Méningiomes intracrâniens (Suite)

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Première partie

8- Méningiomes du clivus :

Rares, leur mode de début est très polymorphe et associe souvent des céphalées en général bien tolérées, une atteinte d’une ou plusieurs paires crâniennes (de la troisième à la neuvième paire) et des voies longues (irritation pyramidale, voire quadriparésie).

Ces méningiomes posent essentiellement des problèmes chirurgicaux (indication et choix de la voie d’abord).

9- Méningiomes du foramen magnum :

Méningiomes intracrâniens (Suite)On regroupe, sous ce terme, les méningiomes situés entre le tiers inférieur du clivus et le bord supérieur du corps de C2.

Ils sont rares et se révèlent habituellement par des céphalées postérieures, une parésie des membres supérieurs et/ou inférieurs, ou des troubles sensitifs (paresthésies).

Le caractère régressif, faussement rassurant, des premiers symptômes est fréquent (ce qui a pu, avant l’ère de l’IRM, faire poser des diagnostics erronés de maladie démyélinisante).

Progressivement, le tableau s’enrichit de troubles sensitifs des membres supérieurs et/ou inférieurs, de troubles moteurs permanents qui, associés à des signes orientant vers la fosse postérieure (hypertension intracrânienne, syndrome cérébelleux, atteinte des nerfs mixtes ou des nerfs accessoire et hypoglosse) ont une grande valeur localisatrice.

10- Méningiomes sans attache durale :

Ils constituent des cas rares mais doivent être connus car ils sont un diagnostic différentiel d’autres tumeurs de la région où ils peuvent se développer.

On en décrit trois types.

* Méningiomes intraventriculaires :

Parmi ceux-ci, les méningiomes du IIIe et du IVe ventricule sont exceptionnels.

Seuls les méningiomes des ventricules latéraux ne représentant que 1 ou 2 % des méningiomes intracrâniens méritent d’être retenus.

Ils se développent aux dépens des cellules de la crête neurale, incluses au moment de la formation de la toile choroïdienne sur le bord libre de laquelle ils s’insèrent.

Leur localisation préférentielle est l’atrium ou le corps ventriculaire.

Cette localisation explique la longue tolérance du parenchyme adjacent.

En moyenne, le délai entre les premiers symptômes et le diagnostic est de 36 mois.

Ce sont surtout des céphalées banales (50 %), une détérioration mentale (30 %), moins souvent un déficit moteur, visuel (hémianopsie latérale homonyme) ou phasique (15 %).

Les crises comitiales sont exceptionnelles. Enfin, certains auteurs signalent l’existence de céphalées épisodiques, positionnelles ou de déficits transitoires.

Les exceptionnels méningiomes du IVe ventricule se manifestent essentiellement par une hypertension intracrânienne obstructive.

* Méningiomes du nerf optique :

Ils se développent à partir de cellules arachnoïdiennes situées le long du nerf optique, pouvant ainsi naître contre la portion intracanalaire ou intraorbitaire du nerf.

Leur qualification de « méningiome sans attache durale » est en réalité discutable, puisque la gaine intraorbitaire du nerf optique est une expansion durale sur laquelle ces tumeurs peuvent s’insérer.

Ces méningiomes restent beaucoup plus rares que les méningiomes intracrâniens sphéno-orbitaires, secondairement étendus à l’orbite.

Communément, c’est une baisse de l’acuité visuelle qui révèle la tumeur.

L’examen peut mettre en évidence une exophtalmie si la tumeur est volumineuse, des troubles de la mobilité du globe, une pâleur papillaire au fond d’oeil, un déficit campimétrique non systématisé.

* Méningiomes ectopiques :

Quatre types de méningiomes ectopiques sont rencontrés :

– les méningiomes primitivement intracérébraux, étendus secondairement aux tissus péricérébraux : voûte, périoste, scalp, envahissement ne préjugeant pas du caractère malin ou non de la lésion.

L’origine de cette extension est incertaine (granulations arachnoïdiennes, sutures, diploé).

Les méningiomes intra-extracrâniens de la voûte sont souvent parasagittaux, bilatéraux une fois sur deux, plus fréquent en région frontale ;

– les méningiomes naissant des cellules arachnoïdiennes situées le long des nerfs crâniens, au-delà de leur émergence à la base du crâne, comme le sont ceux développés dans l’orbite à distance du nerf optique ou au niveau du cou ;

– les méningiomes sans connexion apparente avec le trajet des nerfs crâniens : parenchyme cérébral, périoste de la voûte, diploé, scalp, parotide, maxillaire…

Ils naîtraient de cellules arachnoïdiennes embryonnaires ectopiques ;

– les métastases des méningiomes intracrâniens (médiastinales, pleurales, pulmonaires,…), rarissimes, peuvent être dues à des emboles tumoraux veineux.

Problèmes particuliers :

A – OEdème péritumoral :

Beaucoup de tumeurs du système nerveux central ont la faculté d’induire la formation d’un oedème péritumoral.

Si cela se comprend facilement dans le cadre de tumeurs malignes, à développement très rapide, envahissant la substance blanche, telles que les métastases et les glioblastomes, il est plus difficile de comprendre pourquoi les méningiomes, tumeurs extra-axiales le plus souvent bénignes, à croissance lente, s’accompagnent, dans plus de 60 % des cas, d’un oedème péritumoral.

Cet oedème n’est pas uniforme.

Il peut être péritumoral stricto sensu, intéressant la substance blanche circum méningiomateuse ou, au contraire, diffuser largement en « doigts de gant » dans la substance blanche de tout un lobe.

Sa présence va contribuer à aggraver considérablement la symptomatologie, provoquant un effet de masse et une hypertension intracrânienne bien supérieure à la seule présence de la masse tumorale.

Même si son caractère vasogénique est très largement admis, ses circonstances de survenue et ses mécanismes de formation ne sont pas encore parfaitement démontrés.

1- Faits constatés :

– Âge et sexe : il n’y a aucune influence de l’un ou de l’autre sur la présence de l’oedème.

– Symptomatologie : en dehors de quelques cas isolés, il n’y a pas de différence, dans la séméiologie, en fonction de la présence ou de l’absence d’oedème.

Aucune étude n’a mis en évidence une plus grande fréquence de la comitialité.

– Localisation : la plupart des séries montrent une prépondérance de l’oedème dans les méningiomes frontaux, de la petite aile du sphénoïde et de la convexité.

À l’opposé, l’oedème est rare dans les localisations sous-tentorielles.

