Aspects cliniques et thérapeutiques de la maladie de Parkinson

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Historique de la maladie de Parkinson des origines à nos jours :

A – « AN ESSAY ON THE SHAKING PALSY » (1817) :

Par définition, la première référence explicite à la maladie de Parkinson est constituée par la monographie de 1817 intitulée An essay on the shaking palsy.

La description princeps placée en tête de l’ouvrage caractérise la maladie par la conjonction apparente de deux symptômes précis, le tremblement de repos et la démarche festinante, survenant dans le contexte d’une réduction de la force musculaire et en l’absence de déficit intellectuel.

Aspects cliniques et thérapeutiques de la maladie de ParkinsonLes données antérieures concernant éventuellement cette maladie sont rapportées presque exclusivement par Parkinson lui-même dans son développement consacré d’une part au tremblement de repos (tremor coactus) et d’autre part à la démarche festinante (scelotyrbe festinans).

En fait, les allusions les plus anciennes au tremblement de repos ont été retrouvées dans l’ancien système médical hindou (dit ayurveda qui signifie « science de vie » en sanscrit) datant de l’an 1000 avant J-C, sous le nom de kampavata, bien avant celles des écrits de Galien (129-199).

Selon Parkinson, l’individualisation du tremblement de repos doit être attribuée à Sylvius de la Boë (1680), la description de la démarche festinante revenant à Gaubius (1758) et sa confirmation explicite à Boissier de Sauvages (1768).

La contribution capitale de James Parkinson reste donc d’avoir affirmé que la coïncidence de ces deux symptômes avec un déficit musculaire pouvait correspondre à une entité nosologique qu’il a nommée, en un raccourci saisissant, « la paralysie agitante ».

Son argumentation se base sur la description clinique de six cas dont un seul fut suivi sur une longue période, les cinq autres (dont deux rencontrés dans la rue et un observé à distance) ne donnant lieu qu’à de brèves présentations.

Malgré ces constatations presque anecdotiques, l’histoire naturelle de la paralysie agitante est magistralement décrite en quelques pages dont ces extraits significatifs illustrent les étapes évolutives : « Le début insidieux d’une sensation de gêne avec tremblement, le plus souvent localisé à un membre supérieur et diffusant en quelques mois à d’autres parties du corps.

La difficulté à maintenir une posture redressée, surtout à la marche, associée à une grande difficulté à faire des mouvements précis (écriture).

La survenue de chutes par déséquilibre à la marche et festination incontrôlable conduisant à l’état grabataire avec hypersalivation, troubles de la déglutition et incontinence sphinctérienne. »

Évoquant les aspects thérapeutiques de cette nouvelle maladie, Parkinson formule un constat quelque peu décourageant : « La maladie est généralement considérée comme l’expression d’une diminution irrémédiable de l’influx nerveux résultant du vieillissement. »

Cependant, il tempère ce pessimisme en soumettant au lecteur le cas d’un patient souffrant de symptômes rappelant la paralysie agitante et qui fut soulagé par l’application de vésicatoires et l’administration de sels de mercure à visée purgative, ce résultat suggérant la prise en considération « d’une influence mystérieuse du système sympathique ».

B – ÉVOLUTION DES IDÉES APRÈS 1817 :

L’évolution des idées s’est construite par grandes vagues successives dont on peut considérer que le but commun fut de concourir à l’identification la plus précise possible du processus pathologique et donc de la cause de la maladie, de manière à pouvoir en définir le traitement.

Historiquement, en effet, le développement des disciplines neuroscientifiques s’est effectué selon une chronologie discontinue qui a particulièrement marqué l’évolution des concepts concernant la maladie de Parkinson.

On peut ainsi grossièrement distinguer plusieurs périodes qui se sont recouvertes et complétées successivement et qui ont correspondu au développement respectif des disciplines clinique et anatomopathologique dans un premier temps, suivi de l’apparition plus récente des approches biochimique et pharmacologique.

1- Approche clinique :

Après Parkinson, la paralysie agitante fut reconnue et citée dans de nombreux traités médicaux, sans contribution innovante jusqu’à Trousseau et Charcot.

Dans sa 15e leçon de clinique médicale (1868), Trousseau présenta une analyse clinique enrichie : on lui doit en particulier une description explicite de la rigidité, une explication de la démarche festinante (« Comme son centre de gravité est déplacé en avant, le malade doit courir après lui-même. ») et la constatation d’un ralentissement progressif dans l’épreuve d’ouverture-fermeture répétée de la main.

La contribution de Charcot est encore mieux connue dans ses écrits communs avec Vulpian et sa cinquième leçon sur les maladies du système nerveux (1872) : on lui attribue habituellement l’identification de la rigidité musculaire et la dénomination de « maladie de Parkinson » ; l’oeuvre de Charcot a été enrichie des nombreuses illustrations de Paul Richer mettant en évidence les troubles posturaux.

Par la suite, d’autres études cliniques exhaustives furent publiées précisant l’histoire naturelle de la maladie (modes de début, variabilité évolutive et cause du décès).

L’épidémie d’encéphalite léthargique eut en Europe un impact considérable à partir des années 1920 puisqu’un grand nombre des survivants développa un parkinsonisme séquellaire, renforçant l’intérêt pour les travaux cliniques avec la description de la perte des mouvements associés (par Foerster), du ralentissement du mouvement (par Cruchet) et des kinésies paradoxales (par Babinski).

Dans cette évocation chronologique, l’importante contribution de Wilson (1925) doit être soulignée en raison de sa description explicite de l’akinésie, reconnue depuis comme le symptôme le plus spécifique de la maladie de Parkinson : observée dans l’écriture et les mouvements répétitifs, l’akinésie comportait également la difficulté à commencer le mouvement, mise en évidence par un allongement des temps de réaction chez les malades parkinsoniens, dont Wilson évoquait la réduction du besoin ou de l’impulsion à faire des mouvements : « Ainsi, leur motivation à agir est altérée. »

Plus récemment, la définition clinique de Purdon Martin (1967) s’est imposée avec deux symptômes positifs, le tremblement et la rigidité, et deux symptômes négatifs, l’akinésie et la perte des réflexes posturaux.

