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Myélome multiple

Introduction :

Le myélome multiple (MM) est un cancer rare représentant environ 1 % de toutes les néoplasies dans la population blanche, et 2 % dans la population noire.

Il a été responsable aux États-Unis de 10 400 décès en 1996, soit 1,8 % des décès liés au cancer.

Il représentait dans ce pays, en 1996, 14,1 % des nouvelles pathologies hématologiques malignes décelées, et était responsable de 18,5 % des décès liés à des hémopathies malignes.

En Europe et aux États-Unis, l’incidence annuelle du MM est d’environ 4 pour 100 000 habitants.

Cette incidence semble légèrement plus élevée chez l’homme que chez la femme.

L’incidence du MM est plus élevée dans la population noire américaine (9,8 pour 100 000), et semble plus faible en Chine (1 pour 100 000 habitants).

L’incidence du MM augmente avec l’âge, et l’âge moyen au diagnostic est de 64 ans. Moins de 3 % des malades atteints de myélome ont moins de 40 ans.

La médiane de survie est d’environ 3 ans, mais l’évolution est extrêmement variable d’un patient à l’autre.

Ainsi, des publications de 1998 (États-Unis) et 1999 (Europe) font état de médianes de 29 mois et 49 mois respectivement.

La cause du MM est inconnue.

Une augmentation de l’incidence a été observée en cas d’exposition massive à des radiations ionisantes.

Plusieurs autres facteurs ont été incriminés (exposition au benzène, agriculture) mais ces données restent discutées.

De rares cas de MM ont été rapportés dans des couples, faisant évoquer l’influence d’un facteur environnemental dans la pathogénie de cette maladie.

Par ailleurs, des cas familiaux ont été décrits, faisant s’interroger sur une hypothèse génétique.

Description :

Les modes de révélation du myélome sont variés et impliquent des disciplines différentes.

Les lésions osseuses lytiques, l’insuffisance médullaire et surtout l’anémie, l’insuffisance rénale, des infections bactériennes récurrentes, constituent les manifestations cliniques les plus fréquentes.

A – ATTEINTE OSSEUSE :

Les douleurs osseuses sont la manifestation révélatrice la plus fréquente au cours du MM, et concernent environ 70 % des patients au diagnostic.

Elles sont localisées principalement au rachis et aux côtes, évocatrices quand elles sont diffuses.

Les lésions lytiques du crâne sont fréquentes mais rarement symptomatiques.

Les douleurs sont le plus souvent d’apparition brutale.

Elles sont aggravées par les mouvements ou le port de charges.

Elles surviennent rarement la nuit, en dehors des changements de position, et peuvent être calmées par le repos, trompeuses car d’allure banale.

Elles sont parfois d’intensité rapidement croissante, permanentes, avec des paroxysmes à la moindre mobilisation.

Les fractures sont fréquentes au cours de l’évolution, spontanées ou provoquées par des traumatismes minimes.

Elles surviennent sur les os longs (humérus, fémur), les côtes, le sternum et surtout le rachis.

Les tassements vertébraux entraînent une diminution de taille, et éventuellement une déformation en cyphose dorsale.

Ils sont parfois responsables de compression médullaire et/ou radiculaire (ce qui est d’emblée évocateur d’un tassement malin).

Des tuméfactions osseuses sont parfois palpables sur les clavicules, le gril costal, le crâne, les os iliaques, les omoplates.

L’hyperrésorption osseuse peut se compliquer d’une hypercalcémie, observée chez environ 10 % des patients au diagnostic.

L’hypercalcémie doit être évoquée en cas de troubles digestifs (douleurs abdominales, nausées et vomissements, diarrhée), neurologiques (troubles du comportement, convulsions), voire d’une asthénie, d’un syndrome polyuropolydipsique, d’une déshydratation, ou de troubles du rythme cardiaque.

Les marqueurs du remodelage osseux ne sont pas utiles pour le diagnostic de la maladie, ou l’estimation de l’étendue des lésions.

La lésion radiologique typique du MM est ostéolytique.

Il s’agit de lacunes ou de géodes osseuses de taille variable, rondes ou ovalaires, homogènes, sans structure interne visible.

Elles sont le plus souvent multiples.

Ces lésions sont dites « à l’emporte-pièce » car elles sont bien limitées et ne s’accompagnent pas de réaction périostée ou d’ostéocondensation périphérique.

Les lésions sont multiples dans plus de 90 % des cas.

L’atteinte de l’os cortical peut se compliquer de fractures.

L’atteinte osseuse peut toucher tous les os, mais les os les plus régulièrement atteints sont le crâne, les côtes, les os longs et le rachis.

Les localisations aux mains et aux pieds sont très exceptionnelles.

Des ostéolyses segmentaires peuvent s’observer : disparition d’une partie d’une côte, d’un pédicule vertébral (aspect de vertèbre « borgne »).

Des lacunes avec soufflure et amincissement d’un os long ou plat s’observent rarement.

Une déminéralisation osseuse diffuse, radiologiquement indistinguable de l’ostéoporose, s’associe fréquemment aux lésions ostéolytiques.

Cette « myélomatose décalcifiante diffuse » constitue dans 5 à 10% des cas la seule anomalie radiologique observable.

Elle peut être quantifiée par ostéodensitométrie (absorptiométrie biphotonique à rayons X).

Dans certaines observations, la densité osseuse ainsi mesurée augmente chez les patients répondeurs au traitement.

Cet aspect déminéralisé pose des problèmes diagnostiques avec l’ostéoporose bénigne des sujets âgés, car elle s’accompagne souvent de tassements vertébraux.

Sur les radiographies standards du rachis doivent donc être recherchés des signes évocateurs de pathologie maligne : localisation inhabituelle du tassement (au-dessus de la 4e vertèbre dorsale), aspect lytique plus que fracturé, recul du mur postérieur, disparition d’un segment, atteinte de l’arc postérieur.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est utile dans cette indication.

