Mycoses du système nerveux central

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Introduction :

Même si les données épidémiologiques sont peu précises, les mycoses du système nerveux central (SNC) semblent de plus en plus fréquentes.

Ceci est lié à l’amélioration de nos connaissances et des moyens diagnostiques de ces affections mais aussi à la multiplication des actes thérapeutiques ou diagnostiques, comme les cathétérismes, et à l’augmentation considérable du nombre des individus exposés.

L’utilisation au long cours d’antibiotiques, de corticoïdes, d’un traitement cytotoxique et immunosuppresseur a également modifié le spectre clinique de ces affections parallèlement à la meilleure survie des malades atteints d’affections débilitantes.

Mycoses du système nerveux centralLes cadres cliniques des mycoses du SNC sont multiples : céphalées subaiguës ou chroniques associées ou non à des signes méningés, hypertension intracrânienne, syndrome confusionnel dans un contexte subfébrile, tableau de processus expansif intracrânien ou encore symptomatologie pouvant faire évoquer un accident vasculaire cérébral.

Plus que la symptomatologie, c’est donc le contexte clinique qui fait évoquer le diagnostic ou encore l’échec d’un premier traitement.

L’atteinte d’autres organes, notamment pulmonaire, digestive ou sinusienne oriente également volontiers vers une origine mycosique et aide à l’identification des levures.

Le diagnostic mycologique doit toujours inclure un antifongigramme car, même si l’amphotéricineBreste la molécule de référence, les résistances sont de plus en plus nombreuses, notamment vis-à-vis de Cryptococcus neoformans mais aussi de certains Candida ou vis-à-vis d’Aspergillus.

Pathogénie des mycoses du système nerveux central :

Les atteintes du SNC surviennent de façon isolée ou dans le cadre d’une infection disséminée.

Une méningite subaiguë est, en général, la seule manifestation de la cryptococcose.

Les infections à Coccidioides immitis sont également, dans la moitié des cas, limitées au SNC. Dans la presque totalité des autres cas, l’infection fongique concerne au moins un autre organe .

L’examen général est donc d’une importance capitale, notamment celui de l’appareil ostéoarticulaire, pulmonaire, de la peau, du coeur et des sinus de la face.

Toutefois, l’isolement d’un micro-organisme, par exemple une hémoculture positive à Candida albicans ne signifie pas systématiquement que la méningite soit due à cet agent.

Les champignons sont des eucaryotes ubiquitaires vivant en saprophytes, en symbiose ou en parasites.

Ils se divisent par mitoses, et leur membrane contient principalement de la chitine.

Ils se différencient des algues parce qu’ils sont dépourvus de pigments assimilateurs, et des autres plantes par l’absence de chlorophylle.

Leur paroi peptidopolyosidique, de composition variable selon les groupes, comporte des glycanes, des mannanes, de la chitine, de la cellulose.

Ils sont immobiles et ceci les différencie des protozoaires.

Certains champignons pathogènes pour l’homme sont dysmorphiques.

Ce dysmorphisme est considéré comme une adaptation aux conditions de vie : Sporothrix schenckii et Histoplasma capsulatum capsulatum se développent sous forme filamenteuse dans les milieux de culture habituels, et sous forme de levures dans les tissus parasités.

Les levures du genre Candida donneront selon les milieux des levures bourgeonnantes ou blastospores, des pseudofilaments ou des filaments.

Les Aspergillus, champignons filamenteux, ne changent pas de forme.

L’inoculation se fait le plus souvent par inhalation de spores dans le tractus respiratoire. Un sujet immunocompétent reste le plus souvent asymptomatique, ou ne rapporte que de légers signes respiratoires.

L’inoculation peut également se faire par voie cutanée (sporotrichose) ou gastro-intestinale (candidose).

L’atteinte du SNC se fait le plus souvent par voie hématogène ou, dans certains cas, par contiguïté après érosion osseuse lors d’infection des orbites ou des sinus de la face.

La présence d’une sonde de dérivation ventriculaire constitue aussi un mode de contamination.

La majorité des infections sont des méningites ou méningoencéphalites.

Toutefois, d’autres types de lésions peuvent être observés : la diffusion dans le parenchyme cérébral peut engendrer soit un abcès encapsulé avec un centre nécrotique, soit lorsque la réaction inflammatoire est intense, la formation d’un granulome.

Certains champignons filamenteux comme les zygomycètes et notamment les Mucor, Rhizopus, Absidia et les deutéromycètes avec Aspergillus fumigatus, en particulier, envahissent la paroi des vaisseaux entraînant des lésions d’artérite et des infarctus cérébraux.

Dans de rares cas, la formation d’anévrysmes mycotiques provoque des hémorragies méningées ou cérébroméningées.

Les mycoses les plus fréquentes du SNC sont les candidoses et les infections par Cryptococcus neoformans.

L’altération des défenses immunitaires augmente considérablement le risque de développer une mycose du SNC mais néanmoins, ce risque est variable selon le champignon.

Séméiologie générale des mycoses du système nerveux central :

Les infections mycosiques peuvent toucher les méninges, l’encéphale ou la moelle épinière.

Si certains champignons atteignent un site de façon privilégiée, d’autres peuvent toucher différentes parties du SNC.

Les méningites sont les manifestations les plus fréquentes des mycoses du SNC.

Elles ont une évolution typiquement subaiguë mais, selon le terrain, elles peuvent avoir une évolution aiguë ou, au contraire, chronique.

La majorité des levuroses se présentent soit sous la forme d’une méningite, soit sous la forme d’une lésion focale.

Toutefois Candida albicans, Cryptococcus neoformans, Blastomyces dermatitidis, Histoplasma capsulatum capsulatum et Coccidioides immitis se manifestent le plus souvent par une symptomatologie purement méningée.

Les céphalées dominent largement la symptomatologie clinique de ces cas, alors que la raideur méningée est souvent modérée ou parfois totalement absente.

Dans quelques cas, notamment de cryptococcose, le tableau peut être asymptomatique.

Dans la majorité de ces méningites, les lésions prédominent à la base du crâne, entraînant volontiers une atteinte des nerfs crâniens. Une symptomatologie focale traduit la présence d’abcès ou de granulomes qui sont souvent multiples.

Les infections à Aspergillus et à Mucoroles se révèlent souvent par des signes focaux, déficitaires ou épileptiques.

Un syndrome confusionnel, un trouble de vigilance ou un tableau d’hypertension intracrânienne inaugurent parfois ces lésions multiples.

