Manifestations oto-rhino-laryngologiques des hémopathies de l’adulte

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Introduction :

Qu’il s’agisse d’hémopathies bénignes ou malignes, la symptomatologie est polymorphe, non spécifique.

Les manifestations oto-rhino-laryngologiques (O.R.L.) sont parfois inaugurales, posant le problème de leur étiologie, d’où l’importance d’en connaître les différents aspects afin d’organiser au mieux la prise en charge, mais elles peuvent être découvertes lors du bilan d’une hémopathie connue.

Le diagnostic peut être orienté par des arguments épidémiologiques et cliniques, mais l’examen anatomopathologique et le bilan hématologique restent décisifs.

Le bilan et le traitement sont dans la grande majorité des cas assurés par les spécialistes hématologistes.

Hémopathies malignes :

A – LYMPHOMES NON HODGKINIENS (LNH) :

Manifestations oto-rhino-laryngologiques des hémopathies de l’adulteProliférations malignes du tissu lymphoïde, les LNH s’observent à tout âge, mais l’âge médian de survenue se situe vers 55 ans; l’homme est plus touché que la femme, avec un sex-ratio de 1,8.

Parmi l’ensemble des cancers de la tête et du cou, les LNH viennent en seconde position après les carcinomes épidermoïdes.

Les déficits immunitaires congénitaux, ou acquis après transplantation cardiaque ou rénale avec traitement immunosuppresseur, favorisent la survenue de LNH.

L’atteinte ORL concerne en priorité l’anneau de Waldeyer et les aires ganglionnaires cervicales, plus rarement les glandes salivaires, la thyroïde, les sinus.

Les lymphomes de l’anneau de Waldeyer sont pratiquement toujours des LNH.

Les LNH primitifs de l’anneau de Waldeyer représentent environ 10 % de tous les LNH.

Ils sont localisés, par ordre de fréquence décroissante, à l’amygdale palatine (de 30 à 65 %), au nasopharynx (de 25 à 35 %), à l’amygdale linguale (de 3 à 10 %) ; l’atteinte multiple se voit dans près de 5 % des cas et, en cas de lymphome amygdalien, l’atteinte est bilatérale dans 10 % des cas.

1- Clinique :

Les signes d’appel et les signes cliniques dépendent de la localisation.

LNH ganglionnaire cervical : les adénopathies sont habituellement fermes, mobiles, indolores, multiples. LNH du cavum : les signes d’appel sont non spécifiques, identiques à ceux de toutes les tumeurs du cavum, rhinologiques d’une part avec obstruction nasale, épistaxis, otologiques d’autre part en rapport avec un dysfonctionnement de la trompe d’Eustache.

L’examen montre une tumeur pâle ou violacée, molle, limitée au cavum ou étendue aux orifices tubaires ou aux choanes.

LNH nasosinusien : les signes révélateurs sont nasosinusiens non spécifiques, obstruction nasale, rhinorrhée, épistaxis, ou oculaires, exophtalmie, diplopie, ophtalmoplégie.

Le scanner montre une opacité sinusienne avec ou sans lyse osseuse. LNH parotidien : il se présente sous forme d’une tumeur ferme parotidienne.

Les LNH primitifs non ganglionnaires s’accompagnent d’adénopathies satellites dans la moitié des cas et de signes généraux dans 20 % des cas.

2- Diagnostic :

Si la ponction cytologique peut permettre d’orienter le diagnostic, sa négativité ne l’exclut pas, mais seule la biopsie permet d’affirmer le diagnostic.

Une partie du prélèvement est fixée dans du liquide de Bouin pour être incluse en paraffine, une partie est congelée pour l’étude immuno-histo-chimique, pour des études cytogénétiques et/ou moléculaires.

Ces différentes études permettent de définir le LNH selon la Revised European American Lymphoma Classification (REAL classification).

Au plan pratique, ces différentes formes peuvent être classées selon la présentation clinique initiale et l’espérance de vie.

À l’anneau de Waldeyer, il s’agit dans la majorité des cas (84 % selon Ezzat et al) de lymphomes diffus à grandes cellules B.

3- Bilan d’extension :

L’interrogatoire recherche des signes généraux (amaigrissement supérieur à 10 % du poids du corps au cours des 6 derniers mois ; sueurs nocturnes abondantes obligeant à changer le linge ; fièvre supérieure à 38 °C pendant au moins 15 jours sans infection documentée ; index d’activité ou « performans status » [PS]) et des facteurs de risque (immunodéficience congénitale ou acquise, traitements immunosuppresseurs, maladies auto-immunes, tels une thyroïdite de Hashimoto, un syndrome de Sjogren, etc., infections par le virus human T-cell lymphoma virus 1 et le virus d’Epstein- Barr [EBV], manipulation de pesticides, insecticides, etc.).