Les revues cliniques actuelles reprennent en général cette conception des symptômes moteurs en y adjoignant les autres symptômes non moteurs plus récemment documentés (dysautonomie, troubles sensitifs et désordres psychiques).

2- Approche anatomopathologique :

Comme le pressentait Parkinson, l’anatomie pathologique a largement contribué à préciser le processus lésionnel responsable de la maladie qu’il avait décrite. Historiquement, il semble que le locus niger de Soemmering, ou substance noire (SN), fut la première structure suspectée par Brissaud en 1895 à propos d’une observation rapportée par Blocq et Marinesco en 1893, concernant un patient porteur d’un tuberculome situé dans la SN et affecté d’un tremblement parkinsonien de l’hémicorps contralatéral ; ces auteurs avaient eu le soin de noter que le faisceau pyramidal et le bras conjonctif de part et d’autre de la lésion nigrique ne contenaient aucune fibre en dégénérescence.

En fait c’est Tretiakoff (1919) qui, dans sa thèse, démontra le rôle déterminant des lésions nigriques en se basant sur l’examen anatomique du cerveau de neuf cas de maladie de Parkinson et d’un cas d’hémiparkinsonisme : dans ce dernier cas, il mit en évidence le processus lésionnel (dépigmentation, perte neuronale et gliose) dans la SN contralatérale au côté cliniquement atteint, ce qui le conduisit à incriminer cette structure dans le contrôle du tonus musculaire.

Cependant, d’autres auteurs, se basant sur l’examen de cerveaux de malades porteurs de lésions vasculaires diffuses du striatum et du pallidum (« états criblés ») qui avaient présenté des symptômes de type parkinsonien, proposaient à l’époque un point de vue différent situant l’essentiel des lésions dans les noyaux gris centraux et plus particulièrement dans le globe pâle : la controversa culmina, avec le rapport de Souques, en 1921, consacré aux syndromes parkinsoniens dans la Revue neurologique.

L’étude détaillée de Foix et Nicolesco (1925) remit définitivement en valeur le rôle prédominant des lésions du locus niger, qui fut ensuite confirmé par les travaux ultérieurs décrivant en outre des lésions dans les autres formations pigmentées du tronc cérébral (locus coeruleus, noyau dorsal du vague).

En fait, le problème de l’unicité du mécanisme lésionnel dans le cadre du parkinsonisme s’est trouvé très vite soulevé par les neuropathologistes : après le syndrome parkinsonien postencéphalitique, d’autres entités ont été peu à peu séparées de la maladie de Parkinson, telles que le parkinsonisme athéroscléreux avec ses lésions diffuses des noyaux gris, les parkinsonismes toxiques dans lesquels les lésions prédominent dans le pallidum et les autres syndromes parkinsoniens dégénératifs.

Ces descriptions successives ont abouti à un démembrement partiel de la « paralysie agitante », dans le cadre duquel la maladie de Parkinson idiopathique (MPi), ou primitive, est séparée des syndromes parkinsoniens secondaires (infectieux, toxiques, traumatiques, vasculaires, tumoraux) et des syndromes parkinsoniens dégénératifs (atrophies plurisystématisées, paralysie supranucléaire progressive, syndromes Parkinson-démence), ainsi qu’en témoignent des revues neuropathologiques récentes ; Jellinger (1987), se basant sur 520 cas autopsiés, retrouvait les proportions suivantes : MPi (74 %), syndromes parkinsoniens secondaires (16,5 %), syndromes parkinsoniens dégénératifs (7,5 %), non classés (2 %).

Les progrès de l’histologie ont conduit, au-delà de la répartition topographique des lésions, à mettre en évidence des aspects morphologiques évocateurs, voire spécifiques, d’une maladie donnée. Ainsi, dans la maladie de Parkinson, cette démarche a été inaugurée par la description dès 1912 des corps de Lewy : inclusions éosinophiles intraneuronales arrondies avec une zone centrale dense acidophile, entourée d’un halo périphérique, au niveau du noyau basal de Meynert.

Ces inclusions furent ensuite retrouvées dans la SN et considérées d’emblée comme un marqueur anatomique évocateur de la maladie de Parkinson.

Décrits ultérieurement dans les formations pigmentées du tronc cérébral, mais aussi dans des structures non pigmentées, les corps de Lewy apparaissent, du point de vue ultrastructural, composés de filaments de 8 à 10 nm de diamètre, disposés de façon compacte au centre de l’inclusion et de façon plus lâche à sa périphérie.

Après avoir été considéré comme le marqueur spécifique de la MPi, le corps de Lewy a vu remettre en question son caractère pathognomonique en raison de la description de plus en plus fréquente d’observations anatomocliniques de démence progressive avec parkinsonisme dans lesquelles des corps de Lewy étaient retrouvés avec une répartition diffuse, non seulement dans les structures sous-corticales, mais aussi dans le cortex ; cependant, l’aspect morphologique des corps de Lewy corticaux est plus homogène, dépourvu de centre dense.

L’apport récent des techniques immunocytochimiques, par l’utilisation d’anticorps monoclonaux marquant spécifiquement des protéines du cytosquelette contenues dans le matériel neurofilamentaire (ubiquitine, puis alphasynucléine), a largement fait évoluer les conceptions neuropathologiques en créant, parmi l’ensemble des syndromes parkinsoniens dégénératifs, une nouvelle ligne de partage séparant le groupe des « synucléinopathies » (maladie de Parkinson, maladie à corps de Lewy diffus, atrophie plurisystématisée) des autres entités (paralysie supranucléaire progressive, dégénérescence corticobasale) qui rejoignent la constellation des « taupathies ».

3- Approche biochimique :

Le chaînon manquant dans la relation de cause à effet entre les lésions neuropathologiques et les symptômes cliniques de la maladie de Parkinson résidait dans la notion de médiation chimique qui émergea avec les travaux de Dale en 1914, puis de Loewi en 1921, permettant l’identification de l’acétylcholine et de son rôle dans la transmission neuromusculaire.

Cependant, la présence de messagers chimiques au niveau du système nerveux central (SNC) demeurait encore hypothétique. Initialement, c’est von Euler en 1946 qui démontra la présence dans le tissu cérébral d’une substance qu’il appela « sympathine », dont les propriétés étaient proches de celles de la noradrénaline.

