Mastoïdites du nourrisson et de l’enfant

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Introduction :

La mastoïdite est une atteinte infectieuse des cavités mastoïdiennes associée à des lésions destructives de l’os mastoïdien réalisant une ostéite.

Selon la durée d’évolution de cette infection, on parle de mastoïdite aiguë, subaiguë ou chronique.

Suivant la symptomatologie auriculaire, on parle de mastoïdite aiguë extériorisée, avec abcès sous-périosté ou simple périostite, de mastoïdite masquée ou latente.

Généralités :

A – Épidémiologie :

Mastoïdites du nourrisson et de l'enfantLa fréquence des mastoïdites aiguës a considérablement chuté depuis la large utilisation des antibiotiques.

En France, jusqu’à 10 % des otites moyennes aiguës (OMA) suppurées se compliquaient de mastoïdite en 1930, avec une mortalité non négligeable par septicémie ou diarrhée cholériforme.

Cette affection est encore très fréquente dans les pays en voie de développement où elle complique environ 0,4 % des OMA.

Son incidence est 10 à 100 fois plus faible dans les pays industrialisés.

Les mastoïdites aiguës extériorisées semblent en discrète recrudescence depuis les années 1990.

Les mastoïdites aiguës surviennent le plus souvent chez les jeunes enfants.

En fait, elles peuvent survenir à tout âge et des cas ont été décrits dès l’âge de 2 mois mais aussi chez des sujets âgés.

Les garçons de race blanche, de 4 mois à 14 ans, sont plus souvent atteints.

Le pic d’incidence est variable selon les équipes : 4 à 6 mois, 2 ans, voire plus.

Il existe dans toutes les séries une légère prédominance masculine.

L’influence du climat et des saisons est nette avec une recrudescence en automne et en hiver et très peu de cas les mois d’avril à juillet.

S’il est difficile d’isoler des facteurs favorisant l’apparition des mastoïdites aiguës, des facteurs favorisants des OMA ont été mis en évidence : carence martiale, terrain atopique, reflux gastrooesophagien, mode de vie.

Mais il est connu que plus de la moitié des patients qui ont une mastoïdite aiguë n’ont pas de passé otitique connu.

Certains auteurs pensent que la mastoïdite est favorisée chez le nourrisson par l’absence d’immunité locale, en l’absence d’antécédent de contact bactérien, et par les conditions anatomiques défavorables, notamment la petite taille et la mauvaise perméabilité des voies de communication entre les diverses cellules mastoïdiennes et plus particulièrement de l’additus ad antrum.

En effet, l’étroitesse de celui-ci majore le risque de mauvaise aération des cavités mastoïdiennes lors d’un processus inflammatoire.

Les conditions locales deviennent alors favorables au développement de bactéries anaérobies de faible virulence ou décapitées par des cures d’antibiotiques.

L’aspect otoscopique faussement rassurant des mastoïdites masquées s’explique par un blocage complet du défilé.

Une ostéite peut ainsi évoluer lentement de façon paucisymptomatique (légère douleur mastoïdienne) et se manifeste au stade de complication.

Les mastoïdites survenant au cours de maladies infectieuses (scarlatine, rougeole, grippe) sont graves par leur évolution suraiguë et nécrosante.

Elles ont disparu dans les pays industrialisés, sauf chez les enfants immunodéprimés ou diabétiques.

B – Développement anatomique et anatomie chirurgicale de la mastoïde :

À la naissance, il n’y a qu’une seule cellule mastoïdienne, l’antre, qui communique avec la caisse du tympan par un canal étroit, l’additus ad antrum.

La mastoïde continue à se pneumatiser après la naissance, par résorption ostéoblastique de l’os temporal et dédifférenciation de la moelle osseuse en mésenchyme lâche.

L’antre s’élargit et des cellules mastoïdiennes, communiquant les unes avec les autres, apparaissent tout autour : cellules intersinusofaciales entre massif de Gellé en avant et sinus latéral recouvert d’une coque osseuse en arrière, cellules de la traînée zygomatique, au-dessus du conduit auditif externe, dans la racine postérieure du zygoma, cellules postérieures, rétrosinusiennes et cellules de Trautmann dans l’angle de Citelli entre la corticale méningée cérébrale en haut et la corticale du sinus latéral en bas et en arrière.