Des lésions osseuses condensantes sont retrouvées dans moins de 3 % des cas.

Ces formes ostéocondensantes s’intègrent alors volontiers dans un syndrome POEMS (pour polyadenopathyorganomegaly- endocrinopathy-monoclonal component-skin).

Enfin, dans environ 20 % des cas, il n’existe aucune anomalie radiologique osseuse détectable en radiologie standard.

Une étude radiologique du crâne, du rachis, du bassin, des fémurs et des humérus est indispensable dans tous les cas au moment du diagnostic.

Elle ne peut pas être remplacée par une IRM du rachis et du bassin.

La scintigraphie osseuse n’est pas indiquée dans le dépistage des lésions osseuses.

En effet, l’hyperactivité ostéoclastique responsable des lésions osseuses ne s’accompagne le plus souvent pas d’hyperactivité ostéoblastique, nécessaire à l’hyperfixation scintigraphique.

La tomodensitométrie est plus sensible que la radiographie standard dans la mise en évidence des lésions osseuses, et permet de surcroît d’étudier une éventuelle extension aux parties molles de la prolifération plasmocytaire.

Cependant, les indications de la tomodensitométrie sont actuellement très largement supplantées par l’apport de l’IRM au cours du MM.

L’IRM est couramment utilisée pour explorer les compressions médullaires et les épidurites, pour distinguer les tassements vertébraux malins et bénins, pour distinguer les plasmocytomes solitaires des myélomes multiples.

La sensibilité de l’IRM dans la détection des lésions osseuses du MM est supérieure à celle des radiographies standards, de la scintigraphie osseuse et de la tomodensitométrie.

L’intérêt majeur de l’IRM concerne l’étude des lésions vertébrales.

Jusqu’à 60 % des nodules visualisés en IRM ne sont pas visibles sur les radiographies standards.

Des lésions vertébrales sont observées en IRM dans 85 % des cas environ.

Dans les formes de myélome asymptomatique, l’IRM détecte des lésions osseuses vertébrales dans 50 % des cas.

De plus, un tiers des patients considérés par les méthodes d’investigation classiques comme ayant un plasmocytome solitaire a des anomalies osseuses compatibles avec un MM en IRM.

Les lésions focales apparaissent comme des lésions en hyposignal en écho de spin T1 (SET 1) et en hypersignal en séquence pondérée en T2. Après injection intraveineuse de gadolinium, on observe en T1 un rehaussement du signal pouvant rendre moins visibles certaines lésions.

Les anomalies diffuses sont de deux types : soit un hyposignal médullaire diffus homogène en SET 1, et un hypersignal sur les séquences en écho de gradient T2, soit un aspect hétérogène, bigarré, avec de multiples nodules en hyposignal au sein d’une moelle en hypersignal en SET 1 et un aspect inversé en T2 où les nodules tumoraux sont en hypersignal et la moelle normale en hyposignal (aspect « poivre et sel »).

Ces deux séquences ne sont pas toujours suffisantes, et il est utile de réaliser des STIR (short T1 inversion recovery) afin de supprimer les signaux graisseux.

L’interprétation des images est fréquemment difficile, car elles n’ont aucune spécificité et peuvent être retrouvées dans d’autres pathologies s’accompagnant d’une infiltration cellulaire médullaire tumorale (lymphomes non hodgkiniens ou hodgkiniens, leucémies, métastases osseuses…).

L’IRM est fréquemment utilisée pour explorer les fractures vertébrales, afin de différencier les tassements d’origine ostéoporotique et les tassements d’origine tumorale.

Les fractures vertébrales observées en IRM chez les malades atteints de myélome ont un aspect bénin dans 67 % des cas et malin dans 33 % des cas.

Plusieurs critères pourraient aider à différencier lésions plasmocytaires focales et métastases ostéolytiques.

Ainsi un aspect lissé du signal lésionnel en SET 1 et SET 1-gadolinium serait évocateur de lésions plasmocytaires focales, alors qu’un signal hétérogène serait en faveur de métastases ostéolytiques.

D’autres signes évoquent également une lésion plasmocytaire, en particulier le respect des corticales osseuses malgré la destruction de l’os spongieux corporéal ou bien l’existence de lésions médullaires diffuses.

L’IRM est également utile en cas de compression médullaire, pour déterminer le siège exact et l’étiologie de celle-ci (épidurite ou compression osseuse), et préciser les indications thérapeutiques, en particulier les limites d’une zone à radiothéraper.

Il n’a pas été retrouvé d’aspects particuliers de l’IRM en fonction du stade du myélome multiple, et des patients en stade III peuvent avoir une IRM rachidienne normale.

L’existence de lésions à l’IRM est un facteur de mauvais pronostic chez les malades atteints d’un myélome asymptomatique sans lésion osseuse décelable sur les radiographies standards.

Dans une étude prospective de 55 patients ayant un myélome multiple asymptomatique, 31 % avaient une atteinte médullaire mise en évidence par l’IRM (diffuse chez trois/55 patients et focale chez 14/55) ; le délai avant progression a été plus court chez ces patients, et cette atteinte médullaire était un facteur pronostique indépendant.

Lors des traitements du myélome multiple, les signaux IRM peuvent se modifier : évolution d’un aspect diffus en atteinte focale, voire normalisation.

Mais les difficultés d’interprétation sont importantes, et le rythme des examens par rapport aux schémas classiques de traitement n’est pas défini.

En résumé, l’IRM est l’examen essentiel dans l’exploration des complications neurologiques du myélome.

Elle permet de s’assurer du caractère solitaire d’un plasmocytome, et d’évaluer le pronostic des myélomes asymptomatiques.

Elle est indiquée dans les formes purement déminéralisantes et dans les myélomes non sécrétants.

Elle permet de vérifier l’existence d’une épidurite avant radiothérapie rachidienne.

En revanche, son indication est discutable dans les myélomes évaluables sur des critères classiques.