Dans la même période, Raab et Gigee en 1951 décrivent, sous le nom d’« encéphaline », une amine sympathicomimétique considérée comme différente de la sympathine et retrouvée à des concentrations élevées dans les ganglions de la base de cerveaux humains : en fait, selon Fahn (1989), Raab et Gigee auraient été les premiers à démontrer la présence de la dopamine dans le cerveau, dans la mesure où ils mirent en évidence que, parmi plusieurs substances testées, seule la L 3-4-dihydrophénylalanine (L-dopa), synthétisée par Guggenheim en 1913, pouvait augmenter la concentration cérébrale de l’« encéphaline ».

Cependant, la littérature classique attribue généralement la découverte de la 3-hydroxytyramine, ou dopamine, dans le cerveau humain, à Carlsson en 1958.

Des travaux ultérieurs montrèrent que la dopamine se trouvait concentrée à 80 % dans le striatum et, grâce à la mise au point des techniques d’immunofluorescence, identifièrent la voie nigrostriée.

La découverte chez des malades parkinsoniens d’une réduction considérable du contenu en dopamine du striatum et de la SN à l’examen du cerveau post mortem d’une part, et une diminution de l’excrétion urinaire de dopamine d’autre part, confirma l’idée émergente d’un rôle majeur de la dopamine dans la pathogénie de la maladie de Parkinson.

À partir de ces données de base, les 20 dernières années ont vu un développement très fécond de la pathologie biochimique, notamment celle consacrée à la maladie de Parkinson.

Les résultats ont été obtenus par différentes techniques reflétant l’activité de systèmes biochimiques : taux endogène du neurotransmetteur lui-même, activité d’enzymes de synthèse ou de dégradation, taux de produits du métabolisme du neurotransmetteur, capacité de liaison (densité) des récepteurs avec des ligands spécifiques.

Ainsi, les systèmes dopaminergiques se sont révélés très sélectivement atteints dans la maladie de Parkinson, avec un déficit en dopamine prédominant au sein de la voie nigrostriatale, où il est supérieur à 80 %, par rapport aux systèmes mésocorticolimbique et hypothalamique, qui sont affectés dans des proportions moindres, de l’ordre de 50 à 60 %.

Les autres systèmes biochimiques sont également atteints dans la maladie de Parkinson mais de façon moins constante et moins marquée : il en est ainsi des voies noradrénergiques (projetant du locus coeruleus vers le néocortex et le cortex limbique), des voies sérotoninergiques (projections du raphé du tronc cérébral vers le cortex d’une part et la moelle épinière d’autre part), des voies cholinergiques souscorticocorticales (projection septohippocampique et système ascendant du noyau basal de Meynert et du noyau pédonculopontin vers le cortex frontal et limbique), et aussi de systèmes GABAergiques glutamatergiques et peptidergiques dont les dysfonctionnements éventuels se sont révélés beaucoup plus complexes à définir.

La confrontation de cette biochimie cérébrale post mortem avec les données cliniques a suggéré l’idée que la maladie de Parkinson se caractérise par un déficit dopaminergique pur, progressivement complété au cours de son évolution par l’apparition d’atteintes, en parallèle ou en série, d’autres systèmes de neurotransmission.

Le développement récent de l’imagerie cérébrale, réalisant une approche biochimique « in vivo » (tomographies par émission de positons et par émission monophotonique), a permis de commencer à vérifier cette hypothèse en suivant notamment l’évolution du déficit dopaminergique au cours de la maladie de Parkinson et en évaluant son taux moyen de progression.

À côté de l’étude des neurotransmetteurs, l’approche biochimique s’est récemment consacrée à élucider les mécanismes de la disparition des neurones dopaminergiques : ainsi, la notion d’une augmentation du contenu total en fer de la SN a été confirmée in vitro sur du matériel autopsique ; d’autres anomalies du métabolisme oxydatif y ont aussi été inventoriées telles que l’augmentation de la peroxydation des lipides et le déficit de l’activité du complexe I de la chaîne respiratoire mitochondriale.

4- Approche pharmacologique :

Il a fallu attendre un demi-siècle après Parkinson pour qu’émergent de l’empirisme les premières thérapeutiques préconisant l’usage des alcaloïdes naturels de la belladone (scopolamine, hyoscyamine ou chanvre indien) sur la base de leur activité sympathicolytique et ceci jusqu’aux années 1940.

L’identification de l’acétylcholine comme neuromédiateur dans le SNC conduisit ensuite rapidement au développement de substances anticholinergiques de synthèse, dès 1949 avec le trihexyphénidyle suivi de beaucoup d’autres, leur mécanisme d’action reposant sur leur capacité à se fixer sur les récepteurs cholinergiques de type muscarinique qui prédominent dans le SNC.

Dans la même période, après des tentatives de section du système corticospinal visant à interrompre le tremblement mais au prix d’une hémiparésie, la neurochirurgie se dirigea vers les ganglions de la base pour y détruire le pallidum interne et la région de l’anse lenticulaire : utilisant ensuite la méthode stéréotaxique qui permettait de réduire le traumatisme chirurgical et d’améliorer la précision du repérage de la cible, la recherche de l’efficacité thérapeutique sur le tremblement fit évoluer progressivement la cible vers le noyau ventral intermédiaire (VIM) du thalamus.

L’apparition de la dopathérapie au début des années 1960 a fondamentalement et durablement modifié la thérapeutique de la maladie de Parkinson malgré des étapes préliminaires difficiles, l’évolution des idées dans ce domaine se confondant avec l’histoire de la L-dopa.

La lévodopa est un acide aminé aromatique neutre qui constitue un intermédiaire naturel dans la voie de synthèse des catécholamines à partir de la L-tyrosine d’origine alimentaire.

Normalement produite dans les neurones dopaminergiques grâce à l’action de la tyrosine-hydroxylase, la lévodopa est transformée en dopamine sous l’action de la dopadécarboxylase.

La dopamine est ensuite métabolisée sous les actions conjuguées de la monoamineoxydase (MAO) et de la catécho-O-méthyltransférase (COMT).

Ainsi, les premiers résultats de l’administration de D-L-dopa (mélange racémique) dans la maladie de Parkinson se révélèrent encourageants dans la mesure où un bénéfice clinique fut observé à petites doses (150-200 mg) par voie veineuse.