Ces cavités sont recouvertes d’une muqueuse de type respiratoire.

L’importance de la pneumatisation varie d’un rocher à l’autre.

C – Anatomie pathologique :

Toute mastoïdite commence par une inflammation du mucopérioste de l’oreille moyenne.

À ce stade, les lésions sont réversibles sous traitement médical, car les structures osseuses sont encore intactes.

L’inflammation se propage au périoste par les veinules : c’est la périostite (acute mastoiditis with periosteitis).

L’hyperpression due à l’accumulation dans l’antre des sécrétions qui ne peuvent plus être évacuées du fait du blocage du défilé additoatrial produit une déminéralisation suivie d’une cassure de la matrice protéique osseuse.

Les cloisons intercellulaires disparaissent, les cellules mastoïdiennes se réunissent entre elles, réalisant de larges cavités remplies d’un exsudat purulent et de granulations mucopériostées épaissies et hypervascularisées (acute coalescent mastoiditis, acute mastoid osteitis).

Ce processus s’étend de proche en proche vers la corticale, ce qui conduit au premier stade de périostite, suivi du stade de fistulisation avec diffusion du pus vers les espaces contigus, le plus souvent la région rétroauriculaire (subperiostal abscess), mais parfois le cou, le cervelet ou le lobe temporal.

D – Bactériologie :

L’examen bactériologique des abcès sous-périostés ou à défaut du pus prélevé lors d’une mastoïdectomie dans les cavités de l’oreille moyenne permet de retrouver le ou les germes responsables de la mastoïdite dans 50 à 80 % des cas.

Les prélèvements stériles sont le plus souvent dus à une antibiothérapie préalable insuffisante pour éradiquer la mastoïdite, mais suffisante pour stériliser les prélèvements.

Les germes retrouvés sont analogues à ceux retrouvés dans les prélèvements d’OMA.

Dans les OMA du nourrisson et de l’enfant, les germes prédominant actuellement en France sont Haemophilus influenzae et Streptococcus pneumoniae.

Il semble que, dans les mastoïdites extériorisées, le germe le plus souvent rencontré soit Streptococcus pneumoniae.

Avec l’augmentation de fréquence des souches de pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline, on peut craindre que les mastoïdites aiguës extériorisées ne deviennent plus fréquentes dans les années à venir.

D’autres germes peuvent être observés : Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes, Pseudomonas aeruginosa, ainsi que des anaérobies.

Plusieurs bactéries peuvent être retrouvées sur un même prélèvement.

La virulence des bactéries en cause dans les mastoïdites semble particulière.

Celles-ci ont en effet un pouvoir de d’invasion osseuse précoce dans les cavités de l’oreille moyenne, dès le début des signes d’OMA.

On peut alors comprendre l’inefficacité des formes orales de certains antibiotiques réputées avoir une mauvaise diffusion osseuse.

Mastoïdite aiguë extériorisée :

La forme clinique la plus fréquente dans les séries de mastoïdites aiguës de l’enfant publiées dans la littérature est la mastoïdite aiguë extériorisée dans la région rétroauriculaire.

A – Signes d’appel :

Le signe d’appel est pratiquement toujours le décollement du pavillon de l’oreille vers le bas et vers l’avant.

Les autres signes fonctionnels sont plus ou moins marqués et peuvent même manquer.

Il s’agit de la douleur rétroauriculaire, de la fièvre (en général autour de 38 °C) et de l’altération de l’état général.

Ces symptômes surviennent dans la semaine qui suit une OMA, mais peuvent être inauguraux.

Il n’y a pas de céphalée, ni de signe méningé, ni d’altération de la conscience.

B – Signes cliniques :

Le sillon rétroauriculaire est effacé, avec une peau inflammatoire, rosée et chaude.

La palpation est douloureuse.

Elle retrouve ou non une zone fluctuante.

À l’otoscopie, le tympan est pratiquement toujours anormal, soit d’aspect bombé dans le quadrant postérosupérieur, avec dans les formes les plus typiques une chute de la paroi postérieure du conduit, soit avec une otorrhée.

L’aspect classique en « pis de vache » n’est rencontré que dans 10 % des cas environ.

C – Examens complémentaires :

La ponction rétroauriculaire permet de distinguer les périostites des abcès sous-périostés.

