Manifestations respiratoires au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine

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Introduction :

Fréquentes et graves, les atteintes respiratoires ont toujours occupé une place importante dans l’évolution spontanée de la maladie causée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), puisqu’elles surviennent chez plus de 80 % des malades atteints de syndrome de l’immunodéficience acquise (sida), mais sont également fréquentes, sous forme latente ou patente, à des stades antérieurs.

Manifestations respiratoires au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaineÀ l’ère de la trithérapie, elles occupent toujours une place importante dont témoignent leurs incidences dans les bases de données ou leurs fréquences dans les études autopsiques.

En fait, elles s’observent dans deux grandes circonstances :

– chez les patients ne recevant pas de trithérapie ; la sémiologie des grandes pathologies respiratoires et la conduite à tenir en leur présence sont actuellement bien connues et codifiées ;

– chez les patients recevant une trithérapie ; les incidences de ces pathologies respiratoires décroissent pour certaines, restent à peu près stables pour d’autres ; surtout, de nouvelles manifestations respiratoires liées à la reconstitution immunitaire sont apparues et continuent à être décrites.

Cette mise au point comporte trois parties :

– la première est consacrée à la description analytique des aspects cliniques, diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques des différentes atteintes bronchopulmonaires et pleurales observées en absence de tout traitement antirétroviral ;

– la deuxième est consacrée à la description analytique des modifications épidémiologiques et cliniques des atteintes bronchopulmonaires liées à la mise sous trithérapie ;

– la troisième synthétise la conduite à tenir en présence des situations cliniques les plus fréquentes.

Infections respiratoires basses observées en l’absence de trithérapie :

A – PNEUMOCYSTOSE :

Elle reste d’actualité, puisqu’en 1998 elle représentait encore en France la pathologie inaugurale de sida la plus fréquente, ceci s’expliquant avant tout par sa survenue chez des patients non dépistés ou non suivis.

1- Symptomatologie :

La symptomatologie initiale est discrète, marquée par l’apparition puis la majoration progressive d’une toux sèche et d’un décalage thermique, alors même que l’auscultation et la gazométrie de repos sont encore normales.

À un stade plus évolué, des râles crépitants peuvent apparaître, mais restent souvent discrets en regard des anomalies radiologiques : celles-ci sont des opacités avant tout interstitielles, mais aussi alvéolaires, bilatérales, parfois associées à des pseudokystes ou à un pneumothorax.

Au stade ultime d’insuffisance respiratoire aiguë, les opacités réticulonodulaires diffuses font place à un aspect de « poumons blancs ».

2- Diagnostic :

Le diagnostic de certitude nécessite la mise en évidence de Pneumocystis carinii par les colorations appropriées de prélèvements respiratoires : Gomori-Grocott, Giemsa, bleu de toluidine, immunofluorescence spécifique.

Le plus souvent, ces prélèvements sont obtenus par lavage bronchoalvéolaire (LBA) qui demeure une méthode diagnostique extrêmement fiable, se compliquant exceptionnellement en des mains entraînées ; en cas d’insuffisance respiratoire aiguë, le LBA peut être réalisé sous oxygénothérapie, voire sous ventilation assistée au masque.

Dans les services spécialisés, l’expectoration induite par inhalation de soluté hypertonique peut être substituée au LBA en première intention.

Cet examen nécessite une grande rigueur dans sa réalisation, expose à la méconnaissance d’associations pathogènes et n’évite définitivement le recours au LBA que s’il objective P. carinii.

Chez les patients suspects de pneumocystose, à un stade précoce infraradiologique, les cliniciens se sont longtemps interrogés sur l’opportunité de tests diagnostiques indirects susceptibles de sélectionner les meilleures indications du LBA ou de l’expectoration induite, et d’épargner ainsi des investigations inutiles aux autres.

L’élévation des lacticodéshydrogénases (LDH) sériques, la baisse de la diffusion du CO et notamment de sa composante membranaire, l’élévation du gradient alvéoloartériel en oxygène au repos et à l’exercice, une hyperfixation du gallium, une accélération de la clairance du DTPA-technétium inhalé se sont ainsi révélés prédictifs de pneumocystose sans prétendre à une spécificité et/ou une sensibilité de 100 %.

Certains centres spécialisés ont ainsi mis en place un circuit diagnostique comportant d’abord la recherche d’une désaturation à l’effort puis, en cas de positivité, la réalisation d’une expectoration induite et enfin, si celle-ci est négative, le recours au LBA.

3- Traitement :

Le traitement de première intention est le triméthoprimesulfaméthoxazole (TMP-SMZ) (Bactrimt) administré par voie orale ou veineuse aux doses respectives de 15 à 20 mg/kg/j (TMP) et 75 à 100 mg/kg/j (SMZ) correspondant à 6 comprimés de Bactrim Fortet ou 12 ampoules de Bactrimt, sur une durée totale de 21 jours.

Les effets secondaires sont fréquents (20 à 30 %) chez ces patients, surtout en cas de reprise du médicament.

Il s’agit principalement de manifestations digestives (nausée, vomissement), cutanées (rash), hématologiques (leucopénie, thrombopénie) survenant en général entre le huitième et le 11e jour.

Les alternatives thérapeutiques en cas de contre-indication, ou d’effets secondaires menaçants, dépendent de la gravité de la pneumocystose, sévère ou modérée.

Dans le premier cas, on a recours aux traitements parentéraux comportant la pentamidine, le trimétrexate ou l’éflornithine.

Dans le second cas, on utilise plus volontiers les traitements per os (TMPdapsone, clindamycine-primaquine, atovaquone) ou les aérosols de pentamidine.

L’intérêt de la corticothérapie a été démontré dans les années 1990.

Elle doit être administrée après la preuve parasitologique, en l’absence d’autres agents infectieux (mycobactérie…) et démarrée avec le traitement antiparasitaire.

Deux schémas sont validés en fonction de la gazométrie artérielle initiale.

La corticothérapie expose par ailleurs à un risque d’effet rebond et de développement de maladie à cytomégalovirus (CMV).

4- Évolution :

L’évolution de la pneumocystose au cours du sida est difficile à schématiser.

Au moment de l’initiation du traitement, une PaO2 inférieure à 50 mmHg en air ambiant et une élévation majeure des LDH sériques sont de mauvais pronostic.

Deux récentes études multivariées ont isolé deux autres facteurs indépendants de mauvais pronostic : un pourcentage de neutrophiles supérieur à 10 % au LBA ; la présence de mutations du gène de la dihydroptéorate synthase ou du gène du cytochrome C chez les patients faisant une pneumocystose en dépit d’une prophylaxie par sulfamide dans le premier cas, par l’atovaquone dans le second.

Les retombées pratiques de ces constatations restent à évaluer.

La médiocre valeur pronostique individuelle de chacune des ces anomalies fait néanmoins que leur observation ne doit en aucun cas faire renoncer au TMP-SMX, aux stéroïdes, ou à la ventilation contrôlée si celle-ci s’avère nécessaire.