Cependant, des études ultérieures n’ont pu confirmer ces impressions initiales, introduisant le doute sur leur caractère occasionnel et transitoire ; dans ce contexte très critique, l’intérêt fut relancé par la publication de nouveaux résultats positifs obtenus par l’administration orale de D-L-dopa à fortes doses (12 g/j et plus), ces posologies étant atteintes progressivement pour faciliter la tolérance digestive.

Dès lors, l’évidence des bénéfices thérapeutiques apportés par la L-dopa (la forme lévogyre s’étant révélée plus efficace que le mélange racémique) fut démontrée. Une étape importante fut ensuite franchie grâce à l’administration simultanée, avec la L-dopa, d’inhibiteurs périphériques de la dopadécarboxylase (benzérazide, carbidopa) qui, ne franchissant pas eux-mêmes la barrière hématoencéphalique, ont permis d’augmenter considérablement la biodisponibilité de la L-dopa, et donc d’en diminuer la dose utile de 80 %, réduisant ainsi les effets indésirables gastro-intestinaux et cardiovasculaires en même proportion.

Un autre aspect important de la pharmacologie de la L-dopa apparut au cours de l’administration chronique : il s’agissait de l’influence du franchissement de la paroi intestinale d’une part et de la barrière hématoencéphalique d’autre part sur la biodisponibilité de la L-dopa.

En effet, ces franchissements se sont avérés dépendre de systèmes de transport actifs saturables, hautement spécifiques pour les acides aminés aromatiques neutres : il en résultait que la biodisponibilité de L-dopa pouvait être réduite par un mécanisme de compétition, soit par un apport massif de protéines d’origine alimentaire, soit par l’accumulation de 3-O-méthyldopa (3OMD), produite sous l’action de la COMT hépatique et érythrocytaire.

Les stratégies proposées pour faire face à ces difficultés ont connu des fortunes diverses : en effet, les régimes appauvris en protéines se sont révélés difficilement applicables et d’efficacité pharmacologique modeste ; à l’inverse, l’introduction récente d’inhibiteurs de la COMT (tolcapone, entacapone) a montré une efficacité indiscutable sur la biodisponibilité de la L-dopa.

Une fois délivrée au niveau du striatum, la L-dopa est transformée en dopamine et peut exercer son action biologique en se fixant sur les récepteurs dopaminergiques. Une question importante concernait la localisation de l’activité dopadécarboxylase, et parallèlement le stockage de la L-dopa au niveau du striatum.

En effet, si cette activité dopadécarboxylase était retrouvée à 90 % dans les terminaisons nigrostriales dopaminergiques, d’autres terminaisons monoaminergiques, ainsi que des neurones striataux intrinsèques et même des cellules de soutien, pouvaient participer à la décarboxylation de la L-dopa exogène.

Une autre question avait trait à la nature des récepteurs dopaminergiques au niveau du striatum ; sur la base de critères biochimiques et pharmacologiques, deux familles de récepteurs de la dopamine ont été décrits : il s’agit de récepteurs couplés à une protéine G. Le type D1, de localisation postsynaptique, est lié positivement à l’adénylate-cyclase (second messager), tandis que le type D2, de localisation pré- et postsynaptique, y est lié négativement.

L’expression complète de l’activité biologique de la dopamine nécessite l’activation simultanée et synergique de ces deux types de récepteurs striataux d’ailleurs localisés sur des sous-groupes différents de neurones striataux.

Ainsi la L-dopa, transformée en dopamine, s’est avérée très efficace sur l’akinésie et la rigidité dans la maladie de Parkinson : chez la majorité des patients, après une période plus ou moins longue d’efficacité remarquable correspondant à la période dite de « lune de miel », une détérioration de la réponse thérapeutique conduisant progressivement à la période dite de « déclin moteur » a été observée.

Les mécanismes de cette détérioration ont été et restent controversés : perte continue des terminaisons dopaminergiques striatales réduisant la capacité à décarboxyler et/ou à stocker la L-dopa exogène, réduction (ou mise en état de basse affinité par désensibilisation) des récepteurs dopaminergiques, principalement de type D2.

Cette émergence progressive des problèmes liés à l’utilisation de le L-dopa au long cours, s’agissant notamment des fluctuations d’efficacité et des mouvements anormaux involontaires attribués plus particulièrement à la demivie courte de la L-dopa responsable d’une stimulation trop « pulsatile » des récepteurs striataux, a amené à remettre en cause les principes de son administration, malgré l’importante avancée pharmacologique qu’elle a représentée.

Pour maintenir l’efficacité thérapeutique de la stimulation dopaminergique, différentes solutions alternatives ont été et font encore l’objet d’études actuellement : l’introduction de formes galéniques à libération prolongée (LP) de la L-dopa sous une forme soluble (par voies intraveineuse ou duodénale) et surtout le développement des substances agonistes de la dopamine qui a constitué une autre étape majeure dans l’approche pharmacologique de la maladie de Parkinson.

Les agonistes mixtes des récepteurs D1 et D2 tels que l’amantadine et l’apomorphine ont été les premiers utilisés, puis sont tombés dans l’oubli pendant quelques années avant de connaître à nouveau un regain d’intérêt pour des raisons différentes.

L’amantadine s’est vue reconnaître récemment une action antagoniste glutamatergique qui lui confère une efficacité significative sur les mouvements anormaux dopa-induits ; l’apomorphine a bénéficié de l’utilisation simultanée de la dompéridone (qui annule ses effets indésirables digestifs), ce qui permet son administration par voie sous-cutanée, soit de façon intermittente (par stylo-injecteur), soit de façon continue (par minipompe programmable).

Les autres agonistes de la dopamine qui ont été successivement développés ont en commun la propriété de se lier plus sélectivement aux récepteurs D2 : il s’agit du piribédil, de la bromocriptine, du lisuride, du pergolide et du ropinirole, ce dernier n’étant pas dérivé de l’ergot de seigle.

Leur demi-vie biologique, plus longue que celle de la L-dopa, a conduit à proposer leur utilisation soit en association à la L-dopa (permettant de réduire les doses efficaces de cette dernière), soit en substitution à la L-dopa (mais souvent au prix de l’efficacité thérapeutique, notamment pour les agonistes les plus sélectifs des récepteurs D2).

