Manifestations ostéoarticulaires des maladies de surcharge (IV)

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Introduction :

Ce dernier fascicule concernant les maladies de surcharge est consacré à quatre affections disparates relevant respectivement d’un trouble du métabolisme des purines (la xanthinurie héréditaire), d’un trouble du métabolisme des porphyrines (la porphyrie érythropoïétique congénitale), et pour deux d’entre elles d’une histiocytose non langerhansienne réalisant une surcharge lipoïdique non génétiquement déterminée : la réticulohistiocytose multicentrique et la maladie de Chester-Erdheim.

Xanthinurie héréditaire :

Manifestations ostéoarticulaires des maladies de surcharge (IV)C’est une maladie rare, caractérisée par une carence en xanthine oxydase, ayant pour conséquences une hypo-uricémie et une hypo-uraturie très marquées, ainsi qu’une accumulation de xanthine et d’hypoxanthine, notamment dans les muscles et dans les urines.

Il s’agit d’un désordre autosomique récessif dont la prévalence se situe autour de 1 pour 45 000.

Il existe deux types de xanthinurie héréditaire : la forme classique, limitée à un déficit en xanthine oxydase, et la forme associée à un déficit en sulfite oxydase, ces deux formes semblant être la conséquence d’un défaut du métabolisme du molybdène.

Dans la forme classique, l’affection semble le plus souvent latente et s’exprimerait dans un tiers des cas seulement par des calculs urinaires de xanthine.

L’atteinte de l’appareil locomoteur peut revêtir la forme :

– d’une myopathie qui s’exprime par des crampes affectant surtout les membres inférieurs.

La biopsie musculaire montre la présence de nombreux cristaux de xanthine et d’hypoxanthine.

Le diamètre des fibres musculaires est augmenté, de même que le nombre de noyaux centralisés.

L’étude électrique du muscle confirme l’existence d’une myopathie diffuse.

Cependant, il n’y a ni diminution de force musculaire, ni sensibilité des muscles à la pression ;

– ailleurs, il s’agit d’une polyarthrite migratrice à rechute, touchant les grosses articulations, dont quelques cas seulement ont été rapportés.

La recherche de cristaux d’hypoxanthine ou de xanthine s’est toujours révélée négative dans le liquide synovial comme dans la membrane synoviale.

Parmi les associations morbides rapportées, signalons l’hémochromatose, le psoriasis et la maladie d’Ehlers-Danlos, qui sont vraisemblablement des coïncidences.

Dans la forme associée à un déficit en sulfite oxydase, les troubles neurologiques occupent largement le devant de la scène (céphalées, irritabilité, obnubilation, coma, crises tonicocloniques, nystagmus).

Porphyrie érythropoïétique congénitale ou maladie de Günther :

La porphyrie érythropoïétique congénitale est une maladie extrêmement rare liée à une anomalie de la biosynthèse de l’hème, qui se transmet sur le mode autosomique récessif : un défaut d’activité de l’uroporphyrinogène III cosynthétase conduit à la synthèse de porphyrines I inutilisables pour la synthèse de l’hème, se déposant dans la peau, les os, les tissus mous, les viscères et s’oxydant en porphyrines photoactives ; les signes cliniques sont dominés par une extrême photosensibilité intéressant principalement la peau qui est le siège de bulles cutanées sur les zones exposées à la lumière.

L’infection de ces zones conduit à des mutilations digitales, nasales, auriculaires.

Les autres signes sont l’émission d’urine rouge, une anémie hémolytique et une hépatosplénomégalie.

L’espérance de vie est diminuée.

Les signes osseux de la maladie, outre la fluorescence ultraviolette de l’os semblable à celle des viscères, apparaissent à l’âge de 20 ans sous forme de douleurs osseuses affectant principalement le rachis, qui est le siège de tassements vertébraux précoces.

Les dents sont brunes, érythrodermiques en lumière deWood.

Les radiographies objectivent divers types de signes :

– une acro-ostéolyse, voire la perte des dernières phalanges, traduisant les mutilations dues à la photosensibilité ;

– des calcifications des tissus mous prédominant aux extrémités digitales semblables à celles que l’on rencontre dans la sclérodermie ;

– une ostéopénie avec tassements vertébraux précoces. L’étude du métabolisme phosphocalcique montre des valeurs normales de la calcémie et de la phosphorémie tandis que les taux des phosphatases alcalines d’origine osseuse et de l’hydroxyprolinurie sont élevés.

