expression de CD34 est discutée.

Néanmoins, les cellules CD34+, CD19+ triées à partir des patients semblent exprimer le plus souvent l’acide ribonucléique messager (ARNm) correspondant à l’IgH clonotypique.

La plupart des MM sont aussi syndécan-1+ (CD138+) et CD56+, à la différence des plasmocytes normaux pour le CD56.

Le syndécan-1 appartient à la famille des protéoglycans riches en héparan sulfate, et est exprimé par la plupart des plasmocytes.

Les taux sériques de syndécan-1 sont augmentés dans le sérum des patients porteurs de MM et corrélés à un mauvais pronostic.

Ces taux élevés de syndécan-1 soluble dans le sérum contribueraient directement à la croissance et à la dissémination des cellules myélomateuses.

Des molécules de costimulation sont aussi parfois exprimées, telles le CD28, B7-1 et B7-2.

Enfin, l’interaction des plasmocytes avec le stroma médullaire nécessite la présence de molécules d’adhésion.

L’expression de CD44, VLA-4 et ICAM-1 serait importante.

Mécanismes de signalisation dans les cellules myélomateuses :

Les voies de signalisation induites en réponse à la stimulation du récepteur de l’IL 6 par son ligand ont été particulièrement étudiées.

A – VOIE JAK/STAT :

La liaison de l’IL 6 à la chaîne a induit la formation d’un complexe récepteur comprenant deux molécules d’IL 6 (deux chaînes a et deux chaînes b) et active des protéines à activité tyrosine kinase non transmembranaires de la famille des JAK (pour janus kinase) et de la famille des Src kinases, dont les kinases Fyn, Hck et Lyn.

L’association du récepteur à l’IL 6 (dont aucune des deux chaînes constituantes ne possède d’activité tyrosine kinase intrinsèque) aux JAK et aux protéines de la famille Src est fondamentale pour la transmission d’un signal.

Parmi les protéines JAK, les membres JAK1, JAK2 et Tyk2 sont activées et phosphorylées sur tyrosine en réponse à l’IL 6.

L’activation des membres de la famille JAK conduit à l’activation en cascade d’une voie de signalisation intracellulaire essentielle, la voie JAK/STAT.

Les protéines STAT (pour signal transducer and activation of transcription) sont des facteurs de transcription normalement présents sous forme monomérique et inactive dans le cytoplasme.

En réponse à une stimulation par l’IL 6, les protéines STAT1 et STAT3 sont phosphorylées sur tyrosine par les protéines JAK, forment des dimères allant dans le noyau se fixer à des éléments spécifiques situés au niveau des promoteurs de gènes cibles, dont ils régulent la transcription.

Les dimères formés en réponse à l’IL 6 peuvent être de type STAT3/STAT3, STAT3/STAT1 et à moindre degré STAT1/STAT1.

Le rôle de ces facteurs de transcription dans la prolifération, la différenciation et/ou leur rôle antiapoptotique ont été évoqués. Il a été démontré que STAT3 active la transcription du gène Bcl-XL à fonction antiapoptotique dans la lignée myélomateuse U266 dépendante d’IL 6, et que l’utilisation de dominants négatifs de STAT3 induit l’apoptose de ces cellules.

De plus, une activation constitutive de STAT3 est retrouvée dans la plupart des moelles de patients porteurs de MM, ce qui suggère que cette activation de la voie STAT joue un rôle essentiel pour la survie des cellules myélomateuses in vivo.

B – VOIE RAS/MAP KINASE :

Une autre voie de signalisation activée par l’IL 6 est la voie Ras- MAP kinase.

L’activation de la p21ras induit la phosphorylation et l’activation de Raf-1 et des MAPK, également appelées protéines ERK (pour extracellular signal regulated kinases).

Les MAPK sont des protéines à activité sérine-thréonine kinases, impliquées dans la progression du cycle cellulaire et dans la prolifération cellulaire.