Le pus recueilli dans ce dernier cas est adressé au laboratoire de bactériologie.

Il est aussi utile de faire un prélèvement soit de l’otorrhée, soit du liquide rétrotympanique par paracentèse, avant d’initier le traitement antibiotique.

Les paramètres biologiques de l’inflammation sont élevés.

Il y a une hyperleucocytose et une anémie ferriprive plus ou moins marquées.

Ces signes biologiques ne sont pas spécifiques d’une mastoïdite et ne permettraient pas de faire la différence avec une otite aiguë par exemple.

La surdité n’est pas signalée ni évaluée dans les séries publiées, d’une part parce qu’il s’agit le plus souvent de nourrissons, d’autre part parce que l’hypoacousie est au deuxième plan derrière le problème infectieux.

La radiographie en incidence de Schüller, toujours comparative, est peu contributive : elle est souvent en retard par rapport à la clinique et elle n’a de valeur que lorsqu’elle montre un aspect d’ostéite avec lacunes osseuses et destruction des travées.

L’aspect le plus fréquent est le flou des cellules mastoïdiennes qui peut d’ailleurs s’observer dans une simple OMA ou chez les enfants ayant des antécédents d’otites à répétition.

L’examen tomodensitométrique (TDM) est beaucoup plus intéressant, car il permet de rechercher des complications intracrâniennes.

Pour cette raison, il doit être réalisé en préopératoire afin d’envisager, si nécessaire, un traitement neurochirurgical concomitant.

En aucun cas il n’est un argument du diagnostic, ce dernier étant avant tout clinique.

Formes cliniques :

A – Formes anatomiques :

L’extériorisation temporozygomatique se présente comme une infiltration volumineuse, rapidement fluctuante de la région temporozygomatique et prétragienne, qui décolle et refoule le pavillon de l’oreille vers le bas.

L’otoscopie permet de rapporter cette cellulite à une infection de l’oreille.

L’infection peut diffuser vers l’articulation temporomandibulaire avec un risque important chez l’enfant d’évolution vers l’ankylose.

Les extériorisations cervicales résultent de l’effraction de la corticale de la pointe de la mastoïde soit sur sa face interne (mastoïdite de Bézold), soit sur sa face externe (pseudo-Bézold).

De là, le pus diffuse vers les muscles de la nuque ou vers l’axe jugulocarotidien.

Elles se traduisent par un torticolis et des douleurs sous-mastoïdiennes.

À la palpation, il y a un empâtement douloureux des insertions supérieures du sternocléidomastoïdien avec un comblement de la dépression rétromandibulaire.

Les abcès péripharyngés secondaires à une ostéite pétreuse souslabyrinthique sont exceptionnels.

La collection purulente est en dedans du muscle digastrique, dans l’espace rétrostylien ou dans la gaine des gros vaisseaux.

Leur expression est plus pharyngée que cervicale et il est difficile de les rapporter à leur origine otitique, à moins d’y penser et de demander un examen TDM des rochers.

B – Formes selon l’âge :

Le diagnostic de mastoïdite aiguë est particulièrement difficile chez les tout jeunes enfants. Cette difficulté est due à la non-spécificité des symptômes chez les petits de 4 à 6 mois et à l’existence de formes subaiguës d’otites sans retentissement clinique.

Par ailleurs, du fait de la raréfaction des mastoïdites, sa sémiologie est devenue une connaissance théorique pour les jeunes médecins, ce qui peut amener à des retards de diagnostic.

C – Mastoïdites subaiguës ou latentes :

Ce diagnostic doit être évoqué devant toute otite qui n’évolue pas favorablement dans les délais habituels, malgré une antibiothérapie adaptée aux germes isolés par paracentèse après fenêtre thérapeutique, en particulier lorsqu’il persiste des signes généraux.

Ceux-ci sont pauvres, inconstants et non spécifiques : stagnation de la courbe pondérale, persistance d’une discrète fébricule, existence de troubles digestifs cholériformes.

L’examen otoscopique montre un tympan épaissi, parfois perforé, éventuellement de façon multiple.

Des granulations muqueuses peuvent être présentes dans le conduit auditif externe. L’indication de mastoïdectomie repose sur l’association de ces signes locaux et généraux.