Toutes les aires ganglionnaires doivent être palpées ; une hépatosplénomégalie doit être recherchée.

La biopsie médullaire est systématique, de même que la radiographie thoracique, ou mieux le scanner thoraco-abdominopelvien à la recherche d’adénopathies profondes.

En cas de lymphome de MALT, la fibroscopie digestive est également systématique, de même qu’en cas d’atteinte amygdalienne (20 % d’atteinte digestive associée à l’atteinte amygdalienne selon Hanna et al). L’examen du liquide céphalorachidien est systématique chez lez patients porteurs d’un lymphome agressif.

Au plan biologique, l’hémogramme recherche des signes d’insuffisance médullaire, une cytopénie auto-immune.

Le dosage de la lacticodéshydrogénase (LDH) et celui de la bêta-2-microglobuline, toutes deux corrélées à la masse tumorale, sont effectués de principe pour leur valeur pronostique.

Un bilan hépatique perturbé oriente vers une atteinte spécifique.

Au terme de ce bilan, on peut identifier un certain nombre d’éléments pronostiques péjoratifs :

– les lymphomes de la lignée T, les lymphomes diffus à grandes cellules, les lymphomes à grandes cellules anaplasiques, les lymphomes lymphoblastiques et les lymphomes de Burkitt ;

– les anomalies des chromosomes 6, 7 et 17 ;

– le siège de l’atteinte ;

– un stade III ou IV ;

– un âge supérieur à 60 ans ;

– une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ;

– un volume de la plus grosse masse supérieur à 5 cm3 ;

– un envahissement médullaire, des localisations neurologiques ;

– un taux élevé de LDH ou un taux de bêta-2-microglobuline supérieur à 3 mg/l.

L’index pronostique international, qui prend en compte cinq de ces facteurs (âge > 60 ans, PS > 2, stade III ou IV, taux élevé de LDH, présence de plus d’une localisation extraganglionnaire) permet de séparer les patients au profil évolutif différent et d’adapter la thérapeutique des lymphomes agressifs.

4- Traitement :

Il repose sur la chimiothérapie qui, pour les lymphomes agressifs, donne des taux de réponse complète dans 40 à 85 % et des survies à 5 ans comprises entre 35 et 65 %.

En cas de LNH primitifs extraganglionnaires, la radiothérapie sur les territoires ganglionnaires atteints y est généralement associée car il semble que cette association améliore significativement le pronostic.

On adjoint éventuellement à ces traitements la greffe de cellules souches périphériques et d’autres thérapeutiques tels l’interféron alpha, des anticorps monoclonaux, etc.

B – MALADIE DE HOGKIN (MDH) :

S’il s’agit d’une hémopathie fréquente, l’atteinte ORL est relativement rare et la MDH primitive de l’anneau de Waldeyer est exceptionnelle (1 % des cas).

Les localisations secondaires seraient plus fréquentes.

1- Clinique :

Les adénopathies cervicales constituent la circonstance de découverte la plus fréquente.

2- Diagnostic :

Le diagnostic positif repose sur l’examen histologique d’une biopsie chirurgicale d’une adénopathie ou d’un tissu infiltré.

Le diagnostic histologique repose sur l’association de cellules de Sternberg exprimant les anticorps CD30 et CD15 à une destruction partielle ou totale de l’architecture ganglionnaire.

Aujourd’hui, seuls les types 2 et 3 de la classification de Lukes-Ryes constituent les formes histologiques retenues dans la MDH ; le type 1, nodulaire à prédominance lymphocytaire, est considéré comme un lymphome de faible grade de malignité de phénotype B ; le type 4, à déplétion lymphocytaire, est assimilé au LNH à grandes cellules anaplasiques.

3- Bilan :

Outre l’examen clinique approfondi et la recherche à l’interrogatoire de signes généraux (fièvre, amaigrissement, sueurs nocturnes), d’un prurit, d’une douleur à l’ingestion d’alcool, certains examens sont systématiques : radiographie thoracique, tomodensitométrie thoracoabdomino- pelvienne, biopsie médullaire, examens biologiques (recherche de signes inflammatoires, tricytopénie, intradermoréaction à la tuberculine) .

Au terme du bilan, il est possible de classer la MDH en trois stades anatomocliniques :

– stade I : atteinte d’un seul territoire ganglionnaire ou de deux territoires ganglionnaires contigus ;

– stade II : atteinte de deux ou de plusieurs territoires ganglionnaires non contigus, du même côté du diaphragme ;

– stade III : atteinte ganglionnaire sus- et sous-diaphragmatique.