Les isoformes les mieux caractérisés sont la p42MAPK et la p44MAPK, respectivement ERK2 et ERK1.

Les MAPK sont activées par phosphorylation sur tyrosine et thréonine par des MAPK kinases.

L’activation de la voie p21Ras fait intervenir dans plusieurs systèmes, dont celui de l’IL 6, l’activation des protéines Shc (pour Src homology and collagen), Grb2 (pour growth factor receptor bound protein 2) et Sos1 (pour son of sevenless).

En réponse à l’IL 6, la protéine Shc est phosphorylée sur tyrosine, ce qui permet le recrutement à la membrane plasmique du complexe Grb2/Sos1 activé. Sos1 est un facteur d’échange pour Ras, permettant le passage de la forme RasGDP inactive à la forme RasGTP active, et l’activation subséquente de la voie Raf/MAPK.

L’activation de la voie p21Ras est limitée par des protéines à activité GTPase comme rasGAP, qui hydrolysent le GTP en GDP, et permettent la mise au repos du système.

L’activation de la voie Ras/MAPK par l’IL 6 est probablement essentielle au cours du MM pour la prolifération des cellules. Le blocage de cette voie grâce à des ARN antisens anti-MAPK inhibe la prolifération d’une lignée myélomateuse murine dépendante d’IL 6, ainsi que la prolifération de cellules myélomateuses proliférant en présence d’IL 6.

De plus, les mutations activatrices de p21Ras sont très fréquentes au cours du MM.

Elles sont identifiées dans environ 40 % des MM au diagnostic, et leur fréquence augmente avec la progression de la maladie.

Les mutations les plus fréquentes touchent le codon 61 de N-Ras.

L’introduction d’un mutant constitutivement activé de N-Ras porteur d’une mutation au codon 61 dans la lignée myélomateuse ANBL6 dépendante d’IL 6 lui confère un certain degré d’indépendance à l’égard de cette cytokine, et la rend plus résistante à l’apoptose de déprivation en IL 6.

Ainsi, les mutations activatrices de la voie

Ras fréquemment observées aux stades tardifs de la maladie pourraient conférer un avantage prolifératif aux cellules myélomateuses et une résistance accrue à l’apoptose.

C – VOIE DE LA PHOSPHATIDYL-INOSITOL–3 KINASE ET RÔLE ANTIAPOPTOTIQUE DE LA SÉRINE-THRÉONINE KINASE AKT/PKB :

Une activation constitutive de la voie PI 3-Kinase (PI 3K) est décrite dans de nombreuses lignées de MM et aussi dans les cellules primaires de patients.

L’activation de la voie PI 3K conduit à la phosphorylation sur sérine et thréonine de la protéine à fonction antiapoptotique AKT/PKB, agissant sur de nombreux substrats, dont Bad et le facteur de transcription FKHRL-1.

Les mécanismes d’activation de cette voie et son rôle in vivo restent à préciser.

L’IL 6 et l’IGF 1 activent la voie PI 3K/AKT dans les cellules myélomateuses, participant probablement à la survie de ces cellules.

L’activation des PKC par la PI 3K agirait sur la migration des cellules myélomateuses.

D – GÈNE DU RÉTINOBLASTOME (PROTÉINE RB), PROTÉINE P53 ET PROTÉINES DU CYCLE CELLULAIRE :

Les mutations dans le gène du rétinoblastome (gène Rb) contribuent à la transformation cellulaire dans de nombreux systèmes.

Rb est une protéine nucléaire, qui lorsqu’elle n’est pas phosphorylée, a pour rôle de bloquer les cellules en phase G0-G1 du cycle cellulaire.

Cet effet est médié en partie par l’association de Rb non phosphorylé au facteur de transcription E2-F.

Cette association réprime l’effet transactivateur de E2-F sur la transcription de gènes essentiels comme c-myc, c-myb ou encore cdc2.