Un syndrome démentiel, un syndrome frontal ou des troubles comportementaux ont permis d’observer des cas d’hydrocéphalie, révélateurs d’infection mycosique.

Enfin, toute symptomatologie aiguë doit faire évoquer la possibilité d’un accident vasculaire cérébral (AVC), exceptionnellement d’origine mycosique, aspergillaire notamment, secondaire à des lésions d’artérite.

Étude analytique des mycoses du système nerveux central :

Dans la quasi-totalité des séries publiées, autopsiques ou non, trois champignons sont retrouvés de façon prédominante : Cryptococcus neoformans, Candida albicans et Aspergillus fumigatus.

L’augmentation récente de l’incidence de ces mycoses, notamment depuis l’émergence du sida n’a pas modifié radicalement cette prédominance.

A – Cryptococcose neuroméningée :

C’est l’infection mycosique la plus fréquente du SNC.

Hormis quelques cas dus à Cryptococcus albidus, toutes les infections sont dues à Cryptococcus neoformans.

L’épidémie du sida a fait considérablement augmenter l’incidence de cette affection.

Les autres affections entraînant un déficit de l’immunité cellulaire, plus spécifiquement en lymphocytesTCD4, favorisent également les cryptococcoses, mais celles-ci surviennent également sans facteur favorisant.

Donnée déjà constatée avant l’épidémie du sida, la cryptococcose est plus souvent rencontrée chez l’homme.

La contamination se fait par voie respiratoire.

Dans le poumon, les cryptocoques synthétisent une capsule polysaccharidique qui leur confère une résistance à la phagocytose.

La réaction inflammatoire se limite à la formation d’un nodule lymphoïde.

Dans de rares cas, cette infection pulmonaire est symptomatique, le plus souvent chez les sidéens.

Pour une raison indéterminée, ou le plus souvent lors d’une baisse des défenses immunitaires, survient une dissémination hématogène du cryptocoque avec une prédilection inexpliquée pour le SNC et particulièrement les espaces sous-arachnoïdiens. Les présentations cliniques sont variables mais largement dominées par des céphalées subaiguës ou chroniques.

La raideur méningée, les troubles visuels, les vomissements sont présents dans un pourcentage variable de cas.

Les troubles de vigilance sont fréquents, notamment chez les sidéens.

Dans certaines séries, la fièvre est absente dans plus de 40 % des cas.

L’atteinte de divers nerfs crâniens est parfois constatée.

À côté de cette présentation évoquant une méningite subaiguë, sont décrites des présentations inhabituelles sous la forme d’un syndrome confusionnel ou d’emblée par des signes d’hydrocéphalie, complication la plus fréquente des cryptococcoses.

Dans certains cas beaucoup moins fréquents, la symptomatologie est en rapport avec la présence de cryptococcomes, granulomes de taille variable, parfois multiples et de topographie souvent corticale, parfois intraventriculaire.

Ces cryptococcomes parfois asymptomatiques seraient présents dans 4 à 8 % des méningites cryptococciques.

De même, des cryptococcomes sont observés en l’absence de réaction méningée.

La symptomatologie clinique est parfois difficilement attribuable à la cryptococcose, notamment chez les patients infectés par le virus d’immunodéficience humaine (VIH), où différentes infections opportunistes peuvent être associées.

Enfin, la cryptococcose neuroméningée peut, notamment chez les patients immunocompétents, rester asymptomatique durant de longs mois, ou au contraire évoluer de façon foudroyante.

Peu d’études ont analysé les données cliniques selon les différentes variétés de Cryptococcus neoformans.

L’une d’entre elles a constaté que la variété de gattii de Cryptococcus neoformans était plus souvent observée chez les sujets immunocompétents que chez les patients immunodéprimés et dans la population rurale, et qu’elle était associée à une symptomatologie pulmonaire, à davantage de modifications, à l’imagerie morphologique de l’encéphale, et à un titre plus élevé d’antigènes cryptococciques dans le liquide céphalorachidien (LCR).

Le pronostic était également plus réservé dans le sous-groupe de patients ayant des altérations encéphaliques.

L’imagerie morphologique n’est utile que dans le cadre du diagnostic différentiel.

Dans de rares cas, l’imagerie par résonance magnétique (IRM), davantage que le scanner X, montre les granulomes cryptococciques et occasionnellement un épaississement méningé associé à une prise de gadolinium sur les coupes pondérées en T1.

Le diagnostic positif repose sur l’analyse du LCR et, dans des cas exceptionnels, sur la biopsie méningée.

L’analyse cytochimique du LCR est variable, parfois normale, mais typiquement elle montre une hypercytose lymphocytaire associée à une hypoglycorachie souvent modérée et inconstante.

Le nombre de lymphocytes se situe entre 10 et 500/mm3 et peut être très fluctuant chez un même patient lors de deux analyses successives.

Quelques cas d’hypercytose à éosinophiles ont été décrits.

La protéinorachie dépasse rarement 1 g/L en l’absence de blocage de la circulation du LCR.

La mise en évidence à l’examen direct des levures apporte la preuve de l’infection par Cryptococcus neoformans.

Celle-ci peut être apportée par l’examen à l’encre de Chine mettant en évidence de façon spécifique la capsule de la levure, ou par la recherche d’antigènes polysaccharidiques de Cryptococcus neoformans dont la sensibilité et la spécificité sont bien établies.

Toutefois, les analyses doivent être répétées et sur un volume de LCR suffisant.

Les mises en culture sont faites sur milieu classique de Sabouraud mais sans cycloheximide ou actidine qui inhibent la pousse de Cryptococcus neoformans.

De même la capsule n’est pas toujours visible, une inoculation intrathécale à la souris qui développe une méningite en quelques jours favorise l’apparition de la capsule.

Ces cultures sont parfois positives même après la mise en route d’un traitement antifongique adapté.

Les cryptococcoses secondaires à des corticothérapies prolongées, ou survenant chez les sidéens, sont caractérisées par un titre d’antigènes élevé dans le LCR et le sérum et par une hypercytose souvent inférieure à 20 lymphocytes/mm3.

En l’absence de traitement, la cryptococcose est d’évolution constamment défavorable.

La première thérapeutique ayant transformé le pronostic des cryptococcoses neuroméningées est l’amphotéricine B.

Cet antibiotique se lie à l’ergostérol de la membrane des levures et augmente considérablement leur perméabilité.

À la dose utilisée chez l’homme, l’amphotéricine B est davantage fongistatique que fongicide.