– Taille : même si de nombreux auteurs ont remarqué la présence d’un oedème plus marqué dans les tumeurs de grande taille, d’autres n’ont pu établir de différence significative entre les petites et les grosses tumeurs, certaines petites tumeurs pouvant même s’accompagner d’oedèmes tumoraux intéressant presque tout un hémisphère.

– Histologie : si l’on excepte les « méningiomes angioblastiques ou hémangiopéricytiques » qui ne sont pas envisagés ici, puisque n’apparaissant plus comme des méningiomes dans la classification de l’OMS, il n’y a aucune corrélation statistique entre les divers types de méningiomes et la présence d’oedème.

Tout juste peut-on remarquer une tendance plus marquée à l’oedème pour les méningiomes bénins dans leur forme méningothéliomateuse ou transitionnelle ou pour les méningiomes atypiques.

– Vascularisation : l’hypervascularisation a depuis longtemps été associée à la présence d’un oedème péritumoral.

Plus récemment, cette notion s’est affirmée en faveur de la vascularisation piale qui semble jouer un rôle prépondérant puisque sa constatation s’accompagne d’un oedème cérébral dans une proportion considérable de méningiomes pouvant atteindre près de 100 % des cas.

2- Mécanismes de formation de l’oedème périméningiomateux (ou diffus) :

Ils restent encore sujets à discussion et laissent place à plusieurs hypothèses physiopathologiques.

Initialement, tout méningiome est séparé de la substance blanche par l’espace sous-arachnoïdien, la pie-mère et le cortex.

L’arachnoïde est imperméable aux fluides, la pie-mère est perméable à l’eau et aux électrolytes, mais imperméable aux macromolécules, et le cortex est, de par sa structure histologique, résistant à l’extension d’un oedème vasogénique.

Dès lors, l’existence d’un oedème périméningiomateux suppose une rupture de ces trois interfaces.

Après Go, d’autres auteurs ont montré qu’il n’y avait pas d’oedème lorsque l’on trouvait un plan de dissection avec une arachnoïde conservée.

Lorsque le plan est difficile à trouver, avec une arachnoïde très adhérente qui va se rompre à plusieurs reprises, ou que les vaisseaux sont enchâssés entre le méningiome et le cerveau, on retrouve un oedème péritumoral.

Enfin, lorsque le méningiome pénètre dans le cortex, on constate le plus souvent un oedème diffus.

La taille du méningiome peut également jouer un rôle dans la genèse de cet oedème vasogénique du fait de l’existence d’un gradient de pression vers la substance blanche, d’une part, et de la possible atrophie cérébrale périméningiomateuse, d’autre part.

Il a été en effet montré qu’il existait, à la périphérie des grosses tumeurs, une ischémie cérébrale par compression avec diminution du débit sanguin cérébral pouvant atteindre près de 30 %.

L’élément le mieux documenté actuellement est l’indiscutable corrélation entre la vascularisation piale des méningiomes et la présence d’un oedème, sous la dépendance d’un facteur de prolifération vasculaire, le VEGF (vascular endothelial growth factor) dont la présence est très significativement plus élevée (X 3) lorsqu’il existe un oedème périméningiomateux.

Malgré ces progrès récents dans la physiopathologie de l’oedème qui accompagne les méningiomes, plusieurs points restent obscurs :

– certains auteurs ont montré qu’il existait une activité sécrétoireexcrétoire au sein des méningiomes pouvant rendre compte de tout ou partie de l’oedème ;

– certaines petites tumeurs, peu vascularisées, facilement clivables, s’accompagnent d’un oedème ;

– en l’absence d’ischémie artérielle ou veineuse, certains oedèmes s’aggravent considérablement en postopératoire, et parfois alors même qu’il s’agissait d’un petit méningiome séparé du cortex par une interface arachnoïdienne.

Ces constatations laissent encore un large champ d’exploration pour la compréhension de cet oedème, mais les découvertes quotidiennes en biologie moléculaire en permettront une approche de plus en plus fine.

B – Méningiomes et épilepsie :

Les crises d’épilepsie appartiennent à la description de la symptomatologie clinique des méningiomes, notamment des méningiomes de la convexité et plus encore des méningiomes de la faux et parasagittaux.

Selon l’ancienneté des séries, les chiffres varient de 30 à 70 %.

La durée de l’épilepsie avant le diagnostic varie de quelques mois à plusieurs années, les délais s’étant beaucoup raccourcis depuis la pratique systématique de scanners ou d’IRM.

Il s’agit d’épilepsie focale ou généralisée, plus rarement d’épilepsie partielle complexe.

L’épilepsie postopératoire demeure un problème majeur, même en dehors de la survenue redoutable des états de mal postopératoires immédiats, responsables d’une grande partie de la mortalité postopératoire.

Sa fréquence est très difficile à apprécier car extrêmement variable selon les séries de la littérature, allant de moins de 10 % chez des malades indemnes d’épilepsie préopératoire à plus de 80 % pour des méningiomes parasagittaux ayant nécessité un sacrifice veineux.

Les causes de survenue d’une épilepsie postopératoire sont en rapport étroit avec la localisation médiane ou paramédiane des méningiomes, mais également avec l’existence d’une épilepsie préopératoire, les difficultés de dissection, les récidives, l’existence d’une hydrocéphalie.

En revanche, ni l’âge, ni l’histologie, ni l’oedème cérébral préopératoire, ni la survenue d’hématomes, ni les éventuelles infections postopératoires n’ont de réelle significativité sur la survenue d’une épilepsie postopératoire.

Celle-ci doit être combattue au maximum par la préservation la plus complète possible des veines de drainage, notamment des veines passant en pont audessus des méningiomes, surtout en région pariétale, mais aussi par le traitement anticomitial systématique et prolongé (minimum 18 mois) des malades à risques : comitialité préopératoire, localisations supratentorielles de la convexité.

C – Méningiomes et âge :

1- Chez l’enfant :

Même s’il est difficile d’apprécier les données épidémiologiques de la littérature à cause de la diversité dans la définition de l’âge limite de l’enfance ou de l’adolescence, on peut dire qu’au-dessous de 15 ans les méningiomes représentent un peu moins de 3 %des tumeurs du système nerveux et environ 2 % de l’ensemble des méningiomes.

Ils sont un peu plus fréquents chez le garçon.

Leurs localisations sont les mêmes que chez l’adulte, mais avec toutefois une plus grande fréquence pour les méningiomes intraventriculaires, sous-tentoriels ou sans attache durale.

