Mélanome

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Épidémiologie :

A – ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE : INCIDENCE, MORTALITÉ ET RÉPARTITION

Le mélanome a vu son incidence augmenter dans toutes les populations à peau claire, en particulier dans les tranches d’âge de 30 à 50 ans.

Cette incidence est en augmentation depuis ces 30 dernières années dans tous les pays développés.

Elle varie d’un facteur 100 en fonction de la localisation géographique.

MélanomeL’incidence chez les sujets blancs est supérieure à celle des sujets à peau foncée.

L’incidence chez les Noirs américains et africains est supérieure à celle des sujets asiatiques.

La plus élevée est observée en Australie : 40 cas pour 100 000 habitants par an.

La plus faible incidence concerne la Chine, l’Inde, le Japon et Singapour (< 0,5 cas pour 100 000 habitants par an).

Dans les pays occidentaux, c’est l’une des tumeurs dont l’incidence augmente le plus.

En France, l’incidence est de 7 à 10 cas pour 100 000 habitants pour l’année 1995.

Dans les pays de la communauté européenne, la mortalité due au mélanome a augmenté dans les deux sexes au cours de la période 1970-1990 : cette augmentation a été de 89,2 % chez les hommes et de 72,6 % chez les femmes ; elle a été plus marquée chez les hommes de plus de 45 ans et chez les femmes de plus de 65 ans.

En France, l’augmentation de la mortalité par mélanome a été de 6 % par an entre 1895 et 1925 et de 7,7 % entre la fin des années 1950 et le début des années 1980.

Pour la période 1970-1990, la mortalité a augmenté de plus de 100 % dans les deux sexes et de façon uniforme dans les différents groupes d’âge.

Les sites de prédilection diffèrent selon le sexe : tronc et membres supérieurs chez l’homme, membres inférieurs et supérieurs chez la femme.

L’augmentation de l’incidence est plus prononcée chez les sujets d’âge moyen.

Chez les sujets âgés, les mélanomes acrolentigineux et nodulaires sont les plus fréquents alors que chez les sujets jeunes les mélanomes les plus fréquents sont ceux à extension superficielle (SSM : superficial spreading melanoma).

C’est une tumeur exceptionnelle chez l’enfant.

L’augmentation d’incidence des mélanomes de faible épaisseur est plus forte que celle des mélanomes épais.

B – FACTEURS DE RISQUE :

1- Facteurs constitutifs :

* Phototype :

Les individus ayant une peau claire qui ne bronze pas ou très peu et qui brûle (coups de soleil) lors des expositions solaires (phototypes I et II de la classification Fitzpatrick) sont plus exposés au risque de mélanome que les individus qui bronzent facilement (phototypes IV et V).

Ce risque est majoré par la survenue de nombreux coups de soleil bulleux dans l’enfance.

La présence de nombreux lentigos solaires permet de repérer cette susceptibilité accrue aux rayons ultraviolets (UV).

La pigmentation raciale et le phototype cutané sont des facteurs importants puisque le mélanome est sept à huit fois moins fréquent chez les Noirs et les Orientaux que chez les sujets à peau blanche vivant dans le même pays.

* Association nævus-mélanome :

Certains mélanomes, au vu de critères cliniques et histopathologiques, apparaissent sur des nævus préexistants qui peuvent être banals, congénitaux ou atypiques.

L’absence de méthode satisfaisante pour apprécier la fréquence des mélanomes sur nævus explique que, selon les études, 5 à 70% des mélanomes sont attribués à la transformation d’un nævus.

+ Mélanome et nævus acquis préexistant :

L’absence de méthodes satisfaisantes pour apprécier la fréquence des mélanomes sur nævus explique que, selon les études, ce pourcentage varie de 5 à 70%.

Les nævus peuvent constituer des marqueurs de risque du mélanome lorsqu’ils sont nombreux et que leur taille excède 6 mm.

Le type SSM semble prédominant.

Dans une étude prospective française, Richard et al ont pu montrer que le nombre de nævus augmentait proportionnellement à l’exposition solaire dans une population blanche dont l’âge médian était de 20 ans.

Ils ont montré également que la peau exposée de manière permanente au soleil était le siège de petits nævus typiques, alors que la peau exposée de manière intermittente était le siège de grands nævus atypiques.