Les doses prescrites sont relativement élevées, proches de la dose toxique, car le passage de la barrière hématoencéphalique est faible.

La prescription se fait par perfusions quotidiennes de 4 à 6 heures et initialement toujours à doses faibles proches de 0,1 mg/kg.

L’augmentation posologique doit être lente jusqu’à 1 mg/kg/j selon la tolérance et les dosages sériques qui doivent être répétés.

Pour certains, l’objectif est d’atteindre un pic sérique d’environ deux à trois fois plus élevé que la concentration efficace in vitro.

Le catabolisme du produit étant très variable d’un patient à l’autre, certains ne tolèrent qu’une injection 1 jour sur 2.

L’indication des injections intrathécales d’amphotéricine B est discutée, inutile pour la majorité des équipes.

Les injections intraventriculaires sont réservées aux cas graves compliqués d’hydrocéphalie.

La toxicité rénale du produit impose une hydratation importante ainsi que la surveillance rigoureuse de la fonction rénale.

D’autres complications sont également fréquentes et comprennent des réactions fébriles traitées efficacement par le paracétamol ou un antihistaminique, des troubles digestifs à type de nausées et vomissements, des phlébites aux points de ponction, des complications hématologiques, notamment une anémie normocytaire et normochrome, ainsi que des réactions idiosyncrasiques à type d’anaphylaxie, d’insufficance hépatique, de crises comitiales et exceptionnellement de troubles du rythme ventriculaire.

Malgré ces risques, l’amphotéricine B reste le traitement de choix des cryptococcoses neuroméningées, souvent associée à la 5-fluorocytosine à la dose de 100 à 150 mg/kg/j par voie intraveineuse (IV) ou per os (PO).

La durée du traitement est en général de 3 à 4 semaines, mais reste conditionnée par l’efficacité clinique, la tolérance et l’analyse du LCR.

Chez les sidéens, un traitement prophylactique est indispensable pour éviter les rechutes.

Le produit le plus souvent utilisé est un dérivé imidazolé, le fluconazole à la dose de 400 mg/j durant plusieurs mois ou à vie.

L’intérêt des dérivés imidazolés, notamment du fluconazole ou de l’itraconazole dans le traitement curatif des cryptococcoses, associés ou non à l’amphotéricine B ou à la 5-fluorocytosine est en cours d’évaluation.

Ces produits ont déjà démontré leur intérêt en cas de résistance ou d’intolérance à l’amphotéricine B.

B – Candidoses :

Dans certaines séries autopsiques incluant toutefois peu de patients sidéens, les candidoses représentent les infections mycosiques les plus fréquentes du SNC.

La grande majorité des candidoses du SNC sont dues à Candida albicans mais d’autres variétés sont impliquées, notamment C tropicalis, C krusei, C parapsilosis, C pseudotropicalis ou C guilliermondii.

Si les candidoses neuroméningées peuvent survenir sans terrain prédisposant, le plus souvent un ou plusieurs facteurs favorisants sont retrouvés , notamment des facteurs iatrogènes : corticothérapie, immunosuppresseurs, surtout lorsqu’ils sont responsables d’une granulopénie, cathétérisme intraveineux, exploration endoscopique, antibiothérapie à large spectre mais aussi dénutrition ou diabète.

Les Candida pouvant faire partie intégrante de la flore cutanée normale, les toxicomanies par voie IV sont une des causes favorisantes des infections systémiques et neuroméningées.

Enfin, des cas ont été décrits chez des patients traités pour méningite bactérienne, opérés de l’abdomen ou porteurs d’une sonde de dérivation ventriculaire ou de prothèse valvulaire cardiaque.

Plus que les autres mycoses, les atteintes neuroméningées surviennent le plus souvent lors des candidoses systémiques, même lorsque l’on fait abstraction des cas survenant chez les nouveau-nés.

L’atteinte cérébrale est quasi systématique lors d’endocardite candidosique.

Les abcès et les granulomes sont souvent multiples et de petite taille, alors que les atteintes purement méningées sont beaucoup plus rares.

Ces microabcès sont plus volontiers observés dans le territoire de vascularisation des artères sylviennes.

Des lésions vasculaires sont assez rarement observées, mais peuvent être responsables d’infarctus cérébraux, de nécroses hémorragiques et d’anévrysmes mycotiques.

Enfin, des atteintes médullaires sont décrites, entraînant des lésions de démyélinisation ou des abcès.

La séméiologie clinique des candidoses neuroméningées est parfois difficile à discerner des infections intercurrentes chez un patient à l’état général volontiers altéré.

Le diagnostic n’est parfois porté qu’à l’autopsie.

Les abcès s’expriment autant par des signes non spécifiques, troubles de vigilance, ou syndrome confusionnel, que par des signes de focalisation.

La fièvre est classiquement plus élevée que dans les autres mycoses et le syndrome méningé est, lorsqu’il est présent, plus franc.

Certains cas d’évolution prolongée sur plusieurs mois sont également décrits.

Le diagnostic reste difficile car la levure est difficile à isoler.

Il est souvent posé à l’autopsie ou à l’analyse des liquides de ponction d’abcès ou de masses d’allure tumorale.

Les prélèvements doivent être répétés et les cultures effectuées sur milieux spéciaux, notamment hypertoniques.

L’analyse cytologique du LCR montre des formules variables, à prédominance lymphocytaire ou neutrophilique.

L’hypoglycorachie est parfois discrète.

Les tests sérologiques sont fiables, notamment la recherche d’antigènes solubles, mais peu spécifiques d’une infection neuroméningée évolutive.

Dans la plupart des séries, la mortalité reste élevée (entre 30 et 50 %des cas).

Ce haut pourcentage est lié au terrain mais aussi au retard de la mise en route du traitement, en raison des difficultés diagnostiques.

Le traitement est proche de celui de la cryptococcose et associe en règle l’amphotéricine B et la 5-fluorocytosine selon le même schéma.

Certains proposent d’y associer un autre dérivé imidazolé comme l’itraconazole.

C – Aspergilloses :

Dans certaines séries prenant en compte surtout les abcès cérébraux, les aspergilloses sont les mycoses les plus fréquentes chez les patients sous immunosuppresseurs après transplantation d’organes.

Le risque est majeur lors des granulopénies prolongées.

Ces infections sont devenues un problème considérable dans l’évolution thérapeutique actuelle des maladies hématologiques traitées par médicaments cytotoxiques.

Les corticothérapies au long cours favorisent également la survenue d’aspergillose.