En fait, le vrai problème est celui d’une aggravation progressive de l’hypoxémie en dépit de ce traitement conduisant à quatre interrogations :

– comment distinguer au septième jour l’échec vrai d’une réponse retardée au traitement ?

– quel est l’intérêt d’un LBA à cette date dans la mesure où : la persistance de P. carinii ne préjuge aucunement de l’évolution ultérieure ; la présence fréquente de CMV n’a aucune incidence pronostique ; il est exceptionnel de dépister une infection associée ;

– faut-il modifier le traitement anti-infectieux à cette date et au profit de quel médicament ou de quelle association médicamenteuse ?

– enfin, si l’état du patient en situation d’échec thérapeutique nécessite la mise sous ventilation contrôlée, celle-ci est-elle légitime dans la mesure où la mortalité est alors proche de 100 % (contre 50 % chez les patients non encore traités) ?

5- Formes atypiques :

L’accent a été mis sur des aspects sémiologiques rares mais inhabituels de la pneumocystose incluant des atypies radiologiques (prédominance des infiltrats au niveau des sommets, nodules disséminés, excavations, pneumothorax) et des localisations extrapulmonaires, soit endothoraciques (bronchiques, ganglionnaires, médiastinales, pleurales, péricardiques), soit extrathoraciques (médullaires, hépatiques, spléniques, cutanées, etc).

Ces anomalies s’observaient le plus souvent chez des patients parvenus à des stades très évolués de sida et soumis à une prophylaxie par des aérosols de pentamidine.

B – AUTRES PNEUMONIES PARASITAIRES :

1- Toxoplamose :

En France, il s’agit presque exclusivement de la toxoplasmose qui survient chez des patients très immunodéprimés (lymphocytes T CD4+ sanguins < 100/mm3) dont la sérologie de la toxoplasmose était positive.

L’atteinte pulmonaire, d’installation rapide, s’accompagne de fièvre et d’une augmentation considérable des LDH sériques, et se traduit préférentiellement par des opacités interstitielles avec renforcement nodulaire des bases.

Lorsque ce diagnostic est évoqué, la recherche systématique d’autres localisations est habituellement positive, qu’il s’agisse de localisations cérébrales, digestives, hématologiques ou cardiaques.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence de Toxoplasma gondii dans le LBA, par colorations usuelles, culture, immunofluorescence, et plus récemment polymerase chain reaction (PCR).

Sous traitement par pyriméthamine-sulfadiazine administré précocement, l’évolution est favorable. Dans le cas contraire, le décès survient en quelques jours par insuffisance respiratoire aiguë, avec ou sans choc.

2- Parasitoses exotiques :

Exceptionnellement, chez des sujets ayant vécu en zone d’endémie, ont été rapportées des anguilluloses malignes ou des localisations pleuropulmonaires de leishmaniose.

Des cryptosporidioses pulmonaires ont été également décrites chez des sujets très immunodéprimés.

Leur expression clinique semble limitée à une symptomatologie bronchique riche et traînante.

C – MYCOSES PULMONAIRES :

1- Cryptococcose :

C’est la mycose opportuniste la plus fréquente en France.

Elle touche 6 à 13 % des patients infectés par le VIH avec des taux de lymphocytes CD4 en général inférieurs à 50-100/mm3.

L’atteinte pulmonaire est la deuxième atteinte viscérale après les manifestations neuroméningées.

Elle peut être infraclinique au cours d’une forme disséminée, ou peut se manifester par un tableau fébrile d’installation rapide avec une toux, une expectoration, au premier plan d’une forme disséminée ou au cours d’une forme localisée.

La radiographie peut montrer des opacités interstitielles localisées ou diffuses, une condensation alvéolaire, des adénopathies médiastinales ou une pleurésie.

La fibroscopie bronchique peut montrer des ulcérations, des granulations, des plaques blanches.

Le diagnostic est affirmé par la mise en évidence de cryptocoques (encre de Chine, culture) et/ou de l’antigène cryptococcique dans les crachats, le LBA, le liquide pleural ou dans les formes disséminées, dans le sang ou le liquide céphalorachidien (LCR).

Le traitement d’attaque repose sur l’amphotéricine B éventuellement associée à la 5-fluoro-cytosine.

Le fluconazole peut être utilisé en relais après 2 semaines d’amphotéricine B et constitue le médicament de choix de la prophylaxie secondaire.

La mortalité est évaluée à 40 % en cas d’atteinte pulmonaire.

2- Aspergillose :

Elle se rencontre de plus en plus fréquemment chez les patients infectés par le VIH.

Elle s’observe chez les patients dont l’immunodépression est profonde (CD4 < 50/mm3) et/ou qui ont un autre facteur de risque tel qu’une neutropénie, une corticothérapie ou des antibiothérapies itératives.

Elle débute insidieusement et peut se manifester soit par une forme pulmonaire invasive où prédominent la toux et la fièvre, soit par une forme bronchique obstructive où prédominent les accès de dyspnée bronchospastique à type de pseudoasthme, associés à une toux et des douleurs thoraciques.

Des hémoptysies peuvent survenir au cours de ces atteintes.

La radiographie pulmonaire peut montrer plusieurs types d’atteintes : des opacités excavées des lobes supérieurs, des nodules parenchymateux disséminés, des opacités interstitielles diffuses ou localisées.

Le diagnostic est affirmé par la fibroscopie bronchique retrouvant l’Aspergillus à l’examen direct et en culture.

L’histologie (biopsie transbronchique ou biopsie pulmonaire chirurgicale) permet de démontrer le caractère invasif de l’aspergillose.

Le traitement repose sur l’amphotéricine B et/ou l’itraconazole (Sporanoxt), mais le pronostic est redoutable avec une médiane de survie à 4 mois.

3- Mycoses exotiques :

L’histoplasmose et la coccidioïdomycose touchent les patients ayant séjourné en zone d’endémie et sont très rares en France.

La candidose pulmonaire est exceptionnelle, la présence de Candida dans le LBA étant le plus souvent le témoin d’une colonisation, et le caractère invasif ne pouvant être affirmé que par l’histologie.

D – VIROSES PULMONAIRES :

1- Cytomégalovirose :

Le rôle pathogène pulmonaire du CMV est controversé.

Le CMV est retrouvé avec une grande fréquence dans le LBA ou les biopsies pulmonaires, à l’examen direct ou en culture.

Son incidence sur le pronostic est cependant faible, qu’il soit isolé ou associé à d’autres agents pathogènes.

Il existe cependant de rares pneumopathies à CMV documentées.

Elles surviennent à un stade d’immunodépression profonde (CD4 < 100/mm3), sont d’installation progressive ou rapide et se manifestent par une toux sèche, une dyspnée d’effort et un fébricule.

La radiographie pulmonaire peut montrer un infiltrat interstitiel ou alvéolaire localisé ou diffus.

Le traitement pose le problème de son indication.