La lettre E est ajoutée en cas d’atteinte viscérale par contiguïté à partir d’un site ganglionnaire.

La lettre S est ajoutée en cas d’atteinte splénique.

La lettre A est utilisée en l’absence de signes généraux, la lettre B lorsqu’il existe au moins un signe général.

Il existe d’autres facteurs pronostiques.

Ont ainsi une valeur péjorative un taux d’hématocrite bas (< 34 % chez la femme, < 38 % chez l’homme), un taux de LDH élevé (> 400 UI/l), un âge supérieur à 45 ans, une atteinte ganglionnaire inguinale, une masse médiastinale supérieure à 45 % du diamètre thoracique, une atteinte de la moelle osseuse.

4- Traitement :

Il fait presque toujours appel à l’association chimiothérapieradiothérapie, qui a permis de réduire la durée de la chimiothérapie et de limiter les champs d’irradiation.

Si initialement le traitement polychimiothérapique proposé a été le MOPP (chlorméthine ou Caryolysinet, vincristine ou Oncovint, procarbazine ou Natulant, prednisone), puis l’ABVD (doxorubicine ou Adriblastinet, bléomycine, vinblastine ou Velbét, dacarbazine ou Déticènet), actuellement une alternance de ces deux chimiothérapies ou du MOPP/ABV hybride est proposé, prévenant la survenue de cancers secondaires en diminuant les drogues fortement leucémogènes ainsi que l’apparition des résistances tumorales à la chimiothérapie.

Les champs d’irradiation dépendent bien entendu de l’atteinte, mais l’extension par contiguïté rend compte de la nécessité d’irradier des champs élargis, irradiation de l’anneau de Waldeyer dans les atteintes ganglionnaires cervicales, champs d’irradiation susdiaphragmatique en « mantelet », sous-diaphragmatique en «Y inversé ».

C – PLASMOCYTOME EXTRAMÉDULLAIRE :

Distinct du plasmocytome multiple et du plasmocytome osseux, le plasmocytome extramédullaire représente moins de 1 % des cancers de la tête et du cou, et moins de 0,4 % des cancers des voies aérodigestves supérieures (VADS).

Il représente 4 % des cancers non épidermoïdes des cavités nasosinusiennes et du rhinopharynx.

Localisé dans 80 % des cas aux VADS, il intéresse par ordre de fréquence décroissante les cavités nasosinusiennes, le rhinopharynx, le larynx, l’oropharynx, le plancher buccal et les aires ganglionnaires.

1- Clinique :

Touchant le sujet de plus de 65 ans et plus l’homme que la femme, sa symptomatologie n’est pas spécifique.

Les signes d’appel sont fonction de la localisation ; la localisation nasosinusienne étant la plus fréquente, les signes fonctionnels sont le plus souvent une obstruction nasale, une rhinorrhée, des épistaxis, des signes oculaires ou maxillopalatins selon l’extension locale.

Il se présente sous forme d’une tumeur sous-muqueuse ou d’une lésion muqueuse polypoïde.

L’existence d’adénopathies est notée dans 10 à 20 % des cas.

2- Diagnostic :

Il est basé sur l’étude histologique de la ponction cytologique ou de la biopsie avec étude immuno-cyto-chimique.

Cette étude histologique permet une classification en trois stades à caractère pronostique.

Le diagnostic de certitude implique :

– la présence d’un ou au maximum de deux foyers tumoraux ;

– l’absence d’anémie ;

– une protidémie et une électrophorèse des protéines normales (ou une hyperglobulinémie monoclonale légèrement élevée, < 0,3 g/l, se normalisant après traitement) ;

– l’absence de protéine de Bence-Jones dans les urines ;

– une biopsie médullaire normale ;

– une absence de signes de dissémination de la maladie durant 3 ans.

3- Évolution :

Le plasmocytome peut récidiver localement mais également se disséminer par l’intermédiaire des voies lymphatiques dans les os et les tissus mous, sans que l’on parle pour autant de myélome multiple.

Quoique les corrélations entre les trois types de myélome restent sujettes à controverse, l’évolution vers le myélome multiple est possible et se verrait, après une période de 35 ans, dans 10 à 30 % des cas ; elle doit être évoquée devant la persistance d’un composant monoclonal après traitement.

4- Traitement :

Il fait appel à la chirurgie et/ou à la radiothérapie (de 35 à 45 Gy), permettant une survie à 5 ans dans 70 % des cas et une durée moyenne de survie de 100,8 mois.

D – LEUCÉMIE LYMPHOÏDE CHRONIQUE :

La plus fréquente des leucémies chroniques dans les pays occidentaux, elle est caractérisée par la prolifération clonale dans le sang, la moelle, les ganglions et la rate de cellules lymphocytaires B exprimant le déterminant antigénique CD5, bloquées en phase G0 du cycle cellulaire.