Le sujet jeune à peau blanche a généralement 20 à 40 nævus banals acquis sur l’ensemble du tégument, dont la très grande majorité sont des lésions bénignes non évolutives qui involuent avec le temps.

Le risque de transformation maligne d’un nævus banal semble très faible (1 pour 7 000).

L’exérèse prophylactique de ces lésions est inutile.

+ Mélanome et nævus congénital :

La fréquence du nævus pigmentaire congénital est de 1 à 2,5 %, la forme géante (diamètre supérieur à 20 cm) représentant 1 % des cas.

Le risque de transformation au cours de la vie d’un nævus congénital géant en mélanome est estimé entre 5 et 15 %.

Ce risque est proportionnel à la surface de la lésion.

Cette transformation survient le plus souvent chez l’enfant de moins de 5 ans (60 %), plus rarement à l’adolescence (10 %) et à l’âge adulte (30 %).

L’étude rétrospective réalisée par Lorentzen et al est la plus utile à ce jour pour évaluer le risque de transformation maligne de ces nævus.

Elle concerne 150 sujets atteints de grands nævus congénitaux suivis pendant 60 ans au travers des registres de cancérologie de Scandinavie.

Elle conclut que le risque de transformation maligne peut être évalué à 4 % ; ce risque, considéré comme élevé, constitue une forte justification à l’excision chirurgicale prophylactique de ces lésions.

La mélanose neurocutanée est une entité rare qui associe la présence d’un grand nævus congénital du cuir chevelu et/ou de la partie supérieure du dos à une mélanose neuroméningée.

Elle peut être responsable d’hydrocéphalie et de convulsions chez l’enfant.

Ces enfants peuvent développer un mélanome leptoméningé.

+ Mélanome et nævus atypique :

Le nævus dysplasique décrit initialement dans les formes familiales, puis dans les formes sporadiques, a été le sujet de multiples controverses et le terme d’« atypique » ou « nævus de Clark » semble être actuellement le plus approprié.

Les nævus atypiques sont généralement multiples, siègent volontiers sur le tronc et apparaissent pour la plupart entre 10 et 20 ans.

Plus grands que les nævus banals (> 6 mm), leurs bords sont irréguliers, mal définis, et leur couleur est inhomogène, pouvant aller du noir au rose en passant par le brun, voire le bleu.

On y observe fréquemment un érythème qui s’efface à la vitropression.

La survenue de nævus atypique peut être suspectée chez l’enfant dès l’âge de 5 ou 6 ans, dès lors qu’il existe de nombreux nævus d’apparence banale, notamment sur le cuir chevelu.

Histologiquement, il s’agit d’un nævus jonctionnel avec une hyperplasie mélanocytaire lentigineuse associée à des atypies nucléaires.

Il se distingue donc des autres nævus par ses atypies architecturales et cytologiques et sa réaction stromale.

L’existence de nævus atypique est corrélée à une augmentation du risque de mélanome ; ce risque est d’autant plus élevé qu’il est associé à un contexte familial de nævus atypique et/ou d’antécédents de mélanome familial ou personnel.

En effet, le risque de développer une tumeur maligne pour des sujets ayant des nævus atypiques sans antécédents familiaux de mélanome est multiplié par 80.

Si ces mêmes sujets ont en outre des antécédents familiaux de mélanome avec un parent du premier degré atteint, leur risque est alors multiplié par 100 à 400.

Cependant, la transformation maligne ne survient pas uniquement sur un nævus atypique préexistant, le mélanome peut se développer de novo.

Ainsi, l’exérèse prophylactique de tous les nævus cliniquement atypiques n’élimine pas chez ces sujets le risque de mélanome.

Il est nécessaire de mettre en place une surveillance clinique et éventuellement dermatoscopique des nævus atypiques.

Ces lésions ne seront excisées qu’en cas de suspicion de lésion maligne.

La présence de nævus atypiques doit être considérée comme un facteur de risque de développer un mélanome sur l’ensemble du tégument et pas seulement à partir des nævus atypiques.

* Mélanome et antécédents familiaux de mélanome :

Un antécédent familial de mélanome, en particulier dans la parenté du premier degré, augmente le risque de mélanome d’environ deux à trois fois.

Environ 10 % des mélanomes surviennent dans un contexte familial, défini comme le développement d’au moins deux mélanomes sur trois générations.