Néanmoins, ces infections sont également observées chez des sujets sans facteur de risque.

Parmi les très nombreuses espèces que dénombre le genre Aspergillus, cinq ou six sont impliquées en pathologie humaine, essentiellement A fumigatus, plus rarement A flavus, A nidulans, A terreus, A niger et A versicolor, avec la possibilité d’association.

La voie de contamination habituelle est respiratoire, pulmonaire ou sinusienne.

Des contaminations d’origine alimentaire ont également été recensées.

La dissémination vers le SNC se fait par contiguïté à partir d’un foyer otorhinolaryngologique (ORL) ou plus souvent actuellement par voie hématogène à partir d’un foyer fréquemment pulmonaire.

Des disséminations au SNC après infection utérine, cardiaque ou par inoculation chez des toxicomanes ont également été décrites.

Les patients alcooliques et diabétiques seraient également des sujets à risque.

Comme les candidoses, les aspergilloses du SNC surviennent volontiers lors d’infections disséminées.

Les toxines nécrosantes, sécrétées par les Aspergilli au cours de leur multiplication, sont à l’origine d’ulcérations vasculaires facilitant la pénétration des filaments dans les vaisseaux et la possibilité de localisation à distance provoquant une véritable septicémie aspergillaire.

Dans la série autopsique de Young et al, l’atteinte cérébrale était observée dans 13 des 98 cas d’aspergillose et était toujours associée, sauf dans un cas, à une atteinte pulmonaire.

L’atteinte est souvent multiple et correspond habituellement à des lésions vasculaires après infarctus et très fréquemment à une abcédation au centre de l’infarctus.

Elle est parfois associée à une atteinte méningée mais qui reste souvent focale en regard de l’atteinte cérébrale.

Les différentes localisations rendent compte de la symptomatologie clinique, dominée par les localisations frontales et temporales alors que, dans d’autres séries, des atteintes cérébelleuses sont souvent notées.

La survenue d’un AVC chez un patient granulopénique doit toujours faire évoquer une aspergillose.

L’atteinte méningée diffuse est rare : quatre cas décrits dans la revue des 2 121 cas d’aspergillose invasive de Denning et Stevens.

Plus rarement, la séméiologie oriente vers une lésion médullaire. Dans quelques cas, c’est le bilan d’extension qui fait découvrir l’atteinte cérébroméningée, devant une symptomatologie ORL ou visuelle.

Des anévrysmes mycosiques sont responsables d’hémorragies méningées ou sous-durales.

Le diagnostic repose sur les données des examens anatomopathologiques, mais bien souvent seuls sont réalisables les examens fibroscopiques avec lavage bronchoalvéolaire (LBA) et brossage bronchique protégé.

Le LCR est, dans la grande majorité des cas, stérile.

On note seulement une réaction cellulaire pléomorphe associée à une hyperprotéinorachie peu spécifique.

Les liquides biologiques doivent être néanmoins ensemencés.

Des filaments mycéliens sont parfois visibles dans le sédiment après centrifugation.

Le diagnostic sérologique à la recherche d’anticorps aspergillaire est souvent peu informatif en renseignements chez le sujet neutropénique.

Cependant, la séroconversion garde toute sa valeur, la réaction d’hémagglutination apparaissant alors plus sensible que les méthodes de précipitation en gélose.

La recherche d’antigènes circulants à l’aide d’un test au latex utilisant un anticorps monoclonal de nature Ig (immunoglobuline)Mantigalactomannane est utilisable mais peu sensible.

Ces tests doivent être renouvelés.

L’aspect des lésions enTDM(tomodensitométrie) ou en IRM n’est pas caractéristique.

Il se traduit par une hypodensité mal circonscrite, avec une prise de contraste souvent minime, en anneau périphérique, mal individualisée à l’inverse des lésions abcédées typiques.

Parfois, les lésions évoquent un ou plusieurs infarctus récents.

Le caractère hémorragique et l’évolution rapide avec augmentation en nombre et en taille des lésions sont en faveur d’une aspergillose.

Un autre aspect évocateur est l’association de lésions abcédées et d’autres évoquant des infarctus.

L’atteinte méningée peut se traduire en scanner X et surtout en IRM par une prise de contraste méningée pathologique.

L’IRM permet parfois la visualisation d’abcès épiduraux, souvent secondaires à une infection contiguë, généralement vertébrale.

L’association à une atteinte pulmonaire ou sinusienne oriente vers une mucormycose ou une aspergillose.

Le traitement repose sur l’amphotéricine B associée à la 5-fluorocytosine ainsi que sur les dérivés imidazolés, notamment l’itraconazole, pris en association ou en relais.

En fonction de la tolérance, ces antifongiques doivent être prescrits plusieurs mois.

En raison des difficultés diagnostiques, la chirurgie garde sa place, notamment les biopsies, permettant la caractérisation après mise en culture de l’agent infectieux.

Le pronostic en partie conditionné par la précocité de la mise en route du traitement, reste sombre, la mortalité avoisinant les 95 % des cas chez les patients granulopéniques, et les 75 % en l’absence de déficit immunitaire.

D – Mucormycoses :

Les infections secondaires aux mycoses de la famille des Mucoraceae sont connues depuis le XIXe siècle, mais la triade classique de la mucormycose : diabète, infection orbitaire et méningoencéphalite n’a été décrite qu’en 1943.

L’usage permet d’utiliser le nom de mucormycose des infections à champignons filaments divers de la classe des Zygomycètes qui inclut l’ordre des Mucorales et l’ordre des Entomophtorales.

Les agents pathogènes les plus fréquents appartiennent à la famille des Mucoraceae et comprennent surtout les genres Rhizopus, Mucor et Absidia.

De nombreuses conditions favorisent ces infections qui restent néanmoins très rares : le diabète est le facteur de risque le plus caractéristique, retrouvé dans 42 % dans la série de Parfrey et dans environ 70 % des cas dans certaines séries de forme rhinocérébrale.

Les épisodes d’acidose, davantage que les hyperglycémies, favoriseraient les mucormycoses.

Il a été signalé des cas de guérison de mucormycoses par simple traitement du diabète.

Les autres situations à risque sont les toxicomanies intraveineuses, les immunodépressions induites pour le traitement d’hémopathies après greffe d’organes et peut-être les patients traités au long cours par un chélateur du fer : la déféroxamine.

Dans six cas sur 33, aucun facteur favorisant n’a été retrouvé dans la série de Parfrey et dans de nombreux cas isolés.