L’imagerie (radiographies standards, imagerie par résonance magnétique [IRM] et TDM), en effet, ne peut pas apporter d’argument décisif.

C’est pourquoi certains auteurs ont proposé des examens radio-isotopiques.

Tovi et al réalisent des scanners en fenêtre osseuse marquée par le technétium (Tc) 99.

En effet, cet isotope se concentre dans les zones d’ostéogenèse.

En se fixant sur les ostéoblastes, il révèle des foyers d’ostéolyse de bas grade, non dépistés par les clichés TDM habituels.

Cette méthode est très sensible mais non spécifique car le traceur détecte l’activité métabolique secondaire à une infection, une fracture ou encore une tumeur.

Pour améliorer la spécificité, on peut utiliser le gallium (Ga) 67 qui se fixe sur les leucocytes et les bactéries.

L’utilisation couplée des deux traceurs transforme la présomption diagnostique de mastoïdite subaiguë en certitude.

Epstein et al ont comparé en scintigraphie l’efficacité des leucocytes marqués à l’indium (In) 111 à celle du Tc 99 et du Ga 67, pour le diagnostic et le suivi des infections de la tête et du cou.

Il semble que l’In 111 soit l’isotope le plus sensible et le plus spécifique.

Ils proposent comme algorithme décisionnel de commencer par une scintigraphie au Tc 99 de coût modéré suivie d’une scintigraphie à l’In 111 en cas de positivité.

La négativité de ces examens après traitement de l’infection confirme la guérison clinique.

L’inadaptation du traitement antibiotique est mis en cause dans ces mastoïdites subaiguës, que ce soit par un spectre inadéquat, une durée de traitement insuffisante, ou un défaut de compliance.

D – Mastoïdites masquées :

Les mastoïdites masquées sont celles où le tympan reste normal.

Ce sont des formes particulièrement trompeuses où le diagnostic n’est fait que devant l’apparition de complications, en particulier intracrâniennes, avec une expression essentiellement neurologique (céphalées, douleurs) ou générale (fébricule prolongée inexpliquée).

L’imagerie prend alors tout son intérêt puis que c’est elle qui rapporte la localisation endocrânienne à son étiologie mastoïdienne.

E – Mastoïdites secondaires à une autre affection du rocher :

1- Poussée de réchauffement d’une otite chronique :

Les poussées de réchauffement d’une otite chronique peuvent donner les mêmes tableaux cliniques qu’une mastoïdite aiguë simple.

Le diagnostic repose sur l’otoscopie et la notion d’antécédents de cholestéatome ou d’otite chronique.

Dans l’étude italienne de Magliulo et al, ces formes étaient pratiquement aussi fréquentes que les mastoïdites aiguës.

Cette complication serait plus fréquente en cas d’antécédent de tympanoplastie en technique fermée et sur les mastoïdes fortement pneumatisées.

Un tableau de mastoïdite aiguë avec tuméfaction rétroauriculaire peut révéler un cholestéatome congénital jusque-là asymptomatique.

2- Histiocytose et rhabdomyosarcome :

La première manifestation d’une histiocytose X ou d’un rhabdomyosarcome peut être une tuméfaction rétroauriculaire d’apparition soudaine et accompagnée d’une fébricule.

La découverte lors de l’exploration chirurgicale de granulations dans la mastoïde impose un examen anatomopathologique qui permet de faire le diagnostic.

F – Formes selon le germe :

1- Tuberculose et mycobactéries atypiques :

Les mastoïdites dues aux mycobactéries, aussi bien tuberculeuses qu’atypiques, sont volontiers insidieuses.

Elles se manifestent cliniquement par une otorrhée séreuse, ou purulente en cas de surinfection, qui évolue depuis plus de 1 an et qui tient en échec les cures d’antibiothérapie communes.

La fièvre est absente.

La région mastoïdienne est parfois tendue, mais modérément douloureuse.

À l’otoscopie, le conduit est très fréquemment obstrué par des polypes et le tympan est épaissi avec une perforation centrale.

L’association d’une adénopathie parotidienne avec une fistule rétroauriculaire est très évocatrice.

La paralysie faciale est un signe évocateur de l’origine mycobactérienne d’une mastoïdite, elle est plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte et elle régresse habituellement avec le seul traitement médical.

Les complications intracrâniennes ophtalmiques (par atteinte du sinus caverneux) ou hémorragiques se développent par lyse de la base du crâne.

