Maladie de Ménière

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Définition :

La maladie de Ménière peut se définir comme une affection de l’oreille interne de cause inconnue, mais dont le substratum anatomopathologique est un hydrops endolymphatique.

Elle se caractérise par l’association d’une surdité fluctuante avec sensation de plénitude de l’oreille, de crises vertigineuses avec signes neurovégétatifs marqués, et d’un acouphène.

Maladie de MénièreCes symptômes surviennent par crises paroxystiques et imprévisibles, selon un rythme variable, touchent d’abord une oreille, voire les deux à long terme, et au début s’amendent entre les crises.

Le terme « maladie de Ménière » paraît préférable aux appellations trop communément admises de « vertige de Ménière » ou de « syndrome de Ménière ».

Le terme « vertige » accorde une place prépondérante au symptôme vestibulaire qui, s’il est le plus bruyant, n’est ni le plus constant ni le plus préoccupant de l’histoire de la maladie.

C’est, en effet, la surdité qui soulève le plus de problèmes thérapeutiques, et constitue le critère sans doute le plus tangible d’efficacité thérapeutique.

Le terme de « syndrome » sous-entend une étiologie possible à l’association des symptômes caractéristiques de l’affection.

Or, si ceux-ci peuvent s’observer au cours d’affections auto-immunes, du syndrome de Cogan ou de la syphilis, la maladie de Ménière est, par définition, idiopathique et doit donc être individualisée comme telle.

Le terme de « maladie de Ménière » paraît donc le plus adapté, et autorise une appréhension d’ensemble de la maladie ainsi qu’une unité de langage, avec les Anglo-Saxons notamment.

D’autres atteintes du système cochléovestibulaire, du nerf cochléovestibulaire ou du système nerveux central peuvent entraîner des symptômes similaires à ceux de la maladie de Ménière.

Le diagnostic différentiel de cette affection s’avère souvent difficile et, même pour un praticien expérimenté, il n’est pas toujours aisé de diagnostiquer une maladie de Ménière tant que la triade typique n’existe pas et qu’une pathologie rétrocochléaire n’a pas été écartée.

Ainsi, une surdité fluctuante isolée et des vertiges périphériques à répétition isolés ne sauraient être assimilés à la maladie de Ménière, et ne peuvent être considérés qu’avec réserve comme des variantes cochléaire ou vestibulaire de l’affection.

L’American Academy of Otolaryngology-Head an Neck Surgery (AAO-HNS) a publié en 1995 des critères de définition de la maladie de Ménière.

Historique :

Après que Itard eut décrit l’association caractéristique d’un vertige, d’une surdité et d’un acouphène en 1821, Prosper Ménière rapporta, en 1861, devant l’Académie impériale de médecine, la présence d’une lymphe plastique rougeâtre, dans le labyrinthe de deux malades ayant présenté des symptômes de congestion cérébrale apoplectiforme.

Si l’affection qu’il décrivit alors ne correspond vraisemblablement pas à ce que nous appelons aujourd’hui maladie de Ménière, Prosper Ménière eut l’immense mérite de rapporter pour la première fois à l’oreille interne une symptomatologie alors systématiquement attribuée à un désordre du système nerveux central.

Il valida par la même occasion les lois de la physiologie vestibulaire édictées par Flourens en 1842.

Ménière venait de donner naissance à une maladie vedette, qui devait, de par le monde, soulever passions et controverses.

Trois événements méritent d’être retenus parmi cette floraison de travaux :

– en 1921, Portmann démontra sur des poissons le possible rôle du sac endolymphatique dans la genèse d’une hypertension endolymphatique ;

– en 1938, Hallpike et Cairns découvrirent une dilatation du labyrinthe membraneux sur les os temporaux de deux patients porteurs de l’affection ;

– à partir des travaux de Guild, qui, en 1927, avait démontré sur l’animal que de la teinture injectée dans l’endolymphe cochléaire se retrouvait concentrée dans le sac endolymphatique, Naito fut capable, en 1959, d’induire un hydrops endolymphatique chez le cochon d’Inde, en détruisant chirurgicalement le canal et le sac endolymphatiques.

Cette méthode, améliorée par Kimura et Schuknecht en 1965, est aujourd’hui le modèle expérimental le plus courant pour l’étude de l’hydrops endolymphatique.