La forme rhinocérébrale est la plus caractéristique. Plus que d’autres mycoses du SNC, elle évolue volontiers de façon aiguë.

La symptomatologie associe à des degrés variables : des céphalées, de la fièvre, une rhinorrhée parfois noire, une cellulite orbitofaciale, des symptômes oculaires et une atteinte neurologique variable.

L’atteinte des nerfs oculomoteurs doit faire craindre une extension orbitaire mais aussi du sinus caverneux.

Des atteintes du nerf facial, du trijumeau et des troubles sensorimoteurs sont décrits.

Dans la majorité des cas, dès le premier examen les sinus et les cavités parasinusiennes sont envahis.

Parfois cependant, l’évolution est prolongée, sous la forme notamment d’une méningite chronique.

Plus rarement, il s’agit d’une forme cérébrale pure, rencontrée surtout chez le toxicomane.

Les noyaux gris centraux sont toujours lésés, faisant évoquer une toxoplasmose.

Le diagnostic mycologique est toujours difficile, dans la grande majorité des cas, obtenu grâce à la mise en culture des échantillons prélevés par voie chirurgicale, une atteinte systémique, notamment pulmonaire, intestinale ou cutanée, facilite le diagnostic.

Le traitement repose, là aussi, sur l’amphotéricineBpar voie systémique et irrigation locale, associée au débridement chirurgical et pour beaucoup, sur l’oxygénothérapie hyperbare.

Des associations amphotéricine B et fluconazole sont à l’essai.

La mortalité reste élevée, proche de 50 % en cas d’atteinte cérébrale.

E – Blastomycoses :

Blastomyces dermatitidis (beastomycose nord-américaine) est le champignon dysmorphique par excellence, en phase filamenteuse à température ambiante et sous forme de levure dans le tissu vivant.

La majorité des cas ont été décrits en Amérique du Nord, dans la région des Grands Lacs, leWisconsin et autour du Mississippi.

L’infection touche principalement les hommes.

Même si l’infection est décrite aussi au cours du sida , aucun facteur favorisant n’a été vraiment reconnu.

La contamination se fait par inhalation de spores provenant d’un sol contaminé.

L’infection est souvent généralisée par dissémination à partir d’un foyer pulmonaire.

L’atteinte neurologique décrite chez une centaine de patients est signalée dans 6 à 33%des cas des quelques séries de la littérature. Une méningite isolée est le tableau le plus souvent rencontré, et survient en règle tardivement.

Quelques cas d’évolution foudroyante ont été décrits.

L’association à un foyer pulmonaire évoque volontiers une méningite tuberculeuse.

La symptomatologie est parfois secondaire à des abcès, multiples dans 40 %des cas, de localisation cérébrale mais, de façon assez fréquente, également spinale.

Sur le plan neuropathologique, l’aspect est soit caractéristique d’un abcès, avec volontiers une nécrose centrale légèrement caséeuse, soit plutôt celui d’un granulome.

Tout comme la tuberculose, une localisation épidurale au niveau cérébral ou spinal serait évocatrice, responsable d’un tableau de compression médullaire.

En cas de méningite, l’analyse du LCR montre une hypercytose souvent élevée, parfois à plusieurs milliers d’éléments lymphocytaires, ou au contraire à prédominance neutrophilique.

L’hyperprotéinorachie s’associe parfois à une hypoglycorachie.

Les cultures sont rarement positives.

Le tropisme cutané permet parfois d’observer le champignon sur un fragment de peau.

Les sérodiagnostics, par technique Elisa, d’immunodiffusion ou par fixation du complément sont sensibles et relativement spécifiques.

Le traitement repose sur l’amphotéricine B, seule ou associée au kétoconazole.

La place de la chirurgie est discutée dans la prise en charge de certains abcès.

Certains organismes tels que Paracoccidioides brasiliensis sévissant à l’état endémique en Amérique centrale et du Sud sont responsables d’abcès cérébraux et cérébelleux.

F – Histoplasmose :

L’infection à Histoplasma capsulatum capsulatum est également surtout observée aux Étas-Unis où elle sévit à l’état endémique dans certaines régions à partir de réservoirs animaux.

Dans ces zones endémiques, plus de la moitié des adultes sont porteurs d’anticorps spécifiques.

Des méningites à Histoplasma capsulatum duboisii sont décrites en Afrique.

Dans la très grande majorité des cas, l’infection est pauci- ou asymptomatique et limitée aux poumons.

L’invasion du SNC survient dans moins d’un quart des cas d’infections systémiques avec une atteinte hépatique, splénique ou hématopoïétique.

La présence d’ulcérations cutanées ou oropharyngées est évocatrice.

Ces infections graves, parfois associées à une tuberculose, surviennent surtout chez les sujets fragilisés, notamment après transplantation ou au cours d’infection hématologique ou encore chez les sidéens.

Les méningites sont de très loin les infections du SNC les plus fréquentes.

Plus rarement, l’aspect est celui d’une miliaire et exceptionnellement celui d’un abcès histoplamique.

Le tableau est souvent subaigu ou chronique associant céphalées, syndrome confusionnel, troubles de la personnalité ou cognitifs et, assez fréquemment, atteinte de nerfs crâniens.

Des signes focaux témoignent de la dissémination au parenchyme sous-jacent.

Contrairement à la méningite à Blastomyces dermatitidis, l’hypercytose du LCR est inférieure à 300 éléments lymphocytaires, associée à une hyperprotéinorachie modérée et parfois à une hypoglycorachie.

De même, la culture du LCR est ici souvent positive.

La preuve mycologique peut également être obtenue à partir des prélèvements cutanés, hépatiques, ganglionnaires ou oropharyngés.

Les résultats sérologiques doivent être interprétés avec prudence sans zone d’endémie.

En revanche, la détection directe d’antigènes d’Histoplasma capsulatum capsulatum dans le LCR, le sang ou les urines, apporte une réponse rapide et spécifique.

Le titrage de ces antigènes permet également d’évaluer l’efficacité du traitement.

Celui-ci, à base d’amphotéricine B, doit être prolongé durant au moins 8 à 12 semaines. Des contrôles systématiques du LCR durant au minimum 2 ans permettent la détection des rechutes.

G – Coccidioïdomycose :

Celle-ci partage de nombreux points communs avec l’histoplasmose.

Elle est également fréquente aux États-Unis mais dans des zones plus chaudes, notamment en Californie, au Texas et en Arizona.

