Génétique des maladies du système nerveux périphérique

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Introduction :

Le but de cet article est de faire le point sur les données récentes concernant la génétique des neuropathies périphériques héréditaires.

Il est nécessaire, tout d’abord, de délimiter le champ de ces pathologies.

Topographiquement, on peut appliquer la dénomination de neuropathie périphérique à tout désordre qui touche le nerf périphérique ou quelques parties de celui-ci.

Génétique des maladies du système nerveux périphériquePar définition, le système nerveux périphérique correspond aux parties du système nerveux dans lesquelles les neurones ou leurs prolongements sont en relation avec les cellules satellites périphériques, les cellules de Schwann.

Ainsi, pour Thomas et Ochoa, il comprend les nerfs crâniens à l’exception du nerf optique, les racines spinales, les ganglions rachidiens, les troncs nerveux périphériques et leurs ramifications terminales, et le système nerveux autonome.

Nous distinguerons les neuropathies périphériques qui correspondent à l’expression clinique d’un désordre primaire du système nerveux périphérique des maladies héréditaires, métaboliques ou de surcharge, qui peuvent toucher le système nerveux périphérique comme d’autres systèmes de l’organisme : neuropathie amyloïde, neuropathies des porphyries, la maladie de Refsum, la maladie de Fabry…

Pour que cet article réponde le plus exactement possible à son intitulé « la génétique des neuropathies périphériques », nous avons privilégié l’exposé des données récentes de génétique moléculaire les concernant, parfois, il faut l’avouer, au détriment des données cliniques, électrophysiologiques et neuropathologiques.

Génétique des neuropathies périphériques héréditaires pures :

Dans cette première partie, nous traiterons de ce qui peut paraître stricto sensu comme les seules neuropathies périphériques héréditaires : affections transmises selon un mode mendélien qui touchent uniquement le système nerveux périphérique comme nous l’avons précédemment défini.

Entrent dans ce cadre les neuropathies héréditaires sensitivomotrices qui sont de loin les plus fréquentes, la maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT), la neuropathie héréditaire avec hypersensibilité à la pression (NHHP), la névralgie amyotrophiante familiale (NAF) et les neuropathies héréditaires sensitives et dysautonomiques.

Néanmoins, traiter le CMT nous amènera à parler d’une des deux formes de motoneuronopathies héréditaires, la forme spinale de CMT ou amyotrophie spinale distale.

A – Neuropathies héréditaires sensitivomotrices :

1- Maladie de Charcot-Marie-Tooth :

* Généralités :

Le CMT constitue un syndrome qui s’intègre dans le cadre des neuropathies héréditaires motrices et sensitives.

Le CMT est la neuropathie héréditaire la plus fréquente avec une prévalence d’environ 1/2 500.

Elle a été décrite par Charcot et Marie en 1886 comme « une forme particulière d’atrophie musculaire progressive, souvent familiale, débutant par les pieds et les jambes et atteignant plus tard les mains ».

Tooth, la même année, identifie le même syndrome et conclut qu’il est d’origine neurogène.

Le CMT est caractérisé par une atrophie musculaire et une neuropathie sensitive progressive touchant les extrémités des membres.

La maladie débute en général avant l’âge de 20 ans, le plus souvent aux membres inférieurs, d’où son nom initial d’atrophie péronière neurogène.

Elle se manifeste par une amyotrophie et une faiblesse musculaire de topographie distale (pieds et mollets aux membres inférieurs, mains et avant-bras aux membres supérieurs).

Des troubles sensitifs de même topographie sont observés.

Associés aux signes neurologiques, on peut trouver des déformations, fréquemment des pieds creux et plus rarement des scolioses.

À l’examen clinique, on note généralement une diminution, parfois une abolition, des réflexes ostéotendineux.

L’évolution est chronique et lentement progressive.

La gêne fonctionnelle est très variable d’un individu à l’autre.

Certaines formes sont très handicapantes mais ne mettent pas en jeu le pronostic vital.

L’examen électrophysiologique est indispensable au diagnostic puisqu’il permet de distinguer différentes formes de la maladie et de détecter les individus porteurs de mutation et encore asymptomatiques.

À l’intérieur de chaque type, différents modes de transmission sont rencontrés : autosomique dominant, autosomique récessif ou lié à l’X.

La transmission dominante est prépondérante en Europe, alors que le mode autosomique récessif est fréquent au Maghreb.

Comme nous le verrons, il existe des cas sporadiques qui correspondent souvent à des mutations de novo qui se transmettent alors selon un mode autosomique dominant.

* Différents types du CMT :

De nombreuses classifications du CMT se sont succédées.

Dyck et Lambert vont proposer en 1975 le premier cadre nosologique qui intègre les données électrophysiologiques.

En effet, l’examen électrophysiologique permet de distinguer le CMT dysmyélinisant et le CMT neuronal.

+ CMT dysmyélinisant :

Les vitesses de conduction motrice et sensitive sont uniformément diminuées.

En particulier, la vitesse de conduction du nerf médian (VCM) est inférieure à 35 m/s (normale supérieure à 48 m/s).

Le CMT dysmyélinisant est le plus fréquent des CMT. Dans 50 % des cas, l’âge de début est inférieur à 10 ans. Sa pénétrance clinique est incomplète et âge-dépendante.

En revanche, la pénétrance électrophysiologique est complète dès l’enfance.

L’étude anatomopathologique met en évidence une diminution du nombre des axones, particulièrement ceux de gros calibre, une myéline d’épaisseur diminuée et des images en « bulbe d’oignon » dues à une prolifération des cellules de Schwann.

En Europe, il est majoritairement de transmission autosomique dominante.

On le dénomme alors CMT1.

Il peut se transmettre selon un mode autosomique récessif, surtout dans les pays du Maghreb, ainsi que du Proche-Orient et du Moyen-Orient.

+ CMT neuronal :

Les vitesses de conduction sont normales ou subnormales.