La fonction de la protéine RB est régulée par son état de phosphorylation.

Lors de la progression du cycle cellulaire, Rb est phosphorylé de façon séquentielle par les complexes cyclineD/Cdk4-Cdk6 et cyclineE/Cdk2.

La protéine Rb ainsi phosphorylée est inactive, ne se lie pas à E2F et facilite ainsi l’entrée des cellules en phase S.

Les deux façons d’inactiver Rb sont donc par phosphorylation de la protéine ou bien par délétion ou mutations du gène. Les mutations inactivatrices du gène Rb sont observées dans environ 70 % des MM et 80 % des lignées de cellules myélomateuses.

Le TGF b ne diminue ni la phosphorylation de Rb ni la prolifération des cellules myélomateuses, à la différence de son effet sur les lymphocytes B normaux.

De plus, Rb est essentiellement présent sous forme phosphorylée au cours du MM, et l’IL 6 induit sa phosphorylation, diminuant ainsi sa liaison à E2F, et permettant la prolifération cellulaire.

Enfin, des cellules de MM cultivées en présence d’oligonucléotides antisens anti-Rb prolifèrent et synthétisent de l’IL 6.

Nous avons déjà souligné la fréquence des monosomies 13 au cours du MM.

Cependant, il semble que la perte des deux allèles du gène Rb soit rare au cours du MM, ce qui suggère qu’il existe dans la région chromosomique 13q12-14 un antioncogène non encore identifié.

La protéine p21WAF diminue l’entrée dans le cycle cellulaire.

Elle inhibe l’activité de la cycline Cdk2 (pour cyclin-dependent kinase) et donc la phoshorylation de la protéine Rb.

L’IL 6 diminue l’expression de p21WAF et induit la phosphorylation de RB et la prolifération des cellules myélomateuses.

Cet effet de l’lL 6 est dominant sur l’effet inhibiteur de la dexaméthasone, qui au contraire, bloque les cellules en phase G1 et augmente l’expression de p21WAF.

Les niveaux d’expression d’autres protéines du cycle cellulaire, comme p27KIP1, la cycline D2 et la cycline E semblent être peu ou pas modifiés par l’IL 6.

À l’inverse de l’effet de l’IL 6, l’effet inhibiteur de prolifération de l’acide tout trans-rétinoique (ATRA), seul ou en association avec la dexaméthasone sur les cellules myélomateuses, ne passe pas par une diminution d’expression de la chaîne alpha du récepteur à l’IL 6, mais par une augmentation d’expression de p21WAF.

La fonction de la protéine p53 normale est d’induire l’arrêt du cycle cellulaire et/ou un programme apoptotique dans les cellules soumises à des stress variés (irradiation, chimiothérapie, événement oncogénique, hypoxie, etc).

La protéine p53 est un facteur de transcription dont la régulation d’expression doit être très fine dans les cellules normales.

Un des mécanismes de régulation de p53 se situe au niveau post-traductionnel.

La protéine MDM2 s’associe à p53 et dirige la protéine vers la voie de dégradation des protéines par le protéasome, du fait de son activité E3-ligase.

Ainsi, l’effet de MDM2 est de diminuer la stabilité de p53, favorisant la prolifération cellulaire et inhibant l’apoptose induite par p53.

Il a été montré que les lignées de MM et les plasmocytes de patients porteurs de leucémies à plasmocytes surexpriment la protéine MDM2, suggérant que MDM2 pourrait participer à la prolifération des cellules myélomateuses.

Des délétions homozygotes des gènes codant pour les inhibiteurs du cycle cellulaire comme p15INK4B, p16INK4A et p18INK4C ont été décrites dans le MM.

L’hyperméthylation du gène p16 est fréquente dans le MM, surtout aux stades évolués de la maladie, et pourrait favoriser la prolifération cellulaire.