Le Mexique et l’Amérique du Sud sont également touchés.

L’infection se limite, dans la très grande majorité des cas également, à une atteinte pulmonaire banale.

La dissémination au SNC se fait par voie hématogène par contiguïté à partir d’une lésion d’ostéomyélite du crâne ou d’une vertèbre.

La présentation neurologique la plus classique est aussi une méningite volontiers subaiguë ou chronique.

En revanche, l’infection du SNC survient le plus souvent d’une façon isolée et chez des sujets par ailleurs sains, même si le sida, les thérapeutiques immunosuppressives, la corticothérapie au long cours, mais aussi la grossesse, sont des facteurs de risque reconnus.

Outre les syndromes méningés, des signes encéphaliques ou médullaires sont décrits soit par atteinte infectieuse directe, soit secondaire à des lésions de vascularite.

L’analyse du LCR est comparable à celle obtenue dans l’histoplasmose mais peut être normale.

Les cultures sont positives dans moins de 50 % des cas.

Les sérologies obtenues par réaction de fixation du complément par immunodiffusion sont positives dans plus de 95 % des cas.

Le titrage des anticorps aide au suivi thérapeutique des patients.

Le traitement par amphotéricine B doit être poursuivi plusieurs mois par voie systémique mais, pour beaucoup et par cures régulières, aussi par voie intrathécale.

H – Autres mycoses du système nerveux central :

Un grand nombre de champignons peuvent être responsables d’atteinte du SNC.

Les cas publiés sont rares et souvent isolés.

Leur fréquence est probablement sous-estimée car la majorité de ces mycoses surviennent sur des terrains fragilisés, et la symptomatologie est parfois difficile à cerner.

Une vingtaine d’infections du SNC à Sporothrix schenckii (sporotrichose) ont été observées en Afrique du Sud, aux États-Unis, mais aussi en France.

Ce champignon ubiquitaire provoque surtout des atteintes cutanées et ganglionnaires.

Les atteintes neurologiques sont parfois isolées.

Il s’agit essentiellement de méningites subaiguës ou chroniques, lymphocytaires avec hypoglycorachie.

Des cas de résistance à l’amphotéricine B ont été observés.

D’autres champignons tels que Fonsecala pedrosoi, Wangiella dermatitidis (chromomycose), Xylohypha tsantiana (Cladosporium trichoides), Drechslera hawaiiensis, Frichosporum cutaneum ou encore Scedosporium apiospermum (ou Pseudallescheria boydii) peuvent être des agents responsables de méningites mycosiques.

Diagnostic mycologique :

Le diagnostic d’une mycose, comme pour toute autre infection microbienne, nécessite la confrontation des données suivantes :

– les signes cliniques, le terrain (fragilisé, immunodéprimé, pathologie sousjacente et antécédents médicaux) et les données de l’imagerie médicale (radiologie, scanner X, IRM) ;

– le diagnostic mycologique (isolement, identification, sensibilité du champignon) qui nécessite un prélèvement approprié et conforme (LCR ou fragment organique biopsique) ;

– anatomopathologie qui met en évidence le développement in situ du champignon et prouve sa responsabilité dans l’infection en cause ;

– les recherches sérologiques :

– d’antigènes (cryptococcique, candidosique, aspergillaire,…) signant la présence de fragments de champignons mais dont il faut bien maîtriser les limites diagnostiques (seuil de détection, spécificité) ;

– d’anticorps mettant en évidence une réaction d’organisme contre un agent, mais là aussi il faut bien connaître les limites et la valeur de leur présence (possibilité de reconnaissance par un anticorps de plusieurs épitopes appelée « réaction croisée », anticorps non détectable car bloqué sur des immuns complexes ou sur les sites antigéniques du champignon, anticorps non synthétisé chez les patients immunodéprimés, présents chez les patients guéris ou ayant une colonisation dans le cas des candidoses) ;

– le traitement spécifique antifongique d’épreuve.

Seul le diagnostic mycologique permet l’identification de l’agent, car les résultats fournis par le laboratoire d’anatomopathologie prouvent la présence d’un champignon, mais l’identification précise de l’espèce n’est pas possible.

L’examen mycologique comprend les deux étapes suivantes : l’examen direct et la mise en culture qui permet l’isolement, l’identification et la réalisation d’un antifongigramme, sans oublier l’étape préanalytique constituée par le prélèvement, dont la qualité conditionne celle des résultats.

A – Diagnostic mycologique (diagnostic direct ou de certitude) :

Il est réalisé par le laboratoire de mycologie et nécessite trois étapes :

– le prélèvement : il doit être bien effectué, transporté rapidement et accompagné de renseignements cliniques ;

– l’examen direct microscopique : cette étape peut fournir des informations orientant immédiatement vers un champignon, ce qui permet l’instauration d’emblée d’une thérapeutique la plus adaptée en fonction des données épidémiologiques dans l’attente des cultures et des tests de sensibilité ;

– les cultures : elles permettent l’isolement, l’identification et les tests de sensibilité.

1- Prélèvement :

Cette étape est capitale car d’elle découle la qualité des étapes suivantes.

Un prélèvement inapproprié, mal transporté ou mal conservé, ou mal étiqueté peut donner lieu à un diagnostic erroné ou engendrer un retard thérapeutique.

Le laboratoire doit veiller à la conformité des prélèvements.

Dans le cadre d’une mycose du SNC, il s’agit dans la majorité des cas de LCR et plus rarement de biopsies (généralement lors de diagnostic post mortem pour les biopsies cérébrales).

D’autres prélèvements pourront être réalisés lorsque l’atteinte du SNC est issue de métastases par localisation secondaire d’une mycose qui a disséminé à partir d’un foyer primaire (pulmonaire par exemple, dans le cas de cryptococcose, histoplasmose, coccidioïdomycose, plus rarement d’aspergillose) : hémoculture, urine, sécrétion bronchique recueillie de façon protégée (LBA), ponction sinusale.

Mais la présence d’un champignon dans ces sites devra être analysée et confrontée aux résultats dans le LCR, car la présence dans un autre site ne correspond pas forcément à l’agent de l’atteinte du SNC.

Cependant, ces prélèvements peuvent fournir des indications précieuses.

Enfin, lorsque l’agent a pénétré à l’occasion de la mise en place d’appareillage (dérivation), la culture de ces matériels sera indispensable pour prouver leur implication dans l’introduction du champignon et déterminer son origine (cas de candidose cérébrale, notamment).