La VCM est supérieure à 40 m/s. Sa fréquence est difficile à estimer car son diagnostic est souvent délicat. Selon les études, il représente de 20 à 30 % des CMT.

Le CMT neuronal est hétérogène au plan clinique et électrophysiologique.

On distingue la forme axonale, avec atteinte motrice et sensitive, de la forme spinale sans altération des voies sensitives.

En effet, les neuronopathies motrices distales héréditaires sont classiquement intégrées dans le cadre nosologique du CMT en raison de l’atteinte distale des membres, et en particulier de leur présentation clinique fréquente à type d’atrophie péronière.

Le terme de CMT spinal est alors utilisé.

La transmission du CMT neuronal est principalement autosomique dominante en Europe, c’est le CMT2. Comme pour le CMT1, sa pénétrance est âge-dépendante.

Il existe aussi des cas isolés.

La biopsie nerveuse met en évidence, dans le CMT2, une perte axonale qui touche les axones aussi bien de grand que de petit calibre et l’absence d’atteinte du nerf dans le CMT spinal puisque la biopsie est effectuée au niveau musculocutané qui est purement sensitif.

+ CMT intermédiaire :

Certains patients CMT présentent des VCM comprises entre 30 et 40 m/s.

Quand on observe la ségrégation de l’affection dans la famille correspondante, le mode de transmission est souvent compatible avec une hérédité dominante liée à l’X (absence de transmission père-fils).

Néanmoins, dans certains pedigrees, une transmission autosomique dominante peut être affirmée (présence d’au moins une transmission père-fils).

* Génétique moléculaire :

+ CMT dominant :

– CMT1

Dans la majorité des pedigrees, 60 à 70 %selon les études, la maladie est liée à la région 17p11.2, c’est le CMT1A.

Le CMT1A est associé de façon quasi constante à une duplication de cette région, qui contient le gène codant pour une protéine de la myéline périphérique, PMP22.

Comme des mutations ponctuelles de ce gène provoquent aussi un phénotype CMT1, il est admis qu’un effet de dose (trois copies de PMP22 au lieu de deux) est responsable du phénotype chez les patients CMT1 avec duplication.

Ce modèle est renforcé par l’existence de la NHHP, qui est associée majoritairement à une délétion de la même région 17p11.2.

Une délétion de 2pb dans le gène PMP22 a été identifiée chez un patient qui présentait un phénotype NHHP et qui n’avait pas la délétion en 17p11.2, incriminant définitivement ce gène.

L’ensemble de ces observations suggère que le phénotype des patients CMT1Aou NHHPrésulte d’une quantité anormale de protéine PMP22.

Les études de l’expression de PMP22 ont été contradictoires et ne permettaient pas de retenir définitivement cette hypothèse.

Deux études ont évalué le taux d’acide ribonucléique messager (ARNm) PMP22, par northern blot, à partir de biopsies de nerfs provenant de patientsCMT1Aavec duplication.

Ce taux n’est pas uniforme d’un individu à l’autre, il est soit identique, soit supérieur à celui observé chez les témoins.

En revanche, l’analyse de biopsies en immunohistochimie révèle que le taux de PMP22 est plutôt diminué chez les patients CMT1A, quel que soit le taux d’expression de l’ARNm.

Cependant, Vallat et al ont montré, chez deux patients CMT1Aet chez deux patientsNHHP, que le taux de protéine PMP22 quantifié par immunocytochimie ultrastructurale était fonction du nombre de copies du gène.

Un second locus, le CMT1B, a été localisé près du locus Duffy sur le chromosome 1.

Ce sont des mutations du gène P0, une protéine structurale de la myéline périphérique, qui sont alors responsables du phénotype.

La protéine P0 est colocalisée avec PMP22 dans la myéline périphérique compacte.

Deux tiers des mutations touchent les exons 2 et 3 qui codent pour le domaine extracellulaire immunoglobuline-like de la protéine.

En particulier, des mutations récurrentes touchent l’arginine en position 98. Ces résultats sont à rapprocher du rôle de compaction de la protéine P0.

En effet, la protéine P0 est un acteur important de la cohésion entre les feuillets successifs de la myéline par liaison homophilique.

Des mutations qui perturbent la structure tertiaire du domaine extracellulaire vont perturber la liaison de P0 avec elle-même et ainsi provoquer une mauvaise compaction de la myéline.

On retrouve des mutations du gène P0 chez 10 à 15 %des CMT1.

Récemment, des mutations ont été identifiées dans le gène EGR2 (early growth response 2 gene) chez des patients avec une neuropathie périphérique dysmyélinisante.

Ce gène, qui est l’homologue humain du gène murin Krox20, code pour une protéine avec motifs en « doigt de zinc » qui se lie probablement à l’acide désoxyribonucléique (ADN) et agit comme un facteur de transcription.

Son expression stable est contemporaine du début de la myélinisation du système périphérique. Le phénotype semble être variable en fonction des mutations.

Il peut correspondre à une hypomyélinisation congénitale et se transmettre sous le mode autosomique récessif (mutation Ile268Asn dans une famille avec consanguinité) ou autosomique dominant (mutation de novo complexe Ser382Arg-Asp383Tyr).

Enfin, dans la dernière famille, un phénotype moins sévère, de type CMT1, était associé à la mutation dominante Arg409Trp.

Il faut souligner que les mutations du gène EGR2 doivent être rares car, dans la série publiée, elles n’ont été retrouvées que chez trois parmi 96 patients indépendants non porteurs de la duplication en 17p11.2.

Pour certains patients avec un CMT1A, les analyses moléculaires ont permis d’exclure les gènes PMP22, P0 et EGR2.

Il existe donc encore un (ou plusieurs) locus(i) à identifier.

– CMT neuronal

La forme axonale du CMT neuronal ou CMT2 est phénotypiquement hétérogène.

En effet, d’une famille à l’autre, on note des différences dans la topographie de l’atteinte (membres supérieurs versus membres inférieurs) et dans les composantes nerveuses touchées (fibres motrices, sensitives superficielles, sensitives proprioceptives…) et les signes associés.