Les méningiomes multiples sont plus rares (moins de 2,5 % contre 8 ou 9 % chez l’adulte).

Les méningiomes kystiques sont en revanche beaucoup plus fréquents (13 à 50 % contre 2 à 4,6 %chez l’adulte).

Cette particularité impose de ne jamais se contenter d’un diagnostic d’imagerie et de toujours avoir une preuve anatomopathologique avant d’entreprendre un traitement agressif (chimiothérapie ou radiothérapie) aveugle.

La prévalence de la NF2 peut atteindre 25 % et le méningiome peut être l’élément de découverte de la NF2.

Leur évolution est souvent différente, la croissance tumorale est plus rapide, les récidives plus fréquentes, de même que la transformation maligne.

Toutes ces particularités incitent à proposer une chirurgie d’exérèse radicale, large, la radiothérapie devant être évitée au maximum de par sa morbidité accrue chez l’enfant.

2- Chez le sujet âgé :

De nombreuses études ont montré l’incidence croissante de découverte de méningiomes avec l’âge, le taux augmentant régulièrement par tranches d’âge de 10 ans, jusqu’à 80 ans et plus.

Le vieillissement de la population, son meilleur état physiologique et les progrès considérables de l’imagerie permettent actuellement d’envisager l’exérèse de ces tumeurs après 70 ans, le problème essentiel étant d’évaluer le bénéfice que peuvent en escompter les patients au regard d’une histoire naturelle mal connue : certains peuvent mourir de leur méningiome mais d’autres mourront avec leur méningiome.

La découverte fortuite, sur un scanner ou une IRM, d’une tumeur évoquant le diagnostic de méningiome ne doit pas conduire systématiquement à une décision chirurgicale, mais à un contrôle et un suivi clinique et radiologique.

Ce n’est que devant des critères d’évolutivité indiscutables qu’une intervention peut être discutée.

La symptomatologie clinique des méningiomes du sujet âgé ne diffère pas de celle de l’adulte d’âge moyen.

Les critères d’opérabilité retiendront essentiellement l’état physiologique du sujet, mesuré sur l’indice de Karnofsky, les conditions pour une anesthésie générale éventuellement de longue durée, la localisation du méningiome.

Les localisations classiquement dangereuses, base, petite aile du sphénoïde dans son tiers médial, le sont encore plus chez le sujet âgé.

La morbidité chirurgicale est souvent plus élevée que dans la population générale, pouvant atteindre 50 %, faite essentiellement de ramollissements hémorragiques ou non, d’hématomes, de complications générales.

La mortalité est très diversement rapportée selon les séries : de moins de 4 % à 23%.

Les facteurs prédictifs de mauvais résultats sont un indice de Karnofsky préopératoire inférieur à 70, un déficit neurologique préopératoire, une insertion « dangereuse » du méningiome entraînant des durées d’intervention supérieures à 3 heures.

Savoir poser l’indication opératoire avec discernement, évaluer les risques potentiels et le bénéfice que peuvent en retirer les malades, demeurent les éléments incontournables de la décision thérapeutique, tout en sachant que, dans certaines séries de la littérature, l’abstention chirurgicale est grevée d’un lourd pronostic.

D – Méningiomes récidivants :

Dans sa célèbre monographie, Cushing s’étonnait de constater que même après une exérèse complète, des méningiomes pouvaient récidiver, en dépit du caractère habituellement bénin de leur histologie.

Ces faits, qui ont été très largement corroborés depuis cette époque, amènent à discuter de la fréquence des récidives, de leur authenticité (récidive vraie ou poursuite évolutive ?), de l’influence de l’histologie ou de certaines localisations et caractéristiques du méningiome.

1- Fréquence des récidives :

La croissance des méningiomes est le plus souvent lente et, de ce fait, seules les études faisant état d’un suivi suffisamment long peuvent permettre une approche plus précise de la fréquence des récidives.

C’est ainsi que Mirimanoff, faisant état d’une série rétrospective de 145 méningiomes bénins avec exérèse complète, estime que le taux de récidives à 15 ans serait de 32 %si tous les malades avaient été suivis pendant cette période.

De même Jääskeläinen a rapporté une étude portant sur 657 patients opérés de méningiomes uniques, bénins, sans maladie de Recklinghausen associée, dont 69 ont été suivis pendant 20 ans : le taux de récidives est de 11 % à 10 ans et 19 % à 20 ans.

2- Récidives ou poursuite évolutive ?

Même si, dans les séries rapportées précédemment, les auteurs font état d’exérèses complètes, il est bien difficile de les affirmer avec certitude, sauf à appliquer stricto sensu la classification de Simpson et de ne considérer comme exérèse complète que les grades I.

Dans les grades IV et V, le problème ne se pose pas puisqu’il n’y a pas eu d’exérèse tumorale.

Toute la discussion repose donc sur les grades II et III.

Dans les grades II, la dure-mère, même largement coagulée, est laissée en place et il est très difficile, voire impossible, de savoir si des éléments méningiomateux ne persistent pas au-delà ou au sein même de la dure-mère, pouvant occasionner une récidive tardive.

Dans les grades II et III, outre le problème de la dure-mère, la persistance de l’hyperostose en regard de l’insertion est indiscutablement un facteur de récidive locale.

Ce dernier point est facilement évaluable sur les données de l’imagerie (scanner en fenêtres osseuses), mais pour ce qui est de la persistance d’éléments méningiomateux au sein de la dure-mère, notamment basale ou au niveau des parois des sinus, il est très difficile de l’apprécier, même avec les performances actuelles de l’IRM.

Nous avons vu que si le terme de récidive peut s’appliquer aux seules exérèses de grade I de Simpson, dans tous les autres cas il est préférable de parler de poursuite évolutive.

Il en va de même pour les « récidives » qui surviennent à partir de petits bourgeons dure-mériens situés à distance de la tumeur principale et dont l’exérèse complète ne peut jamais être affirmée, conduisant parfois à une véritable méningiomatose évolutive, faisant évoquer un lien possible avec la NF2.

3- Histologie :

Avant la classification « moderne » de 1993, de très nombreux auteurs avaient rapporté la très grande fréquence des récidives dans les méningiomes malins.

Actuellement, compte tenu des difficultés d’instaurer un grading précis des critères de malignité, il est parfois difficile d’établir une différence significative entre les méningiomes atypiques et les méningiomes malins quant à leur potentiel de récidives.