Le syndrome du nævus atypique est souvent familial.

La présence de nævus atypiques permet d’identifier, dans les familles de mélanomes, les sujets à haut risque (risque proche de 100 %).

La prédisposition au mélanome est peut-être génétiquement hétérogène (portée par des gènes différents selon les cas).

L’étude de délétion sur le site 9p21 a permis de soupçonner des gènes de prédisposition au mélanome dont CDKN2/MTS 1 qui code la synthèse de la protéine p16 capable de réguler la réplication cellulaire.

2- Facteurs exogènes et comportementaux :

* Soleil :

La plus forte incidence du mélanome est observée dans les pays à fort ensoleillement où il touche principalement les Blancs (Australie, Israël, Afrique du Sud).

L’exposition de la peau au soleil ou aux rayons UV artificiels est le seul facteur exogène pour lequel l’augmentation du risque de mélanome est démontrée.

Le rôle cancérigène des UVB (280 à 320 nm) est démontré.

La relation avec les UVA (320 à 400 nm) est moins directe, mais elle a été récemment mise en évidence à la fois par des données expérimentales et épidémiologiques.

Si l’ensemble des études épidémiologiques a montré l’existence certaine d’une relation entre l’exposition aux UV et la survenue de mélanome, celle-ci paraît complexe.

Il existe surtout une corrélation entre une exposition solaire intense et intermittente et la survenue de mélanome.

En effet, l’exposition intermittente à de fortes doses d’UV, et en particulier celle responsable de la survenue de coups de soleil dans l’enfance, conférerait un risque accru de mélanome, contrairement à une exposition continue sur une longue période, même si la dose reçue est plus élevée.

Cette hypothèse n’est pas valable dans le cas du lentigo malin (LM).

La relation entre le développement du mélanome et la durée totale d’exposition est toutefois complexe et influencée par de nombreuses caractéristiques du sujet dont sa capacité à bronzer.

L’exposition aux UV artificiels produits par les lampes et les bancs solaires augmente également le risque de mélanome.

La prévention primaire a pour but de réduire les habitudes d’exposition solaire en enseignant le rôle néfaste du soleil surtout chez les enfants.

* Facteur hormonal :

Il a été démontré qu’il n’existe pas d’association entre l’utilisation de contraceptifs oraux et le risque de mélanome.

* État immunitaire :

Les états d’immunodépression favorisent la survenue du mélanome.

Un taux accru de mélanomes a été mis en évidence chez les patients immunodéprimés (en attente de greffe rénale, traités par des médicaments immunosuppresseurs cytotoxiques, atteints de maladie de Hodgkin).

Ces malades doivent être régulièrement surveillés. Les troubles de la réparation de l’acide désoxyribonucléique (ADN), comme dans le xenoderma pigmentosum, s’accompagnent d’un risque élevé, 1 000 fois plus grand que dans la population normale, de développer un mélanome.

Chez ces malades, la distribution topographique des mélanomes est différente de celle de la population générale, siégeant surtout dans les zones découvertes.

Le rôle de l’exposition solaire est donc indiscutable dans l’induction de ces mélanomes, mais les mécanismes de carcinogenèse sont différents de ceux des cancers cutanés épithéliaux.

En résumé : les données épidémiologiques sur le mélanome montrent que deux types de facteurs de risque ont été identifiés : facteurs individuels, constitutifs (phototype, nombre de nævus, nævus atypiques, nævus congénitaux, antécédents personnels ou familiaux de mélanome) et un facteur comportemental (exposition solaire ou aux UV artificiels abusive).

L’identification de ces facteurs de risque peut permettre le développement de mesures préventives.

Clinique :

A – TYPES ANATOMOCLINIQUES :

Tous les mélanomes sont issus de la transformation maligne du mélanocyte, mais ils peuvent être subdivisés en fonction de leur aspect clinique et histopathologique et de leur mode de progression tumorale.

Ceci permet d’individualiser quatre types anatomocliniques avec des particularités épidémiologiques et des pronostics différents :

– le mélanome à extension superficielle ou mélanome superficiel extensif (SSM) ;

– le lentigo malin (LM lentigo melanoma) ou mélanome de Dubreuilh ;

– le mélanome acrolentigineux (ALM : acral lentiginous melanoma) ;

– le mélanome nodulaire (NM : nodular melanoma).