En 1952, Tasaki et Fernandez démontrèrent qu’une réduction réversible des potentiels microphoniques et des potentiels d’action cochléaires pouvait être obtenue lorsqu’une solution de Ringert comprenant 0,25 % de chlorure de sodium était injectée dans l’espace périlymphatique de la cochlée.

En 1954, Smith, Lowry et Wu démontrèrent que l’endolymphe présentait une faible concentration en sodium (3 à 5 mmol/L) et une forte concentration de potassium (130 à 145 mmol/L), tandis que ces chiffres s’inversaient dans la périlymphe.

En 1959, Lawrence et McCabe postulèrent que la rupture des membranes endolymphatiques distendues par l’hydrops, suivie du mélange de l’endolymphe riche en potassium et de la périlymphe riche en sodium, étaient à l’origine des symptômes de la maladie de Ménière.

Cette hypothèse fut étayée expérimentalement par la provocation, chez l’animal d’attaques typiques de la maladie de Ménière, en injectant une solution riche en potassium dans l’espace périlymphatique, jusqu’à ce que la concentration en potassium y fût aussi élevée que dans l’endolymphe.

Le concept d’une intoxication potassique des fibres démyélinisées de l’épithélium sensoriel de la cochlée et du vestibule fut alors adopté comme étant le mécanisme fondamental des crises.

De nombreux travaux ont ensuite porté sur la structure et les modifications pathologiques du sac endolymphatique, car l’hypothèse la plus communément admise pour la genèse de l’hydrops endolymphatique est un défaut de résorption de l’endolymphe au niveau du sac.

En 1983, Schuknecht a observé, sur des rochers de patients ayant présenté une maladie de Ménière, non seulement un hydrops endolymphatique, mais aussi une fibrose et une oblitération osseuse du canal et du sac endolymphatiques.

Enfin, le sac endolymphatique aurait un rôle immunologique.

Cependant, comme nous le verrons plus loin, la pathogénie de la maladie de Ménière reste inexpliquée, même si de nombreuses hypothèses ont été avancées.

Épidémiologie :

De grandes variations existent au sein des incidences publiées de la maladie de Ménière, peut-être en raison de nombreux aléas méthodologiques, notamment par absence de critères cliniques ou paracliniques communs.

Ces incidences seraient de 46/100 000 personnes en Suède, en excluant la forme cochléaire pure (surdité fluctuante isolée), de 50/100 000 personnes au Japon, de 160/100 000 personnes en Angleterre, de 15 à 21/100 000 personnes aux États-Unis et 7,5/100 000 personnes en France.

Kitahara et al ont démontré qu’il n’existait pas de différence significative de survenue de la maladie de Ménière dans différents groupes ethniques aux États-Unis, et aucune prépondérance sexuelle, raciale ou géographique n’a pu être démontrée à ce jour.

Le niveau social semble en revanche influencer la survenue de l’affection, car elle touche plus volontiers les classes moyennes et supérieures.

Si elle peut apparaître à tout âge, la maladie de Ménière survient le plus souvent entre la quatrième et la sixième décennie.

Elle est rare avant 20 ans et exceptionnelle chez l’enfant.

En outre, une grande partie des enfants touchés par la maladie de Ménière peut être classée comme souffrant d’un syndrome de Ménière « secondaire ou symptomatique », en raison d’antécédents rapportés de surdité consécutive à des oreillons, à une méningite à Haemophilus influenzae, à une fracture temporale, à des atteintes otologiques congénitales ou embryopathiques, ayant dégénéré en une triade complète de Ménière quelques années plus tard.

L’atteinte prédominante de l’oreille gauche au cours de la maladie de Ménière demeure inexpliquée.

Enfin, la survenue fréquente de plusieurs cas au sein d’une même famille laisse supposer l’existence de facteurs génétiques prédisposants.

Syndrome clinique :

Le tableau clinique de la maladie de Ménière se caractérise par la survenue, étalée dans le temps ou simultanée, d’une triade associant un vertige rotatoire survenant par crises, une surdité fluctuante et un acouphène unilatéral intermittent.

Plus spécifiquement encore, le patient relate de véritables attaques se déroulant comme suit :

– sensation inaugurale de plénitude d’une oreille ;

– puis surdité ou aggravation d’une surdité ancienne de ce même côté ;

– apparition ou aggravation d’un acouphène, toujours du même côté ; – suivies d’un vertige rotatoire, avec station debout difficile, nausées et vomissements.