Il apparaît cependant pour tous qu’il existe une très grande différence entre les méningiomes bénins et les autres, les récidives des méningiomes bénins avec exérèse complète étant de 2 % à 5 ans, alors qu’elles sont de 50 % pour les méningiomes atypiques. Reste le problème de la différenciation cellulaire lors de la récidive.

Les travaux de génétique les plus récents font apparaître comme très probable que les méningiomes sont des tumeurs monoclonales, ce qui expliquerait qu’un très petit nombre se transforment lors des récidives (2 %).

4- Facteurs de récidives :

Il apparaît indiscutable qu’un certain nombre de facteurs interviennent significativement dans la survenue des récidives :

– la localisation : méningiomes parasagittaux, de la base, de la petite aile du sphénoïde ;

– l’envahissement dure-mérien, notamment des sinus veineux ;

– l’hyperostose ;

– l’histologie : méningiomes atypiques ou malins ;

– la qualité de l’exérèse : grade de Simpson supérieur à II ;

– l’âge jeune. D’autres facteurs ont été moins constamment rapportés :

– la consistance molle de la tumeur ;

– la présence d’oedème ;

– la vascularisation piale du méningiome.

Il faut donc insister sur la nécessité d’un suivi prolongé avec imagerie et poser le problème des traitements non chirurgicaux lors d’exérèses incomplètes ou devant l’association de plusieurs facteurs significatifs de récidives.

E – Méningiomes multiples :

À côté du caractère éventuellement récidivant des méningiomes, une autre particularité de ces tumeurs mérite d’être soulignée, c’est leur possible multiplicité.

Les méningiomes multiples peuvent se rencontrer dans plusieurs circonstances.

1- Phacomatoses :

Dans le cadre général des phacomatoses, et plus précisément dans celui de la maladie de Recklinghausen, cela représente environ 50 % des méningiomes multiples. Ils sont alors associés aux neurofibromes cutanés, à des neurinomes de l’acoustique, uni- ou bilatéraux, à des angiomes, à des méningiomes rachidiens.

On les rencontre plus volontiers chez des sujets jeunes, de moins de 40 ans.

2- Découverte fortuite :

Lors du bilan pratiqué à la recherche d’une tumeur « ayant parlé », on découvre plusieurs méningiomes.

Ceux-ci peuvent être isolés, séparés les uns des autres, plus volontiers situés dans un même compartiment intracrânien ou, dans d’autres cas, réaliser une véritable méningiomatose avec une prolifération parfois considérable de petites tumeurs réalisant de multiples bourgeons pouvant s’étendre sur les méninges à partir d’une tumeur plus volumineuse, voire d’un méningiome en « plaque ».

Des classifications entre ces différentes formes ont été proposées, mais en fait nous pensons qu’il s’agit plus vraisemblablement de formes d’expression variée de la même maladie.

3- Postopératoires :

Il s’agit alors de méningiomes parfois récidivants, au voisinage de la zone opérée ou parfois naissant à distance de la première tumeur, dans un autre hémisphère, dans la fosse postérieure, dans le canal rachidien, il s’agit là d’une forme très particulière de méningiomes multiples qui n’apparaissent qu’après une première intervention portant sur un méningiome apparemment unique.

On peut penser que cette évolutivité les rapproche de la maladie de Recklinghausen. Une mention particulière doit être faite aux méningiomes multiples postradiothérapiques, qui semblent beaucoup plus fréquents que ceux survenant sans irradiation, ce qui repose le problème général des méningiomes radio-induits.

La fréquence des méningiomes multiples était, avant le scanner, évaluée à 2 %.

Les études plus récentes apportent des chiffres beaucoup plus élevés atteignant 8 à 10%, ce qui s’explique facilement pour les méningiomes multiples « concomitants » découverts lors du bilan scanographique.

La fréquence réelle reste bien plus difficile à évaluer pour ce qui concerne les méningiomes qui apparaissent après une première intervention, car plusieurs années peuvent s’écouler avant que n’apparaissent d’autres méningiomes.

La même remarque s’impose pour les méningiomes multiples postradiothérapiques.

Le problème se complique encore dans le cadre d’une maladie de Recklinghausen connue, puisque l’on peut voir des méningiomes apparaître plusieurs années après l’exérèse d’un neurinome de l’acoustique ou d’un gliome du nerf optique.

Il paraît vraisemblable qu’il s’agit là de formes voisines de maladies génétiques dont on ne connaît actuellement que certains aspects (maladie de Recklinghausen, neurinomes bilatéraux de l’acoustique).

Imagerie des méningiomes :

L’intérêt des radiographies simples du crâne a été rendu caduc par l’apparition du scanner et de l’IRM.

Les clichés simples peuvent, certes, révéler une exagération des sillons artériels méningés, une hyperostose, une érosion osseuse, des calcifications tumorales.

Mais il est devenu exceptionnel qu’un méningiome puisse être soupçonné à la lecture de clichés simples du crâne.

Et toutes ces images osseuses seront retrouvées comme signes accompagnateurs de l’image tumorale proprement dite sur des coupes tomodensitométriques traitées en fenêtres osseuses.

A – Tomodensitométrie :

La tomodensitométrie représente toujours, aujourd’hui, un moyen diagnostique fiable des méningiomes, puisque, selon les séries, on obtient entre 95 et 100 % de diagnostics positifs, les chiffres les plus bas étant dus à des difficultés d’interprétation dans des localisations particulières telles que le vertex ou le foramen magnum, plus généralement la base du crâne.

On admet que le scanner sans contraste détecte 85 % des méningiomes ; après injection iodée, il en détecte 95 %.

Seuls les petits méningiomes situés dans ces localisations particulières, mal explorées par des coupes tomodensitométriques axiales de routine, pourront échapper à cet examen.

Ainsi, si la clinique oriente vers une pathologie d’un « conduit » (canal optique, méat acoustique interne, foramen jugulaire…) ou de toute autre région anatomique exiguë ou difficile à explorer par le scanner (sinus caverneux, foramen magnum…), l’indication d’une IRM « de dépistage » d’emblée se justifie.

Sinon, le scanner garde toujours son intérêt, car il permet une meilleure analyse de l’os que l’IRM.

L’étude d’un méningiome, pratiquement purement osseux ou comportant une large hyperostose, sera plus fine au scanner.

De surcroît, il est plus rapide et coûte moins cher (ce qui est à prendre en compte en matière de surveillance radiologique postopératoire, plus qu’en matière de diagnostic initial).