La conduite thérapeutique découle de la connaissance du mode de pénétration dans le SNC.

Lorsque les examens sont réalisés dans des laboratoires différents, des échantillons distincts doivent être adressés à chaque laboratoire afin d’éviter les manipulations qui sont source de contamination, d’erreurs et de retards liés au temps de transmission.

Tout prélèvement doit être considéré comme potentiel dangereux et doit être manipulé selon les bonnes pratiques.

* Liquide céphalorachidien :

C’est le prélèvement de base qui permet de mettre en évidence l’agent causal.

Il peut être recueilli par ponction lombaire (PL) ou sur des dérivations.

Le liquide de dérivation sera obtenu soit directement par écoulement dans un récipient stérile, soit par ponction au travers de la dérivation clampée après désinfection de la zone où est effectuée la ponction.

Les résultats du liquide de dérivation vont être interprétés et confrontés avec ceux d’une ponction pour confirmer que le champignon est bien présent dans le SNC et ne pas traiter une colonisation du drain.

En revanche, la présence d’un champignon devra amener à la mise en place de mesures d’hygiène très rigoureuses au niveau du drain et à son ablation immédiate si cela est possible, pour éviter la pénétration cérébrale.

* Biopsies :

Elles doivent être fractionnées en petits morceaux, envoyées à la fois au laboratoire de mycologie dans un récipient stérile, et au laboratoire d’anatomopathologie dans un liquide fixateur.

Si les recherches bactériennes et virales sont demandées, il faudra adresser à chaque laboratoire des fragments dans des récipients stériles.

Le transport doit être rapide ; en cas de délai, les prélèvements doivent être maintenus à + 4 °C.

2- Examen direct :

Il doit être réalisé le plus rapidement possible et constitue une étape importante du diagnostic, car il peut orienter vers une espèce ou un genre de champignon et permettre l’instauration immédiate du traitement le mieux adapté.

Cependant, ses limites doivent être bien connues.

La quantité du champignon est sa principale limite : il faut environ 1 000 à 10 000 éléments fongiques pour les visualiser lors de l’examen direct et, à l’exception de Cryptococcus neoformans, les champignons sont rarement détectés dans le LCR lors de l’examen direct car leur quantité est généralement inférieure à ce seuil.

Cet examen comprend deux étapes : l’examen macroscopique et l’examen microscopique.

Examen macroscopique, aspect du liquide : la limpidité et la couleur sont notées. Dans le cas de cryptococcose, le liquide peut être limpide, et faire penser à un LCR normal.

Examen microscopique : Cryptococcus neoformans étant l’espèce la plus fréquente, sa recherche doit être effectuée systématiquement et en urgence sur le LCR par un examen à l’encre de Chine et une recherche d’antigènes solubles cryptococciques.

Si la quantité de LCR est suffisante (3 à 5 mL), le LCR est centrifugé.

Sur le culot, l’examen direct et la mise en culture sont effectués et sur le surnageant, la recherche d’antigènes solubles.

Deux types de technique sont utilisés :

– les préparations à l’état frais : le LCR est examiné après montage dans un liquide, il peut colorer les éléments fongiques ou mettre en évidence une capsule dans le cas de l’encre de Chine.

Elle repousse les grains et la levure (éléments bourgeonnants d’environ 3 à 7 ím), apparaît entourée d’une zone claire sur le fond noir de la préparation ;

– les étalements ou les spots sur lame fixés puis colorés (Gram : les champignons sont à Gram positif ; Giemsa : les champignons se colorent en bleu).

* Résultats de l’examen direct :

Contrairement aux infections bactériennes, il n’est pas rare que l’aspect du LCR et l’analyse cytochimique soient normaux.

Dans le cas d’une cryptococcose, la formule sera lymphocytaire comme dans les méningites tuberculeuses.

Il faut toujours confronter ces résultats à ceux de l’examen microscopique des préparations et de la recherche d’antigènes solubles et, en cas de négativité, attendre les cultures.

Il pourra être visualisé :

– des levures (éléments bourgeonnants à ne pas confondre avec des hématies ou des leucocytes) qui, si elles sont encapsulées, orientent vers une cryptococcose ;

– des filaments mycéliens non septés, caractéristiques des mucoracées, et septés, caractéristiques des Hyphomycètes.

Un examen direct positif va orienter vers un champignon, voire un genre ou une espèce qui est pathogène car, dans ces prélèvements normalement stériles, il n’y a pas lieu d’interpréter la présence d’un agent fongique : la mise en évidence à l’examen direct donne l’agent en cause.

Un examen direct négatif n’exclut en rien la possibilité d’une mycose, car la quantité est souvent trop faible et, lors de l’examen direct, le champignon n’est pas visualisable.

3- Cultures :

La mise en culture doit être toujours réalisée car elle permet de diagnostiquer une mycose, même si l’examen direct est négatif (trop faible quantité dans l’échantillon) et surtout, d’identifier l’espèce en cause et de tester, si nécessaire, sa sensibilité aux antifongiques.

* Milieux :

En considérant la fréquence des espèces isolées, la grande variété des espèces, le fait que dans le cas des prélèvements analysés il y a exceptionnellement plusieurs espèces en cause, le milieu de choix reste le milieu de Sabouraud additionné d’antibiotiques.

Les milieux destinés à l’identification de Candida albicans (milieu chromogène ou enzymatique) présentent peu d’intérêt (très faible fréquence de Candida albicans) et sont même contre-indiqués pour trois raisons.

D’abord, la croissance est moins importante : les colonies sont toujours plus petites avec bien souvent une perte de leur aspect caractéristique ; ensuite, certaines espèces ne s’y développent pas ou très mal ; enfin, les champignons filamenteux prennent des couleurs différentes qui désorientent, car ils perdent de leur aspect morphologique macroscopique caractéristique qui consiste le premier temps de leur caractérisation.

* Mise en culture :

– LCR : 4 à 5 gouttes du culot sont ensemencées.

– Les biopsies : après dilacération ou broyage peu agressif pour ne pas altérer la viabilité du champignon, les fragments sont déposés stérilement à la surface du milieu.

– L’incubation est faite entre 30 et 35 °C durant 7 à 30 jours.

En cas de suspicion d’un champignon dysmorphique (Histoplasma, Blastomycetes dermatitidis, Coccidioides immitis), les cultures seront incubées à 30 °C, ce qui permet d’obtenir la forme filamenteuse qui sera manipulée sous hotte, et les subcultures à 35-37 °C permettent la conversion en phase levure.