Le taux d’ostéocalcine est trouvé normal par Audran et al ; le taux de parathormone, normal pour cet auteur, est trouvé abaissé par Pullon et al.

Il existe pour ces derniers des stigmates d’ostéoporose à haut niveau de remodelage : abaissement de la densité minérale osseuse mesurée en absorptiométrie diphotonique, essentiellement au rachis mais également à la hanche ; diminution d’épaisseur des corticales des métacarpiens et des autres os longs ; augmentation du turnover osseux visible en histologie et sur les marqueurs biochimiques (hydroxyprolinurie, phosphatases alcalines).

Il existe généralement un abaissement du taux de 25-hydroxycholécalciférol circulant rapporté au fait que les patients évitent l’exposition à la lumière.

La physiopathologie de cette ostéodystrophie est imputée de façon hypothétique, aussi bien par Pullon que parAudran, à l’action éventuelle de cytokines libérées en excès dans la moelle osseuse par assimilation à ce que l’on voit dans les anémies hémolytiques où il existe une élévation de l’hématopoïèse.

Cette hypothèse, qui semble confirmée dans les anémies hémolytiques telles la bêta-thalassémie ou la drépanocytose par le fait que les transfusions répétées nécessitées par l’hémolyse corrigent l’ostéopénie, n’est pas encore confirmée dans la maladie de Günther ;

– Ito et al ont décrit des lésions lytiques et condensantes multiples arrondies de la voûte crânienne, du maxillaire, de la mandibule et du bassin.

Le scanner localise des condensations de la voûte dans le diploé, lequel est légèrement élargi.

Levesque et al ont également rencontré une telle condensation de la voûte associée à une calcification de la faux du cerveau.

Pour Moseley, de telles condensations répondraient à des collections tumorales très localisées de moelle hyperplasique liée à l’anémie.

Le malade d’Audran avait en outre un retard de soudure métaphysoépiphysaire des os longs et des aspects « d’os dans l’os » au niveau vertébral avec des travées vertébrales grossières observées en tomodensitométrie (TDM).

Les aspects « d’os dans l’os » au niveau vertébral ne font que traduire des arrêts de croissance successifs et ne sont pas spécifiques de la maladie.

Dans l’observation de Pullon, l’abaissement de la densité osseuse et la diminution de l’index cortical des métacarpiens n’ont pas été corrigés par un traitement par le clodronate, la vitamine D et les transfusions répétées.

Réticulohistiocytose multicentrique et maladie de Chester-Erdheim :

Ces deux affections font partie des histiocytoses réactionnelles, ou de classe II, par opposition aux histiocytoses langerhansiennes, ou de classe I (syndrome de Hand-Schüller-Christian, maladie de Letterer-Siwe, granulome éosinophile) et aux histiocytoses malignes de classe III (leucose aiguë à monocytes, lymphome histiocytaire, histiocytose maligne).

Leur étiologie est inconnue.

Toutefois, une proportion importante de réticulohistiocytoses multicentriques (RHM) est associée ou fait suite à une tuberculose active ; or, la tuberculose est une cause connue d’histiocytose réactionnelle, avec la brucellose, la lèpre, la syphilis, la listériose, l’histoplasmose, la cryptococcose, le paludisme, la toxoplasmose, la leishmaniose, le béryllium et le zirconium.

Il n’y a aucune composante génétique.

Ce ne sont pas stricto sensu des maladies de surcharge.

En effet, les lipides que l’on trouve stockés dans les histiocytes sont très hétérogènes (phospholipides, graisses neutres et matériel lipidopolypeptidique) et il n’y a pas de trouble identifiable du métabolisme lipidique, bien que 30 % des patients ayant une RHM aient une hypercholestérolémie et un xanthélasma.

Le stockage lipidique est donc considéré comme un phénomène secondaire à un dysfonctionnement des histiocytes.

A – Réticulohistiocytose multicentrique :

La réticulohistiocytose multicentrique a de nombreuses autres dénominations : dermatoarthrite lipoïdique, xanthomatose cutanée normolipidémique, histiocytose à cellules géantes, etc).

1- Historique :

C’est en 1954 qu’elle a été baptisée par Goltz et Layman, mais la première observation remonte à 1897.