D’un point de vue épidémiologique, l’incidence de la tuberculose pulmonaire et auriculaire a augmenté dans les centres urbains depuis 1980-1990, parallèlement à l’accroissement du nombre de séropositifs, de la pauvreté et des sans-logis.

Le rôle protecteur du BCG n’est pas certain.

Les mycobactéries atypiques touchent aussi les sujets immunocompétents.

La contamination a lieu par voie orale ou à travers une perforation tympanique.

Le diagnostic se fait par examen bactériologique du pus ou de préférence de tissu prélevé en peropératoire.

L’examen direct est rarement positif.

Les cultures (qui demandent 4 à 6 semaines) sont donc indispensables pour faire le diagnostic et différencier une tuberculose d’une infection à mycobactérie atypique.

En effet, l’histologie est non spécifique et les tests cutanés n’ont de valeur que lorsqu’ils sont positifs.

L’antibiogramme est indispensable pour adapter le traitement en raison de la résistance fréquente des mycobactéries atypiques aux antituberculeux.

2- Anaérobies :

La fréquence des anaérobies au cours des mastoïdites est diversement appréciée selon les auteurs : Brook en observe dans 96 % des cas et Maharaj et al dans 80 %, alors que d’autres n’en retrouvent qu’occasionnellement.

L’isolement de ces germes n’est pas chose aisée et doit être demandé spécifiquement au laboratoire de bactériologie.

Les mastoïdites à anaérobies sont volontiers plus sévères que les autres et justifient une antibiothérapie prolongée sur plus de 1 mois.

E – Formes compliquées :

Les complications peuvent être inaugurales, en particulier dans les mastoïdites latentes.

1- Paralysie faciale :

La paralysie faciale, présente dans 0 à 4 %des cas selon les séries, peut avoir une cause infectieuse locale ou être due à une méningite purulente.

Ces paralysies faciales sont d’installation brutale et touchent aussi bien le facial inférieur que le facial supérieur.

Souvent, le nerf est à nu dans la caisse par déhiscence du canal de Fallope ou ostéite ayant érodé les parois du canal au niveau de sa deuxième portion.

Le pronostic est favorable après mastoïdectomie qui permet le nettoyage et la mise à plat des cellules mastoïdiennes.

La décompression chirurgicale du nerf est rarement nécessaire.

2- Labyrinthites :

L’atteinte du labyrinthe au cours d’une mastoïdite est plus souvent inflammatoire que véritablement infectieuse du fait de l’ostéite.

Elle se manifeste par des vertiges, une hypoacousie, des acouphènes.

Les jeunes enfants n’expriment pas ces signes fonctionnels, d’où l’importance des signes neurovégétatifs (nausées, vomissements, pâleur, tachycardie, sueurs) et de la mise en évidence d’un nystagmus horizontorotatoire (du côté atteint en cas d’irritation, du côté sain en cas de destruction).

Qu’il y ait ou non guérison du labyrinthe, les vertiges s’estompent, le pronostic auditif en revanche est beaucoup plus incertain.

3- Complications méningocérébrales :

L’incidence des complications méningoencéphaliques lors des mastoïdites aiguës et subaiguës est non négligeable, de l’ordre de 10 %.

Il s’agit le plus souvent d’un empyème extradural (8 % des mastoïdites opérées).

Il est en général de petite taille, asymptomatique.

Lorsqu’il est visible au scanner, il donne une image hypodense avec prise de contraste au contact du tegmen ou de la corticale cérébelleuse.

Il est parfois de découverte opératoire.

La deuxième complication, par ordre décroissant de fréquence, est la méningite purulente qui se traduit par des céphalées intenses, une prostration, une raideur de la nuque, des vomissements et un syndrome infectieux.

La ponction lombaire affirme le diagnostic de méningite purulente.

La mastoïdectomie n’est réalisée qu’après contrôle médical par les antibiotiques de la méningite afin de traiter le foyer suppuré et d’éviter la récidive.

L’encéphalite présuppurative correspond à un oedème et une nécrose cérébrales associés ou non à une thrombose veineuse.

La localisation temporale se manifeste par des céphalées, une fièvre élevée, éventuellement des crises convulsives et des signes neurologiques déficitaires avec des troubles de la conscience.