1- Clinique :

Deux fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme, touchant le sujet de plus de 60 ans, elle peut être découverte du fait d’adénopathies souvent bilatérales et symétriques, indolores ; l’existence d’une adénopathie très volumineuse doit faire suspecter un syndrome de Richter.

Des complications infectieuses, liées à l’hypogammaglobulinémie, peuvent révéler la maladie ; si, parmi ces infections révélatrices ou émaillant l’évolution de la maladie, les infections pulmonaires sont les plus fréquentes (33 %), les infections ORL arrivent en deuxième position, constatées dans 15 % des cas.

2- Diagnostic :

Il se fait sur la numération-formule sanguine et le myélogramme.

Il existe une lymphocytose sanguine supérieure à 5 X 109/l, représentant 70 à 90 % de la formule leucocytaire, responsable d’une hyperleucocytose de 30 à 50 X 109/l.

Il peut s’y associer des atteintes des autres lignées définissant les formes graves de la maladie. Une hypo-gamma-globulinémie inférieure à 7 g/l est fréquente.

Dans la moelle normo- ou hypercellulaire, la lymphocytose représente plus de 30 % des éléments.

La biopsie ganglionnaire retrouve un envahissement diffus par les mêmes cellules lymphoïdes que celles observées dans le sang et la moelle.

L’étude des marqueurs de membrane (CD5, CD19, CD23, IgS) est systématique.

Ce bilan biologique, couplé aux données de l’examen clinique, permet d’établir une classification anatomoclinique (de Rai ou de Binet), à visée pronostique et thérapeutique.

3- Traitement :

Il repose avant tout sur la monochimiothérapie, chlorambucil (Chloraminophènet) ou cyclophosphamide, mais également dans les formes avancées de la maladie ou les formes graves sur des polychimiothérapies.

E – LEUCÉMIES AIGUËS (LA) :

Les LA sont des hémopathies malignes caractérisées par une prolifération monoclonale à point de départ médullaire de cellules immatures myéloïdes (LAM) ou lymphoïdes (LAL).

Leur incidence a crû de 1920 à 1970 mais s’est depuis stabilisée à 10 nouveaux cas pour 100 000 par an.

Chez l’adulte, pour les LAL, le pic se situe audelà de 60 ans ; pour les LAM, la fréquence augmente exponentiellement au-delà de 40 ans.

Si l’étiologie en demeure inconnue, il existe indubitablement des facteurs de risque connus ou suspectés, chimiques (benzène, chimiothérapies), physiques (radiations), environnementaux (raffineries de pétrole, solvants, tabac, etc.), viraux (infection HTVL1 et LAL T japonaise), constitutionnels (ataxie-télangiectasie, agammaglobulinémie, maladie de Fanconi, etc.).

1- Clinique :

Les manifestations cliniques sont en rapport soit avec la prolifération tumorale, soit avec l’inhibition de l’hématopoïèse normale.

Les manifestations ORL en rapport avec la prolifération tumorale sont les adénopathies cervicales, souvent associées à des adénopathies médiastinales pouvant aboutir à un syndrome de compression cave supérieur, une infiltration du tissu amygdalien, volontiers asymétrique, une hypertrophie gingivale, plus exceptionnellement un trismus par infiltration des muscles masticateurs, une infiltration sous-cutanée à la racine du nez.

Les manifestations liées à l’inhibition de l’hématopoïèse normale sont les complications de la pancytopénie, en particulier les complications infectieuses et les accidents hémorragiques ; les éléments qui orientent vers le diagnostic sont la pâleur, un purpura thrombopénique siégeant aux muqueuses buccopharyngées, associé à des aphtes et des ulcérations secondaires à la neutropénie.

2- Diagnostic :

Il est aisé, reposant sur l’hémogramme et le myélogramme.

L’association d’une anémie normocytaire normochrome avec un taux de réticulocytes diminué, d’une neutropénie avec un taux de lymphocytes normal et une myélémie, d’une thrombopénie ainsi que la présence de cellules anormales blastiques est caractéristique.

Le myélogramme, en objectivant plus de 30 % de blastes, permet d’affirmer le diagnostic.

La classification franco-américano-britannique (FAB), basée sur l’aspect morphologique et cytochimique des blastes, est complétée par l’analyse immunologique des clones leucémiques et la détection des anomalies caryotypiques.

L’analyse de ces caractéristiques et d’autres considérations cliniques et biologiques (âge, sexe, leucocytose, pourcentage de blastes circulants, corps d’Auer, rapidité de la réponse au traitement d’induction) permet d’établir un score pronostique.