Elle est formelle lorsqu’il existe une localisation extrapulmonaire.

Elle est logique lorsque l’on retrouve du CMV dans les prélèvements dans une des situations suivantes : taux de CD4 supérieur à 200/mm3 ; hémorragie intra-alvéolaire associée à une anémie hémolytique ; indication à une corticothérapie avec taux de CD4 inférieur à 50/mm3 ; tableau compatible de pneumopathie à CMV associée à des signes de réplication (cellule à inclusion, culture rapide, antigénémie CMV positives) et l’absence d’autre pathogène impliqué.

Le traitement repose alors sur les médicaments habituels que sont le ganciclovir et le foscarnet.

La nécessité d’un traitement d’entretien n’est pas établie.

2- Autres viroses :

De la même manière, d’autres virus ont été retrouvés dans le LBA des patients sans que leur rôle pathogène ne soit démontré : adénovirus, myxovirus, herpès simplex virus (HSV)-1, virus d’Epstein-Barr (EBV) et VIH lui-même.

E – MYCOBACTÉRIOSES :

1- Tuberculose :

* Épidémiologie :

En France, l’incidence de la tuberculose a augmenté de 6,6 % entre 1991 et 1992 puis s’est stabilisée.

Elle est beaucoup plus importante chez les patients infectés par le VIH.

Dans 5 à 10% des cas, les patients atteints de tuberculose ont une sérologie positive pour le VIH.

L’incidence augmente avec le degré d’immunodépression.

Par ailleurs, le taux de souches de Mycobacterium tuberculosis résistantes est plus important chez les patients VIH positifs.

* Clinique :

La présentation radioclinique dépend du degré d’immunodépression.

Au stade précoce, lorsque le taux de CD4 est supérieur à 250/mm3, la présentation radioclinique est identique à celle des patients immunocompétents.

À un stade plus avancé, on retrouve quelques caractères particuliers : infiltration des lobes inférieurs, diffusion parenchymateuse à type de miliaire, adénopathies médiastinales, dissémination extrapulmonaire.

Lorsque le taux de CD4 est inférieur à 100/mm3, la radiographie peut être normale avec cependant une pullulation de bacilles acidoalcoolorésistants (BAAR).

* Diagnostic :

L’intradermoréaction reste une approche diagnostique indirecte, utile surtout à la phase initiale de l’infection à VIH.

Elle est positive dans plus de 40 % des cas.

Elle est fréquemment négative lorsque les CD4 sont inférieurs à 250/mm3 et toujours négative lorsque ces derniers sont inférieurs à 100/mm3.

Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence de BAAR à l’examen direct de différents prélèvements expectoration, LBA, liquide pleural, prélèvement d’organe extrathoracique atteint  avec culture positive à M. tuberculosis.

La présence de granulome tuberculoïde sur un prélèvement histologique (exemple : biopsie transbronchique) constitue une autre approche diagnostique en l’absence de BARR.

Sa positivité, en cas de tuberculose, dépend de la même manière que l’intradermoréaction, du degré d’immunodépression.

* Traitement :

Un traitement classique (quadrithérapie ou trithérapie avec pyrazinamide pendant 2 mois, puis bithérapie pendant 4 mois) permet habituellement une évolution favorable.

Les effets secondaires du traitement se rencontrent plus fréquemment que chez l’immunocompétent.

Compte tenu des résistances rencontrées, il est important d’isoler le germe et de porter une attention particulière à son antibiogramme.

La prophylaxie secondaire longtemps discutée ne semble pas indiquée dans les pays développés du fait du faible nombre de rechutes observées.

2- Mycobactérioses atypiques :

Elles ont été incriminées au cours d’atteintes respiratoires chez des patients très immunodéprimés ayant moins de 50 CD4/mm3.

Leur incidence est évaluée à 39 % par an si les CD4 sont inférieurs à 10/mm3 et à 3 % par an si les CD4 sont entre 100 et 200/mm3.

Les plus fréquentes sont M. avium intracellulare (MAI) (> 90 % des cas) et M. kansasii. Les autres (M. xenopi, M. chelonae, M. simiae…) sont plus rares.

* « Mycobacterium avium intracellulare » :

Il est responsable le plus souvent d’atteintes disséminées avec une prédominance des signes généraux.

L’atteinte pulmonaire ne survient que dans 4 % des cas.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence du germe sur hémoculture Isolator ou un prélèvement d’organe (PBH [ponction-biopsie hépatique], BOM [biopsie ostéomédullaire], biopsie ganglionnaire).

Le traitement classique associe la rifabutine, le myambutol et la clarithromycine.

Il permet une amélioration clinique et une négativation des prélèvements.

Il est recommandé de le poursuivre pendant un an et de le relayer par une prophylaxie secondaire.

* « Mycobacterium kansasii » :

Il a un tropisme respiratoire prépondérant.

L’infection se traduit principalement par une toux, une dyspnée et une fièvre.

La radiographie pulmonaire peut montrer des infiltrats localisés aux sommets, des opacités interstitielles diffuses ou une excavation à paroi fine.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence du germe dans les prélèvements bronchopulmonaires.

Le traitement consiste en une trithérapie par rifampicine, isoniazide et éthambutol, à poursuivre pendant 1 an après la négativation des prélèvements.

M. kansasii a une résistance naturelle au pyrazinamide et aux faibles doses d’isoniazide.

F – INFECTIONS BACTÉRIENNES BRONCHOPULMONAIRES :

Les infections des voies aériennes supérieures et inférieures à bactéries pyogènes sont particulièrement fréquentes, réalisant des tableaux cliniques variés :

– syndrome de condensation s’accompagnant volontiers de bactériémie ;

– opacités interstitielles et/ou nodulaires diffuses peu évocatrices d’infection à pyogènes ;

– bronchites ou sinusites, traînantes et récidivantes.

1- Bactéries usuelles :

Les germes responsables sont habituellement Streptococcus pneumoniae, volontiers de sensibilité diminuée à la pénicilline ou Haemophilus influenzae.

Pour les pneumopathies, un certain nombre de facteurs de risque ont été identifiés : héroïnomanie intraveineuse, origine africaine, tabagisme actif.

Surtout, un effet protecteur de la vaccination antipneumococcique, de la chimioprophylaxie anti- MAIC et, pour certains, de la chimioprophylaxie anti-P. carinii a été mis en évidence.

Sous antibiothérapie probabiliste, l’évolution est le plus souvent favorable ; des rechutes s’observent chez certains malades, devant alors faire discuter une méatotomie en cas de sinusite, une antibiothérapie orale prophylactique en cas de pneumonies sévères, une antibiothérapie discontinue ou continue par aérosols en cas de bronchites suppuratives et destructrices.

2- Bactéries nosocomiales :

Chez les malades hospitalisés ou parvenus à un stade avancé d’immunodépression, Staphylococcus ou Pseudomonas peuvent également être en cause.

Les facteurs de risque sont une neutropénie et des infections respiratoires antérieures récidivantes ou traînantes, sources d’antibiothérapies réitérées.