Myélome multiple et apoptose :

Le myélome est une maladie d’accumulation à faible index prolifératif et à faible index apoptotique.

Beaucoup de drogues utilisées dans le traitement du MM induisent l’apoptose des cellules myélomateuses.

La compréhension des mécanismes apoptotiques et antiapoptotiques mis en jeu dans les cellules myélomateuses est donc essentielle à la mise au point de thérapeutiques efficaces.

A – PROTÉINES DE LA FAMILLE BCL-2 :

Certains membres de la famille de protéines Bcl-2, dont Bcl-2, Bcl-Xl, Bcl-Xs, Mcl-1 et Bax semblent avoir un rôle important dans le contrôle des phénomènes apoptotiques et de résistance aux chimiothérapies.

Certaines protéines ont un rôle inhibiteur d’apoptose comme Bcl-2, Bcl-Xl, ou Mcl-1, alors que d’autres comme Bax, Bcl-Xs, Bak, Bad, ou Bid favorisent l’apoptose.

Le destin d’une cellule repose de façon schématique sur le rapport entre protéines à fonction antiapoptotique et protéines à fonction proapoptotique.

La translocation t(14 ; 18) qui conduit à la surexpression de la protéine Bcl-2, et qui est retrouvée dans plus de 85 % des cas de lymphomes non hodgkiniens folliculaires, est très rarement observée dans le MM.

Cependant, la plupart des lignées de cellules myélomateuses expriment Bcl-2, alors que son expression semble plus hétérogène sur cellules fraîches.

Les protéines à fonction proapoptotique de la famille Bcl-2, comme Bax, semblent très peu exprimées.

L’expression de Bcl-Xl est surtout retrouvée aux stades évolués de la maladie, et serait corrélée à une diminution de sensibilité à des drogues comme le melphalan, la prednisone et la dexaméthasone, la vincristine et l’adriamycine.

Récemment, un rôle antiapoptotique majeur de la protéine Mcl-1, induite en réponse à l’IL 6, a été montré dans les lignées de MM.

Mcl-1 semble avoir un rôle majeur dans le contrôle de la survie des plasmocytes de MM.

En effet, l’inhibition de son expression par des techniques d’antisens induit l’apoptose des cellules plasmocytaires, alors que l’inhibition de Bcl-2 ou de Bcl-XL a peu d’effet sur la survie des cellules plasmocytaires.

B – PROTÉINE P53 :

Les mutations de p53 sont fréquentes dans les lignées myélomateuses.

La surexpression d’une protéine p53 normale dans la lignée U266 inhibe sa prolifération et sa synthèse autocrine d’IL 6. Cependant, les mutations du gène p53 sont rares au cours du MM (5 % environ), et sont surtout observées aux stades tardifs de leucémies à plasmocytes (30 %).

Cependant, dans une étude réalisée en FISH à l’aide de sondes spécifiques du locus du gène p53 localisé sur le chromosome 17p13, les délétions d’un allèle de p53 sont retrouvées dans 33 % des MM au diagnostic, et dans 54 % des MM en rechute ; elles s’associent à un pronostic défavorable en termes de survie.

C – AUTRES VOIES D’APOPTOSE :

1- Voie de signalisation NF-kB :

Les protéines de la famille NF-kB ont un rôle important dans le contrôle de la survie cellulaire.

De nombreux agents actuellement utilisés dans le traitement du myélome inhibent cette voie : la dexaméthazone, le thalidomide, les inhibiteurs du protéasome (PS- 341).

Ces protéines ont la propriété de former des homo- ou hétérodimères qui se lient à des séquences d’acide désoxyribonucléique (ADN) spécifiques dites séquences jB.

Les sousunités les mieux connues sont la p50 et la p65.

Les complexes NF-kB existent sous forme latente dans le cytoplasme, en liaison à des protéines inhibitrices appelées IjB.