Les mélanomes de type NM et SSM sont de siège ubiquitaire.

Les mélanomes de type LM siègent presque exclusivement sur le visage des sujets âgés.

Les mélanomes de type ALM siègent par définition sur les extrémités et sont la forme élective chez les sujets noirs, asiatiques et hispaniques où les autres formes sont plus rares.

1- Mélanome à extension superficielle (SSM) :

C’est la plus fréquente des variétés de mélanome (70 % des cas). L’âge moyen de survenue est situé entre 40 et 50 ans ; le site de prédilection est le membre inférieur chez la femme, le dos chez l’homme.

La phase de croissance radiale précède habituellement, de plusieurs mois à plusieurs années, la phase de croissance verticale.

L’« ABCDaire » du mélanome est un outil précieux d’aide au diagnostic de malignité d’une lésion nævique pigmentée :

– A = asymétrie : désigne une lésion dont les deux moitiés séparées par un axe fictif ne sont pas superposables ;

– B = irrégularité des bords : présence d’encoches ou de limites floues et imprécises ;

– C = couleur inhomogène : présence de plusieurs couleurs au sein de la même lésion allant du brun au rouge, au violet, au noir ou au blanc ;

– D = diamètre supérieur à 6 mm : une lésion pigmentée dont le diamètre est supérieur à 6 mm est suspecte, mais il existe d’authentiques mélanomes dont le diamètre est inférieur à cette limite ;

– E = extension en surface ou évolution : critère dynamique de valeur primordiale; Les lésions les plus précoces sont en général maculeuses, mais des altérations de leur surface modifiant le relief cutané habituel sont parfois déjà visibles.

D’autres signes, comme l’existence d’un prurit, d’une douleur, d’une sensation de brûlure, doivent également attirer l’attention.

La détection précoce que permet leur lente évolution initiale donne à ces lésions un meilleur pronostic que celui du mélanome nodulaire, mais à épaisseur égale, la survie des patients est comparable.

2- Lentigo malin (mélanome de Dubreuilh) :

Il représente 4 à 10%des cas de mélanome.

Il s’agit de macules brunâtres à type de lentigo solaire siégeant sur les zones photoexposées des sujets âgés (après 60 ans) et survenant sur une peau actinique.

Il touche plus souvent la femme.

Ces lésions ont une extension longue sur plusieurs années (5 à 40 ans : 10 ans en moyenne) avant de se transformer en mélanome invasif qui apparaît généralement sous la forme d’un petit nodule.

Contrairement aux autres formes de mélanome, le facteur de risque essentiel est la dose cumulée de rayons UV.

Le lentigo malin évolue très longtemps in situ avant de devenir invasif.

L’évolutivité de ces mélanomes est lente mais, à épaisseur égale, son pronostic est identique à celui des autres types de mélanome.

3- Mélanome acrolentigineux :

C’est une variété rare : 2 à 8% des cas chez le Blanc, mais il est beaucoup plus fréquent (35 à 60 % des cas) chez le Noir, chez les Orientaux et les Hispaniques.

L’âge moyen de survenue est de 50 à 60 ans.

Il débute généralement par une macule brune, noire, qui se forme en quelques années ou en quelques mois.

Les bords de la lésion sont généralement déchiquetés et des nodules peuvent apparaître et former une tumeur exophytique pouvant s’ulcérer.

Cette tumeur est parfois achromique ce qui augmente le délai diagnostique. Le mélanome acrolentigineux siège principalement sur les zones palmoplantaires, le lit et le pourtour unguéal.

Dans ces localisations acrales, toute lésion pigmentée mesurant plus de 7 mm, toute lésion dont le diagnostic clinique est incertain ou qui se modifie doit être excisée.

4- Mélanome nodulaire :

Il représente 15 à 30 % des mélanomes.

Il est caractérisé par une progression d’emblée verticale.

C’est une tumeur à croissance rapide qui se développe en plusieurs semaines ou mois et se caractérise par un nodule souvent arrondi, de couleur bleue, noire, assez homogène, mais qui peut parfois être achromique (5 % des cas).

Sa croissance rapide peut donner une lésion polypoïde ou une ulcération spontanée, recouverte d’une croûte qui témoigne de son agressivité.

