Maladie de Whipple

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La maladie de whipple est exceptionnelle, elle est liée à l’infection par un bacille à Gram positif dont la culture est impossible.

Le diagnostic doit être évoqué devant la triade : amaigrissement, diarrhée, malabsorption.

Le traitement antibiotique plus ou moins prolongé conduit généralement à la guérison clinique.

Introduction :

Maladie de WhippleCette pathologie décrite pour la première fois en 1907 est une maladie rare puisque moins de 1 000 cas ont été rapportés dans la littérature depuis sa description.

La physiopathologie reste incomplètement comprise malgré l’identification de l’agent bactérien en cause Tropheryma Whippelii en 1992.

La mise en culture de ce petit bacille reste impossible.

Malgré sa rareté, l’intérêt clinique de cette pathologie multisystémique s’explique par la variété des présentations cliniques qui peuvent simuler d’autres maladies inflammatoires ou infectieuses.

Ainsi le diagnostic peut être retardé de plusieurs mois voire plusieurs années ; il est généralement porté lorsqu’apparaît la triade symptomatique la plus classique associant un amaigrissement, une diarrhée et une malabsorption dans un contexte de syndrome inflammatoire.

L’efficacité du traitement antibiotique est connue depuis 1960 mais les modalités exactes de ce traitement et sa durée restent incertaines et le risque de rechute élevé.

Épidémiologie :

Malgré sa rareté, les données épidémiologiques des différentes séries publiées sont assez reproductibles. Il existe de façon constante une prédominance masculine de 75 à 85 %.

L’âge moyen du diagnostic est d’environ 50 ans mais avec des extrêmes de 1 à 83 ans.

La pathologie touche presque exclusivement les populations caucasiennes. Les cas familiaux sont exceptionnels.

Aucun facteur de risque environnemental n’a pu être identifié.

Physiopathologie :

Une origine infectieuse a été suspectée depuis longtemps en raison de l’identification de fragments bacillaires en microscopie électronique et de l’efficacité des traitements antibiotiques.

La biologie moléculaire a conforté cette hypothèse en permettant l’identification de Tropheryma Whippelii, petit bacille à Gram positif appartenant aux actinomycètes.

Cependant à cette heure, ce germe reste non cultivable et non transmissible, l’identification reposant sur des techniques d’extraction d’ADN et de polymerase chain reaction (PCR).

Malgré l’identification du germe en cause, de nombreuses questions persistent pour expliquer la pathogénie de la maladie.

Le rôle probable de facteurs immunologiques associés à l’agent infectieux a été évoqué.

Aucun déficit de l’immunité humorale n’a pu être identifié chez les malades.

En revanche des anomalies de l’immunité cellulaire sont fréquemment retrouvées associant des anomalies qualitatives et quantitatives des lymphocytes T.

Mais ces anomalies peuvent être secondaires à l’altération fréquente de l’état général et à la malabsorption observée chez les malades.

La fonction macrophagique de dégradation bactérienne est également altérée.

Manifestations cliniques :

Elles sont multiples, liées à l’atteinte multiviscérale et expliquent la variété des formes cliniques rencontrées.

Le diagnostic est souvent posé sur l’association d’une perte de poids, d’une diarrhée, et d’une malabsorption.

Cette triade est présente dans 85% des cas au moment du diagnostic.

Les autres manifestations digestives possibles sont l’existence d’une hépatomégalie, d’une splénomégalie ou d’une ascite.

Mais le diagnostic est souvent retardé de plusieurs mois et les symptômes initiaux ou associés sont nombreux.

Les manifestations articulaires sont très fréquentes : polyarthralgies fugaces et récidivantes ou oligo-arthrite ou polyarthrite sans déformation articulaire.

Les manifestations neurologiques sont trompeuses et graves : syndrome démentiel progressif, paralysie oculomotrice, syndrome pyramidal ou cérébelleux ; les atteintes neurologiques périphériques sont exceptionnelles.

Les autres signes fréquents peuvent être un amaigrissement isolé, une fièvre prolongée inexpliquée ou des accès fébriles à répétition, des adénopathies superficielles.