Il existe quatre groupes de LA : deux groupes majoritaires, les LAL et les LAM, et deux groupes minoritaires, les LA indifférenciées et les LA biphénotypiques.

3- Traitement :

Le traitement comporte trois phases :

– un traitement d’induction destiné à obtenir la rémission complète ;

– un traitement de consolidation destiné à réduire la masse tumorale résiduelle, non détectable alors par les examens courants ;

– un traitement complémentaire agressif destiné à éliminer la tumeur résiduelle minimale avec une chimiothérapie très lourde ablative et/ou une irradiation corporelle totale, suivie d’une greffe de cellules souches, autogreffe ou allogreffe.

Avec cette approche thérapeutique, les taux de guérison sont de 50 %.

F – AUTRES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS :

La maladie de Vaquez et la thrombocytémie essentielle sont des syndromes exposant à des maladies thrombotiques et hémorragiques.

1- Maladie de Vaquez :

Hémopathie maligne liée à une prolifération médullaire excessive du tissu myéloïde, elle porte sur les trois lignées, mais prédomine sur la lignée érythroblastique, à l’origine d’un accroissement de la masse globulaire normale.

* Clinique :

Elle survient après la soixantaine et plus souvent chez l’homme que chez la femme.

Souvent découverte fortuitement, le diagnostic peut être évoqué devant des céphalées, des acouphènes, des vertiges, une surdité brusque mais aussi des paresthésies, un prurit, des douleurs épigastriques d’ulcère (dont la fréquence est quatre à cinq fois supérieure à celle de la population générale) .

L’évolution est marquée par des complications thrombotiques et des hémorragies.

Les thromboses (accident vasculaire cérébral, thrombose coronarienne, phlébite, etc.) sont dues à l’hyperviscosité sanguine liée à l’augmentation de l’hématocrite ; elles se voient surtout lors des premières années d’évolution, seraient favorisées par les saignées et ne seraient pas prévenues par les antiagrégants.

Les hémorragies sont dues à un trouble fonctionnel plaquettaire, survenant à la suite d’une intervention chirurgicale ou sous aspirine, même chez les malades présentant une tendance thrombotique.

À l’examen existent une érythrose tégumentaire et muqueuse, et dans 75 % des cas une splénomégalie.

* Diagnostic :

Le nombre des globules rouges est supérieur à 6 X 1012/l ; l’hémoglobine est supérieure à 18 g/l, l’hématocrite supérieur à 55 % ; le volume globulaire est supérieur de 20 % à la valeur théorique d’un sujet normal de même poids et de même taille.

Une hyperleucocytose modérée (< 20 X 109/l) et une hyperplaquettose sont fréquentes.

La biopsie médullaire montre une hyperplasie portant sur les trois lignées, avec en particulier une hyperplasie mégacaryocytaire.

* Traitement :

Il comporte avant tout des saignées pour corriger l’hyperviscosité sanguine en normalisant l’hématocrite. On peut y adjoindre des myélosuppresseurs (phosphore 32, hydroxyurée [Hydréat], pipobroman [Vercytet]).

Malgré le traitement, l’évolution se fait volontiers, au bout d’une dizaine d’années, vers la myélofibrose.

2- Thrombocytémie essentielle :

Syndrome myéloprolifératif ayant pour origine la cellule souche médullaire multipotente, elle est caractérisée par la prolifération du tissu hématopoïétique médullaire et surtout de la lignée mégacaryocytaire.

* Clinique :

Elle se voit dans les deux sexes, surtout après 50 ans.

Les signes d’appel sont essentiellement des occlusions vasculaires de la microcirculation, avec au plan ORL des acouphènes, une surdité de perception, une instabilité, des vertiges ; ces troubles de l’équilibre seraient particulièrement fréquents (65 %) et correspondraient à une atteinte périphérique et/ou centrale.

D’autres symptômes sont évocateurs, cécité transitoire, aphasie ou hémiparésie transitoire, douleurs des extrémités, acroparesthésies, érythromélalgies (douleurs à type de brûlure avec rougeur des orteils, de la plante des pieds ou des doigts, et de la paume de la main, calmées par l’aspirine).

Les thromboses artérielles sont moins fréquentes, touchant par ordre de fréquence décroissante les artères périphériques, le cerveau et le coeur ; il n’y a pas de corrélation entre le chiffre de plaquettes et la survenue de thrombose ; les thromboses veineuses sont rares.

Peuvent survenir également des hémorragies cutanéomuqueuses (sans purpura pétéchial) dont des épistaxis, des gingivorragies, spontanées ou provoquées par un traumatisme ; ces hémorragies, liées d’une part à une thrombopathie, d’autre part à un déficit acquis en facteur Willebrand (vWF), se voient principalement lorsque le taux de plaquettes est supérieur à 1 500 X 109/l.