Enfin et surtout, le scanner trouve tout son intérêt dans le bilan préopératoire des méningiomes de la base du crâne par la possibilité qu’il offre de pouvoir, sur la même image, montrer la tumeur et ses rapports osseux.

Ceci permet de planifier plus précisément le fraisage osseux de la base (rocher, grande aile du sphénoïde…) qu’il faudra réaliser pour accéder au méningiome.

Le scanner est réalisé classiquement en coupes axiales, éventuellement complétées de coupes coronales en fenêtres parenchymateuses, de coupes axiales et/ou coronales (selon la localisation) en fenêtres osseuses.

Les coupes coronales parenchymateuses, notamment pour les méningiomes de la voûte situés sur la ligne médiane ou pour les méningiomes de la tente du cervelet, sont désormais avantageusement supplantées par les coupes IRM dans les trois plans de l’espace.

Enfin, les reconstructions d’images tridimensionnelles présentent essentiellement un intérêt dans les méningiomes de la base du crâne.

1- Scanner sans injection de produit de contraste :

L’aspect typique du méningiome réalise une masse homogène à contours le plus souvent réguliers et nets, parfois polylobés, refoulant le parenchyme adjacent, présentant un point d’attache à une structure méningée et souvent osseuse.

L’étude des densités montre qu’il s’agit, dans 70 à 75 % des cas, d’une lésion hyperdense (entre 45 et 80 UH) au parenchyme cérébral, isodense (35-45 UH) dans 25 % des cas, exceptionnellement hypodense (1 à 5 % des cas).

Elle peut présenter des calcifications disséminées en son sein (20 à 25 % des cas), ce qui peut « artificiellement » rehausser par endroits sa densité et la faire apparaître hétérogène.

Elle est enfin entourée d’une zone hypodense dans plus de la moitié des cas (60 % environ), ce qui signifie l’existence d’un oedème associé qui a donné lieu à diverses interprétations.

Une nécrose hémorragique intratumorale est rare.

Dans les formes atypiques, on peut rencontrer des parties kystiques au sein de la partie charnue ou lui attenant en périphérie, réalisant des aspects trompeurs quant au diagnostic de nature, la confusion pouvant se faire avec des tumeurs gliales.

Parmi les méningiomes dits kystiques, on distingue des formes dont le kyste (parfois multiple) est centrotumoral, péritumoral ou à la fois intra- et péritumoral.

Le rehaussement après injection iodée de la paroi d’un kyste péritumoral incite à penser que cette paroi est méningiomateuse.

2- Après injection de produit de contraste :

On observe un rehaussement souvent intense de la lésion, homogène dans 90 %des cas.

Plus rarement le rehaussement est hétérogène, notamment dans les formes kystiques, le parenchyme tumoral pouvant ainsi prendre un aspect granulaire, étoilé ou cerclant une ou plusieurs zones prenant peu ou pas le contraste, évoquant des nécroses intratumorales.

Le diagnostic tomodensitométrique de méningiome sera alors étayé par :

– l’existence d’une insertion durale ;

– l’existence de signes osseux (hyperostose, sillons vasculaires) au niveau du point d’insertion de la tumeur sur des coupes travaillées en fenêtres osseuses.

Une lyse osseuse est plus rare mais n’élimine pas le diagnostic de méningiome.

Quelques auteurs ont essayé d’affiner le diagnostic de méningiome en définissant des images qui seraient en faveur d’une certaine agressivité évolutive, sinon histologique :

– présence d’un oedème périphérique important et absence de calcifications intratumorales ;

– présence d’une composante kystique ;

– rehaussement modéré et inhomogène à l’injection de produit de contraste ;

– irrégularité des contours de la tumeur.

En fait, les méningiomes malins ne peuvent pas être distingués de façon certaine sur les seules données tomodensitométriques.

Le caractère évolutif agressif de la tumeur est finalement mieux évalué par l’anamnèse et, en postopératoire, par la réapparition ou non, plus ou moins rapide, d’une récidive ou d’une poursuite évolutive en cas d’exérèse incomplète.

On peut seulement dire que l’existence de contours irréguliers est souvent le garant de difficultés de dissection entre le parenchyme sain et la tumeur.

Dans ce domaine, l’IRM est très supérieure au scanner.

B – Imagerie par résonance magnétique :

Contrairement à la plupart des tumeurs intracrâniennes, les méningiomes peuvent théoriquement échapper au diagnostic en IRM car ils ont assez fréquemment des signaux qui, en T1 et T2, sont semblables à ceux du cerveau normal : ainsi, la différence d’« intensité » entre la tumeur elle-même et le parenchyme peut être très faible, conduisant à des faux négatifs ou à des erreurs d’interprétation, en l’absence d’effet de masse.

Cependant, les protocoles d’examen actuels incluant une utilisation fréquente du gadolinium intraveineux rendent très peu probable l’existence de faux négatifs en matière de méningiomes, même de petite taille.

L’existence d’une relation entre le signal IRM et la consistance, la vascularisation et l’histologie des méningiomes est controversée.

Les études évoquant de telles corrélations portent surtout sur les signaux IRM en fonction de l’histologie des méningiomes.

Les études portant sur leur consistance sont pourtant plus intéressantes sur un plan pratique, car cette consistance est le premier facteur conditionnant la qualité de l’exérèse des méningiomes de localisation difficile.

Les séquences pondérées T1 sont, en tout cas, les moins performantes.

Il n’existe en effet pas de corrélation entre l’intensité du signal en T1, la consistance de la tumeur et son type histologique.

En revanche, l’hyperintensité relative de la tumeur (rapportée à celle de la substance grise) en séquence pondérée T2 est corrélée à l’importance de sa vascularisation.

De même, les méningiomes de consistance molle ou ayant des atypies cellulaires ou des composantes mélaniques, angioblastiques ou syncytiales sont significativement plus souvent hyperintenses en T2, comparativement à la substance grise.

Les méningiomes hypo-intenses au cortex en T2 sont plutôt, eux, fibroblastiques ou transitionnels.

Mais, en réalité, cette corrélation entre les signaux IRM en T2 des méningiomes et leurs types histologiques n’est pas suffisamment constante (satisfaisante dans seulement 50 à 75 % des cas, pour permettre d’en prévoir, de façon fiable, la nature.

Concernant la seule consistance, Yamaguchi admet que celle-ci dépend de la proportion d’eau dans la tumeur et de son caractère fibroblastique.

Il n’existe aucune corrélation entre le caractère histologique d’un méningiome et sa consistance.