Les germes responsables doivent être identifiés par hémocultures, ponction des sinus ou brossage bronchique protégé.

3- Bactéries opportunistes :

Certaines bactéries comme Rhodococcus equi, Nocardia asteroides, Pasteurella multocida, Corynebacterium pseudodiphtericum ont été occasionnellement identifiés, justifiant des prélèvements locaux en cas de sémiologie inhabituelle (constitution progressive, excavation) ou d’évolution défavorable sous antibiothérapie probabiliste.

Atteintes respiratoires basses d’origine tumorale ou aspécifiques observées en l’absence de trithérapie :

A – LOCALISATIONS BRONCHOPULMONAIRES DE LA MALADIE DE KAPOSI :

La maladie de Kaposi (MK) est à l’origine de 10 % des atteintes pleuropulmonaires au cours de l’infection par le VIH, et de 40 % des pneumopathies chez les malades atteints de MK cutanéomuqueuse.

1- Expression radioclinique :

La symptomatologie initiale des MK bronchopulmonaires est discrète.

De ce fait, elles sont souvent révélées par une radiographie systématique ou une endoscopie bronchique motivée par une pneumopathie infectieuse associée. Des douleurs pleurales, des accès de toux paroxystique, des hémoptysies sont évocateurs mais rares.

L’examen clinique peut mettre en évidence :

– des lésions cutanéomuqueuses de MK en poussée ;

– une fièvre modérée ;

– des oedèmes déclives mal expliqués, très évocateurs de MK viscérale.

La radiographie thoracique retrouve essentiellement :

– des opacités nodulaires ou tumorales, uniques ou multiples, denses, homogènes, souvent mal délimitées, pouvant confluer ;

– des opacités linéaires, bilatérales, péribronchovasculaires, effaçant les contours vasculaires périhilaires, prédominant aux bases et en paracardiaque, se prolongeant en périphérie par des images réticulées plus fines.

L’association de ces deux types d’anomalies est possible, de même que d’autres aspects tels des opacités interstitielles diffuses ou bien des infiltrats segmentaires ou lobaires.

Des réactions pleurales d’origine kaposienne sont fréquemment associées, notamment dans les formes évoluées, explorées par tomodensitométrie (TDM).

Des adénopathies médiastinales associées ont également été décrites mais sans certitude étiologique.

Lorsqu’une scintigraphie est pratiquée, le gallium ne fixe pas les lésions de MK.

2- Diagnostic :

En ce qui concerne la certitude diagnostique, il est souvent difficile d’obtenir des prélèvements de qualité permettant d’affirmer l’origine kaposienne des lésions.

Aussi, de plus en plus, lorsque le contexte clinique est évocateur, se contente-t-on d’une visualisation macroscopique de lésions généralement très suggestives.

Dans la majorité des MK bronchopulmonaires, l’endoscopie bronchique objective au niveau de la trachée ou des bronches, plus précisément de la carène et des éperons de division, des lésions rouges, aplaties ou arrondies, légèrement surélevées, non friables, de 0,2 à 1 cm de diamètre, de répartition irrégulière ; le LBA peut objectiver une hémosidérose et surtout éliminer une infection associée.

En l’absence de lésions bronchiques, force est de recourir à une thoracoscopie ou à une thoracotomie a minima en regard de la lésion la plus périphérique, qui permet de visualiser des nodules violacés avec halo hémorragique.

3- Traitement :

Dès lors qu’il est symptomatique et que le clinicien s’est assuré de l’absence d’infection bactérienne associée, la MK bronchopulmonaire relève classiquement d’une polychimiothérapie (adriamycine, bléomycine, vincristine).

Après une réponse initiale souvent spectaculaire, l’évolution est marquée entre chaque cure par la reprise d’une toux quinteuse souvent invalidante et d’une dyspnée d’intensité croissante.

À terme, la neutropénie induite et les infections en résultant imposent l’espacement des cures. Le décès survient après 6 à 12 mois par insuffisance respiratoire aiguë, résultant des lésions spécifiques et/ou des infections associées.

À ce jour, des progrès importants et successifs ont été réalisés avec le recours à la daunorubicine ou aux taxanes.

B – AUTRES TUMEURS BRONCHOPULMONAIRES :

Les localisations bronchopulmonaires de lymphomes, hodgkiniens ou non hodgkiniens sont rarement isolées, diagnostiquées alors par biopsie pulmonaire.

Le plus souvent, elles s’inscrivent dans une atteinte disséminée et connue.

Plus récemment, ont été décrits des lymphomes pulmonaires primitifs. Des cancers bronchiques ont également été décrits.

Il reste à prouver qu’ils sont plus fréquents et plus graves au cours de l’infection par le VIH, comme le suggèrent des études récentes.

C – PNEUMOPATHIE INTERSTITIELLE LYMPHOÏDE ET ALVÉOLITE LYMPHOCYTAIRE :

1- Pneumopathie interstitielle lymphoïde (LIP des auteurs anglo-saxons) :

Elle atteint préférentiellement les Africains et les enfants.

Peu fébrile, elle se traduit par des opacités interstitielles diffuses, progressivement apparues, souvent de découverte radiologique systématique.

Théoriquement, le diagnostic suppose une biopsie pulmonaire puisque la LIP répond à une définition histologique : infiltration lymphocytaire du parenchyme avec agrégats lymphocytaires péribronchovasculaires.

En pratique, lorsque les données cliniques sont très évocatrices et que l’on dispose d’un recul, certains se contentent d’un LBA dès lors qu’il objective une hyperlymphocytose, relative et absolue, majeure, composée de lymphocytes T CD8+, sans infection associée.

L’évolution naturelle de la LIP est variable : rémission spontanée ou stabilité, chez l’enfant notamment ; rapide passage au sida, particulièrement chez l’adulte ; infections bactériennes récidivantes des voies aériennes supérieures chez l’enfant et l’adulte.

La LIP s’accompagne souvent d’une infiltration lymphoïde d’autres organes, symptomatique ou non (hypertrophie parotidienne, syndrome sec, neuropathie périphérique).

Dans les formes symptomatiques, une corticothérapie a été proposée.

La physiopathologie supposée, incriminant l’EBV chez l’enfant et le VIH chez l’adulte, inciterait davantage à un traitement antiviral.

2- Alvéolite lymphocytaire :

La LIP ne représente vraisemblablement que l’expression clinique extrême d’une réaction lymphocytaire très fréquente, en réponse à l’infection des cellules pulmonaires par le VIH.

En effet, des LBA pratiqués prospectivement chez des patients symptomatiques ou non, à des stades divers de l’infection par le VIH, ont retrouvé une alvéolite lymphocytaire dans plus de 50 % des cas.

Au stade précoce de l’infection par le VIH, cette alvéolite est constituée de lymphocytes T CD8+ cytotoxiques et s’accompagne d’une augmentation de la perméabilité épithéliale pulmonaire ; à un stade plus évolué, cette alvéolite est constituée de lymphocytes T CD8+ suppresseurs inhibant l’action des cellules cytotoxiques résiduelles.