* Diagnostic :

L’hémogramme montre un taux de plaquettes supérieur à 1 000 X 109/l, avec sur les frottis des amas plaquettaires, une anisoplaquettose avec plaquettes géantes.

Le myélogramme montre une moelle riche avec augmentation du nombre des mégacaryocytes, polymorphes.

La biopsie médullaire montre une hyperplasie et une dystrophie de la lignée mégacaryocytaire.

Il convient avant tout d’éliminer les hyperplaquettoses réactionnelles à une splénectomie, à une hémorragie aiguë (par hyperréactivité médullaire régénératrice), à un traumatisme, une maladie inflammatoire ou infectieuse.

* Traitement :

Il est systématique pour un taux de plaquettes supérieur à 1 000 X 109/l.

Il repose sur un traitement myélosuppresseur, hydroxyurée (Hydréat) ou pipobroman (Vercytet), sous couvert d’un traitement antiagrégant par aspirine à faible dose (100 mg/j).

Une thrombose constituée nécessite un traitement anticoagulant classique.

G – CRYOGLOBULINÉMIE :

Définie par la présence dans le plasma d’immunoglobulines (Ig) précipitant à des températures inférieures à 37 °C, elle est présente dans de nombreuses pathologies, telles les hémopathies malignes, mais aussi les pathologies auto-immunes et infectieuses comme l’hépatite C.

1- Clinique :

Les signes cliniques caractéristiques, présents dans 50 % des cas, sont ceux provoqués par le froid, des arthralgies, un purpura de type vasculaire, des signes vasomoteurs (syndrome de Raynaud, acrocyanose, etc.), une atteinte rénale, un syndrome de Sjögren.

L’atteinte de l’oreille interne, conséquence de la vascularite, présente dans 22 % des cas, se traduit par une surdité de perception bilatérale et/ou une altération de la fonction vestibulaire.

2- Diagnostic :

L’hémogramme peut être perturbé : hémolyse due à l’activité antiérythrocytaire de l’IgM monoclonale de la cryoglobuline ; fausse hyperplaquettose et fausse hyperleucocytose dues à des microagrégats de cryoglobuline précipitant à la température ambiante.

Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence de la cryoglobuline dans un prélèvement dont la température aura été maintenue à 37 °C depuis le prélèvement jusqu’au laboratoire, avec typage immunologique.

3- Traitement :

Il s’agit avant tout du traitement étiologique.

Le traitement symptomatique est axé sur la prévention de l’exposition au froid.

Dans les formes sévères, on propose l’association plasmaphérèses et bolus d’Endoxant. L’interféron alpha est le traitement de choix.

Pathologies non malignes des globules blancs :

Elles ont en commun les circonstances de découverte, marquées par une symptomatologie infectieuse chronique ou aiguë.

A – NEUTROPÉNIES ET AGRANULOCYTOSES :

Une neutropénie est définie par la diminution du nombre absolu de polynucléaires neutrophiles (PN) circulants au-dessous de 1,5 X 109/l ; l’agranulocytose ou neutropénie sévère se définit par taux de PN inférieur à 0,3 X 109/l.

Au plan physiopathologique, on distingue :

– les neutropénies centrales par défaut de la granulopoïèse ;

– les neutropénies périphériques avec diminution de la durée de vie des PN par destruction exagérée des granulocytes circulants ou par augmentation de la concentration splénique ;

– les pseudoneutropénies par marginalisation excessive des PN le long des parois vasculaires ;

– les neutropénies mixtes associant deux mécanismes physiopathologiques.

1- Circonstances de découverte :

Elles sont fonction de la sévérité de la neutropénie et, si les neutropénies modérées sont habituellement asymptomatiques, les agranulocytoses se traduisent par une symptomatologie infectieuse sévère, notamment ORL (sinusites, otites, angines, cellulites) mais aussi buccopharyngée (gingivites, ulcérations buccales), bronchopulmonaire, voire septicémique.

L’infection reste la cause prédominante des décès chez des malades aux défenses immunitaires diminuées.

Les septicémies sont dans la grande majorité des cas des septicémies à bacilles à Gram négatif dont la mortalité est plus grande que celle des septicémies à cocci à Gram positif.

La mortalité par septicémie est significativement plus élevée chez les patients ayant moins de 500 polynucléaires ; l’association à un foyer infectieux défini comme majeur, tel un phlegmon périamygdalien, une cellulite extensive, est de mauvais pronostic, faisant passer la mortalité de 15 à 62 %, tandis que l’association à un foyer défini comme mineur (pharyngite, sinusite) ne modifie pas de façon significative le pronostic vital.