* Identification :

Les champignons levuriformes non dysmorphiques s’identifient avec l’étude conjointe :

– des caractéristiques morphologiques macroscopiques (aspect des colonies, plus ou moins lisses : couleur blanche à crème ou ocrée ou rose) et microscopiques obtenues par repiquages sur des milieux pauvres (aspect des levures ; formation de pseudofilaments, de filaments, de chlamydospores, d’arthrospores) ;

– des caractéristiques physiologiques (assimilation et éventuellement fermentation de substrats carbonés ; présence d’activité enzymatique : uréase ; phénoloxydase ; sensibilité à la cycloheximide) déterminables avec des galeries commercialisées.

Chez Cryptococcus neoformans par exemple, trois caractères sont importants : la présence d’une phénoloxydase, d’une uréase et l’assimilation de l’inositol.

Cryptococcus neoformans peut être identifié rapidement par l’aspect muqueux des colonies et la mise en évidence d’une activité uréasique en 2 à 3 heures, le tout est conforté par la présence éventuelle de la capsule et la présence d’antigènes solubles dans le LCR.

Les champignons filamenteux sont identifiés essentiellement avec les caractères morphologiques macroscopiques (aspect des colonies : duveteuse à poudreuse, couleur recto et verso) et microscopiques (examen des spores de reproduction asexuées et sexuées lorsqu’elles sont présentes, avec détermination de leurs cellules productrices).

Il s’agit dans ce cas d’une reconnaissance visuelle liée aux connaissances du mycologue.

* Test de sensibilité « antifongigramme » :

Bien que la standardisation ne soit toujours pas réalisée, il est utile pour les champignons levuriformes de déterminer leur sensibilité vis-à-vis des molécules systémiques.

En effet, d’une part l’amphotéricine B n’est plus systématiquement utilisée en raison de l’élargissement de la gamme des antifongiques, ce qui a modifié les prescriptions initiales.

D’autre part, certaines espèces sont peu sensibles à certains produits telle Candida krusei vis-à-vis du fluconazole et des résistances apparaissent par modification de la cible, par efflux et par d’autres mécanismes qui commencent seulement à être connus.

Une technique de référence existe, celle du NCCLS (la macrométhode en dilution), mais elle n’est pas entièrement satisfaisante. Le milieu unique utilisé est pauvre, la croissance est lente et l’inoculum faible.

La technique est très lourde, difficilement utilisable en routine sur un grand nombre de souches. Beaucoup de laboratoires de grands centres mycologiques utilisent une variante : la microméthode en plaques qui est plus facile mais n’est plus la technique de référence.

Des techniques commercialisées sont disponibles et certaines ont fait l’objet d’études multicentriques de standardisation : la méthode de diffusion en gélose standardisée par le groupe d’étude de la Société française de mycologie médicale en 1981 (Sanofi Diagnostic Pasteur), et deux microméthodes semiquantitatives : Fungitotalt (International Microbiological) développé par Behring en 1988 et ATB Fungust (BioMérieux) en 1998.

Les résultats comparativement à la méthode de référence (détermination des concentrations minimales inhibitrices (CMI)) sont relativement satisfaisants pour l’amphotéricine B et la 5-fluorocytoxine, mais moins bons pour les azolés, et aucune de ces techniques ne permet de tester le fluconazole et l’itraconazole.

Une autre technique plus récente, le E-test, permet de tester ces deux molécules, et sa standardisation est en cours.

Cette dernière technique présente l’avantage de déterminer les CMI selon un gradient de concentration préétabli sur une bandelette qui est déposée sur un milieu gélosé.

L’antifongigramme vis-à-vis des champignons filamenteux est plus délicat à réaliser.

Pour les espèces qui pullulent abondamment, le problème se pose avec le choix du test sur une suspension de spores qui s’obtient facilement et se standardise bien, ou du test sur les filaments mycéliens, le gros problème alors se situe au niveau de l’inoculum difficile à standardiser, les résultats étant peu reproductibles.

Traitement :

Le traitement des mycoses du SNC repose sur les antifongiques systémiques, et éventuellement sur la chirurgie.

Cinq médicaments sont actuellement à notre disposition : l’amphotéricine B, le chef de file chronologique et le premier en efficacité, la flucytosine et les dérivés azolés (le kétoconazole, le fluconazole et l’itraconazole ; le miconazole, premier azolé connu, n’est plus disponible sous forme IV, et il n’est plus utilisé que comme topique).

– L’amphotéricine B reste l’antifongique de référence, le plus largement utilisé en perfusion IV dans les mycoses profondes, malgré sa toxicité.

– Laflucytosine, active surtout dans les levuroses et appréciée en particulier pour son association synergique avec l’amphotéricine B, est limitée dans son emploi en raison de l’accroissement des phénomènes de résistance.

– Le fluconazole et l’itraconazole apportent un progrès considérable en matière de thérapeutique antifongique, le premier dans le traitement des levuroses et notamment de la cryptococcose, le deuxième dans celui de l’aspergillose.

– En revanche, le kétoconazole est moins utilisé qu’autrefois, en raison de sa mauvaise tolérance et surtout de la survenue des deux molécules précédentes.

Mais il garde tout son intérêt dans les mycoses avec atteinte cutanée ou osseuse.

Aucun de ces produits n’est fongicide in vivo, qualité primordiale dans le traitement des mycoses chez l’immunodéprimé.

Aussi, pour être efficaces et pour limiter les risques de rechute, ces antifongiques doivent être administrés à posologie élevée et pendant des périodes prolongées (plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et même parfois à vie).

Généralités sur les antifongiques systémiques :

Traitement des mycoses du système nerveux central :

Cryptococcus neoformans est le principal champignon atteignant le SNC (en France, 80 % des cryptococcoses surviennent chez le malade VIH+, fréquentes aussi au cours des lymphomes, d’une corticothérapie prolongée ou d’une maladie auto-immune).

Aspergillus sp est le second micromycète isolé dans les atteintes du SNC (15 % environ des aspergilloses invasives se compliquent de métastases cérébrales, soit par dissémination hématogène soit par extension d’un foyer sinusien).

Plus rarement, d’autres mycoses peuvent concerner le cerveau : candidoses méningées chez des malades chirurgicaux porteurs d’une dérivation du LCR ou chez les prématurés, mucormycoses rhinocérébrales surtout chez les diabétiques ou encore infections à d’autres champignons filamenteux opportunistes (12 % de localisation cérébrale au cours de la paracoccidioïdomycose…).

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