D – AUTRES ATTEINTES BRONCHOPULMONAIRES ASPÉCIFIQUES :

De nombreuses atteintes aspécifiques ont été plus rarement rapportées : embolie pulmonaire, pneumopathie d’inhalation, oedème pulmonaire lésionnel ou hémodynamique, pneumopathie médicamenteuse (au TMP-SMX notamment), hyperréactivité bronchique (récemment contestée), bronchiolite et bronchectasies, pseudoemphysème.

Pour chacune de ces atteintes, le problème d’une coïncidence ou d’une vraie relation avec l’infection par le VIH se pose. Récemment, l’accent a été mis sur trois causes déroutantes de dyspnée : l’acidose lactique, le dysfonctionnement musculaire et surtout l’hypertension artérielle pulmonaire.

Atteintes pleurales observées en absence de trithérapie :

A – PLEURÉSIES DUES À LA MALADIE DE KAPOSI :

Progressivement constituées, chez des malades souffrant de MK cutanéomuqueuse, dans un climat peu fébrile (< 38 °C), elles sont abondantes, associées à des lésions parenchymateuses et se bilatéralisent.

La ponction ramène habituellement un liquide hématique ou sérohématique, parfois chyleux, plus rarement citrin.

La cytologie pleurale ne permet pas le diagnostic du fait de l’absence de cellules spécifiques de MK.

La biopsie pleurale contribue à éliminer une infection mais n’objective habituellement que des lésions aspécifiques.

De ce fait, le problème posé est assez similaire à celui des atteintes pulmonaires.

Soit tous les arguments concordent, la bilatéralité et l’aspect sérohématique emportent la conviction, soit la symptomatologie est dissociée ; une thoracoscopie ou une thoracotomie a minima, en regard des lésions parenchymateuses associées les plus périphériques, peut apporter la certitude en visualisant des plaques hémorragiques ou des nodules violacés.

Dès lors qu’ils sont symptomatiques, ces épanchements sont de mauvais pronostic en dépit d’une chimiothérapie et de ponctions évacuatrices.

B – PLEURÉSIES INFECTIEUSES :

Les pleurésies d’origine bactérienne surviennent à tous les stades de l’infection par le VIH.

Elles s’individualisent, par rapport aux pleurésies kaposiennes, par l’absence ou la non-évolutivité d’une MK associée, une fièvre souvent supérieure à 39 °C, le caractère unilatéral de l’épanchement et de l’atteinte parenchymateuse éventuellement associée.

La ponction pleurale ramène un liquide purulent ou citrin.

Elle affirme le diagnostic si des pyogènes sont en cause. Les biopsies pleurales sont habituellement nécessaires au diagnostic de tuberculose.

Les pleurésies d’origine infectieuse opportuniste ne s’observent que chez des malades ayant moins de 200 lymphocytes T CD4+ sanguins/mm3.

Elles se caractérisent par un début progressif, une fièvre souvent modérée, une altération de l’état général.

Les germes les plus divers peuvent être en cause : parasites (P. carinii, Leishmania), champignons (Cryptococcus sp., Aspergillus sp.) bactéries (mycobactéries atypiques).

Leur existence incite à plus d’agressivité et d’acharnement diagnostique lorsque la pleurésie ne s’inscrit manifestement pas dans le cadre d’une MK ou d’une infection usuelle.

C – AUTRES PLEURÉSIES :

Une affection néoplasique (lymphome, cancer), une embolie pulmonaire, une hypoalbuminémie (dans le cadre ou non d’un syndrome néphrotique) ont été plus rarement mises en cause.

D – PNEUMOTHORAX :

Ils ont essentiellement été observés chez des sujets avec moins de 200 lymphocytes T CD4+/mm3.

Dans plus de 95 % des cas, ils traduisent une pneumocystose pulmonaire sous-jacente.

Ils peuvent la révéler, survenir au cours de son traitement, que le malade soit ou non sous ventilation mécanique, ou encore survenir au cours d’une récidive sous aérosols prophylactiques de pentamidine.

En première intention, ils relèvent d’un drainage.

Le LBA sous drainage confirme généralement le diagnostic de pneumocystose.

Le scanner thoracique objective souvent des lésions beaucoup plus diffuses et beaucoup plus excavées que ne le laissait supposer la radiographie thoracique.

L’évolution ne se conçoit que sous surveillance étroite.

Du fait de la fragilité du poumon sous-jacent, le drainage est souvent un échec et le pneumothorax se bilatéralise dans la moitié des cas.

En cas de lésions parenchymateuses majeures, la chirurgie est souvent inefficace à une phase précoce.

En cas de fistule persistante, il faut savoir prolonger le drainage et attendre pour intervenir sur des lésions en voie de guérison sous traitement anti-P. carinii.

Atteintes respiratoires basses observées sous trithérapie :

A – MODIFICATIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES AVANT LA TRITHÉRAPIE :

Les premières études épidémiologiques réalisées avant toute prise en charge des patients infectés par le VIH avaient montré la place prépondérante de la pneumocystose.

Par la suite, le recours progressif aux prophylaxies et aux mono- ou bithérapies antirétrovirales avait déjà eu un impact sur l’épidémiologie des différentes affections infectieuses et tumorales observées au cours de l’infection VIH.

Ainsi, en France, la pneumocystose et la MK n’inauguraient plus que respectivement 16 et 13 % des cas de sida en 1995 contre 42 et 22 % en 1989.

De même, si l’on s’intéresse aux incidences des différentes affections opportunistes entre 1992 et 1995, on constate une diminution de l’incidence de la pneumocystose et de la toxoplasmose (effet des prophylaxies ?), une relative stabilité de la tuberculose et une augmentation de l’incidence de la cytomégalovirose, des mycobactérioses atypiques, mais aussi des pneumonies bactériennes (augmentation de la durée de vie des malades à des stades avancés d’immunodépression couplée à l’absence de prophylaxie primaire).

B – MODIFICATIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES LIÉES À LA TRITHÉRAPIE :

1- Manifestations pulmonaires d’incidence très diminuée sous trithérapie :

La comparaison des incidences pour 10 000 personnes/années montre une diminution majeure des affections opportunistes entre 1995 et 1998 en France.

Elle passe de 177 à 46 pour la pneumocystose, de 148 à 39 pour la toxoplasmose, de 214 à 36 pour la MK, de 424 à 40 pour la cytomégalovirose, et de 239 à 37 pour la mycobactériose à MAIC.

Cette persistance de certaines infections opportunistes à l’ère de la trithérapie s’observe chez trois catégories de patients :

– ceux qui ignorent leur séropositivité, chez lesquels l’infection opportuniste révèle l’infection VIH (44 % des cas) ;

– ceux qui se savent séropositifs mais refusent toute prise en charge ou ne peuvent en bénéficier (31 % des cas) ;

– ceux chez lesquels la trithérapie est un échec et la reconstitution immunitaire inexistante ou très limitée (22 % des cas).