Une décision thérapeutique sur des anomalies IRM isolées, au cours d’un myélome asymptomatique, paraît difficile à envisager.

De plus, malgré quelques résultats encourageants, l’IRM n’a pas d’indication dans la surveillance de la réponse aux traitements.

B – ATTEINTE RÉNALE :

L’atteinte rénale est fréquente au cours du myélome multiple, et pose des problèmes de diagnostic et de choix thérapeutique.

1- Tubulopathie myélomateuse :

C’est la complication rénale la plus fréquente, observée chez 40 % des patients à l’autopsie, et chez 80 % des patients biopsiés pour une insuffisance rénale aiguë (IRA).

La meilleure prise en charge des patients explique que son incidence diminue. Des facteurs favorisant la formation de cylindres intratubulaires sont généralement retrouvés : déshydratation, infection, hypercalcémie.

Le rôle déclenchant lié à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine qui diminuent la filtration glomérulaire a été rapporté.

Les produits de contraste peuvent être source d’IRA et les examens radiologiques avec une telle injection, s’ils sont indispensables, doivent être réalisés après hyperhydratation.

Le diagnostic est en général aisé du fait de la présence dans plus de 90 % des cas d’une protéinurie de Bence-Jones isolée.

La ponctionbiopsie rénale est le plus souvent inutile, sauf dans les cas où les mécanismes de déclenchement sont multiples ou lorsqu’il existe une albuminurie faisant évoquer une glomérulopathie associée.

Elle montre des cylindres intratubulaires et une atteinte diffuse et sévère de l’épithélium tubulaire.

Les études en immunofluorescence montrent que ces cylindres sont constitués de chaînes légères monoclonales et de la protéine de Tamm-Horsfall. L’atteinte rénale n’est pas liée à la quantité de chaînes légères éliminées dans les urines.

Il existe des chaînes légères néphritogènes.

La protéine de Tamm-Horsfall est synthétisée par les cellules de la branche ascendante de l’anse de Henle et peut s’aggréger avec les chaînes légères, préalablement filtrées par le glomérule et non réabsorbées par le tube contourné proximal.

Cette aggrégation se fait entre une séquence peptidique de neuf acides aminés de la protéine de Tamm-Horsfall et une séquence du domaine variable des chaînes légères néphritogènes localisée dans le CDR3.

Cette aggrégation initie la formation des cylindres.

L’obstruction tubulaire qu’ils induisent entraîne une rupture de la membrane basale tubulaire et l’afflux de cellules inflammatoires.

Cette atteinte distale s’associe à la forte toxicité des chaînes légères pour les tubes contournés proximaux.

Le traitement repose sur la restauration d’une diurèse abondante et alcaline pour augmenter la solubilité de la protéine de Tamm-Horsfall, et la correction de l’hypercalcémie.

Des essais de traitement par la colchicine devraient permettre de définir le rôle de cette drogue dans la prévention de l’IRA, s’opposant à la formation des cylindres.

Enfin, l’inhibition de l’interaction de la protéine de Tamm- Horsfall avec les chaînes légères par la séquence peptidique inverse (antipeptide) offre un avenir thérapeutique.

2- Syndrome de Fanconi :

Sa fréquence est probablement sous-estimée au cours du MM.

Il s’observe dans des myélomes peu agressifs à chaîne légère kappa.

Il associe une glycosurie rénale, une aminoacidurie généralisée et une hypophosphatémie avec parfois une acidose chronique, une hypouricémie et une hypokaliémie.

Les manifestations cliniques sont liées à ses conséquences osseuses déminéralisantes.

L’atteinte tubulaire est révélée par une protéinurie ou une glycosurie, voire une insuffisance rénale.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence de la glycosurie normoglycémique, de l’hypophosphatémie, et de l’hypo-uricémie.

La chromatographie des acides aminés urinaires, la mesure de la clairance du phosphate et la mise en évidence d’une chaîne légère kappa dans les urines confirment le diagnostic, alors que la ponction-biopsie rénale met en évidence des cristaux cytoplasmiques dans les tubules proximaux.

La physiopathologie est liée à des propriétés physicochimiques particulières des chaînes légères kappa, dont la région variable semble utiliser deux gènes au sein d’un sous-groupe particulier VkI.

La chimiothérapie dirigée contre la prolifération plasmocytaire est peu efficace sur le syndrome de Fanconi.

Le traitement repose essentiellement sur les mesures de supplémentation en calcium, phosphate, vitamine D active (un-alpha) et la correction de l’acidose.

3- Amyloses immunoglobuliniques (AL) :

L’amylose AL est une maladie systémique.

Quinze pour cent de ces amyloses compliquent un MM, mais dans plus de 50 % des cas on retrouve un excès de plasmocytes médullaires, et la recherche d’une clonalité sur la moelle en immunohistochimie est le plus souvent positive.

La fatigue, la perte de poids sont les signes les plus fréquents.

L’atteinte rénale est glomérulaire, et la protéinurie souvent néphrotique.

La présence d’une hématurie nécessite la recherche d’une atteinte vésicale.

Peuvent s’associer de façon variable à cette atteinte rénale souvent initiale, une organomégalie par infiltration amyloïde, un syndrome du canal carpien, des signes digestifs pouvant révéler une malabsorption, plus rarement une hypotension orthostatique ou une neuropathie périphérique.

La présence de chaînes légères dans les urines est retrouvée dans plus de 70 % des cas, et l’isotype lambda est le plus fréquent.

L’utilisation de techniques plus sensibles comme le western-blot permet de détecter des chaînes légères dans les urines chez 90 % des patients.

Le diagnostic est établi par la biopsie d’un organe atteint (glande salivaire accessoire, rectum, rein, moelle), coloré par le rouge congo et analysé en immunofluorescence avec un anticorps antichaîne légère, ou plus rarement antichaîne lourde.

Les dépôts sont extracellulaires, biréfringents et de couleur vert pomme en lumière polarisée.