2- Diagnostic :

Il est fourni par l’hémogramme, en sachant que seul le nombre absolu de P.N. compte.

Cet hémogramme précise par ailleurs le nombre de globules rouges et de plaquettes, et recherche la présence de formes anormales.

Le myélogramme peut montrer une hypoplasie granuleuse ou une agranulocytose totale, un blocage de maturation promyélocytaire ou myélocytaire, des signes de dysgranulopoïèse.

Les épreuves de mobilisation granulocytaire, test de démargination à l’adrénaline et test de libération des réserves médullaires à l’hémisuccinate d’hydrocortisone, permettent de dépister les fausses neutropénies.

3- Diagnostic étiologique :

On différencie les neutropénies symptomatiques d’une affection générale et les neutropénies isolées.

* Neutropénies épiphénomènes d’une pathologie extramédullaire :

Les infections virales (grippe, zona, mononucléose infectieuse, hépatite) peuvent s’accompagner d’une neutropénie transitoire.

Au cours d’une séropositivité VIH peut apparaître une neutropénie prolongée aggravant les risques infectieux.

Les infections bactériennes sont rarement cause de neutropénie ; les septicémies graves peuvent se compliquer d’une neutropénie sévère, de pronostic péjoratif, conséquence et non cause de l’infection par consommation accrue des PN dans les foyers infectieux, avec déplétion brutale des compartiments médullaires de maturation et de réserve.

Les collagénoses peuvent comporter une neutropénie chronique, généralement d’origine auto-immune. Les affections endocriniennes, hypo- ou hyperthyroïdie, maladie de Hashimoto, insuffisance surrénalienne, peuvent entraîner une neutropénie modérée.

Certaines affections hématologiques, hypersplénisme, aplasies et hypoplasies médullaires, hémopathies malignes ou syndromes préleucémiques, peuvent se manifester par une neutropénie mais celle-ci s’accompagne presque toujours d’une anémie et d’une thrombopénie.

* Neutropénies isolées :

Les neutropénies médicamenteuses et toxiques, quoique rares (si l’on exclut celles dues aux chimiothérapies antinéoplasiques), sont les plus fréquents des accidents hématologiques toxiques.

Tous les médicaments peuvent, a priori, être incriminés dans ce type d’accident, d’où la règle, devant toute neutropénie isolée, de l’arrêt de toute médication non absolument indispensable.

La neutropénie est habituellement profonde et isolée ; le myélogramme montre une atteinte élective de la lignée granuleuse, avec soit une absence totale d’éléments granuleux, soit un blocage de maturation à un stade précoce ou tardif avec excès d’éléments à ce stade et absence d’éléments granuleux au-delà.

Deux mécanismes sont invoqués :

– immunoallergique (amydopyrine, diclofénac, pénicillines, antipaludéens, lévamisole, antithyroïdiens de synthèse, etc.) ; l’agranulocytose apparaîtrait brutalement après la réintroduction du médicament responsable, et ce quelle que soit sa dose, par action d’autoanticorps entraînant la lyse des PN ; cette activité lytique s’exerce essentiellement sur le compartiment circulant, éventuellement sur les précurseurs granulaires médullaires ;

– toxique (phénylbutazone, carbamazépine, cimétidine, phénothiazines, etc.) : la neutropénie, plus fréquente que l’agranulocytose, dose-dépendante, pouvant apparaître dès la première prise, serait liée à l’atteinte des cellules souches.

Les tests biologiques pour prouver la responsabilité d’un médicament ne sont pas de pratique courante, mais il est utile de congeler le sérum du patient en phase aiguë pour des études ultérieures (recherche d’anticorps sériques en présence du médicament, culture de GM-CFC normales témoin en présence du médicament et du sérum du malade).

4- Traitement :

En cas de fièvre et/ou de foyers symptomatiques, une antibiothérapie à large spectre est prescrite, orientée par des signes cliniques.

La gravité des septicémies chez les patients neutropéniques est telle qu’il est impossible d’attendre le résultat des hémocultures pour débuter l’antibiothérapie ; on institue généralement une antibiothérapie probabiliste comprenant l’association d’un aminoside et d’une céphalosporine de troisième génération ; l’échec d’une antibiothérapie adaptée doit faire évoquer une mycose profonde nécessitant de l’amphotéricine B.

L’utilisation de G-CSF recombinant accélère la récupération hématologique.

B – DÉFICITS IMMUNITAIRES :

Ils peuvent être congénitaux ou acquis, au premier rang desquels l’infection par le VIH.