Le CMT2 est aussi hétérogène au plan génétique. Pour le CMT2, un premier locus a été décrit par Ben Othmane et al sur la portion télomérique du bras long du chromosome 1, en 1p35-36.

Plus récemment, un second locus a été identifié en 3q dans une unique famille des États-Unis.

L’atteinte motrice et sensitive était patente au plan clinique et électrophysiologique, et était plus importante au niveau des membres inférieurs.

De plus, les patients présentaient des ulcères de la voûte plantaire, voire des amputations des pieds qui reflétaient une atteinte sévère de la sensibilité thermoalgique.

Pour certains, il est licite de proposer d’intégrer ce phénotype dans les neuropathies héréditaires sensitives et dysautonomiques (hereditary sensory and autonomic neuropathy [HSAN]).

Un dernier locus a été identifié en 7p dans une famille des États-Unis.

Le déficit moteur et l’amyotrophie touchent les quatre membres mais préférentiellement les membres supérieurs.

Une atteinte de la sensibilité à tous les modes y est, semble-t-il, associée.

Il faut noter qu’un locus « chevauchant » a été incriminé pour une forme autosomique dominante du CMT spinal.

L’absence de données électrophysiologiques concernant les voies sensitives ne permet pas de trancher entre un CMT neuronal ou spinal.

Ces trois loci ont été chacun associés au CMT2 dans une seule famille et très rarement retrouvés dans d’autres pedigrees. Ils représentent certainement des loci mineurs.

Il reste donc d’autres gènes à localiser. On constate que les progrès concernant la génétique moléculaire du CMT2 sont moins rapides que ceux observés pour le CMT1.

On peut expliquer cet état de fait par la raison suivante : la localisation des gènes et leur identification nécessitent l’étude de grands pedigrees dans lesquels le statut de chaque individu à risque vis-à-vis de la maladie peut être précisé.

Or, pour le CMT2, on ne dispose pas d’un critère aussi discriminant que la VCM utilisée dans les familles avec CMT1.

Harding a proposé une classification des neuropathies motrices héréditaires en fonction de la topographie de l’atteinte : proximale (spinal muscular atrophy [SMA]), distale et complexe.

Les CMT spinaux correspondent évidemment à la deuxième catégorie.

Pour les subdiviser, elle prend en compte le mode de transmission et l’âge de début. Pour le CMT spinal de transmission autosomique dominante, deux loci ont été identifiés.

Le premier en 7p dans une large famille d’origine bulgare dans laquelle les patients présentaient une amyotrophie distale exclusivement localisée au niveau des membres supérieurs (hereditary motor neuronopathy type V).

Le second a été localisé en 12q24, proche du gène de la phospholipase A2, dans une grande famille belge où ségrégeait un phénotype d’amyotrophie péronière qui débutait plutôt à l’âge adulte (hereditary motor neuronopathy type II).

+ CMT dominant lié à l’X :

Jusqu’à l’identification du gène responsable, le CMT dominant lié à l’X (CMTDX) était considéré comme une forme rare de la maladie.

À ceci, il est possible d’avancer l’explication suivante. Le phénotype électrophysiologique du CMTDX se situe à « mi-chemin » entre le CMT1 et le CMT2.

En effet, les hommes sont plus sévèrement atteints que les femmes et présentent des vitesses de conduction entre 25 et 40 m/s, c’est-à-dire comparables à celles observées dans le CMT1.

À l’inverse, lesVCM des femmes atteintes sont en général supérieures à 35 m/s et souvent normales. La pénétrance est incomplète chez les femmes.

Ainsi, en fonction du sexe du propositus, les familles CMTDX ont pu être classées en CMT1 ou en CMT2.

En effet, sur des pedigrees de taille moyenne, l’absence de transmission père-fils ne permet pas d’exclure une transmission autosomique dominante.

En 1993, Bergoffen et al ont montré que le gène en cause code pour une protéine participant aux jonctions de type gap, la connexine 32 (Cx32).

Cette protéine se trouve dans la myéline non compacte des boucles paranodales et des incisures de Schmidt-Lanterman.

La région codante de la Cx32 étant inférieure à 1 kb (932 bp), de larges séries de patients CMT1 sans duplication et CMT2, appartenant à des familles sans transmission père-fils, ont pu être étudiées par la technique PCR (polymerase chain reaction)/séquence.

Plus de 70 mutations différentes ont été ainsi caractérisées.

À l’inverse de P0, la distribution des mutations est homogène le long de la protéine.

Des mutations des séquences 5’ non traduites et du promoteur spécifique des cellules de Schwann ont été décrites.

Les mécanismes mutationnels sont très variables : mutations faux sens, mutation stop, délétion intragénique…

Il semble que la fréquence duCMTDXsoit élevée et représente entre 15 et 25 % de l’ensemble des CMT.

Ce pourcentage semble encore plus élevé dans le CMTà vitesse intermédiaire.

Ainsi, dans 35 familles CMTsans transmission père-fils dont le cas index présentait une VCM entre 30 et 40 m/s, 14 mutations (40 %) ont été caractérisées par séquençage systématique de la région codante de la Cx32.

Devant une transmission dominante, il faut se poser la question d’un CMTDX.

L’atteinte plus sévère des hommes et les VCM entre 30 et 40 m/s renforcent cette hypothèse.

La recherche de mutation dans le gène de la Cx32 s’impose alors.

+ CMT autosomique récessif :

Trois types de CMT autosomique récessif (CMT4A, B et C) ont été définis par Ben Othmane et al dans une population tunisienne sur des critères électrophysiologiques et anatomopathologiques.

Le CMT4A se caractérise par des vitesses de conduction nerveuse (VCN) diminuées et une hypomyélinisation.

Le CMT4B est associé à une diminution des VCN mais se distingue du CMT4A par la présence de masses myéliniques globulaires sur les fibres myélinisées.