La formation des fibrilles amyloïdes s’associe à des propriétés physicochimiques particulières des chaînes légères : isotype k, appartenance à un sous-groupe particulier de variabilité VkVI.

La chaîne légère, ayant subi des transformations protéolytiques favorisant la formation de feuillets b-plissés, s’associe à d’autres constituants comme la substance P (SAP).

L’amylose AL est une maladie sévère. La médiane de survie avec les chimiothérapies classiques est de l’ordre de 18 mois, avec une mortalité cardiaque importante.

Des essais de traitements intensifs avec perfusion de melphalan à haute dose suivie d’autogreffe de cellules souches périphériques sont à l’étude.

Ils pourraient permettre de faire régresser les dépôts.

L’utilisation d’inhibiteurs de la liaison de la substance P aux fibrilles amyloïdes, ou l’injection d’anticorps monoclonaux dirigés contre la forme fibrillaire des chaînes légères contenues dans les dépôts d’amylose sont en cours d’étude.

4- Maladies des dépôts non amyloïdes d’immunoglobuline monoclonale (« monoclonal Ig deposition disease » : MIDD) : syndrome de Randall

Ce type d’atteinte est retrouvé chez 5 % des patients atteints de myélome à l’autopsie, et 40-50 % des patients atteints de MIDD ont un myélome multiple.

L’atteinte glomérulaire se caractérise par des dépôts monotypiques de chaînes légères, ou plus rarement de chaînes lourdes, le long des membranes basales des glomérules et de nombreux tissus.

L’atteinte rénale domine la présentation clinique, avec souvent une protéinurie néphrotique, une hématurie, et une insuffisance rénale précoce et sévère.

Une atteinte du foie, du coeur, du poumon, de la rate et des nerfs peut s’associer.

Le diagnostic repose sur la ponction-biopsie rénale, mettant en évidence un épaississement des membranes basales tubulaires et la formation de nodules scléreux mésangiaux.

L’immunofluorescence retrouve des dépôts monotypiques de chaînes légères, le plus souvent j, prédominant dans les membranes basales tubulaires.

Le pronostic de cette maladie est incertain, allant de quelques mois à plus de 10 ans.

L’éradication du clone plasmocytaire doit être tentée chez les patients les plus jeunes.

C – INFECTIONS :

Les infections peuvent être un mode de révélation du MM, qui n’est pas une hémopathie fébrile.

Les infections sont favorisées par l’hypogammaglobulinémie polyclonale.

Les pneumopathies à Streptococcus pneumoniae restent la complication infectieuse la plus classique au cours du MM.

Cependant, des infections par d’autres bactéries comme les staphylocoques, Hemophilus influenza, ou les bactéries à Gram négatif (particulièrement Pseudomonas aeruginosa) sont fréquemment observées.

Le risque d’infection opportuniste augmente avec les traitements intensifs.

D – ATTEINTE MÉDULLAIRE :

Les manifestations hématologiques sont fréquentes.

L’anomalie la plus constante est une anémie normochrome, normocytaire, voire macrocytaire et arégénérative, due à l’envahissement médullaire.

Cette anémie peut être aggravée par l’insuffisance rénale et le déficit de synthèse d’érythropoïétine. Un autre mécanisme est possible : les cellules myélomateuses exprimant Fas-L pourraient induire une apoptose des progéniteurs érythroïdes exprimant Fas.

La mise en évidence d’hématies en rouleaux sur le frottis sanguin est très évocatrice de dysglobulinémie, mais ne présage pas de son caractère monoclonal ou polyclonal.

Ces rouleaux, liés à l’augmentation de la vitesse de sédimentation, peuvent être à l’origine d’un aspect macrocytaire artefactuel.

L’importante hémodilution parfois observée, secondaire à la dysglobulinémie, peut dans certains MM être responsable d’une fausse anémie.

La leuconeutropénie et la thombopénie sont rares au diagnostic, mais pas aux phases tardives de la maladie.

Une activité autoanticorps de l’immunoglobuline monoclonale dirigée contre les antigènes rhésus à la surface des globules rouges et responsable d’anémie hémolytique auto-immune a été décrite en association au MM, mais est exceptionnelle.

Quelques cas d’érythroblastopénie ont été décrits, de physiopathologie mal définie.

Une discrète plasmocytose circulante peut exister dans 5 % des cas.

En revanche, une plasmocytose massive est rare, et survient principalement dans deux situations : au cours des leucémies à plasmocytes qui se définissent par un chiffre de plasmocytes circulants supérieur à 2 500/mm3, et au cours des MM évolués en phase terminale.

Les diathèses hémorragiques sont souvent aggravées par une thrombopénie.

La protéine monoclonale peut se lier aux facteurs de la coagulation et/ou aux plaquettes, plus rarement avoir une activité immunologique dirigée contre un facteur de la coagulation (facteur VIII ou exceptionnellement facteur VII), ou contre une glycoprotéine de membrane plaquettaire (complexe GpIIbIIIa ou GpIb).

Le facteur X de la coagulation est une des sérine-protéases dépendantes de la vitamine K, qui joue un rôle important dans la coagulation en tant que première enzyme de la voie commune de formation du thrombus.

L’amylose AL est une cause de déficit acquis en facteur X, par probable adsorption sur les fibrilles amyloïdes.

Il est identifié chez environ 8 % des patients porteurs d’amylose AL à un taux inférieur à 50 % de la normale.

Les patients peuvent avoir des manifestations hémorragiques sévères pouvant mettre en jeu le pronostic vital.

Les traitements intensifs de la prolifération plasmocytaire semblent pouvoir améliorer le déficit.

E – ATTEINTE NEUROLOGIQUE :

1- Compression médullaire ou radiculaire :

Elle survient chez 10 % des patients.

Ces syndromes de compression sont surtout le fait d’un envahissement de l’espace épidural par la prolifération plasmocytaire à partir d’une vertèbre ou d’une côte.