Du fait de son évolutivité rapide conduisant à une épaisseur plus importante, ce type de tumeur a un pronostic plus défavorable. Il est parfois achromique.

L’âge de prédilection du mélanome nodulaire est celui de l’adulte de 50 à 60 ans avec une fréquence deux fois plus importante chez l’homme que chez la femme.

B – FORMES CLINIQUES :

1- Mélanomes non cutanés :

* Mélanomes unguéaux :

Ils appartiennent au groupe des mélanomes acrolentigineux et en partagent les caractéristiques épidémiologiques et pronostiques.

Il s’agit d’une macule brune ou noire du lit de l’ongle, qui siège préférentiellement au gros orteil ou au pouce.

Devant cette bande pigmentée, seule la biopsie unguéale permet de porter avec certitude le diagnostic de mélanome.

Toute lésion pigmentée, que ce soit une éphélide, un lentigo, un nævus ou un mélanome, s’exprime par une bande dès lors qu’elle est située dans la matrice unguéale.

Le risque de mélanome devant une pigmentation en bande unguéale est faible.

Les bandes pigmentées unguéales touchant plusieurs ongles sont le plus souvent des pigmentations ethniques ou iatrogènes.

Il n’existe pas d’image spécifique de mélanome.

Néanmoins, les bandes pigmentées apparues récemment ou qui se sont modifiées, les bandes d’une largeur excédant 4 mm, les bandes multiples sur un même ongle ou les bandes pour lesquelles la pigmentation déborde sur le repli unguéal (signe de Hutchinson), sont les plus suspectes.

Au moindre doute, une biopsie unguéale doit être réalisée.

Dans les formes évoluées, une dystrophie unguéale, une destruction matricielle ou une tumeur ulcérée peuvent apparaître.

* Mélanomes muqueux :

D’une fréquence constante, quelle que soit l’ethnie ou la couleur de peau, ils représentent 5 % de l’ensemble des mélanomes.

L’exposition solaire n’a aucun rôle pathogénique dans ce type de lésion.

L’aspect clinique est le plus souvent lentigineux, mais des formes nodulaires peuvent être observées.

Ces lésions peuvent être achromiques et simuler un processus inflammatoire ou peuvent être difficiles à distinguer de la muqueuse normale.

Les lésions peuvent s’ulcérer.

Le diagnostic est souvent difficile et la détection tardive, parfois au stade métastatique.

Il s’agit souvent de mélanomes de mauvais pronostic, d’autant que la tumeur a probablement un accès rapide à un drainage ganglionnaire bilatéral.

Chez la femme âgée, il touche volontiers la vulve.

Le mélanome des fosses nasales ne donnerait que tardivement des métastases viscérales.

Le pronostic du mélanome anorectal est, quant à lui, catastrophique car la tumeur reste longtemps asymptomatique et donc méconnue.

Les autres localisations muqueuses sont exceptionnelles.

2- Formes particulières :

* Mélanome achromique :

Cette tumeur ne contient que peu ou aucun pigment mélanique.

La lésion est rose ou rouge ; elle peut simuler un granulome pyogénique, un carcinome basocellulaire, un nævus ou un fibrome.

À la plante du pied, elle peut simuler un botryomycome ou un mal perforant.

Le diagnostic clinique de cette tumeur est particulièrement difficile.

Il est souvent tardif, ce qui assombrit le pronostic.

* Mélanome desmoplastique :

La première description de cette forme rare a été réalisée en 1971 par Conley et al.

Il survient sur les zones photoexposées chez des sujets d’âge moyen ou âgés à peau claire.

La tête et le cou sont les sites de prédilection.

Mais il peut également se développer sur le tronc, les extrémités ou les muqueuses.

La tumeur apparaît généralement sur une peau sénile endommagée par une exposition solaire prolongée.

Elle se développe également sur une radiodermite ou des cicatrices de brûlures.

Cliniquement, il s’agit d’une plaque indurée ou d’un nodule souvent achromique.

Le diagnostic est difficile. Le pronostic est donné, comme pour les autres formes, par l’épaisseur de la tumeur.

* Mélanome primitif non trouvé :

Il s’agit d’un mélanome métastatique avec des métastases cutanées, ganglionnaires ou viscérales, apparemment primitives.

