Maladies tropicales oto-rhino-laryngologiques (Suite)

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2005

Première partie

Corps étrangers laryngo-trachéo-bronchiques :

Il s’agit d’un accident universel qui n’épargne pas les enfants sous les tropiques.

L’endoscopie occupe une place centrale dans la prise en charge.

Elle exige un plateau technique instrumental et anesthésique approprié.

Sous ce rapport, la prise en charge d’un enfant porteur d’un corps étranger (CE) des voies respiratoires inférieures en zone tropicale connaît de nombreuses contraintes.

L’étude des CE laryngo-trachéo-bronchiques permet d’évoquer quelques aspects de l’exercice de l’ORL pédiatrique en milieu tropical.

A – ÉPIDÉMIOLOGIE :

1- Fréquence :

Maladies tropicales oto-rhino-laryngologiques (Suite)L’inhalation d’un CE est un accident fréquent qui n’épargne aucune couche sociale.

Elle est cependant difficile à déterminer car beaucoup de malades n’arrivent pas à l’hôpital.

2- Âge et sexe :

Il n’y a pas de particularité par rapport à la littérature.

L’accident est, ici aussi, plus souvent noté chez le garçon que chez la fille.

Il en est de même pour l’âge : 60 % des CE surviennent entre 1 et 3 ans.

3- Nature du corps étranger :

On note une prédominance des CE organiques de type alimentaire : près de 75 % des cas dans plusieurs séries ouest-africaines (Diop, Ijaduola, Omanga).

En dehors de l’arachide, on retrouve aussi les éléments corporels du poisson (arêtes, vertèbres et écailles).

La nature des CE épouse, ici comme ailleurs, les habitudes alimentaires et l’environnement.

Le caractère putrescible de l’arachide explique les formes traînantes diagnostiquées au stade de pneumopathie unilatérale persistante.

4- Répartition topographique :

La grande fréquence des CE laryngés est remarquable dans nos séries africaines.

Cette fréquence est de 45 % ou 50 % pour Diop.

Ijaduola, au Nigeria, rapporte 12 cas de CE laryngés colligés sur une période de 2 ans.

B – ASPECTS CLINIQUES ET RADIOLOGIQUES :

1- Données cliniques :

La longueur du délai d’admission est l’élément dominant dans nos contrées.

Trente-deux à 40 % des enfants seulement sont reçus dans les 24 premières heures qui suivent l’accident.

La notion de syndrome de pénétration tourne autour de 90 % des cas, conformément aux données de la littérature.

La symptomatologie dominante est une dyspnée laryngée parfois sévère.

En dehors de ce tableau, l’enfant est reçu avec une symptomatologie moins évocatrice faite d’accès de toux ou d’une pneumopathie qui n’évolue pas favorablement sous un traitement médical bien mené.

L’enfant est alors adressé à l’ORL par le service de pédiatrie.

2- Données radiologiques :

La radiographie est rarement pratiquée en urgence.

Elle a toujours présenté un intérêt dans les cas de CE qui ont séjourné pendant longtemps dans les voies respiratoires.

Les images rencontrées sont variées, unilatérales, à type de suppuration d’une base pulmonaire ou d’opacité de tout un champ pulmonaire.

C – DIAGNOSTIC :

1- Diagnostic positif :

Si le diagnostic de CE du larynx pose moins de problème du fait de son tableau bruyant, il n’en est pas de même pour le CE de siège bronchique.

C’est là que l’interrogatoire revêt toute son importance.

Il recherche une notion de syndrome de pénétration.

Ainsi, nos indications de bronchoscopie sont élargies à des tableaux moins évocateurs de CE.

Le doute doit imposer l’endoscopie.

2- Diagnostic différentiel :

* Papillomatose laryngée juvénile :

Pathologie tumorale bénigne de l’enfant, son tableau clinique classique est fait d’une dysphonie intermittente permanente s’aggravant progressivement.

La forme dyspnéisante vue tardivement pose des problèmes diagnostiques avec un CE des voies respiratoires inférieures.

Il est habituel, dans ces cas, de réaliser une trachéotomie, la laryngoscopie directe précisant secondairement le diagnostic.

* Laryngites aiguës dyspnéisantes :

Il n’y a pas de syndrome de pénétration.

Dans ce cadre, la dyphtérie, non encore éradiquée dans nos régions, doit retenir l’attention.

Il y a quelques années, les ORL pratiquaient fréquemment la trachéotomie pour croup.

Il est habituel aussi, dans un service de pédiatrie, que le tableau clinique de CE fasse évoquer un asthme et soit traité comme tel.