Les compressions secondaires à un tassement vertébral sont plus rares ; les radiculalgies en sont le signe le plus précoce.

Un déficit sensitif ou moteur, voire une paraplégie ne surviennent que beaucoup plus tardivement.

Le diagnostic d’un envahissement épidural repose sur la réalisation en urgence d’une IRM.

Dans certains MM agressifs peut être observée une méningite myélomateuse caractérisée par l’existence de plasmocytes dans le liquide céphalorachidien.

Ce type d’atteinte est rare, s’associe à un myélome de forte masse tumorale, une cytologie plasmoblastique, d’autres manifestations extramédullaires, la présence de plasmocytes circulants, une monosomie 13 fréquente et un pronostic rapidement fatal.

2- Neuropathie amyloïde :

Elle est secondaire au dépôt de la protéine amyloïde AL, et s’associe alors volontiers à une néphropathie, voire à une atteinte digestive et cardiaque.

Il s’agit essentiellement d’une neuropathie périphérique sensitive, associée à des signes d’atteinte du système nerveux autonome.

L’amylose peut également être à l’origine d’une compression du nerf médian dans le canal carpien. Une forme particulière de neuropathie périphérique s’intègre dans le syndrome de POEMS.

Ce syndrome concerne moins de 1 % des cas de MM. Il s’agit d’une polyneuropathie sensitivomotrice d’installation progressive qui a la particularité d’être associée à un myélome à chaîne légère d’isotype k le plus souvent, à des lésions osseuses ostéocondensantes, à des troubles endocriniens (diabète, gynécomastie, hypertrichose), à un épaississement et une hyperpigmentation cutanés, à des oedèmes.

Le rôle de la prolifération plasmocytaire paraît primordial, étant donné l’amélioration de l’ensemble des signes par le traitement antitumoral, et notamment par l’irradiation d’un plasmocytome solitaire.

F – SYNDROME D’HYPERVISCOSITÉ :

Le syndrome d’hyperviscosité touche moins de 10 % des patients, et est ainsi nettement moins fréquent qu’au cours de la maladie de Waldenström.

Au cours du MM, il est essentiellement une complication des myélomes à immunoglobuline (Ig)A et IgG3.

L’hyperviscosité peut entraîner une asthénie, des céphalées, des troubles visuels, des épistaxis ou hémorragies digestives, des troubles neurologiques ischémiques divers, et majorer une insuffisance rénale.

Le traitement repose initialement sur la réalisation de plasmaphérèses, en association à la chimiothérapie.

G – ACTIVITÉ ANTICORPS DE L’IMMUNOGLOBULINE :

Certaines manifestations inhabituelles du myélome sont liées à une activité autoanticorps de l’Ig monoclonale, comme la neuropathie périphérique par activité antimyéline, et surtout les signes cutanés, articulaires, et rénaux en rapport avec une cryoglobulinémie mixte.

Diagnostic :

Le diagnostic de MM repose sur trois éléments : l’existence d’un composant monoclonal sérique et/ou urinaire, une prolifération plasmocytaire médullaire, et la mise en évidence de lésions osseuses.

A – MISE EN ÉVIDENCE DE L’IMMUNOGLOBULINE MONOCLONALE :

La synthèse d’une immunoglobuline monoclonale est une caractéristique fondamentale des cellules myélomateuses.

L’immunoglobuline synthétisée est le plus souvent une IgG (50 % des cas), une IgA (25 % des cas), plus rarement une IgD (2 %) et exceptionnellement une IgE.

La présence de cette immunoglobuline en excès peut se révéler par la découverte d’une augmentation de la vitesse de sédimentation (VS) et d’un taux de protides circulants augmenté.

Dans 25 % des cas, le clone plasmocytaire ne synthétise qu’une chaîne légère dans un rapport j/k de 2/1.

Dans les cas de myélome à chaîne légère ou en cas d’activité cryoglobulinique de l’immunoglobuline, la VS est normale.

L’existence d’une protéine monoclonale est révélée par l’électrophorèse des protéines sériques, où elle apparaît le plus souvent sous la forme d’une bande étroite et symétrique qui migre dans la zone des gammaglobulines lorsqu’il s’agit d’une IgG, ou plus rarement dans la zone des bêtaglobulines lorsqu’il s’agit d’une IgA. Dans les formes de myélome à chaîne légère, une hypogammaglobulinémie est retrouvée de manière quasi constante et isolée à l’électrophorèse des protides.

Néanmoins, en cas de forte production de chaînes légères, ou en cas d’insuffisance rénale, les chaînes légères apparaissent dans le sérum et sont visualisées à l’électrophorèse sous forme d’un pic migrant dans les bêtaglobulines.

La confirmation de la clonalité nécessite la pratique d’une étude en immunofixation qui permet la détermination de l’isotope de la chaîne lourde (c, a, ou d) et de la chaîne légère j(deux tiers) ou k (un tiers) de cette protéine.

L’immunoglobuline monoclonale peut avoir une activité anticorps (antimyéline, agglutinines froides, facteur rhumatoïde…) et des propriétés physicocliniques particulières (cryoprécipitation, agrégation…).

Le dosage pondéral des isotypes d’immunoglobulines (IgG, IgA et IgM) par néphélémétrie permet de quantifier la diminution du taux des immunoglobulines polyclonales.

En revanche, et en raison de l’imprécision de la méthode néphélémétrique, les contrôles successifs du taux de la protéine monoclonale au cours de l’évolution se font par la mesure du taux des gammaglobulines totales à l’électrophorèse des protéines sériques, plutôt que par les dosages pondéraux.

La recherche d’une protéinurie est systématique en cas de suspicion d’un myélome.

Les chaînes légères sont entièrement filtrées par les glomérules rénaux en raison de leur faible poids moléculaire (20 à 25 kDa), réabsorbées par le tube contourné proximal où elles sont dégradées dans les lysosomes, et celles qui ont échappé à ce processus de réabsorption atteignent la branche ascendante de l’anse de Henle pour se concentrer dans les urines.