C’est l’interrogatoire qui retrouve généralement ces symptômes, mais ils peuvent aussi être observés lors d’une crise.

L’examen clinique est donc essentiel, les examens complémentaires cochléovestibulaires ne venant que confirmer le diagnostic.

Cependant, la maladie ne débute pas toujours par la triade complète, et se développe même souvent de façon monosymptomatique durant parfois 1 an, soit sur le plan vestibulaire, soit sur le plan cochléaire.

Le diagnostic ne peut être affirmé qu’après la survenue de plusieurs crises, et après que la triade complète eût été observée.

Symptômes :

A – CRISES VERTIGINEUSES :

Les crises vertigineuses constituent le symptôme majeur de la maladie de Ménière, et sont généralement le motif pour lequel les patients consultent un spécialiste.

Elles sont éminemment variables dans leurs modalités de survenue, leur déroulement, leur durée, leur intensité et leur fréquence.

Elles peuvent survenir à toute heure : en pleine nuit, réveillant le patient, à l’occasion d’un stress, d’une fatigue ou d’une variation de pression atmosphérique.

Elles sont généralement précédées durant 15 à 60 minutes de signes précurseurs auditifs, isolés ou associés, mais unilatéraux : apparition ou modification d’acouphènes ou d’une hypoacousie, sensation de plénitude ou de pression auriculaire.

Ces signes prémonitoires, véritables auras de la crise vertigineuse, permettent au patient, qui a déjà eu une crise, de prendre certaines mesures de sécurité : s’asseoir, s’allonger, descendre d’une hauteur, garer sa voiture, etc.

Puis, survient un grand vertige rotatoire, empêchant la station debout et s’accompagnant de signes neurovégétatifs importants : malaises, lipothymie, sueurs, nausées, vomissements, diarrhée, céphalée.

Cela souligne la valeur localisatrice des signes auditifs, qui permettent de rapporter à l’oreille une symptomatologie digestive, et également de définir le côté affecté par la maladie.

Il n’existe normalement pas de perte de connaissance, même si des syncopes ont parfois été rapportées.

La sensation vertigineuse atteint son acmé en quelques minutes et dure environ 2 à 3 heures, pour s’estomper ensuite, laissant un malade épuisé qui s’endort volontiers.

Si, lors de la crise inaugurale, le vertige peut durer 24 heures, il ne dépasse jamais cette durée. De même, il ne dure jamais moins de 1 minute.

Une fois la crise passée, le patient peut soit se sentir tout à fait disponible, soit se plaindre durant quelques jours de malaise, d’asthénie et/ou d’instabilité lors des mouvements.

Parfois, notamment à un stade plus tardif, la crise survient sans prodrome et peut se traduire par une sensation de tangage, de roulis, d’ascension, de descente ou de latéralisation.

La fréquence de ces crises vertigineuses varie considérablement d’un patient à l’autre et chez un même patient, allant de plusieurs crises par semaine à quelques crises espacées de plusieurs mois ou années.

Théoriquement, cette fréquence décroît au fur et à mesure de l’évolution, bien que certains estiment qu’elle soit indépendante de la durée de l’évolution.

B – SURDITÉ :

La surdité fluctuante de l’oreille atteinte, qui apparaît ou s’aggrave lors des crises, est l’un des deux symptômes les plus fréquents de la maladie, avec le vertige.

Au stade initial, elle peut même être isolée et faire poser le diagnostic de surdité brusque.

Elle a une valeur localisatrice et diagnostique.

Au début de l’évolution, l’hypoacousie domine sur les fréquences graves et présente des fluctuations caractéristiques, avec retour à la normale en quelques heures ou quelques jours.

Elle s’associe souvent à une sensation d’oreille bouchée, de plénitude ou de pression, qui cède en règle après l’attaque.

Elle peut aussi s’accompagner d’une atteinte de la discrimination, d’une intolérance aux sons forts, d’une distorsion sonore ou d’une diplacousie, qui signent une atteinte endocochléaire.

Au cours de l’évolution, la surdité s’accentue, touche l’ensemble des fréquences, perd ses fluctuations si caractéristiques et se stabilise entre 50 et 70 dB de perte, la cophose restant exceptionnelle.