Nous citons l’angiome sous-glottique, l’épiglottite, affections plutôt rares.

D – TRAITEMENT :

Le traitement de tout CE laryngo-trachéo-bronchique repose sur l’endoscopie.

L’endoscopie s’est avantageusement imposée aux autres méthodes de traitement, en particulier l’extraction sanglante.

Les progrès réalisés aussi bien dans le domaine de l’instrumentation que de l’anesthésie ont amélioré le pronostic de cette affection.

L’examen endoscopique obéit à des règles précises fondées sur le couple qualité du matériel-qualité de l’anesthésie.

1- Endoscopie :

Elle pose dans nos régions une double problématique, instrumentale et anesthésique.

* Instrumentation :

Elle est fragile et onéreuse.

La nécessité de l’utilisation d’un matériel d’endoscopie performant se heurte aux réalités d’un pays pauvre (acquisition, entretien, renouvellement).

* Anesthésie :

Il y a quelques années encore, les tentatives d’extraction étaient effectuées sous anesthésie locale.

Aujourd’hui, l’anesthésie générale est de mise.

Cependant, l’équipe d’anesthésie est le plus souvent composée d’auxiliaires anesthésistes dont la compétence est limitée par le niveau de formation.

2- Extraction du corps étranger :

Elle est réalisée sous anesthésie générale.

Une laryngoscopie directe au Mac Intosh est pratiquée.

Cet examen affirme la réalité du CE.

L’extraction est alors effectuée avec une pince à CE si la localisation est laryngée. Si tel n’est pas le cas, la bronchoscopie est pratiquée.

Les difficultés d’extraction tiennent à la nature et au volume du CE.

3- Place de la trachéotomie :

Elle est importante, en pratique tropicale, dans le traitement des CE laryngo-trachéo-bronchiques.

Compte tenu des difficultés citées précédemment (retard diagnostique, qualité du plateau technique, qualification du personnel), les indications de trachéotomie sont très larges.

Réalisée en urgence, la trachéotomie sauve l’enfant d’une asphyxie aiguë (trachéotomie de sauvetage).

Même lorsque l’enfant présente une dyspnée modérée, nous réalisons la trachéotomie de manière délibérée, en attendant de réunir les conditions matérielles et anesthésiques de l’endoscopie (trachéotomie d’attente).

La trachéotomie permet ainsi l’intubation sous-corporéale et l’extraction du CE en toute sécurité (trachéotomie d’intubation).

De même, une trachéotomie peut être effectuée après un acte endoscopique difficile dans le but de prévenir une obstruction laryngée par un oedème postendoscopique (trachéotomie de sécurité).

L’intervention n’est pas dépourvue de morbidité (pneumopathie, prolongation de la durée d’hospitalisation, cicatrice cervicale, etc).

Elle permet cependant de réduire le taux de mortalité de manière considérable, autour de 2 %.

Carcinologie cervicofaciale :

Les cancers cervicofaciaux sont caractérisés par leur universalité.

Ils sont développés aux dépens des voies aérodigestives supérieures ou des structures avoisinantes, qu’elles soient glandulaires, osseuses, musculaires, nerveuses ou cutanées.

Le cancer du larynx occupe une place particulière dans leur groupe.

En pratique tropicale, il constitue un modèle d’étude, du fait des nombreux et divers problèmes qu’il pose, tant dans le domaine du diagnostic que dans celui du traitement.

A – CANCER DU LARYNX :

1- Épidémiologie :

La fréquence de ce cancer est difficile à estimer. Les raisons de cette imprécision tiennent à la fois à la nature disparate des centres de traitement, mais surtout à l’absence des registres nationaux du cancer régulièrement tenus et fiables.

Si, comme ailleurs, le sexe masculin est le plus touché, le jeune âge des sujets est remarquable en milieu tropical.

L’usage du tabac et de l’alcool est certes retrouvé, mais pour des raisons économiques et religieuses, dans près d’un tiers des cas, l’interrogatoire ne note aucun de ces deux facteurs.

Force est donc de retenir d’autres facteurs favorisants tels que l’inhalation de poussières irritantes, un mauvais état nutritionnel, des habitudes alimentaires locales…

2- Clinique :

L’histoire de la maladie et la symptomatologie fonctionnelle attirent d’emblée l’attention sur l’origine laryngée des troubles.

Il en est ainsi de la dysphonie, mais surtout de la dyspnée.

La dyspnée constitue une circonstance de découverte presque habituelle.

Elle est conforme à l’histoire naturelle du cancer.

Elle peut être sévère au point d’indiquer une trachéotomie.