Les chaînes légères ne sont pas visualisées par les techniques de détection à la bandelette au lit du malade (qui ne détectent que l’albumine).

La recherche d’une protéinurie par la technique thermique habituelle peut ne pas détecter les chaînes légères en raison de leur thermolabilité.

La recherche d’une protéinurie selon la méthode de Bence-Jones utilise une technique de précipitation à l’acide sulfosalicylique et permet de mettre en évidence les chaînes légères dans les urines.

Une protéinurie positive doit être complétée par une immunoélectrophorèse des protéines urinaires (sur urines de 24 heures concentrées) qui en précise le caractère en déterminant l’isotope de la chaîne légère.

Une électrophorèse des protéines urinaires permet de savoir s’il existe une albuminurie, synonyme d’atteinte glomérulaire, pouvant orienter vers le diagnostic d’amylose immunoglobulinique ou plus rarement vers une maladie des dépôts non amyloïdes d’immunoglobuline monoclonale.

Toutes ces investigations permettent de mettre en évidence une protéine monoclonale dans la très grande majorité des cas de MM.

Dans moins de 1 % des cas, le myélome est dit « non sécrétant » : la protéine monoclonale sérique ou urinaire n’est pas retrouvée.

Cependant, dans ce cas, les méthodes immunohistochimiques pratiquées sur la moelle démontrent la synthèse intraplasmocytaire d’une immunoglobuline monoclonale.

Exceptionnellement, il est nécessaire d’utiliser des techniques de biologie moléculaire pour confirmer la monoclonalité de la prolifération plasmocytaire : étude du réarrangement de la chaîne lourde des immunoglobulines en Southern-blot ou par amplification par polymerase chain reaction (PCR).

B – PROLIFÉRATION PLASMOCYTAIRE :

La prolifération plasmocytaire intéresse habituellement la moelle osseuse, et peut alors être documentée par un myélogramme.

Le seuil retenu pour la plasmocytose médullaire est classiquement 30 % (critère majeur), mais certains retiennent le seuil de 10 % (critère mineur).

Surtout, les plasmocytes du MM sont des cellules dystrophiques, caractérisées par des anomalies cytologiques nucléaires contrastant avec un cytoplasme normal.

Cette dystrophie est l’argument essentiel du diagnostic.

Au début de la maladie, cette infiltration a souvent un caractère nodulaire et hétérogène, qui peut être à l’origine de myélogrammes faussement négatifs.

Dans ce cas, il est utile de renouveler le myélogramme en changeant de site de ponction (épine iliaque postérosupérieure par exemple), ou d’avoir recours à une ponction-biopsie ostéomédullaire.

L’infiltration plasmocytaire médullaire peut être plus ou moins importante, allant de 10 à 90 % des éléments médullaires, et prendre un aspect plasmocytique bien différencié, plasmoblastique indifférencié en général associé à un plus mauvais pronostic, ou plasmocyto-plasmoblastique.

Formes cliniques :

A – MYÉLOME MULTIPLE ASYMPTOMATIQUE (« SMOLDERING MYELOMA ») :

Il correspond à un MM cliniquement stable pendant des années avant que la chimiothérapie ne soit nécessaire, et sa reconnaissance est donc essentielle.

Ces patients répondent le plus souvent aux critères de MM de stade I de Durie et Salmon.

Ces MM asymptomatiques représentent une situation clinique fréquente (20 % des MM).

Leur évolution est inévitable, mais il n’y a pas d’intérêt en termes de survie à débuter une chimiothérapie au diagnostic, plutôt qu’à l’apparition de signes d’évolutivité.

L’évolution peut être définie par l’augmentation de la masse tumorale et le passage à un stade II-III de Durie et Salmon.

La rapidité d’évolution est très variable d’un patient à l’autre.

Dans plusieurs études, l’existence d’anomalies osseuses à l’IRM, retrouvées chez 29 % à 50 % des patients, est associée à une progression plus rapide.

Trois facteurs pronostiques ont été isolés : un pic monoclonal > 30 g/L, un isotype IgA, une protéinurie de BJ > 50 mg/j.

La médiane de progression est de 17 mois si deux de ces facteurs ou plus sont présents, 40 mois si un seul facteur est retrouvé, 95 mois en leur absence.

Dans cette étude, l’IRM était un facteur de pronostic important dans le groupe intermédiaire : une IRM anormale était retrouvée dans 40 % des cas et associée à un temps médian de progression de 21 mois.

Lorsque la chimiothérapie est initiée lors de la progression de la maladie, la sensibilité au traitement est identique à celle des patients symptomatiques.

B – SYNDROME POEMS :

Ce syndrome, de pathogénie encore inconnue, associe de façon variée polyneuropathie périphérique sensitivomotrice, organomégalie, endocrinopathie, composant monoclonal, et anomalies cutanées (hyperpigmentation), en l’absence d’amylose.

S’associent à ces signes principaux des manifestations systémiques, des oedèmes pouvant aller jusqu’à une anasarque, une thrombocytose.

D’autres signes cliniques font partie de la présentation clinique : hypertension artérielle (HTA), insuffisance rénale, thromboses, insuffisance cardiaque congestive. L’âge moyen au diagnostic est de 51 ans, et ce syndrome est plus fréquent chez l’homme (60 % des cas environ).

Une prolifération plasmocytaire synthétisant généralement une chaîne légère d’isotype k et associée à des lésions osseuses ostéocondensantes est identifiée.

Le plus souvent, le syndrome POEMS ne s’associe pas à un myélome multiple selon les critères usuels, mais à une gammapathie monoclonale de signification indéterminée, à un plasmocytome, à une maladie de Castleman.

Des cytokines ont été impliquées dans la pathogénie de la maladie : interleukine (IL) 1b, IL 6, tumor necrosis factor (TNF)-alpha.