Barrow et Holubar ont publié en 1969 une série de 33 cas qui permit de dégager l’importance respective des symptômes et des signes, confirmée et précisée en 1991 par une revue de 33 autres cas publiés, réalisée par Campbell et Edwards.

2- Épidémiologie :

L’affection touche toutes les régions du globe, sans zone endémique, ni prédilection raciale.

L’existence de formes familiales n’a pas été confirmée.

Le sexe féminin est deux fois plus souvent touché que le sexe masculin, l’âge de prédilection se situe entre 40 et 50 ans, mais il existe de rares formes pédiatriques et quelques formes séniles. Un cas à début gravidique a été publié.

Sa fréquence est faible : il y avait en 1990 moins de 100 cas publiés.

Il est possible que certaines formes soient méconnues du fait de la ressemblance de l’affection avec la polyarthrite rhumatoïde (PR), le rhumatismes psoriasique voire l’arthrose érosive des interphalangiennes distales et la goutte.

3- Clinique :

* Signes articulaires :

Ils précèdent les autres signes dans 45 % des cas et apparaissent simultanément dans 31 % des cas.

Il s’agit généralement d’une polyarthrite symétrique, d’installation rapide, pouvant toucher, comme la PR, la quasi-totalité des articulations y compris la temporomandibulaire.

La maladie affectionne particulièrement les mains, les genoux et les épaules.

À la différence de la PR, elle atteint les interphalangiennes distales, et ce avec une grande fréquence (75 % des cas) ainsi qu’occasionnellement les sacro-iliaques.

Les douleurs sont généralement vives, et s’accompagnent d’une raideur matinale qui serait moins marquée que dans la PR. Il existe une limitation inconstante des amplitudes et parfois une contracture en flexion.

Les arthrites sont destructrices, d’autant plus volontiers que leur début a été précoce dans la vie, et parfois mutilantes, responsables alors d’une main en « lorgnette » ou de protrusions acétabulaires ; il semble que les thérapeutiques agressives les plus récentes aient réduit la proportion de ces formes mutilantes de 45 à 10 %des cas.

Après 2 à 10 ans d’évolution, la polyarthrite se stabilise, laissant des séquelles plus ou moins invalidantes.

Le liquide synovial est généralement inflammatoire à prédominance de polynucléaires ; il peut cependant être non inflammatoire avec quelques centaines de cellules par millimètre cube à prédominance lymphocytaire et mononucléaire.

Spadaro et al ont observé un cas où des histiocytes typiques de l’affection étaient retrouvés dans le liquide synovial, associés à des cellules géantes binucléées, et dans la biopsie synoviale.

Les signes radiographiques constituent un groupement qui permet de distinguer la RHM de la PR, du rhumatisme psoriasique, de la goutte et de l’arthrose érosive des doigts :

– érosions à bords nets débutant sur le bord des interlignes articulaires, d’allure pseudogoutteuse, le plus souvent symétriques, affectant spécialement les interphalangiennes distales et les métatarsophalangiennes ;

– ostéolyse ponctuée des épiphyses de 1 mm à 1 cm de diamètre ;

– absence ou discrétion de l’ostéoporose, absence de réaction périostée et d’ostéophytes, même en présence de grande destruction articulaire ;

– absence d’ankylose articulaire sauf éventuellement aux sacro-iliaques.

Un cas de fracture spontanée du col fémoral a été rapporté, en rapport avec la colonisation sous-chondrale et cervicale par des histiocytes.

Les localisations vertébrales sont assez fréquentes, occasionnant dans 50 % des cas une subluxation atlas axis de type rhumatoïde ; Amor et al ont décrit un spondylolisthésis résultant d’une lyse spécifique.

La scintigraphie au gallium détecte les localisations infracliniques, car le gallium se concentre dans les granulomes de la RHM.

* Signes musculaires :

Le système musculaire peut être également touché, de façon plus ou moins spécifique, ce qui a pu faire parler tantôt de polymyosite tantôt de myosite spécifique.

L’atteinte est habituellement discrète et non spécifique réalisant des myalgies modérées, une faiblesse musculaire sans élévation des enzymes musculaires sériques avec, à la biopsie, des altérations son spécifiques.

Quelques cas ont cependant été rapportés de myopathies sévères et spécifiques avec élévation de la créatine-phosphokinase (CPK), altérations électriques de type myopathique, foyers périvasculaires d’histiocytes et de cellules géantes acide para-aminosalicylique (PAS) positives.