Le troisième groupe, le CMT4C, correspond à une forme axonale, avec des VCN conservées et l’absence d’altération de la myéline sur les biopsies nerveuses.

Cette hétérogénéité phénotypique est sous-tendue par une hétérogénéité génétique.

Les premiers résultats de génétique moléculaire ont été compatibles avec cette classification.

En effet, le premier locus, décrit en 8q13-q21.1, correspondait au phénotype CMT4A et le second, localisé en 11q23, auCMT4B.

Cependant, deux autres loci viennent d’être identifiés, l’un en 5q23-q33 et l’autre en 8q24 qui correspondent à des CMT dysmyélinisants mais présentent de nouveaux aspects cliniques, électrophysiologiques et anatomopathologiques, démontrant l’inadaptation de la classification proposée primitivement.

Pour le CMTlié au 5q, les signes neurologiques, la course évolutive et les données électrophysiologiques sont très proches de celles décrites pour le CMT1, mais on observe une grande fréquence et une grande précocité des déformations du rachis qui sont souvent inaugurales. Le locus en 8q24 est associé à une neuropathie sévère avec survenue d’une surdité au décours de la maladie.

+ Cas isolés :

Il arrive souvent de rencontrer des patients sans antécédents familiaux avec un tableau clinique compatible avec un CMT. On parle alors de cas isolés.

Lorsque les apparentés au premier degré, en particulier les parents, sont considérés comme non atteints après un examen clinique et électrophysiologique minutieux, on peut parler de cas sporadiques.

Plusieurs hypothèses peuvent rendre compte des cas isolés :

– le patient est homozygote pour une mutation autosomique récessive ; ce cas de figure est fréquent en Europe pour ce mode de transmission où l’atteinte de plusieurs membres d’une fratrie est relativement rare en raison de leur petite taille ;

– le patient est porteur d’une mutation de novo (ou néomutation), c’est-àdire d’une mutation qui a eu lieu dans l’un des gamètes parentaux ; pour le CMT1, la grande majorité des cas isolés est associée à des duplications de novo de la région 17p11.2 qui sont provoquées par des séquences homologues flanquant cette région ; des néomutations des gènes PMP22 et P0 ont aussi été rapportées.

Le risque pour la descendance est alors de 50 %pour ces mutations qui se transmettent selon un mode autosomique dominant ; il peut aussi s’agir d’une néomutation du gène de la Cx32 localisé sur le chromosome X, qui se transmet selon le mode dominant lié au sexe (Meggouh F et al, communication personnelle) ;

– une transmission dominante avec pénétrance incomplète peut être évoquée dans le CMT2, surtout si l’information concernant les ancêtres est difficile à reconstituer ;

– le patient peut être atteint d’une maladie acquise qui mime le tableau du CMT (phénocopie) ; une hétérogénéité de l’atteinte des nerfs selon leur topographie, l’existence de bloc de conduction, etc, renforce cette hypothèse ; le risque pour la descendance est alors nul.

Il est évident qu’en fonction de l’hypothèse retenue, le conseil génétique est très différent.

C’est pourquoi la démarche à suivre pour les cas isolés est délicate et nécessite un examen rigoureux des apparentés.

De plus en plus souvent, l’analyse moléculaire contribue à préciser le risque pour la descendance si le (ou les) gène(s) responsable(s) de la maladie est(sont) connu(s).

* Diagnostic moléculaire :

Les généticiens moléculaires vont orienter leur stratégie de recherche des mutations chez les patients avec un CMT selon la valeur des vitesses de conduction et le mode de transmission.

La connaissance des gènes impliqués dans le CMT1 permet le diagnostic direct de la mutation chez les patients CMT qui présentent une VCM inférieure à 35 m/s.

Les fréquences associées à chaque type de mutations des gènes PMP22 et P0 dictent la stratégie moléculaire à adopter.

Dans un premier temps, la duplication en 17p11.2 est toujours recherchée et trouvée dans 60 à 70 % des cas.

En son absence, la recherche de mutation est effectuée en priorité dans le gène P0, puis dans le gène PMP22 dont quelques mutations ont été décrites chez des patients CMT1.

Il faut souligner que la taille relativement faible de ces gènes, qui comprennent respectivement quatre et six exons, permet l’exploration systématique de leur région codante.

Dans 10 à 15 % des cas, le defect moléculaire n’est pas caractérisé.

Il pourrait s’agir de mutations dans le gène EGR2, mais nous avons vu qu’elles sont rares, de mutations dans les séquences 5’ des gènes PMP22 ou P0, qui ne sont pas systématiquement explorées, ou dans des gènes non encore identifiés (CMT1C).

Lorsqu’un patient présente des VCM intermédiaires (entre 30 et 40 m/s), nous avons vu que le gène de la Cx32 est souvent en cause (40 %des cas).

C’est pourquoi lorsqu’une transmission père-fils ne vient pas exclure une hérédité liée à l’X, une recherche de mutation dans ce gène peut être pratiquée en première intention.

Si le résultat est négatif, la duplication en 17p11.2 est bien évidemment recherchée. Pour le CMT2, un diagnostic direct est impossible.

Il faut utiliser des marqueurs polymorphes extragéniques.

On ne peut donc envisager une étude moléculaire que dans les grandes familles où l’on peut collecter le sang de plusieurs individus atteints.

Il est alors possible d’infirmer ou d’affirmer la liaison de la maladie aux loci du CMT2.

Dans le premier cas, si la famille est suffisamment informative, une cartographie primaire du gène responsable peut être initiée, mais ceci reste du domaine de la recherche…

Dans le deuxième cas, le statut des individus à risque peut être déterminé par reconstruction des haplotypes pour les marqueurs utilisés et par les calculs de risques.

La nature probabiliste du résultat est inhérente à l’utilisation de marqueurs extragéniques.

Comme pour le CMT2, aucun diagnostic direct n’est encore envisageable pour le CMT de transmission autosomique récessive.