L’examen clinique, centré sur la laryngoscopie indirecte, constitue une étape essentielle.

Il précise les caractères d’une masse endolaryngée : aspect macroscopique, siège (si possible), taille, extension, troubles de la mobilité, existence d’une adénopathie, évaluation de l’état général, etc.

3- Diagnostic :

* Diagnostic différentiel :

+ Tuberculose laryngée

+ Cancer de l’hypopharynx :

La localisation hypopharyngée d’un cancer lui confère un pronostic particulièrement mauvais.

Le profil épidémiologique étudié par Ndiaye au Sénégal révèle les éléments suivants :

– l’âge moyen est de 31 ans ;

– le sexe féminin prédomine avec près de 60 % ;

– l’anémie ferriprive est quasi constante.

Les causes de cette anémie en milieu tropical sont multiples : parasitoses, grossesses répétées, hémorragies du post-partum, malnutrition, géophagie, etc ;

– l’alcool et le tabac ne semblent pas jouer le même rôle que dans les cancers de l’hypopharynx observés en Occident.

Au plan clinique :

– une dysphagie sévère, voire une aphagie et une dyspnée laryngée sont les deux principaux motifs de consultation ;

– si l’examen endoscopique est réalisé, il met en évidence une localisation prédominant à la paroi postérieure de l’hypopharynx.

Bien souvent, tout l’hypopharynx est intéressé, avec même une extension vers la jonction pharyngo-oesophagienne ;

– l’atteinte ganglionnaire est plutôt discrète ;

– il s’agit, bien entendu, dans la très grande majorité des cas, d’un carcinome malpighien.

Au plan thérapeutique, peu de ressources sont disponibles en dehors du traitement symptomatique (trachéotomie et gastrostomie).

La radiothérapie s’avère peu utile. Aussi n’est-il pas étonnant que la survie globale à 3 ans soit nulle.

4- Approche en pratique :

* Étape préthérapeutique :

La trachéotomie en urgence peut être réalisée dès l’admission du malade.

L’imagerie médicale est en général réduite à la radiographie standard.

Rares sont les centres disposant d’un scanner.

Le bilan biologique est également réduit dans la plupart des cas au bilan standard.

Celui-ci révèle une éventuelle anémie, un diabète mal équilibré ou d’autres tares.

L’endoscopie connaît d’abord des contraintes anesthésiologiques.

Les anesthésistes habituels sont plutôt des auxiliaires dont la compétence est limitée par la nature de leur formation. D’autre part, les drogues (anesthésiques) font défaut du fait de leur coût.

Les contraintes sont également instrumentales : l’instrument endoscopique habituel est représenté par le laryngoscope de l’anesthésiste (Mac Intosh).

Enfin, l’endoscopie connaît des contraintes organisationnelles.

L’acte endoscopique, en effet, pour de multiples raisons, n’est pas aisé à rééditer.

Pour beaucoup de patients, l’examen endoscopique est réalisé le jour même de l’intervention (laryngectomie).

Par voie de conséquence, la confirmation histologique est le plus souvent postopératoire et porte, soit sur l’examen d’une pièce de laryngectomie, soit sur le produit d’une biopsie dont la lecture a été particulièrement retardée.

La classification TNM (T : tumor ; N : node ; M: metastase) retenue présente également des limites évidentes. Elle est établie sur des bases essentiellement cliniques (avant d’être confortée par un résultat histologique obtenu tardivement).

Globalement, cette classification est dominée par des formes T3-T4 qui peuvent représenter jusqu’à 75 % des séries.

* Étape thérapeutique :

Le traitement est à visée curative.

Il est chirurgical et/ou radiothérapique.

Si la première laryngectomie totale est plus que centenaire (après avoir été en effet réalisée à Vienne, en 1874 par Billroth), dans plusieurs pays tropicaux elle est une pratique récente : deux ou trois décennies.

Le Sénégal, à titre d’exemple, reçoit encore des patients ne pouvant être opérés dans leur pays.

La laryngectomie est partielle ou totale.

Chez des patients porteurs pour la plupart de lésions de type T3 ou T4, le choix de la technique est en réalité peu large.

On fait volontiers et nécessairement une laryngectomie totale ; le pourcentage de laryngectomie partielle atteint rarement 10 %.

Le cas des patients subissant une trachéotomie en urgence est particulier.

Il est particulier, non pas tant par sa fréquence que par les considérations techniques qu’elle implique.

La fréquence de cette trachéotomie peut avoisiner selon les cas 60 % dans des séries de cancer du larynx.