La localisation cérébelleuse est trompeuse du fait de la pauvreté des signes cliniques qui sont ceux de l’hypertension intracrânienne.

Au scanner, la lésion donne une image homogène hypodense.

Les abcès du cerveau (temporaux ou cérébelleux) sont latents et découverts sur l’examen TDM.

4- Thrombophlébite du sinus latéral :

La thrombophlébite du sinus latéral est souvent asymptomatique et découverte en peropératoire.

Il faut l’évoquer devant des céphalées persistantes et rebelles, et en présence d’une douleur cervicale au bord antérieur du sternocléidomastoïdien en l’absence d’adénopathies.

Au stade ultérieur apparaît une hydrocéphalie avec, au fond d’oeil, un oedème papillaire.

Les formes bruyantes réalisent un tableau de septicopyohémie à partir d’un thrombus infecté dans la lumière du sinus latéral.

L’examen TDM montre une opacité du sinus veineux latéral sur les clichés sans injection et une absence d’opacification veineuse accompagnée d’un rehaussement du contraste de la dure-mère adjacente sur les clichés après injection.

Des signes indirects peuvent également se manifester, comme une augmentation de calibre des vaisseaux collatéraux et controlatéraux par modification du flux sanguin.

L’angiographie en temps veineux et l’angio-IRM sont des examens beaucoup plus sensibles que le scanner.

Le premier objective le thrombus intraluminal par defect de flux, il évalue son extension et vérifie l’intégrité du sinus controlatéral ; le second montre un hypersignal en T1 et T2 dans le sinus veineux latéral thrombosé ainsi qu’une diminution ou une absence de flux.

L’IRM a l’avantage de pouvoir dater le thrombus.

Le scanner et l’échodoppler transcrânien sont utilisés ensuite comme examens de surveillance.

La morbidité de la thrombophlébite du sinus latéral est importante.

Si la mortalité est quasiment nulle en France, elle est encore de 10 % en Afrique.

Diagnostic différentiel :

A – Otite externe :

Le décollement du pavillon avec érythème mastoïdien peut exister dans l’otite externe, mais il y a une douleur très caractéristique à la traction du pavillon de l’oreille et à la pression du tragus ainsi qu’un oedème du conduit auditif externe.

Dans la forme nécrosante, exceptionnelle chez l’enfant et uniquement le fait d’enfants immunodéprimés, l’altération de l’état général est tardive.

B – Adénopathie rétroauriculaire :

En cas d’adénite ou d’adénophlegmon rétroauriculaire, le pavillon de l’oreille peut être décollé, mais il y a une accentuation du sillon rétroauriculaire (signe de Jacques) et non un effacement comme dans les mastoïdites aiguës.

C – Otite traînante :

Il est toujours très difficile de faire la différence entre une OMA traînante et une mastoïdite subaiguë.

Cette distinction n’est peut-être que nosologique.

Traitement :

A – Méthodes :

1- Traitement médical :

Le traitement médical de la mastoïdite aiguë comporte, outre les antalgiques et le traitement symptomatique de la fièvre, un traitement antibiotique parentéral.

L’antibiothérapie (bi- ou trithérapie) est à large spectre et orientée par le résultat des examens bactériologiques : prélèvement d’une otorrhée ou prélèvement de l’épanchement rétrotympanique par paracentèse, prélèvement d’un éventuel abcès sous-périosté, prélèvements peropératoires.

Si l’enfant était précédemment sous antibiotiques, et si son état local et général le permet, il est souvent utile de répéter les prélèvements après une fenêtre thérapeutique de 48 heures, car les premiers prélèvements peuvent être stériles.

En attendant les résultats des prélèvements, compte tenu de la bactériologie des mastoïdites aiguës et en l’absence d’allergie connue à ces antibiotiques, il est habituel de prescrire une double antibiothérapie dirigée contre le pneumocoque et le staphylocoque telle que l’association céfotaxime (Claforant, 200 mg/kg/j en trois injections intraveineuses lentes) ou ceftriaxone (Rocéphinet 50 à 100 mg/kg/j en intraveineuse lente) et fosfomycine (Fosfocinet 100 à 150 mg/kg/j en trois ou quatre perfusions).