Le mélanome primitif peut être soit un mélanome cutané non diagnostiqué qui a été détruit sans examen anatomopathologique (cryothérapie, électrocoagulation), soit un mélanome ayant spontanément régressé ou encore un mélanome muqueux non détecté.

Malgré l’interrogatoire et l’examen clinique de l’ensemble des téguments et des muqueuses (sphère oto-rhino-laryngologique [ORL], anus, rectum, muqueuse buccale), la localisation du mélanome primitif reste souvent indéterminée.

Les mélanocytes étant parfois physiologiquement présents dans les ganglions, certains mélanomes peuvent probablement naître dans ces ganglions.

Leur pronostic est identique à celui des formes métastatiques de mélanome cutané identifié.

* Mélanome de l’enfant :

Il est rare.

Les mélanomes avant 20 ans représentent 1 à 4% de tous les mélanomes, et ceux diagnostiqués avant la puberté 0,3 à 0,4 %.

Ils sont sept fois plus fréquents au cours de la deuxième décennie que durant la première.

Ils sont souvent diagnostiqués tardivement (plus épais) en raison des difficultés de diagnostic.

Quarante à 80 % des mélanomes de l’enfant et de l’adolescent surviennent de novo.

Ils sont peu différents des mélanomes de l’adulte.

C’est dans cette catégorie qu’ont été isolés les mélanomes spitzoïdes ou nævus de Spitz malin qui représentent un des diagnostics histologiques les plus difficiles.

Ces mélanomes spitzoïdes ont une extension métastatique le plus souvent ganglionnaire.

Les métastases extraganglionnaires sont rares et le pronostic est souvent bon.

Dans un tiers des cas, les mélanomes apparaissent sur nævus congénitaux, le plus souvent sur nævus congénital géant.

Le risque, au cours de la vie, d’avoir un mélanome sur un nævus congénital géant est estimé entre 5 et 15 %.

D’où la recommandation consensuelle de l’excision précoce de ces nævus quand cela est possible.

La survenue de mélanomes sur les petits nævus congénitaux qui sont 100 fois plus fréquents que les nævus géants est l’objet de controverses.

Le risque, au cours de la vie, chez les sujets vivant au-delà de 60 ans est estimé entre 0,8 et 4,9 %. Le risque de transformation, contrairement aux nævus géants, est plus fréquent après la puberté.

Il n’y a pas d’attitude consensuelle à leur égard. Les mélanomes congénitaux sont exceptionnels.

Les mélanomes de l’enfant et de l’adolescent peuvent également être observés au cours du syndrome du nævus de Clark (dysplasique), du xeroderma pigmentosum ou d’un état d’immunodépression (immunodéficience génétique, néoplasie, chimiothérapie, transplantations d’organes, infection par le virus d’immunodéficience humaine).

Le risque de mélanome est multiplié par trois à six chez ces malades.

Dermatoscopie :

Selon plusieurs études, la capacité de poser le diagnostic de mélanome cutané, exclusivement sur des critères cliniques, n’est performante que dans 60 à 80 % des cas.

Mais ce score peut être augmenté de 10 à 27 % par l’examen dermatoscopique ou microscopie épiluminescente.

Cette technique est basée sur l’utilisation d’un éclairage incident dont le rayonnement est absorbé ou réfléchi par la mélanine.

Les lésions cutanées sont examinées à travers une goutte d’huile d’immersion, grâce à un système optique permettant un grossissement allant de X 10 à X 80.

Il s’agit d’une technique non invasive, réalisable in vivo, peu coûteuse, mais dont la performance dépend beaucoup de l’expérience du manipulateur.

Pour affiner la valeur diagnostique de la dermatoscopie chez l’utilisateur peu expérimenté, Stolz et al ont proposé une méthode dénommée règle de l’« ABCDaire » permettant d’estimer, grâce à un calcul de scores, la nature bénigne ou maligne d’une tumeur mélanocytaire.

Les critères dermatoscopiques étudiés prédictifs de malignité sont l’Asymétrie de la lésion, la présence d’arrêts brutaux de la Bordure, un grand nombre de Couleurs et de Différentes structures (réseau pigmenté, globules bruns, points noirs, stries radiaires, pseudopodes, zones sans structure).