Ainsi, l’utilisation de marqueurs extragéniques permet de tester la liaison au 5q23-31, au 8q13- q21.1, au 8q24 et au 11q23 dans les familles chez lesquelles la transmission de la maladie est compatible avec un mode autosomique récessif et qui sont suffisamment informatives.

Il faut souligner que reconnaître une hérédité autosomique récessive est délicat, ceci pour les raisons suivantes.

En Europe, les fratries sont de taille réduite et on rencontre beaucoup de familles avec un seul individu atteint.

Il est alors impossible de distinguer les cas issus d’une transmission autosomique récessive, des cas sporadiques.

De plus, avant d’affirmer la récessivité, il est impératif de pratiquer une étude électrophysiologique des deux parents car les formes dominantes (autosomiques ou liées au sexe) sont de pénétrance clinique incomplète et âge-dépendante.

La notion d’une consanguinité entre les parents constitue un argument important, mais souvent absent, pour orienter vers une hérédité autosomique récessive.

L’existence d’une union consanguine permet d’augmenter de façon importante l’informativité de la famille pour les analyses de liaison.

L’exploration moléculaire dans leCMTest guidée par une évaluation clinique rigoureuse.

L’examen électrophysiologique des membres de la famille, ou au moins du cas index, est incontournable.

La détermination du mode de transmission constitue aussi un prérequis à toute recherche de mutation et nécessite la constitution d’un arbre généalogique le plus précis possible.

En effet, ces deux types de données vont orienter le biologiste moléculaire dans sa stratégie diagnostique.

C’est à partir de ce dialogue permanent entre cliniciens et biologistes qu’une conduite rationnelle et adaptée à chaque cas peut être élaborée.

* Expressivité variable du CMT :

+ Grande variabilité intrafamiliale :

Il est difficile d’établir des corrélations phénotype-génotype dans le cadre du CMT en raison de la grande variété des mutations qui touchent les gènes PMP22, P0 et Cx32.

Ainsi, il est laborieux de réunir des groupes de patients homogènes au plan moléculaire (avec une même mutation) dont les effectifs sont statistiquement significatifs, dans le but de comparer entre eux le phénotype.

Ces études qui sont réalisables dans les grands centres ou à travers des réseaux de recherche clinique sont néanmoins en cours.

Une autre raison vient ajouter à la difficulté de tels projets : la grande variabilité intrafamiliale du CMT.

En effet, pour une même mutation, des patients débutent la maladie à des âges très différents (enfance, adolescence, âge adulte) et présentent des tableaux de sévérité très variable : certains restent asymptomatiques alors que d’autres sont confinés au fauteuil roulant.

L’exemple du CMT1A avec duplication en 17p11.2, dont la grande fréquence permet l’étude du phénotype sur de grands échantillons, est assez démonstratif.

Pour 50 % des patients, l’âge de survenue des premiers signes est inférieur à 10 ans, pour 20 % entre 10 et 20 ans et pour 30 % d’entre eux à l’âge adulte.

Vingt pour cent des porteurs de la duplication sont asymptomatiques et leur découverte se fait à l’occasion d’explorations électrophysiologiques systématiques lors d’études familiales.

+ Syndrome de Déjerine-Sottas et d’hypomyélinisation congénitale :

Une forme sévère deCMTavait été individualisée : le syndrome de Déjerine- Sottas (DSS).

Cette entité reposait sur la description, par les Dr Déjerine et Sottas, de deux frères qui présentaient une neuropathie démyélinisante ayant débuté dans l’enfance et rapidement évolutive, associant des troubles marqués de la sensibilité, une ataxie et une névrite hypertrophique.

Cette observation assignait une transmission autosomique récessive à cette forme de CMT.

Par la suite, les cas sporadiques qui répondaient aux critères de sévérité précédents trouvaient place dans cette catégorie.

L’examen électrophysiologique a pourtant démontré qu’un certain nombre de patients avec un DSS étaient atteints d’une forme commune de transmission autosomique dominante, en objectivant desVCMbasses chez l’un des parents qui était pourtant asymptomatique (toujours cette grande variabilité intrafamiliale !).

L’ADN d’un grand nombre de patients a été aujourd’hui analysé, ce qui a provoqué la remise en question du DSS.

En effet, la majorité de ces patients présentent une duplication en 17p11.2 (CMT1A), soit transmise par un parent asymptomatique, soit apparue de novo, soit des mutations des gènes PMP22 ou P0, elles aussi transmises ou de novo.

C’est pourquoi, pour beaucoup, le DSS ne doit plus être considéré comme une entité nosologique dans la classification actuelle qui intègre les données électrophysiologiques, génétiques mais aussi moléculaires.

La situation est proche pour le syndrome d’hypomyélinisation congénitale (HC) qui se caractérise par un début très précoce (petite enfance), une hypotonie, une faiblesse musculaire distale prononcée, une aréflexie, associées à des VCN effondrées.

Dans les formes extrêmes, un tableau d’arthrogrypose multiple congénitale peut être observé. Dans les cas moins sévères, il est difficile de distinguer entre une HC et un phénotype « DSS ».

En effet, seule la biopsie de nerf pose le diagnostic de HC par l’observation d’une hypomyélinisation de l’ensemble des fibres nerveuses et l’absence de bulbes d’oignon et de dégradation de la myéline.

C’est à travers l’étude moléculaire de ces cas qu’il a été montré que certaines mutations des gènes de la myéline semblent plus délétères que les autres.

Certains auteurs ont rassemblé les données cliniques et électrophysiologiques concernant des patients avec un tableau de CMT1 ou de DSS ou de HC associés à des mutations du gène P0.

Il semble se dégager de ces études que la sévérité du phénotype serait fonction du type de mutation et de sa position dans la protéine.

Ainsi, les mutations qui sont supposées avoir un effet dominant négatif seraient préférentiellement associées aux formes sévères de la maladie, DSS et HC, alors que celles qui provoquent une perte de fonction à l’état hétérozygote le sont aux formes modérées, le CMT1.