En cas de présomption d’infection à bacille à Gram négatif (enfant de 4 à 8 mois, antécédents d’antibiothérapie prolongée, complications intracrâniennes inaugurales), un aminoside tel que la nétilmicine (Nétromicinet) 7,5 mg/kg/j en trois injections intraveineuses lentes) est ajouté.

Par ailleurs, si l’anamnèse oriente vers la responsabilité d’anaérobies, il faut prescrire un imidazolé type métronidazole (Flagylt).

Dans les formes d’évolution favorable, le traitement est poursuivi pendant 5 jours puis le relais est pris per os par un antibiotique adapté au(x) germe(s) retrouvé(s) sur les prélèvements.

En cas de culture stérile, le relais est pris par l’association amoxicilline-acide clavulanique.

La durée totale de l’antibiothérapie est de 12 jours au minimum, 5 semaines ou plus en cas d’anaérobies.

En cas de tuberculose, la recherche d’autres localisations et l’examen de l’entourage sont systématiques.

En l’absence de complication, le traitement de la mastoïdite tuberculeuse est purement médical avec quatre antituberculeux pendant 2 mois et deux antituberculeux pendant 7 mois.

Les mycobactéries atypiques sont de traitement difficile.

Ter Konda et al proposent une trithérapie avec deux antituberculeux (rifampicine et éthambutol) et une fluoroquinolone (ciprofloxacine) ou un nouveau macrolide (clarithromycine) pendant 1 an.

2- Traitement chirurgical :

Il s’agit d’une mastoïdectomie sus- et rétroméatique.

Son but est la suppression des foyers infectieux, l’exérèse des tissus inflammatoires ou nécrotiques.

L’intervention s’effectue sous anesthésie générale avec intubation.

L’incision cutanée est rétroauriculaire.

Chez le nourrisson, du fait de l’absence de pointe, l’incision est sus- et rétroauriculaire.

La pose d’un aérateur transtympanique y est souvent associée.

B – Indications :

Le traitement est fonction du tableau clinique.

En cas de mastoïdite aiguë extériorisée avec abcès sous-périosté, la mastoïdectomie est nécessaire tant pour drainer l’abcès que pour faire l’exérèse des foyers d’ostéite rebelles à une antibiothérapie même massive et bien conduite.

Les abcès extraduraux éventuels sont drainés par la même voie.

En cas de thrombophlébite du sinus latéral, avec hypertension intracrânienne, le geste chirurgical est précédé de ponctions lombaires itératives et d’un traitement antioedémateux par Diamoxt.

Que la thrombophlébite soit symptomatique ou de découverte opératoire, si la ponction du sinus à l’aiguille ramène du sang, aucun geste complémentaire n’est entrepris.

En cas de thrombose confirmée, le sinus latéral doit être largement dénudé, puis tamponné à ses deux extrémités et incisé pour permettre l’évacuation du pus et l’évacuation partielle ou totale du thrombus. Une plaie hémorragique du sinus peut être aveuglée par du Surgicelt.

La ligature de la veine jugulaire interne n’est pratiquement plus proposée.

Le traitement anticoagulant est contesté, il fait courir le risque d’embolie septique, d’hémorragie, voire de coagulation intravasculaire disséminée.

Il semble que la prudence soit la règle chez l’enfant.De même, la corticothérapie ne fait pas l’unanimité.

En cas de périostite, tout comme en cas de mastoïdite subaiguë, il faut commencer par la paracentèse et le traitement médical.

Celui-ci est suffisant dans un quart des cas environ, dans les autres cas, il faut compléter le traitement par une mastoïdectomie.

En cas de complication endocrânienne, le geste otologique est effectué en même temps que le geste neurochirurgical ou de manière différée, pour éviter un engagement temporal.

Sauf complication, le traitement des mastoïdites tuberculeuses est exclusivement médical.

Le traitement chirurgical des mastoïdites à mycobactéries atypiques n’est envisagé qu’en cas d’échec du traitement médical. Les mastoïdites sont des affections rares.

La présentation clinique classique est celle d’un décollement du pavillon de l’oreille.

Le pronostic est excellent sous traitement médical, éventuellement complété par une mastoïdectomie en cas d’échec de celui-ci ou de complications à type d’abcès.

Les formes subaiguës sont de traitement plus difficile. Les formes masquées sont particulièrement trompeuses puisque le tympan est normal.

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