C – MALADIE DE PARKINSON EN L’AN 2000 :

Le constat actuel d’une évolution très rapide des connaissances concernant la maladie de Parkinson avec un impact considérable sur le comportement des patients et de leurs familles à propos des modalités de leur prise en charge clinique et thérapeutique, a favorisé la prise de conscience de la nécessité d’une réflexion professionnelle approfondie à ce sujet.

L’initiative de la Fédération française de neurologie pour la tenue d’une conférence de consensus a rencontré une large audience et abouti à la publication de l’ensemble des textes étudiés (revues bibliographiques commentées, prises de position argumentées par des experts) et des recommandations formulées par le jury (texte court et texte long) dans la Revue neurologique.

Aspects étiopathogéniques : hypothèses actuelles

En l’état actuel des connaissances sur la maladie de Parkinson, il semble nécessaire que toute hypothèse étiologique qui se voudrait globale soit compatible avec les prérequis suivants : atteinte sélective de certains individus au sein d’une population, âge de début assez tardif et évolution clinique progressive venant après une période préclinique prolongée et correspondant à un processus de mort cellulaire touchant de façon très préférentielle les neurones dopaminergiques dans les formations pigmentées du mésencéphale.

Ces prérequis font référence aux caractéristiques épidémiologiques de la maladie de Parkinson (prévalence, histoire naturelle du processus lésionnel et de son expression clinique).

A – CARACTÉRISTIQUES ÉPIDÉMIOLOGIQUES :

1- Prévalence :

Dans une revue récente, les estimations de prévalence de la maladie de Parkinson se sont avérées très variables (entre 0,1 et 4/1 000) d’une étude à l’autre.

Les facteurs qui peuvent influencer les résultats sont notamment la stratégie de recherche des cas (enquêtes porte-à-porte, tri initial par téléphone, études en milieu institutionnel), les critères de diagnostic utilisés (dont la spécificité peut varier au prix inverse de leur sensibilité) et finalement l’exhaustivité de l’enquête par rapport à la population cible.

Le chiffre global, et considéré jusqu’à preuve du contraire comme une référence moyenne fiable, est de 1/1 000 avec un sex-ratio de 1.

L’étude collaborative Europarkinson s’est efforcée de maîtriser au mieux les facteurs de variations et de différencier les cas de maladie de Parkinson des autres parkinsonismes : les résultats confirment que la prévalence de la maladie de Parkinson augmente avec l’âge après 50 ans, représentant globalement 1,5 % de la population de plus de 60 ans d’âge.

L’analyse par décennies d’âge suggère une augmentation d’allure exponentielle passant de 1,5 (entre 50 et 59 ans) à 6/1 000 (entre 60 et 69 ans), puis à 1,5 % (entre 70 et 79 ans) et à 3 % (entre 80 et 89 ans).

2- Histoire naturelle :

* Déroulement du processus pathologique et de son expression clinique :

La phase symptomatique correspond à l’évolution progressive du handicap moteur décrite en cinq stades d’invalidité croissante par Hoehn et Yahr en 1967.

Ce travail pionnier sur l’histoire naturelle clinique de la maladie de Parkinson garde tout son intérêt actuellement dans la mesure où il a été effectué sur une population de 672 patients atteints de la maladie de Parkinson et suivis de 1949 à 1964 avant l’utilisation de la L-dopa.

L’âge moyen de début de cette phase symptomatique a été estimé à 55 ans, la durée moyenne des stades évolutifs étant évaluée à 3 ans pour les stades I et II, 1 an pour le stade III et 2 ans pour le stade IV, soit 9 ans pour arriver au stade V.

Ces résultats ont été comparés dans une revue récente à ceux obtenus par Martilla et Rinne en 1977 dans une étude finlandaise.

La phase présymptomatique est une notion qui a émergé récemment, compte tenu des progrès des connaissances sur le processus de dénervation dopaminergique et son déroulement.

Son début est mal défini dans le temps et correspond au moment où survient une accélération du processus physiologique de perte des neurones dopaminergiques.

Sa fin (qui correspond au début de la phase symptomatique) est tout aussi mal définie dans le temps, le début de l’expression clinique dépendant de la perception subjective d’une gêne fonctionnelle par le patient.

L’existence de symptômes discrets (troubles de l’olfaction, modifications de l’humeur) comme marqueurs précoces de la maladie de Parkinson a été suggérée, mais leur spécificité reste insuffisante.

La confirmation de l’existence de cette phase présymptomatique a été apportée par l’imagerie en tomographie par émission de positrons (TEP) retrouvant chez des sujets encore asymptomatiques (dont l’évolution ultérieure montre qu’ils développent les signes de la maladie) un déficit significatif de la captation striatale de fluorodopa : par extrapolation à partir d’évaluations longitudinales, la TEP a permis d’estimer la durée moyenne de la phase présymptomatique à environ 7 ans, laissant cependant suspecter une grande variabilité interindividuelle.

D’autres estimations de la durée de la phase présymptomatique ont été effectuées sur la base de la recherche de symptômes non spécifiques (anxiété, surmenage) motivant une consommation médicale ou par extrapolation à partir des lésions neuropathologiques.

* Spécificité du processus lésionnel :

Le début de la dégénérescence des neurones dopaminergiques chez les patients ne peut pas être daté avec précision, mais le processus s’étend sur plusieurs décades.

Les neurones meurent de manière asynchrone mais pas aléatoire : en effet, le processus est hétérogène avec une perte neuronale massive (70-80 %) dans la SN compacte (SNpc ou A9), intermédiaire (40-50 %) dans les régions de l’aire tegmentoventrale (A10) et de l’aire rétro- et périrubrale (A8) et quasi nulle dans la substance grise périaqueducale.

La distribution dans le temps montre que le processus débute dans la partie caudale et ventrolatérale de la SNpc et s’étend ensuite progressivement vers les régions rostrale, médiale et dorsale du mésencéphale au niveau de zones faiblement marquées par la calbindine appelées nigrosomes.

La mortalité différentielle des neurones dopaminergiques semble être corrélée à leur contenu en mélanine (facteur d’aggravation) mais inversement corrélée à la présence d’un environnement astrocytaire dense (facteur de protection).

B – HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES :

1- Rôle du vieillissement du système dopaminergique :

Ce vieillissement est une réalité confirmée par la mise en évidence d’une réduction de la dopamine striatale en fonction de l’âge et estimée à 5 % de perte neuronale par décennie.

Son rôle dans la maladie de Parkinson ne peut cependant être considéré que comme marginal, ainsi que le suggèrent des études anatomiques et en imagerie TEP, montrant une topographie des lésions dopaminergiques (prédominance dans la partie dorsale de la SN) très différente de celle observée dans la maladie de Parkinson.

Par ailleurs, une étude anatomique récente suggère que la perte neuronale peut rester très discrète, y compris chez des sujets normaux très âgés.

2- Rôle des facteurs environnementaux :

Parmi ces facteurs, seuls les agents toxiques constituent une piste largement étudiée sur la base d’arguments épidémiologiques confirmés et d’hypothèses biochimiques cohérentes avec les données de modèles expérimentaux.

L’hypothèse virale et/ou immunitaire ne repose actuellement sur aucun argument tangible et le rôle des traumatismes crâniens au sens large reste controversé.

* Intoxication par le 1-méthyl-4-phényl-1,2,3,6-tétrahydropyridine (MPTP) :

Synthétisé dès 1947 et même utilisé dans des essais chez l’animal comme agent antiparkinsonien au cours des années 1950, le MPTP avait montré des effets particulièrement désastreux qui avaient fait abandonner l’idée que ce produit puisse être un agent thérapeutique.

Cependant, peu de temps plus tard, une molécule très voisine, la mépéridine (MPPP), commença à être synthétisée clandestinement dans un but d’usage illicite, ce produit ayant des propriétés narcotiques et étant relativement facile à fabriquer.

Le premier cas de parkinsonisme induit fut observé chez un jeune étudiant de 23 ans qui avait consommé du MPPP par voie intraveineuse comme substitut de l’héroïne durant 6 mois en 1976 ; à la suite d’une accélération accidentelle de la procédure de synthèse, la drogue se trouva contaminée par du MPTP ce qui détermina l’apparition rapide, chez ce sujet jeune, d’un syndrome parkinsonien sévère, le décès survenant 2 ans plus tard et l’autopsie montrant une perte neuronale limitée à la SN.

Un autre cas de sujet jeune et toxicomane ayant synthétisé du MPPP contaminé par le MPTP et l’ayant consommé par voie nasale, fut observé en 1980 à Vancouver : ce sujet devint également parkinsonien et décéda 2 ans plus tard.

Dans ces deux observations initiales, le mécanisme de l’intoxication n’avait pas été clairement prouvé, ce qui explique que, dans le courant de l’été 1982, la fabrication et la vente illicite du MPPP comme substitut synthétique de l’héroïne se développèrent à grande échelle dans le Nord de la Californie, multipliant le risque de doses contaminées par le MPTP.

De fait, au cours des mois suivants, plusieurs jeunes toxicomanes furent hospitalisés dans cette région pour syndrome parkinsonien sévère dans la genèse duquel le MPTP fut rapidement incriminé. À la suite de cette dernière publication qui regroupait sept observations, la révélation du cas d’un chimiste travaillant dans l’industrie pharmaceutique sur le MPTP, utilisé comme intermédiaire chimique dans la synthèse de produits analgésiques, et qui avait développé une maladie de Parkinson à l’âge de 38 ans, suggéra l’hypothèse du rôle du MPTP comme facteur environnemental de la maladie de Parkinson.

Le suivi ultérieur d’un groupe de 40 personnes remplissant les critères d’une exposition certaine au produit (utilisation du produit suspect en Californie du Nord entre janvier et août 1982, sensation de brûlure au point d’injection et présence de symptômes de la série parkinsonienne de façon transitoire au cours des jours suivant l’injection), a permis de confirmer de nombreuses similitudes cliniques et pharmacologiques avec la maladie de Parkinson, la moitié du groupe ayant commencé à présenter des symptômes progressifs évocateurs après 2 ans de période asymptomatique ; chez trois d’entre eux, décédés après avoir développé un parkinsonisme sévère, l’examen neuropathologique, publié très récemment, a retrouvé des lésions très proches de celles de la maladie de Parkinson avec toutefois les particularités suivantes : absence de corps de Lewy, atteinte sélective de la SN épargnant le locus coeruleus et importante prolifération microgliale avec accumulation extracellulaire de neuromélanine.

Durant les années suivantes, des étapes importantes ont été franchies dans la connaissance du mécanisme d’action du MPTP grâce à l’utilisation de modèles animaux (rongeurs, primates).

Ainsi, il a été démontré qu’après administration systémique, le MPTP doit franchir la barrière hématoencéphalique pour être transformé sous l’action de la MAOB intracérébrale en MPP+, qui représente la véritable neurotoxine.

Le MPP+ est ensuite introduit dans les neurones dopaminergiques grâce au système de recapture sélective de la dopamine et se lie avec la neuromélanine qui le libère ensuite progressivement : capté par les mitochondries, le MPP+ va exercer son action toxique en bloquant le complexe I de la chaîne respiratoire et en provoquant la production de radicaux libres (notion de « stress oxydatif »).

Un autre modèle animal, utilisant un insecticide inhibiteur du complexe I, la roténone, administré de façon systémique et dont le processus de recapture n’est pas spécifique du transporteur de dopamine, est actuellement en cours de développement chez le rongeur et le primate.

* Pesticides :

À l’exemple de ce qu’a montré le MPTP, la recherche d’une toxine environnementale responsable de la maladie de Parkinson a privilégié soit l’analogie structurale avec le MPP+ (paraquat), soit plus récemment l’analogie fonctionnelle avec l’action du MPP+ sur le complexe I mitochondrial (roténone).

Des enquêtes épidémiologiques se sont multipliées, donnant parfois des résultats contradictoires mais retrouvant de façon répétée une prévalence augmentée de la maladie de Parkinson dans des régions hautement industrialisées (industries chimiques) ou d’agriculture intensive (pesticides, herbicides) : la consommation d’eau de puits, supposée concentrer les toxiques contenus dans les eaux de ruissellement, a été retrouvée, corrélée à une prévalence plus élevée de maladie de Parkinson sans que les analyses de l’eau ne permettent d’identifier un toxique suspect.