Argenziano et al ont proposé en 1998 un schéma d’analyse dermatoscopique aussi simple à utiliser que la règle de l’ABCDaire, mais plus sensible et plus spécifique.

Cette analyse est basée sur l’étude de sept points ou critères dermatoscopiques de malignité.

Les trois critères majeurs sont la présence d’un réseau pigmenté atypique, d’aires bleu violacé et de structures vasculaires atypiques.

Les cinq critères mineurs sont la présence d’un courant radiaire, d’une répartition irrégulière de points noirs ou de globules bruns, d’une répartition irrégulière de la pigmentation diffuse et enfin la présence de zones de régression ou de zones dépigmentées.

Un score de deux points est attribué à chaque critère majeur et de un point à chaque critère mineur.

Le diagnostic de mélanome est retenu lorsque le total des scores est supérieur ou égal à trois points.

Facile à apprendre et à appliquer, cette méthode en sept points permet de diagnostiquer les mélanomes avec une très grande sensibilité (95 %), supérieure à celle de l’analyse dermatoscopique standard (91 %), ainsi qu’à celle de la règle de l’« ABCDaire » (75 %).

Elle est particulièrement performante dans le dépistage des mélanomes débutants.

Sa spécificité (75 %), bien que supérieure à celle de la règle de l’« ABCDaire » (66 %), est moins bonne en raison du diagnostic de mélanome porté à tort pour certains nævus atypiques.

La dermatoscopie permettrait, de plus, d’apprécier l’épaisseur du mélanome.

La microscopie de surface permet enfin d’observer d’autres pigments tels que l’hémoglobine ou l’hémosidérine.

Elle est utile dans le diagnostic différentiel du mélanome puisqu’elle permet, entre autres, de dépister l’origine vasculaire de certaines lésions, de diagnostiquer assez spécifiquement les kératoses séborrhéiques ou d’apporter des arguments supplémentaires en faveur d’un carcinome basocellulaire pigmenté.

Diagnostic différentiel :

Les diagnostics différentiels du mélanome varient selon la forme clinique du mélanome (à extension superficielle ou nodulaire, achromique) et selon sa localisation.

Ils se posent avec des lésions pigmentées malignes ou bénignes, mélanocytaires ou non.

Lorsque la lésion est mélanocytaire, il convient de déterminer sa bénignité sur des critères cliniques, dermatoscopiques et, au moindre doute, histologiques.

A – KÉRATOSE SÉBORRHÉIQUE :

Les lésions sont souvent multiples, se situent sur les régions séborrhéiques du visage et du tronc et restent stables pendant une longue période.

De couleur jaunâtre à leur début, elles peuvent devenir plus foncées, brunes ou franchement noires.

Leur surface est verruqueuse et criblée de bouchons kératosiques caractéristiques.

Le diagnostic clinique différentiel avec le mélanome est habituellement facile, mais peut parfois se poser lorsque les lésions sont inflammatoires, traumatisées ou très noires.

La dermatoscopie permet aisément le diagnostic.

B – CARCINOME BASOCELLULAIRE PIGMENTÉ :

Il peut poser un problème de diagnostic différentiel difficile avec le mélanome nodulaire ou avec le mélanome à extension superficielle.

Outre sa coloration brune, bleue ou noire, cette lésion peut afficher certains critères cliniques de malignité étudiés pour le mélanome (asymétrie de la lésion, irrégularité des contours, grande taille, ulcération).

La présence d’un bourrelet perlé permet en général d’orienter le diagnostic.

Dans le cas contraire, celui-ci se fera par l’examen histologique de la lésion.

C – HISTIOCYTOFIBROME PIGMENTÉ :

Nodulaire, strictement intradermique, sa surface est parfois kératosique et souvent pigmentée en raison d’un excès d’hémosidérine.

La stabilité dans le temps des lésions, leur bordure nette, leur croissance symétrique et leur dureté à la palpation doivent faire évoquer un processus bénin.

D – HÉMANGIOME :

Cette lésion peut ressembler à un mélanome lorsqu’elle prend une coloration bleue ou noire, essentiellement en cas d’irritation ou de thrombose.

La dermatoscopie est souvent caractéristique.

E – BOTRYOMYCOME :

Cette petite tumeur inflammatoire, rouge foncé, saignant au contact, pose un problème de diagnostic différentiel difficile avec le mélanome nodulaire achromique des extrémités.