Outre la morbidité qu’elle engendre, la trachéotomie d’urgence chez un malade porteur d’un cancer du larynx constitue un facteur de mauvais pronostique, parce que favorisant la récidive.

Robson propose une désobstruction tumorale au laser pour prévenir une telle situation, tandis que de nombreux auteurs proposent une laryngectomie totale en urgence.

En milieu tropical, il est plus simple de réaliser une trachéotomie.

Celle-ci doit être haute et donc sus-isthmique. Son orifice est compris dans la pièce de laryngectomie secondaire. Celle-ci est aussi précoce que possible.

Elle peut enfin, dans des circonstances précises, emporter un lobe thyroïdien.

Le traitement peut être palliatif.

C’est le cas lorsque l’on a un patient refusant obstinément l’intervention, un patient présentant un mauvais état nutritionnel, une adénopathie fixée aux muscles postérieurs.

Le traitement repose alors sur la réalisation d’une trachéotomie avec ou sans irradiation.

* Suivi :

Il n’est pas toujours aisé.

Les patients vivent en général loin du ou des centres de traitement nationaux.

D’autre part, nous l’avons dit, l’absence de discipline altère la qualité du suivi.

Enfin, des difficultés économiques objectives limitent les possibilités de déplacement pour répondre aux rendez-vous fixés.

Dans ces conditions, volontairement résumées, le cancer du larynx présente un mauvais pronostic.

Il a l’avantage, si l’on peut dire, d’offrir un modèle d’étude et d’approche des cancers des voies aérodigestives supérieures dans des pays à ressources limitées, au double plan de la formation et des soins.

B – PATHOLOGIE TUMORALE THYROÏDIENNE :

La prise en charge des tumeurs du corps thyroïde sous les tropiques a, pendant longtemps, été dévolue aux chirurgiens généralistes.

Actuellement, comme partout ailleurs, l’ORL occupe une place centrale dans cette prise en charge, les complications nerveuses de la chirurgie thyroïdienne relevant presque exclusivement de sa compétence.

Cette prise en charge se doit d’être réaliste, c’est-à-dire tenir compte de l’environnement socioéconomique des patients, du plateau technique existant, du déficit en personnel médical et paramédical.

1- Épidémiologie :

Les tumeurs du corps thyroïde affectent avec prédilection les sujets de sexe féminin.

Le sex-ratio va jusqu’à 8 femmes pour 1 homme dans certaines séries.

Cette pathologie peut se retrouver à tous les âges mais concerne essentiellement la tranche d’âge comprise entre 30 et 50 ans.

L’âge moyen de survenue des cancers est d’environ 40 ans.

Parmi ces tumeurs, les goitres multinodulaires endémiques relèvent souvent d’un déficit iodé.

Ils sont tellement fréquents dans certaines régions qu’ils constituent un critère de beauté.

La répartition histologique n’a rien de particulier.

Il s’agit de tumeurs bénignes dans près de 90 % des cas.

2- Aspects cliniques :

Ces aspects cliniques sont variés.

* Nodule isolé :

Il n’a aucune particularité, si ce n’est sa présence au cou.

Il est de taille variable.

Il n’a aucune incidence sur le fonctionnement glandulaire.

Il n’implique aucun signe de compression.

* Goitre multinodulaire endémique isolé :

Il est habituellement volumineux et euthyroïdien, évoluant depuis plusieurs années.

Il est plus ou moins bien toléré, mais peut entraîner des manifestations de compression respiratoire, digestive et/ou nerveuse.

Il est multihétéronodulaire.

* Goitre associé à des signes particuliers :

– Adénopathie(s) cervicales(s).

– Signes de compression respiratoire et/ou digestive, cliniques et/ou paracliniques.

– Goitre basedowifié.

Les signes d’hyperthyroïdie doivent être contrôlés par le traitement médical.

– Signes sympathiques : diarrhée.

3- Diagnostic :

* Diagnostic positif :

Il repose sur l’examen clinique qui affirme le caractère mobile avec la déglutition de la masse cervicale médiane généralement asymétrique et d’un volume respectable.

La radiographie thoracique prenant le cou de face et de profil recherche un goitre plongeant ou une réduction de la lumière trachéale.

L’échographie cervicale permet de visualiser des nodules de petite taille, de déterminer le caractère plein ou liquidien de ce nodule, et parfois de donner des orientations sur la nature bénigne ou maligne.

Cette échographie peut être couplée à la ponction cytologique d’un ou de plusieurs nodules suspects.

Sa lecture nécessite un cytologiste averti.

Elle n’a de valeur que positive.