Les activateurs de NF-kB comme le TNF alpha induisent la phosphorylation sur sérine des protéines IjB, et leur dégradation par la voie des ubiquitines/protéasome, libérant alors le complexe NF-kB qui pénètre dans le noyau et joue son rôle de facteur de transcription en agissant sur les promoteurs de gènes cibles.

Selon le contexte cellulaire, NF-kB peut induire la survie cellulaire ou l’apoptose.

Les corticoïdes sont de puissants inhibiteurs de NF-kB.

Dans des lignées myélomateuses et chez les patients, la résistance à l’apoptose induite par la dexaméthasone pourrait être liée à son incapacité à inhiber la fixation des complexes NF-kB p50/p65 à l’ADN.

2- Voie du récepteur à la 1,25-dihydroxyvitamine D3 :

Les plasmocytes de MM expriment le récepteur à la 1,25-dihydroxyvitamine D3, et la vitamine D3 diminue la prolifération de ces cellules.

De nouveaux dérivés de la vitamine D3 ayant une activité biologique supérieure existent actuellement. L’un d’eux, appelé EB1089 est capable de bloquer en G1 des cellules myélomateuses, d’induire leur apoptose en synergie avec la dexaméthasone, et de diminuer l’expression de la chaîne alpha gp80 du récepteur de l’IL 6 ainsi que de sa forme soluble.

3- « Bone morphogenetic proteins » (BMP) :

Le rôle d’une protéine appartenant à la famille des bone morphogenetic proteins (BMP), la protéine BMP-2, a été suggéré dans l’induction de l’apoptose et dans l’arrêt en G1 du cycle cellulaire des plasmocytes de patients et de lignées de MM.

Cet effet biologique s’accompagne d’une augmentation d’expression de protéines inhibitrices du cycle cellulaire comme p21CIP et p27KIP1, d’une diminution de phosphorylation de Rb et d’une diminution d’expression de Bclxl.

D – MÉCANISMES DE LA RÉSORPTION OSSEUSE AU COURS DU MM :

Les manifestations osseuses représentent l’élément essentiel de la morbidité des patients souffrant de MM, contrastant avec le caractère exceptionnel des atteintes osseuses au cours des autres hémopathies B malignes.

Des anomalies de l’activité cellulaire osseuse sont à l’origine des lésions osseuses ostéolytiques et de l’ostéoporose diffuse.

Ces anomalies consistent surtout en une augmentation de l’activité ostéoclastique au contact des lésions plasmocytaires, du fait d’interactions multiples entre les différentes cellules, malignes ou non, du microenvironnement osseux.

À l’échelon tissulaire, il existe typiquement un découplage des activités cellulaires osseuses, avec ou sans diminution de la formation, caractérisée par une augmentation de la résorption, comme en témoignent les études histomorphométriques : augmentation des surfaces et de la profondeur des lacunes de résorption, augmentation du nombre des ostéoclastes.

L’hyperrésorption osseuse pourrait être un phénomène précoce dans l’évolution de la maladie : elle est retrouvée chez la majorité des patients atteints de gammapathies monoclonales de signification indéterminée qui évoluent rapidement vers un myélome, et rarement chez les autres.

Les marqueurs biochimiques du remodelage, en particulier les pyridinolines et déoxypyridinolines, libres ou liées, reflètent les anomalies histologiques ; les taux de bêta2-m et de télopeptide carboxyterminal du collagène osseux (type I) sont corrélés.

Les patients souffrant de MM ont des marqueurs de résorption plus élevés que les contrôles, ou que les patients porteurs de gammapathies monoclonales bénignes.

En revanche, il n’y a pas de corrélation entre le taux des marqueurs, l’étendue des lésions ostéolytiques et l’existence d’une hypercalciurie.

Les traitements efficaces s’accompagnent d’une diminution des marqueurs de résorption, bien que des discordances entre les marqueurs hématologiques et osseux aient été rapportées.