Dans le cas de Gao, il existait une atrophie des groupes musculaires proximaux des membres et un affaiblissement progressif s’accentuant alors même que les signes articulaires et cutanés étaient stabilisés, une contracture en flexion des doigts, une élévation progressive du taux sérique des enzymes musculaires qui était normal au début.

L’électromyographie objectivait une fibrillation spontanée diffuse et des décharges répétitives de haute fréquence, et la biopsie musculaire a montré une juxtaposition de fibres atrophiques et hypertrophiques, une dégénérescence vacuolaire avec centralisation des noyaux, un infiltrat inflammatoire lymphocytaire d’abord discret, et des fibres basophiles de régénération.

L’examen en microscopie électronique a montré des vacuoles vides ou contenant des débris d’aspect myélinique.

Au total, il s’agissait donc d’une myopathie dégénérative multivacuolaire extensive.

* Synoviales :

Les gaines synoviales des tendons sont tuméfiées dans 24 % des cas.

* Peau et muqueuses :

Les lésions cutanées apparaissent le plus souvent 3 ans après les signes articulaires par poussées successives, mais elles peuvent être contemporaines ou précéder les signes articulaires.

Il s’agit de nodules de 2 mm à 2 cm de diamètre, de couleur rouge violacé ou chamois, pouvant siéger n’importe où sur le corps, mais surtout sur la face, sur les doigts (typiquement autour des ongles, en « perle de corail », mais aussi sur le dos des doigts), sur les oreilles, les avant-bras, le nez, le scalp.

L’évolution est chronique avec des poussées et des rémissions spontanées.

Après plusieurs années, les nodules régressent, généralement avant la stabilisation des lésions articulaires, laissant des cicatrices qui peuvent être disgracieuses et réaliser un faciès léonin.

Dans 19 à 36% des cas, il existe un xanthélasma histologiquement semblable à ceux rencontrés en l’absence de RHM.

Ce xanthélasma rétrocède en général lorsque l’activité de la maladie diminue.

Les lésions muqueuses sont semblables aux lésions cutanées et siègent le plus volontiers sur les lèvres, dans la bouche, sur le septum nasal, la langue, les gencives, le pharynx, le larynx, les cordes vocales, la conjonctive.

* Autres signes :

Les signes généraux sont inconstants : il s’agit de fièvre et d’amaigrissement.

Les manifestations viscérales sont essentiellement cardiopulmonaires :

– les manifestations cardiaques sont rares : la péricardite semble la plus fréquente.

On a décrit des atteintes endocarditiques et l’atteinte du myocarde par un infiltrat réticulohistiocytaire responsable de défaillance ventriculaire ;

– les lésions pulmonaires seraient présentes dans 20 % des cas, plus ou moins systématisées, elles peuvent engendrer une fibrose pulmonaire.

La scintigraphie au citrate de gallium 67 s’avère précieuse pour objectiver les localisations cardiaques et pulmonaires ;

– un épanchement pleural est également possible ;

– une compression laryngée est rare ;

– une localisation gastro-intestinale est également rare ;

– les différentes structures de l’oeil peuvent être touchées.

* Associations morbides :

+ RHM et maladies auto-immunes :

– L’hypothyroïdie auto-immune doit être différenciée d’une infiltration spécifique du tissu thyroïdien.

– Un cas de cirrhose biliaire primitive a été rapporté.

– L’atteinte des glandes exocrines réalise un authentique syndrome de Sjögren.

L’infiltrat des glandes salivaires et lacrymales est en effet en tout point comparable à ce que l’on observe dans le syndrome de Sjögren typique.

Des anticorps antinucléaires sont souvent présents ainsi qu’un anticorps anti-Ro SSA alors qu’on ne rencontre pas d’anti-La SSB.

– L’association au vitiligo a été rapportée.

– La littérature fait également mention de diabète sucré.

+ RHM et tuberculose :

Il s’agit d’une relation intéressante.

En effet, non seulement des antécédents tuberculeux sont retrouvés dans 30 % des cas, non seulement l’intradermoréaction à la tuberculine est positive dans 12 à 50 %des cas selon les séries, mais surtout, on trouve une tuberculose active dans 5 %des cas, et dans quelques cas, le traitement de la tuberculose stoppe l’activité de la RHM.