1- Hypogammaglobulinémies :

Le déficit commun variable se manifeste par des infections respiratoires à répétition dès l’enfance, avant 4 ans, mais le déficit immunitaire n’est souvent diagnostiqué que tardivement, vers l’âge de 12 ans ; dans la grande majorité des cas, les infections débutent à la sphère ORL, et plus particulièrement au niveau rhinosinusien, avant de s’étendre au territoire trachéo-broncho-pulmonaire.

Il convient d’y penser très précocement, avant la survenue d’une infection chronique ou récidivante, maladie qui risque de s’autonomiser quel que soit le traitement mis en route ; en revanche, un diagnostic et des perfusions précoces de gammaglobulines pourraient prévenir la chronicité et réduire la fréquence des épisodes aigus.

Le déficit sélectif en IgA se manifeste également par des infections respiratoires récidivantes, mais elles sont moins sévères qu’en cas de déficit commun variable.

2- Manifestations oto-rhino-laryngologiques du sida :

Quatre-vingt-quatre pour cent des patients ayant une séropositivité VIH auraient une symptomatologie ORL, qu’il s’agisse d’adénopathies cervicales, d’hypertrophie du tissu lymphoïde, de LNH, de sarcome de Kaposi, d’infections respiratoires chroniques, de candidoses, d’herpès, de leucoplasies de la cavité buccale, volontiers inaugurales de la maladie.

* Infections respiratoires :

Les sinusites aiguës ou chroniques sont fréquentes, constatées dans plus de 60 % des cas ; les germes en cause peuvent être banaux, mais dans un tiers des cas il s’agirait de mycobactéries, de cytomégalovirus ou d’herpès virus, plus rarement de mycoses.

Au plan thérapeutique, si certains conseillent l’ethmoïdectomie par voie endonasale, d’autres, compte tenu de la fréquence des rechutes, optent pour une antibiothérapie empirique à large spectre active sur Pseudomonas aeruginosa. Un traitement antibiotique préventif de triméthoprimesulfaméthoxazole réduirait la fréquence des sinusites et des otites moyennes.

* Maladie de Kaposi :

Le risque de développer une affection maligne et notamment un sarcome de Kaposi est important ; sa fréquence a cependant chuté depuis l’instauration des nouveaux traitements antirétroviraux.

Il revêt habituellement un aspect très agressif, cutanéoviscéral ; son pronostic est sombre en raison de l’association fréquente à des infections opportunistes, favorisées par le traitement immunosuppresseur.

Au plan ORL, les signes d’appel sont des douleurs buccales ou pharyngées, une dysphagie, une obstruction nasale, une dyspnée, etc., ou une adénopathie cervicale unique, ou, en cas de polyadénopathies, une adénopathie volumineuse et asymétrique.

Les lésions muqueuses, sous forme de lésions maculeuses, papuleuses, nodulaires ou ulcérées, de couleur rouge violacé, siègent principalement à la cavité buccale, notamment au palais et dans l’oropharynx, mais peuvent également siéger au niveau du conduit auditif externe, au niveau de la muqueuse nasale, du larynx.

En cas de doute diagnostique, la biopsie doit être réalisée au centre de la lésion.

Le traitement fait appel à la chimiothérapie systémique, mais en cas d’inefficacité de celle-ci, certains auteurs proposent une exérèse chirurgicale ou une chimiothérapie intralésionnelle ; quant à la radiothérapie locale, elle semble réservée aux localisations cutanées et non aux localisations muqueuses, car elle est alors responsable de mucite.

* Lymphomes :

Il s’agit généralement de LNH et le rôle de l’EBV y serait prépondérant.

L’immunodéficience favorise la survenue des LNH (60 à 100 fois plus fréquents que dans la population générale), mais leur fréquence tend toutefois à diminuer avec l’intensification des traitements antirétroviraux.

Un syndrome de polyadénopathies généralisées peut précéder le LNH et peut retarder la décision de biopsie ganglionnaire et donc le diagnostic ; en faveur du LNH, on retient l’augmentation rapide de volume des adénopathies dans un ou plusieurs territoires, leur caractère induré ou fixé.

L’atteinte ganglionnaire isolée est rare (15 % des cas), tandis que les localisations extraganglionnaires sont fréquentes, cérébrales, méningées, digestives, pulmonaires, etc.

Les LNH sont fréquemment de haut grade et de pronostic péjoratif, réagissant mal au traitement ; la médiane de survie serait de 4 mois contre 95 mois en l’absence de syndrome d’immunodéficience.

* Autres pathologies :

Les carcinomes des VADS ne seraient pas plus fréquents chez ces patients que pour la moyenne de la population ; cependant, il semble que le diagnostic y soit posé plus tardivement, les lésions étant initialement considérées comme infectieuses.

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