Les manifestations cardiovasculaires sont rapportées chez 20 à 50% des malades mais les données autopsiques semblent montrer une atteinte cardiaque constante touchant au moins une des trois tuniques ; la présentation la plus habituelle est celle d’une endocardite à hémocultures négatives ; les autres lésions sont la péricardite, souvent asymptomatique, plus rarement une myocardite ou une atteinte coronarienne.

Des manifestations pleuropulmonaires sont signalées chez environ un tiers des malades avec une toux ou une dyspnée révélant un infiltrat alvéolaire, des adénopathies médiastinales ou une pleurésie.

Les atteintes oculaires rencontrées sont des uvéites antérieures ou postérieures ou des rétinites.

Les lésions cutanées peuvent être une hyperpigmentation ou des nodules sous cutanés pseudorhumatoïdes.

Les anomalies biologiques les plus constantes sont un syndrome inflammatoire souvent très marqué avec accélération constante de la vitesse de sédimentation et augmentation de l’ensemble des protéines de l’inflammation.

À un stade évolué, un grand tableau de malabsorption avec anémie, hypoalbuminémie et hypocalcémie est fréquemment retrouvé.

L’ensemble de ces manifestations cliniques et biologiques peut être transitoirement amélioré par un traitement antibiotique prescrit de façon intercurrente.

Diagnostic :

A – Diagnostic histopathologique :

Les biopsies duodénales distales, voire jéjunales, réalisées au cours d’une endoscopie permettent de mettre en évidence une infiltration de la lamina propia par de nombreux macrophages présentant des granulations colorées par le paraaminosalicylique [PAS].

On peut parfois mettre en évidence la présence de corps bacilliformes à Gram positif extracellulaires.

Il faut noter que ces biopsies peuvent être négatives en particulier au début de la maladie devenir négatives par des traitements antibiotiques prescrits de façon intercurrente.

D’autres tissus peuvent être explorés en fonction des manifestations cliniques : biopsies ganglionnaires, hépatiques, liquide céphalo-rachidien voire biopsie cérébrale en cas de lésion neurologique accessible.

Si l’étude en microscopie optique ne permet pas de poser le diagnostic de façon formelle, l’identification de bacilles intracellulaires en microscopie électronique conforte le diagnostic.

Enfin de façon récente, des techniques de biologie moléculaire utilisant l’extraction d’ADN, l’amplification et l’identification par PCR de Tropheryma Whippelii sur tissu, semble une méthode sensible et spécifique de diagnostic non utilisable en routine.

B – Diagnostic différentiel :

Il est souvent difficile sur une pathologie de présentation clinique multisystémique et le long délai diagnostic observé dans la plupart des cas est souvent lié à d’autres hypothèses préalables.

Les principaux diagnostics différentiels sur le plan clinique sont la tuberculose systémique, les hémopathies lymphoïdes, la sarcoïdose.

Il faut noter que de nombreux malades ont reçu un traitement antituberculeux qui améliore généralement partiellement ou totalement les symptômes mais s’accompagne de rechute à l’arrêt du traitement.

Sur le plan histopathologique, le diagnostic différentiel peut se poser avec les infections à Mycobacterium avium intracellulare au cours du sida également appelé pseudowhipple du sida.

Mais dans ce cas le germe est généralement identifié lors de la mise en culture.

Traitement et pronostic :

Sans traitement, la maladie était régulièrement mortelle.

De nombreux médicaments antibiotiques ont été utilisés par le passé avec succès : tétracycline, pénicilline, streptomycine, triméthoprime-sulfaméthoxazole, ce dernier diffusant bien à travers la barrière méningée.

La durée du traitement reste discutée.

Nous recommandons actuellement un traitement par triméthoprime-sulfaméthoxazole pendant 12 mois avec administration concomitante d’acide folique.

Conclusion :

La réponse au traitement est favorable dans la grande majorité des cas.

La fréquence des rechutes après arrêt du traitement antibiotique est estimée de façon variable entre 10 et 35 %.

Généralement la reprise du même traitement antibiotique conduit à nouveau à une guérison clinique. Les nouvelles techniques de biologie moléculaire précédemment décrites pourront peut-être constituer un facteur prédictif des risques de rechute.

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