+ RHM et néoplasie :

Près de 28 % des RHM sont associées à une néoplasie.

Il peut s’agir d’une néoplasie solide : épithélioma épithélioïde, carcinome mammaire, colique, bronchique, du col utérin, de l’estomac, de l’ovaire, mésothéliome, mélanome, sarcome.

Il peut également s’agir d’une hémopathie : leucose aiguë myéloblastique, lymphome, certains cas de RHM sont associés à la sécrétion d’une immunoglobuline monoclonale.

Se pose donc le problème de la nature paranéoplasique de la RHM, l’hypothèse étant étayée par certains cas d’évolution favorable après traitement de la tumeur.

La RHM précède la néoplasie dans 75 %des cas parfois de 10 mois.

L’atteinte cutanée est plus fréquente lorsqu’il existe une néoplasie (90 % des cas, la moitié d’entre eux ne comportant pas d’arthropathie.

Hormis cette originalité, lesRHMaccompagnant une néoplasie n’ont aucune particularité, ce qui impose de rechercher un cancer devant toute RHM.

Particulièrement intéressant est le cas de Janssen associant une RHM et un adénocarcinome du sein : dans le sein comme dans les ganglions, les histiocytes sont au voisinage immédiat de cellules tumorales.

* Signes biologiques :

Hormis les examens histologiques, le diagnostic de RHM ne repose sur aucune donnée biologique spécifique : la vitesse de sédimentation est élevée de façon variable, et il existe souvent une anémie modérée.

Il n’y a pas de modification homogène des lipides sériques. Les formes solitaires de granulome réticulohistiocytaire prêtent à discussion quant à leur identité nosologique avec la RHM.

* Anatomie pathologique :

Elle est au mieux étudiée dans les lésions cutanées.

En microscopie optique, la caractéristique de la RHM est la présence de cellules histiocytaires de deux types : mononucléé, de forme et de taille régulières, au cytoplasme éosinophile et finement granulé, et surtout, plurinucléé (2 à 20 noyaux) réalisant des cellules géantes de forme et de taille irrégulières (jusqu’à 100 ím).

Dans les lésions les plus jeunes, les cellules géantes sont plus rares, et l’on peut trouver des infiltrats lymphocytaires périvasculaires denses.

Dans les lésions plus anciennes, au contraire, les cellules géantes sont nombreuses, semblables aux cellules géantes à corps étrangers avec un cytoplasme éosinophile finement granuleux ou d’aspect vitreux.

Le développement de l’infiltrat refoule et raréfie le collagène qui est l’objet d’une phagocytose.

La microscopie électronique montre, outre la phagocytose des structures collagéniques, de grandes quantités de granules denses près de l’appareil de Golgi, prenant le marquage des phosphatases acides et représentant des liposomes.

Il n’y a jamais de corps X ou granule de Bierbeck, caractéristique des histiocytoses langerhansiennes.

Les membranes des cellules voisines ont des interdigitations complexes.

La majorité des cellules de la RHM apparaît donc dérivée du système monocyte macrophage.

Les vacuoles lipidiques sont présentes à certains moments et représentent probablement un processus dégénératif plutôt qu’une véritable surcharge.

Des inclusions de collagène VI ont été individualisées dans le cytoplasme des histiocytes, faisant émettre pour certains l’hypothèse que la RHM est une maladie proliférative plutôt qu’inflammatoire puisque le collagène VI est sécrété au cours des néoplasies lymphohistiocytaires.

L’histochimie révèle la présence dans les histiocytes d’un matériel PAS positif, de nature probablement glycolipidique, résistant au traitement enzymatique.

Les cellules, sauf exception, réagissent avec les anticorps anti-CD 14 et anti-HLA (human leucocyte antigen) mais surtout anti-CD 68 (ou KP1) ce qui est caractéristique de la lignée monocyte macrophage.

Des lésions identiques ont été rencontrées dans les localisations muqueuses, des ganglions lymphatiques bronchiques, la graisse sous-cutanée ou périrénale, le muscle.

Dans les localisations synoviales, certains histiocytes ressemblent aux synoviocytes A, et d’autres moins nombreux aux synoviocytes B.

Les lymphocytes présents dans les lésions sont en majorité des lymphocytesT.