C – ACOUPHÈNES :

Les acouphènes dans la maladie de Ménière simulent classiquement un bruit de conque marine, mais ils peuvent aussi se présenter comme des sifflements, un ronronnement ou un vrombissement.

Constants ou intermittents, non pulsatiles, ils apparaissent ou s’accentuent en règle dans les minutes précédant la crise vertigineuse.

Ils présentent donc l’intérêt d’avertir le patient de l’imminence de la crise, ce qui lui permet de prendre des mesures de sécurité.

Leur deuxième intérêt est de rapporter, tout comme la surdité, le vertige présenté par le patient à une pathologie de l’oreille interne, ce qui lui évite de s’égarer dans une autre spécialité.

Leur troisième intérêt est d’indiquer le côté atteint.

L’intensité des acouphènes peut être cotée en trois degrés :

– degré 1 : acouphènes uniquement perceptibles dans le silence ;

– degré 2 : acouphènes perceptibles dans n’importe quel environnement mais diminuant lors d’activités mentales ;

– degré 3 : acouphènes permanents et retentissant sur la vie du patient.

Cette classification, bien que subjective, permet d’apprécier le retentissement psychique de ces acouphènes et d’évaluer le résultat des traitements instaurés.

Les acouphènes peuvent persister longtemps après que le vertige et la surdité aient disparu.

À long terme, ils deviennent permanents et invalidants.

D – SYMPTÔMES ASSOCIÉS :

D’autres symptômes peuvent s’associer à la triade spécifique de la maladie de Ménière :

– les céphalées et les migraines sont parfois rapportées par les patients, sans qu’il soit possible d’établir une relation pathogénique précise entre ces manifestations et la maladie de Ménière.

Par ailleurs, il est établi qu’au cours ou entre des crises d’authentique migraine basilaire peuvent survenir des symptômes otoneurologiques, et tout particulièrement des vertiges rotatoires, parfois même accompagnés de signes auditifs.

Il paraît donc important d’identifier, devant tout tableau évoquant une maladie de Ménière, une éventuelle migraine, susceptible de répondre à un traitement adapté ;

– le contexte psychologique constitue pour certains un élément essentiel du tableau clinique.

De nombreuses publications ont évoqué le rôle du stress, de la fatigue, des soucis familiaux ou professionnelsl ou encore des chocs affectifs, dans la survenue des crises.

Les patients affectés d’une maladie de Ménière présentent volontiers un profil psychologique particulier, fait d’intelligence, de grande culture, mais aussi de méticulosité, de perfectionnisme, voire d’obsession.

Certains auteurs vont même jusqu’à faire de ce profil un élément indispensable au diagnostic.

D’autres ont pu parler de maladie psychosomatique, « d’ulcère de l’oreille interne ».

Andersson, cependant, au cours d’une métaanalyse, n’a pas trouvé d’élément statistiquement significatif en faveur d’un rôle précurseur du stress dans la maladie de Ménière.

La multiplication des crises est même susceptible de déclencher le stress, qui n’apparaît plus alors que comme un symptôme secondaire.

Histoire naturelle :

Imprévisible, mystérieuse et pouvant devenir bilatérale, tels sont sans doute les épithètes qui paraissent le plus appropriés pour définir et résumer l’histoire de la maladie de Ménière.

Pareille notion doit être soulignée d’emblée, pour donner une information claire au patient et pour obtenir une appréciation lucide des résultats thérapeutiques.

Tous les auteurs sont d’accord pour affirmer que, dans l’immense majorité des cas, l’affection est au début unilatérale. Quatre phases évolutives peuvent être décrites.

A – PHASE INITIALE :

La maladie s’installe en règle entre 40 et 60 ans, sur un mode le plus souvent unilatéral et monosymptomatique, mais elle peut bien sûr débuter par la triade complète.

N’importe lequel des trois symptômes majeurs peut donc inaugurer et précéder, pour une période indéterminée, l’apparition des deux ou trois autres.

Pour certains, l’acouphène et la surdité précèdent le plus souvent le vertige de plusieurs mois ou années, du fait du site de développement initial de l’hydrops, à savoir le canal cochléaire.

Malgré tout, la maladie peut débuter par des crises de vertige sans signes cochléaires.