Dans la mesure où la majorité de ces infections opportunistes surviennent chez des patients non pris en charge, il est logique que la pneumocystose reste l’affection inaugurant le plus souvent le passage au sida (20,4 % des cas), alors que la cytomégalovirose et la mycobactériose à MAIC qui surviennent à des stades plus avancés d’immunodépression n’inaugurent plus ce passage que dans respectivement 5,1 et 2,9 % des cas.

Cette diminution majeure d’incidence des principales infections opportunistes résulte de la reconstitution immunitaire liée à la trithérapie qui peut même avoir un effet curatif sur certaines affections opportunistes échappant jusque-là aux traitements, comme la MK pulmonaire.

Dans la majorité des cas, cette reconstitution est si efficace qu’elle autorise l’arrêt de certaines prophylaxies dès lors que :

– la charge virale est indécelable ;

– le taux des lymphocytes T CD4 est remonté au-dessus d’un certain seuil ;

– le gain se maintient ou se poursuit sur plus de 3 mois.

Fin 1999, seule la possibilité d’arrêter sans risque la prophylaxie primaire de la pneumocystose était validée par plusieurs études, dont certaines prospectives et faisait l’objet de recommandations officielles : possible arrêt de prophylaxie primaire en cas de remontée des lymphocytes T CD4 au-dessus de 200/mm3 sur au moins 3 à 6 mois.

2- Manifestations pulmonaires d’incidence peu diminuée sous trithérapie :

Il s’agit des infections dont on sait, depuis la reconnaissance du sida, qu’elles peuvent survenir à des degrés modestes d’immunodépression (CD4 > 200/mm3), à savoir la tuberculose et la pneumonie bactérienne.

Contrairement aux infections opportunistes classiques, leur incidence en France entre 1995 et 1998 soit est restée stable, pour les pneumonies bactériennes (passage de 295 à 255 pour 10 000 personnes/années), soit a décru modérément, pour la tuberculose pulmonaire (passage de 80 à 39) ou extrapulmonaire (passage de 51 à 33).

Cette majoration de place relative se retrouve pour la tuberculose au niveau des affections signant le passage au sida puisque tuberculoses pulmonaire et extrapulmonaire inauguraient 16,4 % des sida en 1998 contre seulement 9,9 % en 1995.

Cette persistance notable de la tuberculose et des infections bactériennes peut résulter de leur survenue à des stades précoces de l’infection VIH, mais aussi du risque toujours présent de contamination externe pour la tuberculose et d’une efficacité incomplète de la trithérapie sur la reconstitution de l’immunité humorale pour les pneumonies bactériennes.

La tuberculose du patient infecté par le VIH relève toujours du traitement court classique.

Une étude toute récente a confirmé que, sous ce traitement, le délai de négativation des expectorations et le pourcentage de rechutes à 18 mois n’étaient pas différents chez les patients infectés ou non par le VIH.

Le véritable problème actuel du traitement curatif de la tuberculose résulte des interférences entre antirétroviraux (inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse et antiprotéases) et antituberculeux.

En effet, les rifamycines sont de puissants inducteurs enzymatiques du cytochrome P 450 impliqué dans le métabolisme des antiprotéases.

La rifampicine entraîne une diminution majeure des taux plasmatiques des antiprotéases (baisse de 80 % pour l’indinavir ou le nelfinavir par exemple) ; de ce fait, l’association rifampicineantiprotéase est contre-indiquée dans la mesure où elle est source potentielle d’inefficacité de l’antiprotéase et donc d’acquisition de résistance aux antiprotéases par le VIH.

La rifabutine, moins inductrice du cytochrome P 450, entraîne une baisse plus modérée de leur taux plasmatique (baisse de 30 % pour l’indinavir et le nelfinavir).

Ainsi, l’association rifabutine-antiprotéase est possible sous réserve de majorer la posologie de l’antiprotéase.

Cette association est donc une alternative possible, dans la mesure où l’on a démontré une efficacité équivalente de la rifabutine et de la rifampicine dans le traitement de la tuberculose tant chez les sujets VIH négatifs que chez les sujets VIH positifs.

Par ailleurs, les antiprotéases augmentent les taux sériques de la rifabutine.

Cette augmentation est de 73 % pour l’indinavir et de 100 % pour le nelfinavir.

En pratique, l’association antiprotéaserifabutine est possible sous réserve de diminuer la posologie de la rifabutine.

De ce fait, le clinicien doit opter aujourd’hui entre trois stratégies possibles :

– traitement antituberculeux classique avec rifampicine, administré sur 6 mois, sans traitement antirétroviral associé ;

– traitement antituberculeux sans rifampicine, administré sur 9 mois, avec trithérapie comportant une antiprotéase ;

– traitement antituberculeux avec rifabutine à demi-dose (150 mg/24 h) et avec trithérapie comportant de l’indinavir ou du nelfinavir à doses légèrement majorées, en contrôlant les taux plasmatiques des antirétroviraux et des antituberculeux.

Différentes études ont montré une mortalité accrue de la tuberculose chez les patients infectés par le VIH, du fait essentiellement des coinfections.

De même, dans une série anglaise récente consacrée aux causes de mortalité aux stades antérieurs au sida, la pneumonie bactérienne apparaissait au premier rang (19,7 % des décès observés).

Cette place prépondérante occupée par la pneumonie bactérienne et la tuberculose à l’ère de la trithérapie, du fait de leur fréquence et de leur gravité, n’est pas sans conséquence.

Elle invite à reconsidérer leur prophylaxie comme un enjeu majeur.

L’efficacité du Rimifont administré pendant 9 mois ou de l’association rifampicine-pyrazinamide donnée pendant 2 mois chez les patients infectés par le VIH et ayant une intradermoréaction à la tuberculine positive (> 5 mm) en l’absence de BCG préalable, n’est plus à démontrer.

De même, dans une étude cas-témoins récente s’intéressant aux facteurs de risque de survenue des pneumonies bactériennes, la vaccination antipneumococcique réduisait ce risque de 70 %.

3- Manifestations pulmonaires nouvellement apparues sous trithérapie :

* Réponses paradoxales observées à l’institution de la trithérapie :

Celles-ci sont observées chez les patients très immunodéprimés et présentant une ascension des lymphocytes T CD4 durant les 2 mois suivant le début d’un traitement antirétroviral efficace.

Cette capacité nouvelle à produire une réponse inflammatoire, spécifique ou aspécifique, au lieu d’une infection a été incriminée à l’origine de l’apparition et/ou de l’exacerbation transitoire de symptômes ou de signes de rétinite à CMV, d’herpès cutanéomuqueux, de zona, de myélite et/ou d’encéphalite présumée à HSV, d’hépatite associée au virus de l’hépatite B (VHB) ou au VHC, de méningoencéphalite à cryptocoque, d’inflammation de molluscum contagiosum ou de verrues, d’adénopathies ou de lésions cutanées à MAIC.