L’ostéocalcine, marqueur d’activité ostéoblastique, ne permet pas d’évaluer l’activité de la maladie.

La résorption osseuse ne se produit que dans l’environnement immédiat des cellules myélomateuses.

L’adhésion des cellules myélomateuses aux cellules stromales induit la production par ces cellules de cytokines activatrices des ostéoclastes, en particulier l’IL 6, l’IL 1bêta, le TNF bêta, et le M-CSF.

D’autres cytokines activent les ostéoclastes, parmi lesquelles : l’hepatocyte growth factor (HGF), le TNF alpha et la parathyroid hormone related protein (PTHrP).

Un autre mécanisme d’activation des ostéoclastes pourrait passer par la synthèse d’IL 11.

La synthèse de cette cytokine (qui favorise la formation ostéoclastique et inhibe l’activité ostéoblastique), produite par les ostéoblastes, est stimulée par l’HGF synthétisé par les cellules myélomateuses.

Cette synthèse semble nécessiter un contact cellulaire entre la cellule myélomateuse et l’ostéoblaste.

Une synthèse accrue de macrophage inflammatory protein 1-alpha (MIP1-alpha) a été mise en évidence dans le surnageant de culture de plasmocytes de patients (et jamais dans le surnageant de plasmocytes normaux).

Cette protéine stimule la formation des ostéoclastes en agissant sur leur activité chémotactique.

Dans un modèle de souris myélomateuse, l’inhibition de MIP1-alpha aboutit à une inhibition de l’ostéolyse et une diminution de la masse tumorale.

Le ligand du récepteur activant NF-kB (receptor activator of nuclear factor-jB) (RANK-L/OPG-L/TRANCE) a un rôle essentiel dans l’activation et la différenciation des ostéoclastes.

L’interaction du RANK-L, exprimé à la surface des cellules stromales et des ostéoblastes, avec son récepteur appelé RANK, présent à la surface des précurseurs ostéoclastiques, activent l’ostéoclastogenèse.

L’ostéoprotégérine (OPG) est un récepteur soluble qui appartient à la famille des formes solubles des récepteurs au TNF, et est produit par plusieurs cellules, dont les cellules stromales médullaires.

L’OPG interagit avec RANK-L et inhibe la formation des ostéoclastes et la résorption osseuse en empêchant l’interaction de RANK-L avec son récepteur.

Il existe au cours du MM une dérégulation du système RANK/RANK-L/OPG.

Une augmentation d’expression de RANK-L et une diminution d’expression de l’OPG sont observées dans la moelle des patients porteurs de MM, mais pas au stade de gammapathie monoclonale bénigne, ni dans d’autres hémopathies B.

L’interaction entre cellules myélomateuses et cellules stromales in vitro augmente l’expression de RANK-L à la surface des cellules stromales, et diminue leur synthèse d’OPG.

MIP-1a et MIP-1b comme l’IL 6, le TNF alpha et les autres cytokines connues pour augmenter la résorption osseuse), induisent l’expression de RANK-L à la surface des cellules stromales.

Il ne semble pas que les plasmocytes eux-mêmes expriment RANK-L et puissent activer directement les ostéoclastes ; cette expression est augmentée dans les cellules stromales au contact des plasmocytes anormaux.

La diminution d’expression de l’OPG dans la moelle des patients semble s’accompagner d’une diminution des taux sériques d’OPG dans le sérum, d’autant plus marquée qu’ils ont un myélome avec lésions ostéolytiques sévères.

Les premières études chez l’homme de l’utilisation d’OPG dans le MM ont débuté.

Chez la souris, une forme chimérique d’OPG est capable d’inhiber l’hypercalcémie et la résorption osseuse induites pour IL 1bêta, TNF alpha, PTH et 1,25 OH2D3, et des résultats prometteurs ont été obtenus dans des modèles animaux d’ostéolyse maligne.