Mais concernant sa teneur en eau, on retrouve effectivement une corrélation significative entre l’aspect en T2 et en densité protonique (DP) de la tumeur et sa consistance.

En effet, environ trois quarts des méningiomes mous (opératoirement) sont hyperintenses en T2 et en DP et, surtout, 94 % des méningiomes fibreux sont hypo- ou iso-intenses en T2 et près de 80 % hypo- ou iso-intenses en DP.

Au total, tous méningiomes confondus, on peut dire que, sur les séquences pondérées en T1, environ deux tiers des méningiomes sont en isosignal par rapport à la substance grise et un tiers en hyposignal.

Sur les séquences pondérées en T2, un peu moins de la moitié restent iso-intenses.

Les autres sont hyperintenses ou hypo-intenses. Sur les séquences pondérées en T1, pratiquement tous les méningiomes se rehaussent après injection de gadolinium intraveineux.

Et c’est là un moyen fiable d’éviter les faux négatifs.

Ce rehaussement intense et homogène de la tumeur est parfois supérieur à celui qui existe au scanner après injection d’iode.

Dans les cas de méningiomes kystiques, l’IRM permet d’analyser mieux les parois des kystes dont le contenu apparaît soit iso-intense, soit hyperintense en T2 par rapport au liquide cérébrospinal, sans corrélation possible avec la nature du liquide kystique (hémosidérinique, nécrotique ou cérébrospinal).

Sur les données IRM, Wasenko distingue les kystes intratumoraux, les kystes intracérébraux adjacents et ceux interposés entre tumeur et parenchyme cérébral.

Le rehaussement au gadolinium de la paroi du kyste est en faveur d’un kyste intratumoral et donc de la nature méningiomateuse de cette paroi.

Mais l’IRM ne permet pas toujours, face à une tumeur kystique accolée à la dure-mère, de faire formellement le diagnostic différentiel entre méningiome et tumeur gliale, par exemple.

Une attention particulière doit être portée à la présence d’un rehaussement après injection de gadolinium (en séquence pondérée T1) de la dure-mère périméningiomateuse, réalisant une image dite « queue du méningiome » non visible en tomodensitométrie.

Ce rehaussement, qui stricto sensu est à distinguer d’un véritable épaississement tumoral en « plaque » péritumoral, est hautement évocateur, sans être spécifique, des méningiomes. Il n’est pas corrélé au caractère agressif de la tumeur.

Cette image est classiquement attribuée à une prolifération d’un tissu conjonctif hypervascularisé, mais peut aussi correspondre à une extension méningiomateuse.

Ainsi, la prudence veut que l’on fasse l’exérèse de cette dure-mère en même temps que le méningiome lui-même, surtout si cette « queue » est épaisse ou d’aspect discontinu.

L’oedème péritumoral, visible en séquence pondérée T1 sous forme d’une image hypo-intense de la substance blanche adjacente au méningiome, est encore mieux vu en T2.

Cette séquence peut révéler un oedème parfois considérable, sous forme d’une large image hyperintense de la substance blanche de tout un hémisphère ou encore un oedème plus discret, non ou peu visible au scanner ou en séquence IRM pondérée en T1.

Plus intéressante sur le plan chirurgical est la constatation, dans deux tiers des cas, d’un liseré d’hyposignal en T1, à la périphérie de la tumeur, la démarquant ainsi du parenchyme cérébral : il correspond, le plus souvent, à un très mince espace dans lequel est emprisonné du liquide cérébrospinal mais peut également représenter des veines périphériques nombreuses et dilatées, des branches artérielles déplacées ou du tissu collagène, si ce liseré reste hypo-intense en T2.

L’existence d’un liseré hypo-intense en T1 et hyperintense en T2 signe l’existence d’une interface liquidienne entre la tumeur et le cortex et présage une dissection facile du méningiome.

À l’inverse, des contours irréguliers, dentés, sans interface visible entre tumeur et parenchyme cérébral, voire inclusion de vaisseaux corticaux à la périphérie de la tumeur, laissent présager une dissection laborieuse de la tumeur.

La comparaison entre scanner et IRM reste favorable au scanner concernant la « présence » même de la tumeur, la visualisation des calcifications, de l’hyperostose et les rapports os-tumeur dans le cas des méningiomes de la base.

Cependant, les déplacements des structures avoisinantes, l’existence ou non d’une interface liquidienne tumeur-parenchyme cérébral, l’appréciation de la consistance du méningiome, sont mieux analysés en IRM.

De même, l’IRM devient extrêmement performante dans les localisations où le scanner peut être en défaut : vertex, tente du cervelet, sinus caverneux, fosse postérieure, foramen magnum, conduits.

Dans tous ces cas, l’acquisition d’images dans les plans sagittal et coronal donne des renseignements supérieurs à ceux du scanner dont l’interprétation est très gênée par les artefacts osseux ou les effets de volumes partiels.

En conclusion, certains méningiomes peuvent n’être diagnostiqués et traités que sur les seules données du scanner réalisé en fenêtres parenchymateuses sans et après injection iodée (méningiomes de la voûte en particulier).

Les autres bénéficient d’un complément d’examen par IRM et éventuellement d’une étude tomodensitométrique en fenêtres osseuses.

C – Artériographie :

Étant pour la plupart des tumeurs richement vascularisées, généralement plus que les neurinomes, et insérées sur la dure-mère, les méningiomes apparaissent sous forme d’un blush tumoral, après opacification des artères méningées.

Une vascularisation piale est également possible, imposant de compléter l’angiographie carotidienne externe par une injection des axes encéphaliques.

Typiquement, ce blush vasculaire a un aspect radiaire, d’autant plus riche que l’injection iodée au scanner aura montré un rehaussement intense.

Cet examen a néanmoins quasiment disparu aujourd’hui des moyens diagnostiques, pour apparaître comme un éventuel élément d’une stratégie, voire d’un moyen thérapeutique de complément.

Elle est en effet surtout réalisée dans le cadre d’une embolisation des pédicules nourriciers du méningiome préalablement à l’exérèse chirurgicale.

L’artériographie permet aussi d’étudier précisément les rapports potentiels étroits, soupçonnés en IRM, entre le méningiome et des veines corticales en territoire cérébral fonctionnel.

Dans le cadre particulier des méningiomes envahissant potentiellement un sinus veineux, l’artériographie peut actuellement être supplantée, dans certains cas particuliers, par l’angio-MR, à visée préopératoire.