Ces réponses paradoxales ont surtout été décrites avec la tuberculose, qu’il s’agisse de fièvre, de majoration des infiltrats pulmonaires, d’adénopathies médiastinales, de majoration de localisation cutanée ou péritonéale.

Dans de tels cas, une documentation histologique de l’inflammation a pu être apportée.

Le mécanisme initialement invoqué a été la déséquestration de lymphocytes T CD4, « mémoires » aptes à reconnaître un ou plusieurs antigènes mycobactériens.

L’observation de telles réactions au cours d’autres infections pulmonaires, granulomateuses (MAIC) ou non (pneumocystose), invite à s’interroger en fait sur le caractère spécifique ou aspécifique de l’inflammation en cause.

Elle plaide pour une mise en route différée d’une trithérapie lorsqu’une infection opportuniste révèle un sida, priorité devant être donnée au traitement spécifique et à la guérison de l’infection opportuniste.

* Granulomatoses tardives, de type sarcoïdose, observées à distance de l’institution de la trithérapie :

Deux cas de sarcoïdose survenant chez des patients infectés par le VIH ont été récemment décrits.

Les deux patients présentaient des opacités interstitielles diffuses micronodulaires et le diagnostic de sarcoïdose reposait sur la présence d’un granulome non caséeux sur les biopsies bronchiques et transbronchiques, l’existence d’une alvéolite lymphocytaire T CD4 au LBA, l’élévation de l’ECA (enzyme de conversion de l’angiotensine) et une fixation extrapulmonaire du gallium, au niveau des parotides notamment.

Le premier patient recevait une trithérapie depuis 1 an et demi, sa charge virale était passée de 17 X 103 à moins de 0,5 X 103 copies/mL, et son taux de lymphocytes CD4 circulants de 19 à 219/mm3.

Le second patient recevait une trithérapie et de l’interleukine 2 (IL2) depuis 3 mois, sa charge virale était passée de 3,5 X 103 à moins de 0,5 X 103 copies/mL et son taux de lymphocytes T CD4 de 275 à 318/mm3.

Ici encore la reconstitution immunitaire est suspectée, mais le mécanisme en cause serait une véritable régénération de lymphocytes T CD4 « naïfs » avec récepteur(s) à l’IL2.

* Manifestations respiratoires des antirétroviraux :

Une polypnée liée à une acidose lactique a été décrite avec certains inhibiteurs de la transcriptase inverse.

De récentes communications ont attiré l’attention des cliniciens sur les réactions d’hypersensibilité induites par l’abacavir.

Des symptômes respiratoires tels que polypnée, toux ou pharyngite, associés à de la fièvre ou un rash sont présents dans près de 20 % de ces cas.

Surtout, en cas de réintroduction, les symptômes respiratoires apparaissent en quelques heures, s’ils étaient présents lors de la réaction initiale ; ils sont alors plus sévères et un syndrome de détresse respiratoire aiguë, pouvant être fatal, est présent dans 6 % des cas.

Moyens de la démarche diagnostique et thérapeutique en présence d’une atteinte respiratoire chez le patient infecté par le VIH :

A – APPORT DES DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES AUX PROBABILITÉS DIAGNOSTIQUES :

Les probabilités générales qu’une pathologie donnée soit en cause résultent de la fréquence connue des différentes pathologies respiratoires chez les sujets infectés par le VIH d’une région donnée.

Ainsi, aux États-Unis et en Europe, la pneumocystose et la MK dominent.

À l’inverse, en Afrique, la tuberculose et les infections bactériennes occupent une place prépondérante.

B – APPORT DES DONNÉES CLINIQUES AUX PROBABILITÉS DIAGNOSTIQUES :

Elles concernent un individu donné et reposent sur des éléments cliniques simples devant être minutieusement recueillis.

– Terrain : des relations privilégiées ont été ainsi établies entre homosexualité et MK, héroïnomanie et infections à Staphylococcus sp. ; à l’inverse, on connaît la rareté des pneumocystoses chez les Africains.

– Antécédents d’infection susceptible de réactivation : il s’agit avant tout de la tuberculose ; on en rapproche des séjours dans des zones d’endémie d’anguillulose, d’histoplasmose, de leishmaniose, etc.

– Degré d’immunodépression : il s’agit là d’un élément majeur d’orientation.

– Suivi correct de prophylaxies spécifiques et efficaces : ainsi, la survenue de pneumocystose est exceptionnelle chez un patient recevant du TMP-SMZ à titre prophylactique.

C – APPORT DES EXAMENS PARACLINIQUES AU DIAGNOSTIC :

1- Examens apportant une contribution indirecte au diagnostic :

– La radiographie thoracique a une valeur irremplaçable d’orientation ; elle est à la base de la classification des grandes situations détaillées.

– La TDM thoracique est un complément indispensable dans les cas difficiles.

Chez un patient fébrile dont la radiographie thoracique est normale, elle peut révéler des adénopathies médiastinales, évocatrices de tuberculose, ou des opacités alvéolaires en « verre dépoli », évocatrices de pneumocystose débutante.

Chez un patient présentant des opacités multiples, superposées, d’analyse difficile, elle permet une dissection sémiologique des éléments constitutionnels de ces opacités : nodules, excavations, adénopathies, lames pleurales associées.

2- Examens apportant une contribution directe au diagnostic :

La place et l’intérêt de l’expectoration induite dans le diagnostic de pneumocystose, de la fibroscopie avec brossage bronchique protégé dans le diagnostic des infections bactériennes usuelles, de la fibroscopie avec aspiration et LBA dans le diagnostic des infections opportunistes, ont été soulignés dans les deux premières parties de cet article.

La médiastinoscopie, lorsqu’il existe des adénopathies latérotrachéales droites, et la thoracoscopie, en cas d’atteinte pleurale d’origine indéterminée, sont trop souvent négligées.

Lorsque tous ces examens, notamment deux endoscopies successives, dirigées, avec LBA, n’ont pas été contributifs, une biopsie pulmonaire peut être envisagée : soit transbronchique en cas d’atteinte parenchymateuse proximale, soit transpariétale sous contrôle TDM ou sous thoracoscopie en cas d’atteinte parenchymateuse distale.

Dans les cas exceptionnels où toutes ces investigations sont restées négatives, une biopsie à thorax ouvert peut constituer le dernier recours.

Exemples de démarche diagnostique et thérapeutique en présence d’une atteinte respiratoire chez le patient infecté par le VIH :

A – CHEZ LE PATIENT INFECTÉ PAR LE VIH NE RECEVANT PAS DE TRITHÉRAPIE :

La démarche préconisée ici privilégie le diagnostic précis. Elle a le mérite d’éviter au maximum les pièges des associations et les effets secondaires médicamenteux injustifiés.

Elle a l’inconvénient de soumettre les patients à des investigations souvent invasives et répétées.

Elle ne prétend être qu’une attitude parmi d’autres.