L’effet in vivo de l’administration d’OPG recombinante dans un modèle de myélome avec ostéolyse chez la souris, s’associe à une préservation du volume osseux et à une inhibition de la formation ostéoclastique.

De même, dans le modèle murin de souris SCID humanisées auxquelles est greffé en position sous-cutanée un fragment d’os humain injecté avec des plasmocytes tumoraux, l’administration d’un RANK-Fc (captant le RANK-L) diminue la destruction osseuse induite par les plasmocytes malins et diminue la progression de la maladie, soulignant le rôle de l’ostéoclaste dans la survie des plasmocytes.

Ces études laissent prévoir de nouvelles possibilités thérapeutiques dans l’ostéolyse maligne, en complément des bisphosphonates.

Enfin, l’augmentation de la destruction osseuse libère les facteurs de croissance contenus dans la matrice (TGF b, IGF) qui sont à leur tour capables de stimuler la survie des cellules myélomateuses.

Rôle de l’angiogenèse au cours du MM :

Plusieurs équipes ont démontré l’existence d’une angiogenèse augmentée dans la moelle des patients porteurs de MM.

Ce phénomène de néoangiogenèse s’accentue au cours de la maladie et est corrélé à un pronostic défavorable.

Il est lié à la production par les cellules myélomateuses de facteurs angiogéniques, et à la sécrétion de protéines appartenant à la famille des matrix-degrading metalloproteinases (MMP).

Ces MMP constituent une famille de protéines sécrétées, dépendantes du zinc et du calcium pour leur activité, et spécialisées dans l’hydrolyse de macromolécules matricielles comme le collagène, la fibronectine, la laminine et les protéoglycans.

L’augmentation d’activité de ces protéines a été associée aux phénomènes d’angiogenèse, d’invasion tumorale et de métastases.

Les concentrations de vascular endothelial growth factor (VEGF), d’HGF et de basic fibroblast growth factor (bFGF) sont augmentées dans la moelle des patients porteurs de MM.

L’inhibition de l’effet du bFGF par des anticorps neutralisants diminue la capacité des cellules myélomateuses le sécrétant à induire un phénomène angiogénique in vitro.

Les plasmocytes et les lignées de MM expriment et sécrètent les isoformes biologiquement actifs du VEGF, mais n’expriment pas les récepteurs du VEGF de type FLT-1 et FLK1/KDR.

Cependant, le VEGF synthétisé par les cellules plasmocytaires interagit avec son récepteur à activité tyrosine kinase FLK1 à la surface des cellules stromales, et transmet un signal conduisant à la production d’IL 6 par les cellules endothéliales.

L’IL 6 agit à son tour sur les cellules plasmocytaires par un mécanisme paracrine.

Cette interaction entre cellule endothéliale et plasmocyte souligne encore la complexité de ces interactions cellules-cellules et leur rôle dans la survie, la prolifération et la dissémination des cellules plasmocytaires.

Parmi les métalloprotéinases synthétisées par la cellule myélomateuse, le rôle de la MMP-7 ou matrilysine semble important.

Cette enzyme est capable d’activer la MMP-2 synthétisée par les cellules stromales.

De même, la synthèse de MMP-9 par les cellules myélomateuses a été suggérée.

Conclusion :

La physiopathologie du myélome multiple intramédullaire est complexe.

Les interactions entre la cellule myélomateuse et son microenvironnement cellulaire osseux, via des mécanismes d’adhésion cellulaire, induisent des boucles de synthèse de cytokines autocrines et surtout paracrines, responsables notamment de la survie du plasmocyte malin et de sa résistance à la chimiothérapie, d’une angiogenèse accrue et de l’activation des ostéoclastes.

La meilleure compréhension moléculaire de ces mécanismes biologiques laisse augurer de l’arrivée prochaine en thérapeutique de drogues plus spécifiques, tendant à isoler le plasmocyte de cet environnement osseux favorable.

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