Cet examen est en mesure d’affirmer le caractère parfaitement perméable, ou au contraire totalement occlus, de ce sinus.

Dans les cas intermédiaires, l’artériographie conventionnelle reste le seul moyen d’apprécier le calibre restant d’un sinus partiellement thrombosé, la qualité du flux des veines adjacentes s’y drainant et l’existence d’éventuelles voies veineuses de suppléance.

Traitement :

A – Chirurgie :

Les méningiomes sont les tumeurs intracrâniennes qui demeurent, par excellence, du domaine de la neurochirurgie : leur traitement est avant tout chirurgical.

Les autres possibilités ou compléments thérapeutiques plus récents : embolisation, traitements antihormones sexuelles, irradiation multifaisceaux,… n’ont cependant pas remis en cause, dans la grande majorité des cas, la prépondérance du traitement chirurgical, quelquefois suivi d’une radiothérapie conventionnelle complémentaire.

La chirurgie doit s’efforcer d’être aussi radicale que possible, car seule une exérèse totale offre les meilleures chances de guérison définitive avec le minimum de récidives.

Toutes les séries de la littérature sont en accord avec les critères de Simpson, et si des taux de récidive, dans les trois premiers grades, atteignent 5 à 10%15 ans après l’exérèse, ils peuvent aller au-delà de 30 %, voire 50 à 60 % dans les stades IV et V qui représentent des exérèses très incomplètes.

Les possibilités d’exérèse totale sont évidemment en relation étroite avec la localisation des méningiomes : actuellement, seuls les méningiomes envahissant les méninges de la base, le sinus caverneux demeurent d’exérèse totale (Simpson I ou II) quasi impossible.

Dans ces localisations basales, la qualité de l’exérèse dépend essentiellement de la consistance de la tumeur.

Une tumeur très fibreuse, dense, ne se laissant pas pulvériser à l’aspiration ultrasonique, résistante à la pince à biopsie, est d’exérèse toujours difficile, même si les lasers permettent maintenant de travailler là où les ultrasons sont inefficaces.

Cette difficulté est liée alors à l’impossibilité de mobiliser « en masse » le méningiome, rendant laborieuse la dissection des nerfs crâniens et des vaisseaux encéphaliques, eux-mêmes parfois très adhérents à la tumeur.

L’exérèse chirurgicale des méningiomes qui envahissent la paroi latérale du sinus caverneux est le plus souvent impossible sans lésions de nerf(s) crânien(s), hormis les rares méningiomes particulièrement mous.

À un moindre degré, les méningiomes parasagittaux dans leur moitié postérieure ou les méningiomes de la tente du cervelet, envahissant le sinus droit ou le confluent postérieur des sinus, restent d’exérèse très difficile, en tout cas très risquée.

Pour presque tous les autres, l’ablation de la tumeur et, si possible, de sa dure-mère d’insertion et sa zone osseuse d’insertion doit être tentée dès lors que l’indication chirurgicale est retenue.

En ce qui concerne les méningiomes osseux ou les importantes hyperostoses réactionnelles qui peuvent parfois paraître inenlevables car s’étendant largement sur la base du crâne, on doit s’efforcer, là encore, d’en faire un fraisage radical en utilisant des voies d’abord combinées, en collaboration éventuelle avec d’autres disciplines chirurgicales (oto-rhino-laryngologique, maxillofaciale).

D’une façon générale, les techniques d’exérèse des méningiomes sont celles des tumeurs extra-axiales.

Idéalement, et hormis pour les méningiomes géants ou de localisation difficile, la tumeur sera disséquée des structures nobles adjacentes (cortex, nerfs crâniens, vaisseaux) et retirée en un bloc, emportant la dure-mère d’insertion.

Dans les cas de très volumineux méningiomes, l’exérèse dite centrotumorale initiale permet de mobiliser ensuite plus aisément la paroi du méningiome et de la disséquer ensuite des structures nobles.

Le caractère hypervascularisé de la tumeur peut conduire à la désinsérer, si possible et de première intention, pour interrompre la vascularisation d’origine durale de la tumeur.

L’exérèse des méningiomes de localisation difficile (base, sinus caverneux…) associe, le plus souvent, les gestes simultanés de réduction tumorale-dissection des structures noblescoagulation des vaisseaux intratumoraux.

Les plasties durales d’étanchéité sont réalisées à l’aide de périoste autologue ou de matériaux synthétiques.

Enfin, l’exérèse des méningiomes osseux ou des hyperostoses utilise soit les techniques de fraisage, soit les techniques d’exérèse osseuse en bloc, suivies de reconstruction par greffe osseuse autologue ou par matériel prothétique.

B – Radiothérapie :

Si le traitement chirurgical demeure l’élément fondamental de l’arsenal thérapeutique, il n’est toutefois pas toujours suffisant pour traiter de façon radicale et définitive certains méningiomes.

Les progrès techniques permettent des exérèses au moins subtotales de tumeurs envahissant la base ou le sinus caverneux, mais la règle doit toujours être respectée d’offrir au patient les meilleures chances de guérison au prix de la moindre mortalité ou morbidité.

Dans cette optique, la radiothérapie conventionnelle et, mieux encore, l’irradiation multifaisceaux constituent des outils thérapeutiques intéressants.

Radiothérapie fractionnée :

Elle peut être appliquée soit dans les méningiomes atypiques ou malins, soit dans les exérèses incomplètes (grades III et IV de Simpson), soit dans les récidives.

En 1987, Barbaro rapportait que, dans deux groupes de méningiomes partiellement enlevés, le taux de récidives à 15 ans était de 60 %, alors qu’il n’était que de 32 % pour les malades irradiés.

 En 1988, Taylor donnait des chiffres encore plus élevés (69 %versus 15 %).

Plus récemment, en 1994, Goldsmith a rapporté des résultats de même nature sur une série de 140 patients ayant eu des exérèses incomplètes, précisant le devenir en fonction du grade histologique et des progrès de l’irradiation : dans les méningiomes bénins, aucune progression tumorale à 5 ans dans 89 % des cas (77 % avant 1980 et 98 % après 1980).

Ce dernier chiffre est impressionnant si on le compare aux 50 %de récidives à 5 ans pour des exérèses incomplètes sans radiothérapie. Dans le cadre des méningiomes malins, les résultats, portant sur des chiffres beaucoup plus réduits, sont également encourageants, avec 48 % d’absence de progression tumorale à 5 ans.