1- Chez les patients infectés par le VIH, souffrant de symptômes respiratoires et/ou de fièvre inexpliquée mais avec radiographie thoracique normale :

Les hypothèses sont limitées et dépendent du stade d’immunodépression.

En cas de suspicion d’infection bactérienne usuelle des voies aériennes, un test thérapeutique par bêtalactamines peut être raisonnablement proposé, avec suivi clinique et radiologique d’autant plus rapproché que le patient est très immunodéprimé.

Si une anomalie radiologique apparaît, la conduite à tenir est détaillée ultérieurement.

Si les symptômes persistent sans anomalie radiologique, une approche diagnostique indirecte par scanner thoracique peut être proposée ; le recours à l’endoscopie bronchique s’impose habituellement.

Lorsqu’elle est réalisée, l’endoscopie bronchique doit comporter un examen de tout l’arbre bronchique à la recherche d’anomalies macroscopiques, l’aspiration d’éventuelles sécrétions à la recherche par exemple de bacille de Koch (BK), un brossage bronchique protégé et un LBA.

2- Chez les patients infectés par le VIH, dont la radiographie objective des opacités interstitielles diffuses, ne souffrant pas d’insuffisance respiratoire aiguë :

Les étiologies sont nombreuses :

– une évolutivité rapide (20 à 40 jours), une fièvre élevée, l’absence de symptômes ou de signes extrarespiratoires récemment apparus plaident, chez un patient dont les lymphocytes T CD4+ sont inférieurs à 200/mm3 et ne recevant pas de prophylaxie spécifique, pour une pneumocystose ;

– un développement très rapide (quelques jours), une fièvre élevée, l’existence de symptômes ou de signes extrarespiratoires récemment apparus plaident chez un patient dont les lymphocytes T CD4+ sont inférieurs à 100/mm3 pour une autre infection opportuniste ;

– un développement progressif (> 1 à 2 mois), une fièvre modérée, une MK cutanéomuqueuse en poussée ou un syndrome d’infiltration lymphocytaire diffuse orientent vers une localisation bronchopulmonaire de maladie de Kaposi ou une pneumopathie interstitielle lymphoïde.

Si l’on excepte la pneumocystose diagnostiquée par un examen de l’expectoration induite, l’endoscopie bronchique demeure l’examenclé.

En cas d’hypoxémie notable (PaO2 < 60 mmHg en air ambiant), un traitement par TMP-SMZ peut être débuté en urgence si le patient a moins de 200 CD4/mm3 en attendant confirmation par LBA.

3- Chez les patients infectés par le VIH, dont la radiographie objective des opacités alvéolaires ou nodulaires localisées, excavées ou non :

Les étiologies possibles sont là aussi nombreuses :

– un début brutal, une fièvre élevée, un foyer radiologique systématisé plaident pour une infection bactérienne usuelle, à S. pneumoniae ou à H. influenzae notamment. Un traitement par bêtalactamines se justifie en urgence compte tenu des risques potentiels de choc.

La réalisation de prélèvements valides (ponction transtrachéale, brossage bronchique protégé) en sus des hémocultures se discute chez les malades hospitalisés ;

– un début progressif, une fièvre modérée, un aspect radiologique macronodulaire plaident pour une étiologie tumorale, kaposienne ou lymphomateuse.

Un aspect endoscopique typique associé à l’absence de fixation du gallium est le minimum nécessaire au diagnostic de MK.

La biopsie pulmonaire permet seule de porter le diagnostic de lymphome ;

– un début rapide, un infiltrat ou des nodules tendant à se bilatéraliser et s’excaver plaident en faveur d’une infection opportuniste, si le degré d’immunodépression est compatible.

Les prélèvements microbiologiques locaux sont indispensables au diagnostic.

Ici plus qu’ailleurs, leur étude doit être minutieuse, orientée et prolongée.

4- Chez les patients infectés par le VIH, dont l’examen révèle une atteinte pleurale :

Le champ des étiologies est plus restreint et la démarche diagnostique traditionnelle : examen clinique, ponction pleurale, biopsies pleurales, thoracoscopie en dernier recours.

5- Chez les patients infectés par le VIH, dont la radiographie thoracique et la tomodensitométrie objectivent des adénopathies médiastinales :

Une étiologie domine : la tuberculose, surtout si la TDM thoracique évoque un aspect nécrotique de l’adénopathie.

Lorsque des adénopathies paratrachéales droites existent, la médiastinoscopie est l’investigation de choix.

Dans les autres cas, si les examens usuels, endoscopie bronchique comprise, ne fournissent pas le diagnostic, une ponction-biopsie sous scanner, ou une biopsie chirurgicale, doit être entreprise.

6- Chez les patients infectés par le VIH, dont la radiographie est anormale et souffrant d’insuffisance respiratoire aiguë :

On retrouve des étiologies déjà évoquées.

Chez le patient avec moins de 200 CD4+/mm3 et sans prophylaxie spécifique, la pneumocystose est habituellement en cause en cas d’opacités interstitielles et alvéolaires diffuses ; le traitement par TMP-SMX est immédiatement débuté ; un LBA est effectué aussi précocement que possible, car seule la confirmation diagnostique autorise la corticothérapie adjuvante.

Le diagnostic différentiel chez les patients avec moins de 100 CD4+/mm3 est représenté par les autres infections opportunistes, cryptococcose et toxoplasmose notamment, mais le délai de constitution en est habituellement rapide, réduit à quelques jours, ce qui est tout à fait inhabituel pour une pneumocystose.

Quant aux autres étiologies, les oedèmes lésionnels d’origine bactérienne et les MK asphyxiantes, le contexte clinique en est habituellement très évocateur.

B – CHEZ LE PATIENT IGNORANT SA SÉROPOSITIVITÉ :

L’infection VIH doit être suspectée et une sérologie proposée dans les situations cliniques suivantes : tuberculose, pneumonies bactériennes récidivantes, pneumonie lymphocytaire CD8+, pneumonie opportuniste et ce d’autant plus que les patients atteints ont une conduite à risque pour l’infection VIH et/ou présentent une candidose buccale, voire une diarrhée, une fièvre, des adénopathies périphériques, un amaigrissement inexpliqués.

C – CHEZ LE PATIENT INFECTÉ PAR LE VIH ET RECEVANT UNE TRITHÉRAPIE :

La démarche est similaire à celle adoptée chez le patient ne recevant pas de trithérapie, à deux exceptions près :

– une manifestation respiratoire survenant peu après la mise sous trithérapie doit faire discuter prioritairement une infection opportuniste chez un patient dont l’immunité est encore très altérée, mais aussi une réaction paradoxale, voire un effet des médicaments (abacavir) ;

– une manifestation respiratoire survenant à distance de la mise sous trithérapie doit faire discuter prioritairement une infection bactérienne ou une tuberculose, chez un patient dont l’immunité est restaurée, mais aussi une réaction sarcoid-like, voire un effet des médicaments (acidose lactique).

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