* Pathogénie :

L’activation macrophagique commune à toutes les histiocytoses aboutit au relargage de monokines et de cytokines qui engendrent des phénomènes d’hémophagocytose et de phagocytose du collagène.

D’autres sécrétions concourent à la genèse des lésions : hydrolases acides et protéases neutres ainsi que le PDGF (platelet derived growth factor) qui, à l’image de ce qui se passe dans la PR, pourrait agir sur le mode paracrine et favoriser la prolifération des synoviocytes dans les articulations.

Le génie ostéolytique des histiocytes de laRHMsemble lié à la sécrétion d’IL (interleukine) 1, d’IL6 et de TNF (tumour necrosis factor) en grandes quantités.

* Affections apparentées :

La RHM partage avec la réticulohistiocytose diffuse cutanée pure et le réticulohistiocytome isolé les caractères immunohistochimiques suivants : présence de CD 45 ou antigène leucocytaire commun, de CD 3 et de CD 68 (ou KP1), et absence de CD 45 Ro, CD 20, S-100 et Ber H2.

* Traitement :

Si la MRH est une maladie qui finit par s’éteindre en 3 à 10 ans, elle n’en risque pas moins de laisser des séquelles articulaires et cutanées très gênantes, voire, dans certains cas, de s’avérer mortelle.

C’est pourquoi on admet généralement que, contrairement à l’opinion prônée par Barrow, elle relève d’un traitement agressif. Employés seuls, les corticoïdes s’avèrent inefficaces.

Si, à fortes doses, ils peuvent engendrer une amélioration des signes articulaires, ils n’ont aucune action sur les lésions cutanées. Associés à l’hydroxychloroquine, ils ont paru efficaces à Carey tant sur les lésions articulaires que sur les lésions cutanées.

Les salicylés, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, la D-pénicillamine sont inactifs sur la synovite.

La ciclosporine est inefficace.

En revanche, la totalité des alkylants manifeste une efficacité certaine.

Avant de faire appel à eux, il faut s’assurer de l’absence de tuberculose ou de néoplasie pour deux raisons : d’une part, le traitement cytotoxique ou immunosuppresseur risque d’aggraver la maladie associée et, d’autre part, on peut assister à l’arrêt de l’activité de la maladie lors du traitement antinéoplasique ou lors du traitement de la tuberculose.

La cyclophosphamide a donné de bons résultats seule ou associée au méthotrexate, au 5 FU et à la prednisone ou au méthotrexate et à la prednisone.

Le méthotrexate a donné des résultats contradictoires. Il en est de même de l’azathioprine.

Le chlorambucil a été responsable d’une rémission suivie de l’apparition d’une leucose myélodysplasique.

Le suivi de la maladie est difficile : des poussées et des rémissions spontanées peuvent se produire ; les lésions articulaires peuvent s’aggraver à bas bruit au cours d’une rémission apparente.

On a souligné la supériorité de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sur la radiographie pour le suivi articulaire.

La récidive est la règle à l’arrêt des médicaments cytotoxiques.

Au total, Campbell conseille devant toute MRH de rechercher une tuberculose ou un cancer associé et, si l’un ou l’autre est présent, de le traiter pendant 6 mois avant d’instaurer un traitement spécifique de la MRH, si celle-ci ne manifeste pas de tendance à la rétrocession.

En cas d’absence de tuberculose ou de cancer associé, si la maladie est peu évolutive et ne défigure pas le patient, on instaurera une corticothérapie associée à l’hydroxychloroquine en surveillant les articulations par IRM.

Au contraire, si la maladie est sévère ou défigure le patient, on aura recours au traitement cytotoxique éventuellement associé aux corticoïdes en donnant les doses les plus faibles possibles.

B – Maladie de Chester-Erdheim :

La maladie de Chester-Erdheim (MCE) est parfois improprement appelée par certains « histiocytose de surcharge endogène non génétiquement déterminée » ou encore « xanthogranulomatose lipidique normolipémique ».

Elle réalise une infiltration osseuse et parfois viscérale d’histiocytes spumeux.

C – Historique :

C’est en 1930 que Chester décrivit les 2 premiers cas sur la base de ses travaux avec l’anatomopathologiste viennois Erdheim.

Le troisième cas fut décrit… en 1972 par Jaffe qui baptisa la maladie du nom de ses découvreurs.