La morbidité de ce traitement reste controversée : trop importante pour Al Mefty, elle semble toutefois rester dans les limites acceptables (<5 %) pour d’autres, incluant des troubles visuels, des perturbations hormonales, une radionécrose tardive, le développement d’autres tumeurs.

L’irradiation multifaisceaux représente un atout majeur pour traiter des méningiomes de petit volume (moins de 45 mm de diamètre), distants de 3 à 5 mm des voies optiques, dont l’exérèse complète ne peut s’envisager sans risques majeurs pour le patient.

Elle peut même être envisagée, dans certains cas, comme un traitement de première intention. Les méningiomes représentent en effet une « cible » idéale pour l’irradiation stéréotaxique multifaisceaux :

– ils sont habituellement bien délimités et envahissent rarement le cerveau ;

– ils sont parfaitement bien vus et circonscrits sur l’IRM ou le scanner, permettant de planifier au mieux les doses d’irradiation ;

– ils peuvent être détectés, même très petits ;

– ils poussent en général lentement, permettant à l’involution vasculaire radio-induite de produire ses effets ;

– leur vascularisation est comprise dans le champ d’irradiation, permettant là également les thromboses des vaisseaux nourriciers ;

– elle réduit les risques neurologiques inhérents à la chirurgie dans les méningiomes de la base (sinus caverneux) ;

– elle peut s’appliquer chez des sujets âgés chez qui l’anesthésie générale peut être dangereuse.

Ses résultats sont très encourageants, faisant état de stabilisation des lésions ou de réduction de volume tumoral de plus de 90 %, notamment pour des méningiomes du sinus caverneux.

Sa morbidité rejoint celle de l’irradiation conventionnelle ou semble même moindre dans certaines séries récentes dont le recul n’est toutefois peut-être pas suffisant.

C – Autres traitements :

1- Traitements antihormonaux :

Les très nombreux travaux concernant la découverte de récepteurs hormonaux au sein des méningiomes, et notamment des RP, avaient fait naître l’espoir de possibilités thérapeutiques avec l’utilisation d’une molécule antiprogestérone, le RU486 ou mifépristone.

Cette drogue, qui possède une très grande affinité pour les RP, a montré des effets antiprogestatifs et cytotoxiques sur des lignées cellulaires de cancer du sein, mais aussi de méningiomes.

Elle a également montré un effet réducteur de volume sur des méningiomes implantés dans la capsule rénale de la souris nude, mais malheureusement sans qu’il y ait de corrélation avec la présence ou l’absence de RP.

Ses effets in vivo, chez l’homme, restent donc inconnus, en attendant les résultats d’une étude multicentrique française non encore publiés.

2- Chimiothérapie :

Les essais de chimiothérapie pour le traitement des méningiomes incomplètement réséqués sont peu nombreux.

L’utilisation de polychimiothérapie de type CAV (cyclophosphamide, adriamycine, vincristine) n’a permis que des réponses partielles transitoires.

Récemment, il a été montré que des tumeurs greffées chez la souris nude régressaient sous l’effet d’une chimiothérapie par hydroxyurée.

Cette drogue, peu toxique, est largement utilisée en hématologie dans le traitement des leucémies.

Elle présente l’avantage de pouvoir être administrée par voie orale en continu, sans toxicité importante et sous simple surveillance de l’hémogramme.

Elle induirait l’apoptose des cellules de méningiome in vitro.

Chez l’homme, des données préliminaires ont été rapportées chez cinq patients, quatre porteurs de méningiome de grade I et un de grade III.

Deux patients ont eu une régression de 75 % après 10 et 13 mois de traitement, un troisième n’a plus eu de tumeur après 2 ans de traitement.

Un dernier patient n’avait que cinq mois de recul avec une réponse mineure.

Ces données encourageantes méritent une confirmation avant l’utilisation plus large de cette chimiothérapie.

D – Indications :

Une revue générale des méningiomes intracrâniens ne peut en préciser dans le détail les indications thérapeutiques, mais seulement en tracer les grandes lignes.

Celles-ci doivent avant tout tenir compte de quatre facteurs : la symptomatologie et l’âge physiologique du patient, la localisation et la taille du méningiome.

Le problème de la symptomatologie pose essentiellement celui des tumeurs asymptomatiques et donc de leur histoire naturelle.

On peut exclure de ce cadre les méningiomes « non usuels » dont l’agressivité histologique ne manque pas d’entraîner rapidement des signes cliniques.

Sur la série de 60 méningiomes asymptomatiques suivis par Olivero, dont 45 suivis par scanner, 35 n’ont pas augmenté de volume sur une période moyenne de 29 mois et 10 ont augmenté de volume selon une croissance moyenne de 0,24 cm par an. Les données autopsiques concluent, elles, à une incidence des méningiomes d’environ 2,3 % (3 % après 60 ans), chiffre à rapprocher de l’incidence des méningiomes diagnostiqués de 2,3/100 000 sujets vivants. Ces données font penser que l’histoire naturelle commune de ces tumeurs est une évolution nulle ou lente sur des périodes se chiffrant en années.

Ceci rend raisonnable la surveillance d’un malade chez qui on découvre fortuitement un méningiome.

Mais on doit sans doute nuancer cette attitude chez les malades jeunes (< 50 ans), porteurs de méningiomes asymptomatiques dont la taille est conséquente (> 3 ou 4 cm) et d’exérèse facile, situations en réalité assez rares.

Dès lors qu’un méningiome devient symptomatique (céphalées tenaces, épilepsie, signes neurologiques), le traitement doit être envisagé.

Comme nous l’avons dit, l’exérèse chirurgicale reste le traitement de choix, ce d’autant que le geste permet une exérèse de type Simpson I ou II.

Mais l’indication chirurgicale prend en compte la taille, la localisation de la tumeur et l’âge du malade.

Elle est d’autant plus justifiée qu’il s’agit d’un méningiome de localisation facile, chez un patient jeune (< 60 ans) alors que, pour un patient âgé (> 70 ans), on peut s’abstenir ou surveiller, à condition que la symptomatologie entraînée par la tumeur soit tolérable ou traitable médicalement (épilepsie).

Un volumineux méningiome de localisation difficile chez un patient de moins de 60 ans mérite une exérèse au moins partielle, alors qu’un petit méningiome de localisation difficile chez un patient plus âgé mérite une irradiation multifaisceaux (si celle-ci est réalisable) ou, sinon, l’abstention.

Entre ces cas de figure, l’indication chirurgicale doit être pesée raisonnablement, cas par cas et en accord avec le patient.

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