La scintigraphie thyroïdienne à l’iode 131 chez l’adulte et à l’iode 121 chez l’enfant affirme le caractère froid, chaud, homo- ou hétérogène du ou des nodules.

L’ensemble de ces examens complémentaires n’est pas toujours nécessaire, de même que le dosage des hormones thyroïdiennes, de la thyroid stimulating hormone (TSH), de la calcitonine…

Tout dépend du contexte socioéconomique, du plateau technique disponible et de l’indication retenue.

Seul l’examen anatomopathologique sur pièce d’exérèse demeure indispensable.

* Diagnostic différentiel :

Il s’agit essentiellement :

– du kyste du tractus thyréoglosse qui est mobile avec la protraction de la langue, généralement haut situé mais pouvant siéger sur un trajet allant de la base de la langue à la base du cou.

La sanction thérapeutique est chirurgicale ;

– de l’extension d’un cancer des voies aérodigestives supérieures à la thyroïde.

Ici, il existe des signes fonctionnels respiratoires et/ou digestifs chez un patient à l’état général précaire, ayant parfois des antécédents alcoolotabagiques. L’examen au miroir et l’endoscopie permettent de rattacher l’infiltration thyroïdienne à sa cause.

4- Traitement :

Il s’agit ici d’aborder, pour l’essentiel, le traitement chirurgical.

* Méthodes :

L’intervention de base est représentée par la lobo-isthmectomie empiétant sur le lobe opposé.

L’évidement cervical peut être radical, de type traditionnel (radical neck dissection) ou fonctionnel, complet ou partiel.

* Indications :

Elles sont précédées d’un bilan préthérapeutique faisant appel à l’examen clinique et à une visite préanesthésique.

Ce bilan permet de juger de l’opérabilité du patient sur les plans technique et anesthésique.

Les indications dépendent de l’environnement, des désirs du malade, du plateau technique existant, du chirurgien, de l’éloignement et des difficultés de réadmission.

Plusieurs cas de figure peuvent se présenter.

Nous en évoquons quelques-uns.

– Premier cas : nodule froid thyroïdien isolé.

C’est l’indication d’une lobo-isthmectomie empiétant sur le lobe opposé.

La pièce de loboisthmectomie fixée est confiée à l’histopathologiste.

S’il s’agit d’une tumeur bénigne, le traitement se résume à ce geste.

En cas de tumeur maligne primitive autre que le lymphome, une totalisation est réalisée, associée à un évidement sus-claviculaire et récurrentiel bilatéral.

– Deuxième cas : nodule froid thyroïdien s’accompagnant d’une ou de plusieurs adénopathies.

Il s’agit probablement d’un cancer. D’emblée, il faut réaliser une thyroïdectomie totale associée à un évidement radical ou fonctionnel complet ipsilatéral et d’un évidement sus-claviculaire et récurrentiel controlatéral.

Dans tous les cas de cancer (carcinome), une opothérapie freinatrice est de mise.

L’irathérapie peut être instituée si elle est réalisable.

La radiothérapie, quand elle existe, est réservée aux carcinomes indifférenciés.

La trachéotomie trouve son indication dans les gros goitres anciens susceptibles de déterminer une trachéomalacie postopératoire.

Cette trachéomalacie peut être suspectée sur des arguments anamnestiques (ancienneté du goitre), radiologiques (déviation trachéale et surtout réduction de la lumière trachéale) et opératoire (aspect de la texture de la trachée).

Cette trachéotomie est réalisée à la fin de l’intervention. Le type de thyroïdectomie dans les goitres multihétéronodulaires est en revanche variable.

Mais quel que soit le type d’exérèse réalisé, il est toujours impératif de repérer et de contrôler les nerfs récurrents, les glandes parathyroïdes et les nerfs laryngés externes.

C – TUMEURS DES GLANDES SALIVAIRES :

À l’instar de nombreux pays, la pathologie des glandes salivaires fait l’objet d’une prise en charge par les ORL sous les tropiques.

Si cette prise en charge n’est pas exclusive, elle est du moins centrale.

L’ORL participe au double processus diagnostique et thérapeutique.

L’étude des tumeurs de la glande parotide et de la glande sousmaxillaire offre à cet égard un intérêt singulier.

1- Aspects cliniques :

L’interrogatoire précise :

– la durée d’évolution de la symptomatologie clinique.

Elle est variable, allant de 6 à 40 ans dans les séries tropicales ;

– l’existence ou non de signes fonctionnels, en particulier de la douleur qui doit évoquer le cancer.

L’examen physique note avec précision l’aspect du revêtement cutané, parfois ulcéré, le siège et l’extension de la tumeur.