Le vascular endothelial growth factor (VEGF) aurait un rôle important dans l’angiogenèse observée.

La médiane de survie est supérieure au MM de stade II-III, et actuellement estimée à 165 mois.

Le rôle de la prolifération plasmocytaire paraît primordial, étant donné l’amélioration de l’ensemble des signes par le traitement antitumoral, et notamment par l’irradiation d’un plasmocytome solitaire.

L’éradication du clone plasmocytaire avec une chimiothérapie intensive peut permettre une amélioration.

C – PLASMOCYTOME SOLITAIRE OSSEUX (PSO) :

Le diagnostic de plasmocytome solitaire nécessite l’obtention de critères stricts de diagnostic :

– lésion osseuse unique due à une infiltration par des plasmocytes clonaux ;

– examen médullaire à distance de la lésion normal sans maladie clonale ;

– radiographies standards du squelette et IRM du rachis normales ;

– absence d’anémie, d’hypercalcémie, ou d’atteinte rénale due à un MM ;

– absence ou faible taux du composant monoclonal dans le sérum et les urines, et absence d’hypogammaglobulinémie.

Le PSO touche surtout les hommes avec un âge médian de 55 ans, donc de 10 ans plus faible que l’âge au diagnostic de MM.

L’atteinte la plus fréquente est vertébrale, mais dans 20 % des cas, l’os touché est une côte, une clavicule, le sternum, un os long.

La douleur est le signe clinique révélateur le plus fréquent. Une compression médullaire ou une épidurite associée sont plus rares.

La radiographie retrouve une lésion lytique bien délimitée.

Le scanner et l’IRM décrivent mieux l’étendue de la lésion.

Le diagnostic nécessite la réalisation d’une ponction-biopsie osseuse, mettant en évidence une infiltration par des plasmocytes dystrophiques dont la nature clonale est le plus souvent affirmée par les techniques d’immunohistochimie.

Un pic monoclonal et une protéinurie de Bence-Jones, en faible quantité en général, peuvent être identifiés.

Le taux des autres immunoglobulines polyclonales est en général conservé.

Le traitement de choix est la radiothérapie localisée, en prenant soin d’irradier une zone d’os normale de part et d’autre de la lésion.

La dose habituelle administrée pour stériliser la lésion et éviter les rechutes locales est, selon les auteurs, de 40 à 50 Gy.

L’efficacité sur le contrôle de la douleur est en général rapide.

Le taux du composant monoclonal diminue lentement sur quelques mois à années, mais peut ne pas totalement disparaître.

L’adjonction à l’irradiation d’une chimiothérapie adjuvante n’est pas recommandée, n’ayant pas prouvé son efficacité, en termes de récidive ou d’évolution vers un MM.

Le temps médian de progression vers un MM est de 2 à 3 ans, mais des évolutions beaucoup plus tardives (15 ans) ont été décrites.

Certains patients restent stables sur des années, avec persistance d’un faible composant monoclonal, correspondant à une gammapathie monoclonale de signification indéterminée.

En cas d’évolution vers un MM, celui-ci est souvent de faible masse tumorale et répond bien à la chimiothérapie.

Ainsi, la médiane de survie des patients ayant un PSO est d’environ 10 ans.

D – AUTRES FORMES CLINIQUES :

Dans 15 % des cas de MM, la production de chaînes légères est isolée ; la vitesse de sédimentation est normale, l’électrophorèse montre le plus souvent une hypogammaglobulinémie, et le diagnostic repose sur l’analyse des urines.

L’insuffisance rénale est fréquente.

Les MM non excrétants sont diagnostiqués par les techniques d’immunofluorescence sur myélogramme (prouvant le caractère monoclonal et la synthèse intraplasmocytaire).

Ces MM sont très rares (moins de 1 % des cas), et évoqués devant des signes osseux d’aspects clinique et radiologique malins.

Gammapathie monoclonale de signification indéterminée :

Cette dénomination est préférable à celle de gammapathie monoclonale « bénigne », et similaire au terme anglo-saxon de MGUS (monoclonal gammapathy of undetermined significance).

C’est la plus fréquente des gammapathies monoclonales, et c’est, après 50 ans, le principal diagnostic différentiel biologique du myélome multiple. Sa prévalence augmente avec l’âge : 2 % des sujets à 50 ans, 3 % à 70 ans, 10 % à 80 ans.

Il n’y a pas de diminution du taux des autres immunoglobulines.

La protéinurie de Bence-Jones doit être absente ; présente (à un taux très faible), elle aurait une signification péjorative.

L’IRM est toujours normale.

On peut rapprocher des MGUS certaines gammapathies monoclonales découvertes au cours des maladies infectieuses ou inflammatoires chroniques.

Le caractère stable du pic fait partie de la définition des MGUS, dont le diagnostic ne peut donc être affirmé d’emblée.

C’est le risque de transformation maligne, parfois après plusieurs années, qui justifie la surveillance très prolongée de ces patients.

Dans une étude rétrospective portant sur 1 384 patients ayant un MGUS diagnostiqué entre 1960 et 1994, il est rapporté un risque de progression de 1 % par an, plus fréquent lorsque le pic est plus élevé, qu’il s’agisse d’un isotype IgA ou IgM.

En revanche, la présence d’une hypogammaglobulinémie au diagnostic, observée chez 29 % des patients, n’est pas prédictive d’évolution plus rapide.

La probabilité de progression est de 14 % à 10 ans, selon une étude portant sur 1 104 MGUS.

Avec un recul médian de 65 mois, 6 % des MGUS évoluent vers un MM, un patient vers un plasmocytome extramédullaire, un patient vers une amylose immunoglobulinique, 12 vers une macroglobulinémie de Waldenström, six vers un lymphome non hodgkinien et un vers une leucémie lymphoïde chronique.