Récemment, une mutation dans le gène EGR2 a été identifiée chez deux patients présentant une HC.

Le premier était homozygote pour la mutation Ile268Asn (récessive) et le second pour la mutation Ser382Arg-Asp383Tyr (dominante).

* Neuropathies héréditaires focales et récidivantes :

Ces neuropathies héréditaires sensitivomotrices sont caractérisées par des épisodes récurrents d’expression clinique diverse suivis d’une récupération partielle et totale.

Ce caractère n’est pourtant pas toujours évident.

C’est alors que les explorations électrophysiologiques et moléculaires, voire neuropathologiques, sont nécessaires pour poser le diagnostic.

La neuropathie héréditaire avec hypersensibilité à la pression (NHHP) et la névralgie amyotrophiante familiale (NAF) constituent ce groupe de neuropathies héréditaires.

2- Neuropathie héréditaire avec hypersensibilité à la pression :

+ Clinique :

La NHHP est une neuropathie sensitivomotrice héréditaire qui se caractérise, au plan clinique, par des épisodes récurrents de paralysie ou de paresthésie touchant un ou plusieurs segments de membres.

Chez la majorité des patients, la maladie débute avant l’âge de 20 ans.

Mais l’âge du premier épisode est très variable d’un individu à l’autre : de 7 à 62 ans dans l’étude de Gouider et al.

Les nerfs le plus fréquemment touchés sont ceux qui traversent des zones d’étroitesse anatomique et/ou qui sont soumis aux compressions mécaniques lors du maintien prolongé de certaines positions.

Ainsi, par ordre décroissant de fréquence : le sciatique poplité externe, le plexus brachial, le cubital, le médian.

Pourtant, un facteur déclenchant n’est retrouvé que pour la moitié des épisodes.

Il faut souligner que les épisodes déficitaires s’accompagnent exceptionnellement de douleur.

Le plus souvent, une régression spontanée des troubles intervient dans les jours ou les semaines qui suivent.

Pourtant, un déficit résiduel est observé après 51 %des épisodes, mais il n’est sévère que dans moins de 10 % des cas. Il peut s’accompagner d’une amyotrophie.

Un examen clinique soigneux montre, la plupart du temps, de discrets signes de neuropathie diffuse, même en période intercritique : diminution ou abolition des réflexes achilléens, faiblesse et amyotrophie des muscles intrinsèques des pieds, diminution de la pallesthésie à l’extrémité des membres inférieurs.

Des anomalies électrophysiologiques diffuses sont retrouvées chez les patients atteints de NHHP, qu’ils aient eu ou non des épisodes déficitaires : diminution des vitesses de conduction motrice et sensitive, surtout au passage des zones d’étroitesse anatomique, augmentation des latences distales, augmentation des latences des ondes F aux membres supérieurs et inférieurs.

Ainsi, une augmentation bilatérale des latences motrices distales du médian, associée à une diminution de la vitesse de conduction sensitive au poignet ou de la vitesse de conduction motrice du sciatique poplité externe, est très évocatrice de NHHP.

À la biopsie de nerf, on observe une diminution des fibres myélinisées de plus grand calibre et une augmentation des fibres de petit diamètre.

Sur les fibres isolées par microdissection, on constate des renflements de la gaine de myéline (« tomacula ») dans 24 à 37 % des internodes, d’où le nom de neuropathie tomaculaire de cette affection.

Il faut souligner que des lésions de ce type sont observées dans d’autres types de neuropathie comme le CMT, certaines neuropathies axonales chroniques…

Les renflements myéliniques sont alors moins fréquents.

+ Génétique :

La NHHP se transmet selon le mode autosomique dominant.

La pénétrance est incomplète : 20 % des porteurs obligatoires n’ont jamais eu d’épisode déficitaire.

En revanche, on retrouve chez eux des signes à l’examen électrophysiologique.

Des cas sporadiques sont rencontrés.

De par le processus démyélinisant sous-jacent et son mode de transmission autosomique dominant, il était tentant de tester chez des patients avec NHHP les marqueurs de la région 17p11.2 qui était dupliquée dans le CMT1A.

Les premières études ont montré que, dans la plupart des familles avec NHHP, les parents atteints ne transmettaient pas d’allèle à leurs enfants atteints.

Ainsi, laNHHPétait transmise à la descendance avec une délétion de la région 17p11.2.

Il a été montré que la région délétée associée à la NHHP était strictement identique à la région dupliquée chez les patients CMT1A.

Au plan du mécanisme responsable de ces remaniements, il a été postulé que la duplication et la délétion associées respectivement au CMT1Aet à la NHHP étaient les conséquences en miroir d’un même événement chromosomique : une recombinaison inégale survenant dans les gamètes d’un ancêtre entre les deux homologues 17, qui produit un gamète porteur d’un chromosome 17 dupliqué et un autre porteur d’un chromosome délété pour la région 17p11.2.

Ce mécanisme serait expliqué par l’existence de deux séquences de 30 kb, hautement homologues, qui flanquent la région 17p11.2, les CMT1AREPs proximal et distal, dont le mauvais appariement induirait la recombinaison inégale.

L’étude des CMT1A-REPs chimériques issues de ces remaniements chez des patientsCMT1AetNHHPa montré qu’il existait dans les CMT1A-REPs un point chaud de recombinaisons où se retrouvent 75 % des points de recombinaisons.

Les 25 % restants se distribuent dans trois autres zones des CMT1A-REPs.

+ Diagnostic moléculaire :

Devant un contexte clinique et électrophysiologique évocateur, la délétion en 17p11.2 est recherchée systématiquement.

Si on dispose de l’ADN d’un patient et de son parent atteint, il est possible d’utiliser des marqueurs polymorphes de type microsatellite localisés dans la région délétée.

La délétion est affirmée par une anomalie de ségrégation des allèles de ces microsatellites : le parent atteint ne transmet pas d’allèle à son enfant atteint.