Dans quelques séries, des tumeurs géantes ont été décrites : parotidienne, sous-mandibulaire.

Ces tumeurs peuvent engendrer un torticolis.

2- Examens paracliniques :

Ils occupent une place modeste en pratique tropicale.

Ils n’influencent que rarement le diagnostic de présomption et l’attitude thérapeutique.

L’imagerie se résume à la radiographie standard demandée dans le cadre du bilan préopératoire.

La ponction cytologique a certes des adeptes, mais il faut lui préférer l’examen histologique d’une pièce opératoire. Bien entendu, une lecture extemporanée ne peut être que souhaitée.

Rares sont cependant les pays tropicaux qui disposent de l’infrastructure appropriée.

3- Formes cliniques :

* Formes topographiques :

Les séries tropicales offrent un pourcentage de localisation parotidienne plus petit (60 %) qu’il ne l’est habituellement à travers la littérature.

En ce qui concerne les localisations extraparotidiennes, la glande sous-maxillaire, le palais, la glande sublinguale, la lèvre et la joue sont les plus concernés.

* Formes histologiques :

En tête, nous retrouvons l’adénome pléomorphe, pour toutes les localisations.

Cependant, la fréquence des tumeurs malignes « vraies » (cylindrome, tumeur mucoépidermoïde, carcinome sur adénome pléomorphe, épithélioma) semble moins élevée que celle notée dans la littérature, notamment pour les localisations extraparotidiennes.

4- Diagnostic :

* Diagnostic positif :

S’il arrive à un clinicien averti de pressentir la nature d’une tumeur salivaire, il appartient à l’histologiste d’en fournir la certitude et de faire la preuve de sa nature.

Ainsi, la classification est établie selon l’OMS.

* Diagnostic différentiel :

Le diagnostic d’une tumeur salivaire se pose avec diverses pathologies.

+ Lithiase salivaire :

La rareté des lithiases parotidiennes s’oppose à la fréquence de la lithiase sous-mandibulaire. Diop, dans sa série de 39 cas de sousmaxillectomies, retrouve 23 cas (76 %) de lithiase.

+ Tuberculose salivaire :

Le mérite revient à Paoli qui, en 1893, a présenté le premier cas de tuberculose parotidienne.

La rareté de cette affection est démontrée par les chiffres de Guerrier qui, en 1943, n’avait recueilli que 36 cas dans la littérature.

En revanche, dans l’étude de la tuberculose ganglionnaire, Diop a retrouvé une atteinte du territoire sousmandibulaire dans 13 cas (25 %), ce qui peut prêter à confusion avec une tumeur sous-mandibulaire.

+ Adénopathie :

L’atteinte ganglionnaire parotidienne et/ou sous-mandibulaire peut constituer la première localisation d’un cancer des voies aérodigestives supérieures, posant l’épineux problème des adénopathies primitives.

+ Kyste de la région parotidienne :

Dans les pays où le sida existe à l’état endémique, les formations kystiques de la région parotidienne, dans leur forme bilatérale, doivent faire effectuer des examens sérologiques.

5- Traitement :

L’exérèse chirurgicale est la seule modalité thérapeutique des tumeurs salivaires avérées.

Pour les tumeurs malignes, un curage ganglionnaire est effectué.

En présence d’adénopathie, la chirurgie et la radiothérapie ne sont pas en compétition, mais complémentaires.

* Chirurgie :

+ Tumeurs de la parotide :

Deux types de parotidectomie sont proposés : la parotidectomie superficielle dite latérofaciale et la parotidectomie totale conservant le nerf facial.

À côté de ces deux types, il existe un certain nombre d’indications de parotidectomie totale emportant le nerf facial.

La discussion concerne essentiellement les tumeurs d’allure bénigne, représentées dans leur majorité par l’adénome pléomorphe.

De nombreux auteurs sont partisans de la parotidectomie totale conservatrice.

Les raisons sont en partie liées aux conditions d’exercice.

Cette attitude « maximaliste » comporte au moins trois inconvénients : allongement du temps opératoire, dépression rétromandibulaire postopératoire, apparition d’un syndrome de Frey.

Elle a cependant l’avantage (pensons-nous) de réduire le taux de récidives.

+ Tumeurs de la glande sous-mandibulaire :

La sous-maxillectomie totale par voie cervicale est l’intervention de base.

* Radiothérapie :

La radiothérapie postopératoire trouve son indication dans les cancers des glandes salivaires en tant qu’adjuvant à la chirurgie.

Les problèmes techniques sont réels dans de nombreux pays ne disposant ni de services de radiothérapie, ni de radiothérapeutes.