Les facteurs prédictifs d’évolution dans cette étude sont :

– une plasmocytose > 5 % ;

– une protéinurie de Bence-Jones détectable ;

– une hypogammaglobulinémie ;

– une augmentation de la VS. Aucune étude pronostique cytogénétique n’a encore été publiée.

La présence d’une monosomie 13 dans certaines cellules plasmocytaires au stade de MGUS pourrait s’associer à un risque accru de transformation en MM.

Ce point reste à confirmer.

Évolution et facteurs pronostiques :

Les facteurs pronostiques et évolutifs du plasmocytome solitaire osseux, de la gammapathie monoclonale de signification indéterminée, et du myélome multiple asymptomatique, ont été discutés auparavant.

Au stade de myélome multiple, la mise en route d’un traitement cytotoxique permet généralement d’obtenir un contrôle de la maladie, se traduisant par la diminution du taux du composant monoclonal et par l’amélioration des autres signes cliniques et biologiques.

La disparition du composant monoclonal peut être observée dans les suites de traitements intensifs ; parfois la protéine reste dosable, et la maladie est stabilisée en « phase de plateau ».

Après quelques mois ou années, une rechute de la maladie survient, se traduisant par une augmentation du taux de la protéine monoclonale et éventuellement par d’autres anomalies cliniques ou biologiques.

La reprise du traitement peut alors permettre d’induire de nouvelles phases de plateau, avec des réponses thérapeutiques de moins bonne qualité et des reprises évolutives plus fréquentes.

L’évolution ultérieure aboutit à une « maladie réfractaire », caractérisée par l’absence de réponse objective aux divers traitements cytostatiques.

La phase terminale de la maladie est caractérisée par une croissance tumorale rapide, une pancytopénie, l’apparition éventuelle de localisations plasmocytaires extrahématologiques et de plasmocytes circulants.

Le taux du composant monoclonal peut alors baisser paradoxalement, malgré l’augmentation de la masse tumorale, en raison d’une dédifférenciation plasmocytaire.

Une fièvre est parfois observée.

Le MM reste une maladie de mauvais pronostic malgré les progrès thérapeutiques réalisés. Les guérisons sont observées de façon exceptionnelle.

La médiane de survie a été allongée à 4 ans. Environ 25 % des malades ont une survie supérieure à 5 ans, et moins de 5 % ont une survie supérieure à 10 ans.

CLASSIFICATION PRONOSTIQUE DE DURIE ET SALMON :

Elle date de 1975 et a longtemps constitué le principal élément pronostique du MM.

La médiane de survie est environ 15 mois pour les stades III et 60 mois pour les stades I.

Cependant, cette classification peut être critiquée, en particulier pour les cotations des lésions osseuses, et n’est pas utilisable pour les myélomes non sécrétants.

D’autres facteurs pronostiques sont actuellement utilisés.

Les facteurs pronostiques les plus importants chez les malades non préalablement traités sont :

– la bêta2-microglobuline (bêta2-m) sérique.

Cette protéine a une identité de structure avec la chaîne invariante des molécules du système human leucocyte antigen (HLA).

La bêta2-m représente un indice d’activité de la maladie.

Son taux est corrélé à la masse tumorale et au degré d’insuffisance rénale, la protéine étant filtrée et réabsorbée par le tubule rénal ; – l’index de prolifération plasmocytaire.

Cet index qui reflète le pourcentage de cellules myélomateuses en phase S à un moment donné a été corrélé à la survie ;

– la C-reactive protein (CRP).

La CRP reflète l’activité de l’IL 6 circulante, agissant sur les récepteurs à l’IL 6 à la surface des hépatocytes et induisant une transcription du gène codant pour la CRP.

Une classification utilisant les deux premiers paramètres a été proposée : pour les malades ayant à la fois un index de prolifération plasmocytaire et une bêta2-m bas, la médiane de survie est supérieure à 6 ans.

En fait l’index de prolifération est rarement réalisé en pratique. Une autre classification pronostique a été proposée par Bataille, en fonction du taux de bêta2-m sérique et de la CRP ; elle est d’usage simple en clinique.

Dans cette étude portant sur 162 patients au diagnostic, la CRP avait une valeur pronostique indépendante de la bêta2-m.

Trois groupes pronostiques étaient identifiés : CRP et bêta2-m bas, CRP ou bêta2-m > 6 mg/L, CRP et bêta2-m > 6 mg/L, avec respectivement 50 %, 35 % et 15 % des patients dans chaque bras, et une médiane de survie respectivement de 54 mois, 27 mois et 6 mois.

La CRP se substitue aux taux sériques d’IL 6 et de la forme soluble du récepteur à l’IL 6, dont l’intérêt clinique n’est pas établi ;

– l’âge au diagnostic.

C’est un élément pronostique classique.

L’âge élevé est considéré comme défavorable, mais on doit tenir compte du fait que les traitements les plus intensifs sont surtout réservés aux patients les plus jeunes.

D’autres paramètres sont également associés à un mauvais pronostic : taux de lactate déshydrogénase (LDH) augmenté définissant probablement un sous-groupe rare de MM proliférant de mauvais pronostic ; présence d’une prolifération plasmocytaire à différenciation plasmoblastique plutôt que plasmocytique bien différenciée dans la moelle ; présence de plasmocytes circulants dans le sang au diagnostic réalisant une leucémie à plasmocytes primitive ; augmentation des taux circulants de syndecan-1 (CD138) ; présence d’anomalies phénotypiques des cellules plasmocytaires (expression de l’antigène CALLA), génotypiques (aneuploïdie, activation d’oncogènes) ;

– les anomalies cytogénétiques.

Elles ont été discutées auparavant et sont considérées, pour certaines d’entre elles, comme des éléments pronostiques essentiels.

Dans l’état actuel des connaissances, on peut préconiser la recherche chez tout patient au diagnostic, de la monosomie 13 et la recherche d’une hypoploïdie associées à un mauvais pronostic.

La translocation (11, 14) pourrait être associée à un pronostic plus favorable.

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