En 1986, Miller fit une première revue de la littérature de 19 cas. En 1996, la revue de la littérature faite par Veyssier-Bellot et al a intéressé 59 cas dont sept cas personnels.

Depuis, neuf cas supplémentaires ont été publiés.

D – Épidémiologie :

L’âge de survenue varie de 7 à 84 ans avec une moyenne de 53 ans, la maladie étant exceptionnelle avant 40 ans.

Il existe une légère prédominance masculine.

E – Clinique :

1- Atteinte osseuse :

Elle est constante mais inconstamment symptomatique (47 % des cas).

Elle se manifeste alors par des douleurs des genoux et des tibias principalement, sans horaire particulier ni relation avec les efforts, accessoirement un oedème ou une tuméfaction rouge violacé des parties molles adjacentes et des chevilles.

Seul un cas d’épanchement articulaire réactionnel paucicellulaire a été décrit.

Les signes radiographiques sont essentiellement caractérisés par une ostéosclérose diaphysaire des os longs des membres inférieurs, présente dans 45 des 59 cas analysés par Veyssier-Belot.

Elle intéresse le plus souvent les fémurs, mais aussi les tibias.

Elle est moins fréquente aux membres supérieurs (radius et humérus).

Elle réalise une sclérose médullaire responsable d’une dédifférenciation corticomédullaire, essentiellement diaphysaire et métaphysaire, épargnant les épiphyses dans leur partie la plus proche de l’interligne.

Elle est bilatérale et symétrique.

La radiographie objective l’épaississement des corticales, l’augmentation d’épaisseur des travées et l’ossification périostée et endostale.

L’ostéocondensation peut être diffuse ou irrégulière en « motte ».

Dans un tiers des cas, elle est parsemée de lésions d’ostéolyse parfois volumineuses.

Les lésions ostéolytiques constituent en effet la deuxième composante radiographique : elles intéressent essentiellement les os plats (crâne et côtes), plus rarement le bassin, la mandibule, le maxillaire et le sternum. Une réaction corticopériostée est parfois visible.

Les vertèbres sont toujours respectées.

La scintigraphie osseuse objective une hyperfixation des lésions radiographiques, qu’il s’agisse de la scintigraphie au diphosphonate de technétium ou de la scintigraphie au gallium, plus spécifique.

La TDM montre bien les lésions ostéolytiques au sein des zones condensées.

Elle objective en outre d’éventuelles calcifications intramédullaires et des ruptures de la corticale sans anomalie des parties molles.

L’IRM montre, en pondération T1, une diminution du signal de la graisse qui est remplacé par un hyposignal hétérogène.

On voit également des images de rupture de la corticale sans anomalie des parties molles.

En pondération T2, il existe un hypersignal modéré et hétérogène dans les parties les moins condensées, un hyposignal dans les parties les plus condensées.

L’IRM peut objectiver une contamination épiphysaire des lésions.

2- Autres signes :

Les localisations viscérales sont présentes dans la moitié des cas.

Elles peuvent être :

– rétropéritonéales (29 %des cas) et alors souvent asymptomatiques, parfois responsables de douleurs abdominales et d’hydronéphrose bien visible en TDM ;

– hépatiques, pulmonaires, pleurales, cardiaques, notamment péricardiques, médiastinales, l’ensemble de ces localisations représentant 21 % des cas ;

– rénales ou siégeant dans l’espace périrénal (16 % des cas) ;

– plus rarement (5 % des cas) spléniques, pancréatiques, surrénaliennes, aortiques, hypophysaires, péritonéales, intestinales ou coliques.

Une exophtalmie est notée dans 16 cas sur 59, liée à un granulome rétroorbitaire qui fait courir un risque de cécité et ne va pas sans rappeler la maladie de Hand-Schüller-Christian.

Il en est de même du diabète insipide, retrouvé dans 17 cas, dont un, 8 ans avant le diagnostic.

Enfin, des lésions encéphaliques hyperdenses en TDM sont parfois découvertes, notamment à l’occasion de céphalées ou de signes neurologiques.

Madroszyk a décrit une localisation cérébelleuse.

Les localisations cutanées sont rares ; dans 11 cas existent des xanthomes siégeant le plus souvent aux paupières.

Les signes généraux sont également rares (11 cas sur 59) consistant en fièvre, amaigrissement et asthénie, n’existant qu’en cas d’atteinte extraosseuse.