D – LYMPHOME DE BURKITT :

Le lymphome de Burkitt (LB) est un lymphome malin non hodgkinien (LMNH) qui a été décrit pour la première fois en Afrique de l’Est, plus précisément en Ouganda, en 1958, par Denis Burkitt.

D’abord considéré comme une maladie exclusive de l’enfant africain, il est, à l’heure actuelle, rencontré à travers tous les continents.

La grande originalité du modèle africain réside dans sa relation avec l’herpès virus d’Epstein-Barr (EBV).

1- Épidémiologie :

* Âge et sexe :

L’affection survient en zone d’endémie avec une plus grande fréquence chez les enfants âgés de 4 à 8 ans.

Diop note un âge moyen de 7 ans, avec un pic dans la tranche d’âge comprise entre 5 et 10 ans.

Après 10 ans, la fréquence diminue considérablement et il est rare, voire exceptionnel, de diagnostiquer un LB après 20 ans en zone d’endémie.

La prédominance du sexe masculin est rapportée par la plupart des auteurs (Medji, O’Connor).

Cependant, cette prédominance masculine mérite d’être nuancée, car si elle est nette dans le cas des localisations maxillofaciales, le sex-ratio est égal à 1 pour ce qui est des formes abdominales.

* Répartition géographique :

Le LB sévit dans une zone allant de la côte est à la côte ouest, réalisant une véritable « ceinture tumorale » entre l’Afrique australe et le Maghreb.

Cette zone est caractérisée au plan climatique par une forte pluviométrie, une température supérieure à 15 °C, et une basse altitude ne dépassant pas 1 500 m.

C’est la zone dite de grande incidence du LB.

On retrouve des foyers de LB également dans des zones dites d’incidence intermédiaire (Maghreb) et d’incidence basse (Amérique et Europe).

Ces différents modèles présentent de nettes différences cliniques et étioépidémiologiques.

* Facteurs favorisants :

Le modèle africain du LB sévit dans des régions marquées par une forte endémicité palustre et amarile, sans oublier les parasitoses multiples et la malnutrition.

Le génome de l’EBV a été retrouvé dans les cultures de cellules tumorales provenant du LB.

De même, le titrage des anticorps anti-EBV est très élevé chez les enfants africains porteurs de LB.

La notion de lymphome viro-induit fait ainsi toute l’originalité du modèle africain du LB.

Cependant, l’EBV est un virus universel qui a également été retrouvé dans d’autres cancers aussi divers que les cancers des glandes salivaires, du cavum, du thymus et du larynx (Henle).

Pour de nombreux auteurs, l’EBV agirait en tant que cofacteur dans une zone où les stimulations antigéniques sont multiples (paludisme, fièvre jaune, autres maladies infectieuses).

Au plan cytogénétique on note, indépendamment du statut sérologique, une translocation chromosomique, entre d’une part le chromosome 8 et les chromosomes 22, 14 et 2 d’autre part.

2- Aspects cliniques :

Le délai de consultation est moins long que d’ordinaire dans les pays tropicaux, compte tenu du temps de doublement de la tumeur de 100 % en 24 heures.

Le problème est, généralement, celui d’un enfant reçu en consultation pour une tuméfaction de la face.

Schoeder note cette localisation dans 90 % des cas en zone d’endémie, tandis que Diop l’estime à 94 %.

Les répercussions de cette tumeur sur la gencive et les dents orientent la famille dans un premier temps vers un dentiste, et il n’est pas rare de retrouver une notion d’extraction dentaire dans les antécédents.

L’extension tumorale à partir du maxillaire se fait vers le haut, avec envahissement de l’orbite et comblement de la fosse nasale, dont la pyramide est aplatie.

Si rien n’est fait, et c’est souvent le cas, la lésion se bilatéralise et détermine un exorbitisme spectaculaire réalisant le classique « faciès de batracien ».

La peau en regard de la tuméfaction n’est pas ulcérée, sauf s’il y a eu un geste intempestif, mais distendue et parcourue par un fin lacis veineux de coloration bleuâtre sur une peau noire.

Il faut souligner les cas de localisation orbitaire isolée souvent pris à tort pour un rétinoblastome et traités comme tel.

Les localisations abdominales sont une cause commune de paraplégie infantile en milieu tropical.

Il s’agit, soit d’une masse ganglionnaire mésentérique, soit d’une masse ovarienne chez la petite fille.

L’atteinte ganglionnaire cervicale peut, à elle seule, résumer le tableau clinique en dehors de toute manifestation maxillofaciale ou abdominale.