Quand seul un sujet atteint a été prélevé, un diagnostic direct peut être pratiqué.

La délétion est visualisée par la technique du southern blot en comparant chez le patient et des sujets témoins (délétés et normaux), le ratio des signaux obtenus pour une sonde moléculaire qui se trouve dans la région délétée et une sonde de référence située en dehors de cette région.

Si une délétion en 17p11.2 est exclue, une mutation des gènes PMP22 et P0 peut être recherchée.

* Névralgie amyotrophiante familiale :

+ Clinique :

La NAF est, elle aussi, une neuropathie héréditaire sensitivomotrice.

Sa fréquence n’a pas été estimée mais la NAF est considérée comme rare.

Elle se caractérise par des épisodes douloureux touchant préférentiellement les membres supérieurs, souvent associés à une faiblesse et à une atrophie musculaire de même topographie.

Comme le plexus brachial est le plus souvent touché, cette affection est aussi appelée névralgie familiale du plexus brachial.

La douleur est quasi constamment inaugurale.

L’âge du premier épisode est très variable, mais généralement dans la deuxième décade.

Un facteur déclenchant n’est retrouvé que dans 20 % des épisodes.

La récupération de la fonction est généralement bonne mais des séquelles, mineures pour la plupart, peuvent être observées.

Dans certaines familles, un syndrome dysmorphique (souvent discret) coségrège avec la NAF : hypotélorisme, épicanthus, fente palatine et syndactylie sont le plus souvent rencontrés.

À l’électromyogramme (EMG), un tracé de dénervation est retrouvé dans le(s) territoire(s) atteint(s), associé à une diminution des amplitudes motrices et sensitives, alors que les vitesses de conduction motrice et sensitive sont classiquement normales. Un faible nombre de biopsies nerveuses ont été étudiées.

Certains auteurs ont retrouvé des épaississement focaux de la myéline (les « tomacula » observées dans la NHHP).

+ Génétique :

Dans la plupart des familles, une transmission autosomique dominante est retrouvée.

La pénétrance est incomplète.

Des cas sporadiques sont retrouvés.

En 1994, il a été démontré que la NAF était une entité génétiquement différente de la NHHP par exclusion de la région 17p11.2 et du gène PMP22 dans deux familles françaises et deux familles américaines.

Plus récemment, un locus sur le bras long du chromosome 17 (en 17q) a été identifié dans deux pedigrees avecNAF.

De plus, une hétérogénéité génétique a été démontrée car, dans certaines familles, la NAF ne ségrégeait pas avec les marqueurs de cette région.

+ Diagnostic moléculaire :

À l’inverse de la NHHP, un diagnostic direct est impossible.

Il faut utiliser des marqueurs polymorphes extragéniques.

Il n’est possible d’envisager cette stratégie (diagnostic indirect) que dans les grandes familles où l’on peut collecter le sang de plusieurs individus atteints.

Il est alors possible d’infirmer ou d’affirmer la liaison de la maladie au chromosome 17q.

S’il y a liaison, le statut des individus à risque peut être déterminé par reconstruction des haplotypes pour les marqueurs utilisés et par les calculs de risques.

La nature probabiliste du résultat est inhérente à l’utilisation de marqueurs extragéniques.

Dans le cadre du diagnostic différentiel avec la NHHP, la délétion en 17p11.2 peut être recherchée chez les patients chez lesquels une NAF est suspectée sans que la composante douloureuse soit au premier plan.

B – Neuropathies sensitives et dysautonomiques héréditaires :

1- Classification :

Les neuropathies sensitives et dysautonomiques héréditaires sont rares.

Elles se caractérisent par une atteinte prépondérante de la composante sensitive périphérique, associée ou non à une atteinte du système nerveux autonome. Sous ce vocable ont été regroupées des entités cliniquement très différentes chez lesquelles sont diversement associés les troubles sensitifs et dysautonomiques.

Pour certains types, on retrouve une atteinte motrice qui est au second plan et apparaît au décours de la maladie (HSAN I [hereditary sensory and autonomic neuropathy]).

La classification en vigueur a été proposée par Dyck.

Elle prend en compte le mode de transmission, le tableau clinique, en particulier les modes de sensibilité touchés, et l’évolution de la maladie.

2- Différents types de HSAN :

* HSAN I :

+ Clinique :

Les troubles sensitifs sont au premier plan.

Il y a atteinte préférentielle de la composante thermoalgique qui provoque des complications cutanées des extrémités, qui orientent le diagnostic : ulcérations, maux perforants plantaires, pouvant aller jusqu’aux amputations d’orteils et à l’ostéomyélite nécrosante.

Ce tableau a été initialement décrit par Thévenard.

L’atteinte est généralement symétrique. Les pieds et les jambes sont plus précocement et plus sévèrement touchés que les mains.

Une amyotrophie avec déficit musculaire survient souvent au cours de l’évolution mais elle est tardive et reste au second plan.

Les signes de dysautonomie sont inexistants ou très discrets, sous forme de déficit distal de la sudation.

À l’examen, on note une diminution des réflexes ostéotendineux.

L’âge de début, qui est variable, même au sein d’une famille, se situe entre les deuxième et quatrième décades et la progression de la maladie est généralement lente.

Le pronostic vital n’est pas mis en jeu ; en revanche, le pronostic est fonctionnel.

Il est dépendant d’une bonne prévention et d’un traitement adapté des complications cutanées.

L’examen électrophysiologique objective des vitesses de conduction motrice normales et des potentiels sensitifs qui sont précocement altérés.

À la biopsie de nerf, on retrouve une raréfaction à la fois des fibres myélinisées de gros calibre et des fibres non myélinisées.

+ Génétique :

Le mode de transmission prépondérant est autosomique dominant.

Dans certains pedigrees, une hérédité liée à l’X ne peut pas cependant être exclue (absence de transmission père-fils).