3- Signes biologiques :

Ils ne sont pas spécifiques : le lipidogramme est normal, la vitesse de sédimentation et la CRP(Creactive protein) sont augmentées en cas d’atteinte extraosseuse.

Calcémie et phosphorémie sont normales.

Les phosphatases alcalines sont le plus souvent normales, mais peuvent être augmentées.

L’augmentation de l’ostéocalcine sérique a été signalée, l’hydroxyprolinurie n’a été trouvée augmentée que dans un cas.

4- Anatomie pathologique :

Les lésions de la MCE ont une couleur jaune orangé.

Elles sont caractérisées par un infiltrat tissulaire granulomateux fait de volumineux histiocytes spumeux au cytoplasme pâle et vacuolaire, dénués d’atypie, dont le contenu lipidique est hétérogène, non spécifique, principalement composé d’esters de cholestérol, bien mis en évidence par coloration spécifique.

Les histiocytes mononucléés sont accompagnés de cellules géantes multinucléées, de lymphocytes, de quelques plasmocytes et de rares polynucléaires.

Il n’y a pas d’éosinophile, au contraire des lésions d’histiocytose langerhansiennes.

Une fibrose est en règle générale associée.

L’étude immunohistochimique des histiocytes révèle un phénotype de phagocytes mononucléés, exprimant l’alpha1-antitrypsine, l’alpha1-antichymotrypsine, le lysozyme, et le CD 68 ou KP1, marqueurs des macrophages et des histiocytes non langerhansiens, mais ne retrouvant pas la protéine S 100, sauf exception, ni l’antigèneCD1 marqueurs des histiocytoses langerhansiennes.

De même, le microscope électronique ne retrouve jamais de granule de Bierbeck ou corps X.

Dans l’os, les lésions débutent au contact de la cavité médullaire.

On note un épaississement irrégulier des travées et des corticales, avec des faisceaux de collagène souvent entrecroisés réalisant une image pagétoïde.

Il est notable que les os intéressés par la maladie soient pauvres en tissu hématopoïétique chez l’adulte.

5- Association morbide :

La MCE peut s’associer à un granulome éosinophile ou d’autres formes d’histiocytose X.

L’association à une histiocytose langerhansienne (X) n’est probablement pas fortuite, puisque les deux lignées histiocytaires dérivent des cellules souches médullaires et sont toutes deux faites de cellules présentant l’antigène aux lymphocytes T.

Selon une première hypothèse, le même facteur causal est susceptible d’engendrer deux maladies différentes suivant la lignée histiocytaire qui réagit ; pour la deuxième hypothèse, au contraire, le facteur causal, qui est inconnu, susciterait tout d’abord une histiocytose langerhansienne qui, à la faveur d’une modification des histiocytes et de l’apparition de fibrose et d’ostéosclérose, évoluerait vers une MCE.

6- Évolution et pronostic :

Le pronostic de la maladie est plus sévère que celui de la RHM. En effet, sur les 59 patients analysés parVeyssier-Belot, 22 sont décédés en 3 mois à 10 ans.

Ce sont les atteintes extraosseuses qui sont la marque d’un pronostic plus sévère puisque la moitié des patients avec atteinte extraosseuse décèdent, le plus souvent par infection.

Les autres causes de décès sont les insuffisances cardiaques, rénales, respiratoires, et les complications neurologiques.

Un cas d’amylose a été décrit.

Quant à l’atteinte osseuse, elle peut rester longtemps asymptomatique, puis évoluer sur plusieurs années : il est vraisemblable qu’une atteinte osseuse primitivement isolée en apparence puisse évoluer avec le temps vers une forme systémique.

7- Traitement :

Les douleurs osseuses sont traitées par antalgiques, plus rarement par radiothérapie.

Le soulagement obtenu par ce traitement peut s’avérer provisoire.

Le traitement des formes systémiques est difficile et décevant.

La corticothérapie utilisée seule dans 20 cas sur 59 s’est avérée inefficace ou efficace faiblement et transitoirement.

La chimiothérapie est utilisée en association avec la corticothérapie, reposant sur la vinblastine ou la doxorubicine.

On note dans quelques cas un effet bénéfique sans véritable inflexion de l’évolution de la maladie.

Chez un patient, l’utilisation de l’interféron alpha a stabilisé la maladie pendant 5 ans.

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