Les atteintes extra-cervico-faciales jonchent des organes aussi divers que la moelle épinière, les méninges, les testicules, les seins, la rate, le foie, le squelette.

3- Diagnostic :

* Diagnostic différentiel :

L’aspect clinique du LB est très évocateur à la phase où sont reçus ces enfants.

L’améloblastome et la dysplasie fibreuse (entre autres dystrophies tissulaires) sont souvent évoqués.

Quant au rétinoblastome, il s’agit d’un diagnostic souvent évoqué par les ophtalmologistes recevant des enfants porteurs de localisation orbitaire isolée de LB.

Il n’est d’ailleurs pas rare que ces enfants subissent une exentération avant d’être orientés dans un service d’ORL devant une formidable poursuite évolutive.

Par ailleurs, c’est le problème diagnostique d’une adénopathie cervicale chronique que posent les formes à début ganglionnaire pour lesquelles une biopsie ganglionnaire doit être effectuée.

* Diagnostic de certitude :

Le diagnostic histologique de LB n’est établi dans bon nombre de cas qu’a posteriori, c’est-à-dire après mise en route d’une chimiothérapie à base de cyclophosphamide.

L’impossibilité de disposer rapidement d’une lecture histologique, le médecin pouvant rester 15 jours, voire 1 mois, sans que les résultats ne lui parviennent, conduit à une telle situation une fois que la biopsie est réalisée.

La réponse positive à cette chimiothérapie, que l’on pourrait qualifier d’épreuve, représente aussi bien un test diagnostique que thérapeutique.

L’histologie vient confirmer plus tard le diagnostic, en montrant des plages monotones de cellules lymphoréticulocytaires indifférenciées, abondantes, avec des bandes de macrophages pourvus de cytoplasme abondant et clair contenant des cellules et des débris cellulaires, le tout réalisant l’aspect de « ciel étoilé » si caractéristique du LB.

Le bilan d’extension est généralement limité aux radiographies standards de la face et complété éventuellement par une échographie abdominale isolée faute de scanner qui, même quand il existe, est souvent hors de prix.

Quant aux enquêtes virologiques et cytogénétiques, elles ne sont pas véritablement une préoccupation de tout premier ordre en milieu tropical, compte tenu des nombreuses difficultés rencontrées dans ce domaine.

4- Traitement :

Dans les années 1960, la chirurgie était le seul traitement proposé aux enfants porteurs de LB.

Bien sûr, elle était marquée par une poursuite évolutive et un décès à 100 %.

Sa place est limitée à l’heure actuelle à la biopsie et à la résection d’un noyau tumoral résiduel après chimiothérapie.

Elle est cependant nécessaire dans les formes digestives isolées dont l’exérèse complète, autant que possible associée à la chimiothérapie, influence positivement le pronostic.

Elle est enfin nécessaire pour, à travers une trachéotomie, assurer la liberté des voies aériennes dans certains cas.

L’extrême chimiosensibilité du LB place la chimiothérapie au premier plan de son traitement.

Le cyclophosphamide est la molécule de base dans ce traitement, seul ou en association avec d’autres molécules dans des protocoles très variés en fonction des écoles : cyclophosphamide-oncovinprednisone (CHOP), cyclophosphamide-oncovin-prednisoneadriamycine (COPAD), bléomycine-adriamycine-cyclophosphamideoncovin- prednisone (BACOP).

Ces différents protocoles modernes de polychimiothérapie sont souvent très lourds et très onéreux pour des familles provenant des couches les plus pauvres de la population.

Ainsi la plupart des enfants ne bénéficient pas de polychimiothérapie correcte.

Diop note une rémission totale seulement dans 29 % des cas et déplore 52 % de décès survenus en cours d’hospitalisation.

La prophylaxie méningée avec injection intrathécale de méthotrexate et de corticoïdes par voie de ponction lombaire est recommandée par de nombreux auteurs dans les formes diffuses.

Le suivi des enfants traités se heurte à un écueil représenté par l’éloignement de la famille du centre de traitement.

Ainsi, la plupart d’entre eux sont perdus de vue dès la première cure (Debrie).

En l’absence de traitement, le décès survient très rapidement, au bout de quelques semaines.

La polychimiothérapie bien conduite permet cependant une survie de 80 à 85 % à 10 ans dans les formes isolées.

Cette survie tombe à 50 %, voire 25 % dans les formes diffuses.

Parmi les facteurs pronostiques qui ont une signification péjorative, il faut noter :

– le jeune âge de l’enfant ;

– le titrage élevé des anticorps anti-EBV ;

– le volume tumoral important ;

– une récidive survenant dans un délai inférieur à 6 mois.

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