Sa survenue dans une zone préalablement traumatisée peut aider à poser le diagnostic.

F – HÉMATOME SOUS-UNGUÉAL :

Son apparition brutale, la notion d’un traumatisme et l’absence habituelle de signe de Hutchinson le différencient d’un mélanome sous-unguéal.

L’hématome peut facilement être évacué après ponction de l’ongle.

G – TUMEURS MÉLANOCYTAIRES :

1- Nævus mélanocytaire :

Il ne pose habituellement pas de problème diagnostique.

Sa petite taille, ses contours réguliers, la symétrie de sa forme, sa couleur homogène permettent d’évoquer la nature bénigne de cette lésion.

Une folliculite sous-nævique ou un traumatisme peuvent néanmoins être responsables d’une modification de taille, de couleur ou de l’apparition d’un prurit.

Au moindre doute, un examen histologique, après exérèse complète de la lésion, doit être réalisé.

2- Nævus congénitaux :

Leurs caractéristiques varient selon leur taille.

Lorsqu’ils sont inférieurs à 20 cm de diamètre, les nævus congénitaux affichent souvent les caractères cliniques de bénignité des nævus (symétrie, homogénéité de la répartition des couleurs, contours réguliers).

En revanche, les nævus géants de plus de 20 cm de diamètre ont souvent une pigmentation irrégulière avec présence de petites macules ou papules dispersées sur leur surface.

Leurs contours sont mal limités et on peut même observer l’existence de lésions satellites.

Le diagnostic de transformation maligne d’un nævus congénital est le plus souvent difficile, voire impossible cliniquement.

3- Pseudomélanome de Kornberg et d’Ackerman :

Il s’agit d’un diagnostic histologique difficile lors de la biopsie d’une récidive pigmentaire après exérèse incomplète d’un nævus mélanocytaire.

L’anamnèse aide à redresser le diagnostic.

4- Nævus bleu :

C’est une lésion papuleuse bleutée ou noire, bien limitée, de croissance lente et située sur le dos des mains et des pieds, sur les fesses ou dans la région sacrococcygienne.

Son existence depuis plusieurs années permet de le différencier du mélanome.

L’aspect dermatoscopique est caractéristique.

5- Nævus de Spitz :

Cliniquement d’aspect bénin, cette lésion touche préférentiellement les enfants et les adultes jeunes et survient sur le visage et les membres.

Il s’agit d’une lésion nodulaire, de petite taille, inflammatoire, rosée, que son aspect histologique peut faire confondre avec un mélanome nodulaire.

L’âge du patient est le principal argument permettant d’évoquer le diagnostic.

6- Nævus spilus :

Il s’agit d’une tache café au lait présente à la naissance et qui se couvre progressivement de petits nævus lenticulaires.

Bien que bénin et de diagnostic habituellement facile, l’apparition de zones pigmentées irrégulières peut, dans certains cas, faire discuter un mélanome, d’autant que d’exceptionnels mélanomes sur nævus spilus ont été décrits.

7- Lentigines :

Le lentigo simple ne pose généralement pas de problèmes diagnostiques, sauf pour la forme récemment décrite en « tache d’encre ».

Cette lésion de couleur noire, à pigmentation irrégulière, prend un aspect réticulaire qui peut faire discuter un mélanome.

Son exérèse pour analyse anatomopathologique est indispensable.

8- Nævus atypique :

Un nævus est considéré cliniquement atypique lorsque sa taille est supérieure à 5 mm, sa couleur inhomogène avec un fond érythémateux, ses contours irréguliers ou mal limités.

L’aspect histologique est parfois, mais pas toujours, celui d’un nævus dysplasique.

Ces nævus dysplasiques surviennent sporadiquement ou s’intègrent dans un syndrome du nævus dysplasique.

Ils sont parfois indifférenciables d’un mélanome débutant.

9- Mélanonychie longitudinale :

Fréquente chez les Noirs et les Orientaux, elle peut parfois, alors que son étiologie est effectivement bénigne, être confondue avec un mélanome.

La multiplicité des lésions, leur stabilité dans le temps, la régularité de la pigmentation, la nette limitation des bords et l’absence de pigmentation cutanée périunguéale, sont en faveur d’un processus bénin. Au moindre doute, une biopsie est nécessaire.

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