La pénétrance semble être incomplète, elle est sans aucun doute âge-dépendante.

Dans trois familles, deux d’origine australienne et une autrichienne, un locus a été identifié par Garth Nicholson et al en 9q22.1-q22.3 dans une région de 8 cM délimitée par les marqueurs microsatellites D9S318-D9S176.

De même, nous avons étudié une famille française où le phénotype HSAN I coségrégeait avec cette région.

Ce locus semble donc être fréquent.

Le gène correspondant n’a pas encore été identifié.

L’atteinte motrice qui peut être plus marquée dans certaine familles rend délicat le classement du phénotype.

Il est alors limite entre HSAN I et CMT2.

Ainsi, un locus a été identifié sur le chromosome 3q pour un phénotype classé CMT2 qui se caractérisait pourtant par des troubles sensitifs majeurs avec ulcérations plantaires et amputations des orteils chez les patients.

Ce locus a été initialement dénommé CMT2B mais aujourd’hui beaucoup s’accordent pour l’associer à un phénotypeHSANI.

Ces données démontrent donc l’hétérogénéité génétique du phénotype HSAN I.

Au plan pratique, ne peut être proposé qu’un diagnostic moléculaire indirect par marqueurs polymorphes dans les familles suffisamment informatives pour une analyse de liaison.

* HSAN II :

Le tableau clinique est proche de celui qui a été précédemment décrit.

En particulier, on observe les mêmes complications cutanées au niveau des pieds et des mains.

Les premiers signes surviennent à la naissance ou pendant la petite enfance.

Tous les modes de sensibilité sont touchés mais la sensibilité tactile est plus altérée que les composantes thermique et algique.

Les troubles sensitifs intéressent les extrémités des membres inférieurs et supérieurs et peuvent diffuser au tronc.

Il n’y a ni amyotrophie ni déficit musculaire.

Les signes dysautonomiques sont discrets et correspondent à un déficit de sudation, surtout aux extrémités.

On note une diminution des réflexes ostéotendineux.

L’atteinte de cas isolés ou de fratries suggère fortement un mode de transmission autosomique récessif.

Aucun locus n’a été encore identifié.

* HSAN III (dysautosomie familiale-syndrome de Riley-Day) :

+ Clinique :

Cette entité se distingue des autres HSAN par la prédominance des signes dysautosomiques, l’absence de papilles fongiformes et sa survenue chez les juifs ashkénazes.

Les premiers signes surviennent classiquement à la naissance : déficit de la succion, difficulté d’alimentation, vomissements fréquents, croissance pondérale faible, fièvre inexpliquée et infections pulmonaires récurrentes.

Le diagnostic de dysautonomie familiale est alors conforté par l’absence de larmes, l’aspect tacheté de la peau et l’absence de papilles fongiformes à l’inspection de la langue.

Plus tard, on note :

– un retard de développement et de croissance et une cyphoscoliose ;

– des signes de dysautonomie, hypersudation, hypertension souvent en réponse à une émotion, hypotension orthostatique, troubles vasomoteurs cutanés dépendants de l’état émotionnel ;

– des signes sensitifs comme une maladresse et une diminution des sensations douloureuses.

L’évolution est sévère avec un décès qui survient dans l’enfance.

+ Génétique :

C’est aussi une affection de transmission autosomique récessive.

Il faut souligner une fréquence de la maladie plus particulièrement élevée chez les juifs ashkénases.

Elle a été évaluée en Israël à 1/1 000 000, ce qui correspond à une fréquence des hétérozygotes de 18/1 000.

Un locus responsable a été identifié en 9q31-q33, entre les microsatellites D9S53 et D9S105, par Blumenfeld et al.

Il reste à identifier le gène correspondant.

* HSAN IV (neuropathie sensitive héréditaire avec anhydrose) :

+ Clinique :

Le tableau clinique est dominé par une insensibilité complète à la douleur qui entraîne des lésions de la peau, des os et des articulations.

On note aussi un déficit de la sudation, qui cause des épisodes de fièvre, et un retard mental modéré. Cette affection est diagnostiquée dans la petite enfance.

L’examen clinique ne montre ni déficit musculaire ni diminution des réflexes ostéotendineux.

Dans le cas décrit par Rafel et al, la biopsie nerveuse montre une absence quasi complète des fibres myélinisées et non myélinisées de petit calibre.

+ Génétique :

Le mode de transmission de cette affection est autosomique récessif.

Chez trois patients indépendants avec une HSAN IV, des mutations ont été identifiées dans le gène TrKAdu récepteur au NGF (nerve growth factor).

TrKA était un gène candidat par fonction car des souris avec invalidation homozygote du gène TrKA (souris knock-out) présentaient un phénotype proche (en particulier une insensibilité thermoalgique) et l’anatomopathologie objectivait une absence des neurones de petite taille des ganglions rachidiens qui avait été observée lors de l’autopsie d’un patient avec HSAN IV.

* HSAN V (insensibilité congénitale à la douleur) :

C’est par la dissociation entre l’absence de perception de la douleur et la conservation de la perception thermique et tactile que l’HSAN V se différencie des autres types.

L’atteinte du système autonome est fréquente.

La force musculaire est conservée et les réflexes ostéotendineux sont préservés.

La biopsie nerveuse montre généralement une diminution des fibres myélinisées de petit calibre mais elle peut être normale, ce qui fait suspecter une atteinte centrale.

La prépondérance des cas sporadiques suggère que le mode de transmission est principalement autosomique récessif.

Pour l’instant, aucun locus n’a été identifié.

* Autres formes d’HSAN :

D’autres formes, extrêmement rares, ont été rapportées, souvent dans un très petit nombre de famille.

Citons : la HSAN avec paraplégie spastique, la neuropathie sensitive héréditaire avec kératite neurotrophique, la neuropathie sensitive liée au sexe, la neuropathie sensitive héréditaire avec pupille tonique, la neuropathie sensitive héréditaire avec scoliose et ataxie…

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