3- Génétique et maladie de Parkinson :

L’occurrence familiale dans la maladie de Parkinson est généralement estimée à 10 %.

L’approche génétique s’est basée sur trois catégories d’études : des études épidémiologiques pour les petits agrégats familiaux, des études du taux de concordance pour les jumeaux monozygotes et dizygotes et enfin des études de liaison génétique par coségrégation entre marqueurs chromosomiques et phénotypes parkinsoniens dans les grandes familles multigénérationnelles à mode de transmission dominant et dans des familles plus limitées à mode de transmission récessif d’une maladie de Parkinson à début précoce.

* Épidémiologie des agrégats familiaux :

À la suite du travail pionnier de Mjönes en 1949, de nombreuses critiques avaient été soulevées concernant l’imprécision des données cliniques, en raison des frontières mal définies de la maladie de Parkinson proprement dite, avec les tremblements isolés d’une part et avec les cas présentant des troubles mentaux d’autre part : d’autres critiques avaient été formulées à propos de biais de sélection des cas-index et de l’incertitude du diagnostic des cas secondaires rarement examinés.

Des études épidémiologiques contrôlées plus récentes ont cependant plutôt confirmé que les phénotypes cliniques observés dans les agrégats familiaux de maladie de Parkinson n’étaient pas significativement différents du phénotype clinique moyen de la maladie de Parkinson sporadique.

De plus, l’exploration en TEP a retrouvé une réduction de la fixation striatale de 18-fluorodopa, chez des sujets asymptomatiques ou présentant un tremblement postural isolé, apparentés à des malades parkinsoniens.

Enfin, le risque de développer une maladie de Parkinson a été retrouvé plus élevé chez les sujets apparentés à un patient parkinsonien avec une prédominance de transmission verticale unilatérale.

Ces données ont permis de conclure que le phénotype parkinsonien pourrait se transmettre par ségrégation de gènes dominants avec une pénétrance incomplète.

* Études de jumeaux :

Une première étude sur 65 paires de jumeaux et une fratrie de quadruplés (19 monozygotes, 48 dizygotes), mettant en évidence des taux de concordance très faibles identiques chez les monozygotes et les dizygotes, avait contribué à écarter l’hypothèse génétique dans la maladie de Parkinson, à l’instar de ce qui était conclu dans une autre série ; cependant, la possibilité de détecter des formes précliniques de la dénervation dopaminergique striatale par les études en TEP et la précision accrue des données cliniques concernant les cas-index ont permis de retrouver ultérieurement des taux de concordance plus élevés chez ces paires de jumeaux, mais sans augmentation significative chez les monozygotes. Les résultats de ces études sont en définitive réputés compatibles avec une contribution génétique dans l’étiologie de la maladie de Parkinson, mais ils confirment l’importance de facteurs non génétiques.

Ce constat a été encore renforcé par une nouvelle étude de 161 paires de jumeaux (71 monozygotes, 90 dizygotes) dont le taux de concordance est plus élevé chez les monozygotes, en considérant uniquement les cas ayant débuté avant 50 ans : ainsi, l’importance des facteurs génétiques semble prévaloir d’autant plus que la maladie de Parkinson a un début plus précoce.

* Études de liaison génétique :

+ Transmission autosomique dominante :

Les grandes familles multigénérationnelles sont exceptionnelles et leurs similitudes phénotypiques, relativement au phénotype moyen de la maladie de Parkinson sporadique ou à celui des agrégats familiaux de maladie de Parkinson, restent controversées.

Elles ont cependant apporté la possibilité d’études de liaison génétique avec des marqueurs chromosomiques de dimensions de plus en plus réduites, bénéficiant des progrès dans la connaissance du génome humain.

La grande famille italo-américaine, originaire de la ville de Contursi, dans la province de Salerne en Italie du Sud, comporte 592 membres identifiés dont 60 présentent un phénotype de type parkinsonien avec toutefois la particularité d’un âge moyen de début inférieur et une durée d’évolution réduite en comparaison de ce qui est observé dans la maladie de Parkinson sporadique ; sur le plan clinique, la triade classique (tremblement, akinésie, rigidité) et la sensibilité à la L-dopa sont associées fréquemment à des troubles mentaux sévères ; enfin, les données neuropathologiques retrouvant une dégénérescence des neurones de la SN avec corps de Lewy ne sont disponibles que chez deux sujets.

Une autre famille grécoaméricaine a été également décrite dans l’état du Nebraska avec des données cliniques et neuropathologiques assez comparables à celles de la maladie de Parkinson sporadique.

La mise en évidence, dans la famille de Contursi, d’une liaison génétique avec un marqueur chromosomique situé sur le chromosome 4 dans la région 4 q21-q23, a représenté une avancée importante dans le contexte de l’hypothèse génétique, suivie de l’identification d’une mutation ponctuelle (Ala53Thr) sur le gène de l’alphasynucléine : cette même mutation a été retrouvée chez six autres familles d’origine grecque, une autre mutation (Ala30Pro) du même gène étant décrite dans une famille allemande. Une autre mutation (Ile93Met) affectant le métabolisme de l’ubiquitine sur le gène de l’hydrolase de la partie C terminale de l’ubiquitine (UCH-L1) a été également rapportée ; de plus, deux autres loci ont été récemment impliqués dans ce type de famille et sont situés respectivement sur les chromosomes 2p13 et 4p15.

Cependant, ces résultats ne concernent qu’un nombre réduit de maladies de Parkinson familiales, ces différentes mutations n’ayant pas été retrouvées dans les maladies de Parkinson sporadiques ni dans les petits agrégats familiaux.

+ Transmission autosomique récessive :

D’autres anomalies génétiques concernant la région chromosomique 6q25.2-q27 ont été retrouvées de façon nettement plus fréquentes dans de plus petites familles dans lesquelles la maladie de Parkinson, transmise sur un mode récessif, comporte un âge de début très précoce avec peut-être une évolution plus lente.

Ces anomalies sont des mutations ponctuelles ou des délétions situées sur différents exons du gène de la parkine.

Elles ont été observées dans des familles japonaises mais aussi dans des familles européennes et nord-africaines : récemment, des délétions sur les exons du gène de parkine ont été observées dans des familles européennes présentant un phénotype de dystonie dopasensible, reposant ainsi le problème déjà connu des limites entre maladie de Parkinson juvénile et dystonie dopasensible.

4- Interaction génétique-environnement :

À l’instar de beaucoup de maladies chroniques dont la prévalence augmente avec l’âge, la maladie de Parkinson a une étiologie multifactorielle, dans laquelle les facteurs génétiques et environnementaux contribuent dans des proportions variables selon les individus.

Lorsque l’âge de début est précoce, les facteurs génétiques sont considérés comme prévalents, ce qui a été confirmé par l’élévation significative du taux de concordance chez les monozygotes par rapport aux dizygotes, observée dans une étude de jumeaux pour les cas ayant un âge de début inférieur à 50 ans ; la mise en évidence très récente d’anomalies du gène de la parkine dans des cas sporadiques de maladie de Parkinson illustre ce point de façon encore plus nette dans la mesure où des mutations ont été retrouvées chez 77 % des cas débutant avant 20 ans et 26 % des cas avant 30 ans mais chez seulement 3 % des cas ayant débuté entre 31 et 45 ans. Cependant, dans l’immense majorité des cas, l’âge de début de la maladie de Parkinson est plutôt tardif (après 60 ans) ; de plus, la plupart des études cas-témoins concernant l’exposition à des toxiques environnementaux ou la possible intervention de facteurs endogènes ou exogènes, suggèrent fortement une interaction génétique-environnement.

L’hypothèse de base d’une telle interaction repose sur la notion de polymorphisme des gènes de certaines enzymes intervenant dans le métabolisme de substances environnementales potentiellement toxiques : les allèles associés à un phénotype d’activité métabolique détoxifiante lente ou incomplète exposeraient à un risque accru de maladie de Parkinson.

Les premiers travaux dans ce domaine ont porté sur l’hydroxylation de la débrisoquine par le cytochrome P450 : les résultats des nombreuses études concernant notamment le polymorphisme du CYP2D6 sont variables, les méta-analyses ne permettant pas de conclure à une association formelle entre la fréquence de l’allèle B et un risque accru de maladie de Parkinson sporadique ou familiale ; à ce jour, l’étude de différents gènes candidats à ces rôles de facteur de susceptibilité ou de protection (gènes 2D6 et 1A1 du cytochrome P450, gènes de la nacétyltransférase 2, du site transporteur de la dopamine et de la glutathion-S-transférase M1) reste négative.

Enfin, d’autres études cas-témoins ont suggéré une corrélation inverse entre la consommation de tabac, et plus récemment de café, et le risque de maladie de Parkinson : en l’absence d’explication métabolique, ce résultat a pu être rapproché de la personnalité prémorbide des futurs parkinsoniens auxquels le déficit asymptomatique en dopamine pourrait conférer une moindre susceptibilité à des comportements de type addictif.

C – MÉCANISMES DE LA MORT DES NEURONES DOPAMINERGIQUES :

1- Rôle du stress oxydatif :

Le métabolisme oxydatif de la dopamine (action de la MAO, autooxydation) et le fonctionnement énergétique de la chaîne respiratoire mitochondriale sont susceptibles de produire des « radicaux libres », agents potentiellement cytotoxiques en raison de leur instabilité électrochimique (peroxydation des lipides membranaires, fragmentation de l’acide désoxyribonucléique [ADN]).

* Radicaux libres cytotoxiques :

Il s’agit de l’anion superoxyde (O– 2), du peroxyde d’hydrogène (H2O2) et du radical hydroxyl (•OH), ce dernier, particulièrement toxique, étant produit à partir de H2O2 en présence d’ion ferreux (Fe2+) par la réaction de Fenton.

* Systèmes enzymatiques de protection :

Il s’agit de la superoxyde dismutase (SOD) qui transforme O– 2 en H2O2 et dont l’action doit être coordonnée avec les deux autres enzymes détoxifiantes (qui neutralisent le H2O2 en eau), d’une part la catalase qui se révèle peu efficace au niveau cérébral et d’autre part la glutathion peroxydase dont l’action est primordiale et qui se trouve strictement localisée dans la glie astrocytaire.

* Neurones dopaminergiques et stress oxydatif :

Les neurones dopaminergiques de la SN sont d’autant plus susceptibles au stress oxydatif qu’ils sont riches en mitochondries (risque accru de production d’O– 2) et qu’ils contiennent de la neuromélanine (témoin de l’auto-oxydation de la dopamine), des concentrations élevées de SOD (témoin de la présence importante de radicaux libres) et une grande quantité de fer ; de plus, ces neurones sont d’autant moins résistants au stress oxydatif que leur environnement astroglial (contenant la glutathion peroxydase) est plus réduit.

* Maladie de Parkinson et stress oxydatif :

Des indices de stress oxydatif ont été observés dans la SN des malades parkinsoniens : augmentation de la peroxydation des lipides et du taux de fer, diminution du glutathion réduit et déficit spécifique de l’activité du complexe I mitochondrial (dont on sait, par ailleurs, qu’il peut être inhibé par des toxiques comme le MPP+ ou la roténone).

Les lésions des neurones dopaminergiques prédominent dans les régions nigrales les plus pauvres en environnement astroglial, mais aussi les plus riches en neuromélanine et en mitochondries.

2- Place du processus apoptotique :

Des modifications caractéristiques de mort par apoptose ont été observées dans la SN de patients atteints de maladie de Parkinson.

Le processus apoptotique serait initié par l’activation, par l’intermédiaire de cytokines telles que le tumor necrosis factor (TNF) alpha, d’une voie de signalisation intracellulaire qui clive la sphingomyéline membranaire en céramide.

L’activation de cette voie conduit à la translocation du facteur nucléaire kappa B (NFKB) dans le noyau où il stimule l’expression de gènes, conduisant à terme à la « mort cellulaire programmée ».

Les cytokines, initiatrices présumées du processus, seraient produites à partir de la prolifération microgliale dont la présence a été démontrée au sein des régions nigrales en dégénérescence : cependant, la signification pathogénique de l’apoptose dans la maladie de Parkinson reste encore controversée.

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