En règle, le tableau clinique est complet au bout de 1 an.

B – PHASE ACTIVE :

C’est durant cette phase que la maladie revêt sa forme la plus typique. La triade symptomatique s’installe de façon paroxystique, avec des périodes de rémission complète.

Cette phase peut durer entre 5 et 20 ans.

C – PHASE DE DÉCLIN :

Durant cette phase, l’atteinte cochléovestibulaire devient irréversible.

Les crises vertigineuses perdent de leur intensité, alors que la fonction auditive s’altère progressivement.

Les fluctuations disparaissent, les rémissions deviennent rares, et le patient se plaint d’une sensation d’instabilité plus ou moins permanente.

La surdité est plate et fluctuante, et une hyporéflexie vestibulaire s’installe.

D – PHASE FINALE :

La phase finale de la maladie de Ménière réalise le classique « Ménière vieilli ».

Les vertiges ont disparu, mais le malade, sourd sévère, bourdonne en permanence et de façon intense.

La perte auditive est une subcophose, à 60-70 dB, la réflexivité vestibulaire est minimale, mais cophose et aréflexie sont rares.

Toutefois, cette description de l’histoire naturelle de la maladie de Ménière n’est que schématique, et sa division en quatre phases empirique.

Tout peut en effet s’observer au cours de cette maladie, et une stabilisation ou une reprise peuvent survenir à tout moment.

E – BILATÉRALISATION :

Élément essentiel de l’évolution, l’atteinte bilatérale voit son pourcentage augmenter proportionnellement à la durée du suivi du patient.

L’étude de la littérature permet d’observer qu’après 2 ans d’évolution de la maladie, 15 % des cas sont bilatéraux, et qu’après 10 ou 20 ans, ce taux s’élève à 30 voire à 60 %.

La grande variation des incidences rapportées dans les différentes publications ne résulte pas seulement de durées d’observation différentes, mais aussi de critères diagnostiques différents.

Sur une série de 67 rochers autopsiés et ayant été le siège d’un hydrops endolymphatique, Kitahara a observé 30 % d’atteintes bilatérales.

Il semble enfin que cette bilatéralisation soit indépendante du stade de l’atteinte controlatérale.

Cette bilatéralisation, qui grève sérieusement l’avenir fonctionnel du patient, pose un problème thérapeutique, car toute décision, et notamment de chirurgie destructive, doit prendre en considération cette menace évolutive.

Formes cliniques :

A – SYNDROME DE LERMOYEZ :

En 1919, Lermoyez décrivit un vertige paroxystique récidivant s’accompagnant de l’amélioration d’une surdité habituelle ; c’était « le vertige qui fait entendre ».

Ce syndrome fut étiqueté comme une forme clinique de la maladie de Ménière.

Lermoyez lui-même prétendait qu’un spasme des vaisseaux labyrinthiques était à l’origine de la surdité et de l’acouphène, et que la levée soudaine de ce spasme durant le vertige entraînait une amélioration de l’audition ainsi qu’une atténuation des vertiges.

Il est observé chez environ 1 % des patients porteurs d’une maladie de Ménière, et n’est peutêtre qu’une variante chronologique et temporaire de l’affection.

B – CATASTROPHES OTOLITHIQUES DE TUMARKIN :

En 1936, le Britannique Tumarkin rapporta les cas de trois patients qui souffraient de chutes brutales sans prodromes ou « drop attacks ».

Il s’agissait de sensations brutales de poussées linéaires, faisant chuter le patient.

Elles survenaient sans prodromes, ne s’accompagnaient pas de perte de connaissance, n’étaient pas induites par des déplacements, et pouvaient provoquer des blessures ou des fractures tant elles étaient brutales.

Les crises de Tumarkin sont brèves, durant moins de 1 minute.

Elles surviennent souvent à un stade ultime de l’affection, et chez 10 % des patients porteurs de la maladie de Ménière.

Tumarkin lui-même a supposé que l’origine de ces crises était vestibulaire.

Aujourd’hui, on pense qu’en raison de cette symptomatologie clinique, l’hydrops endolymphatique se situe chez ces patients dans l’appareil otolithique et non dans les canaux semi-circulaires, d’où le nom de « catastrophes otolithiques ».

Sur une série de 11 patients porteurs de cette forme clinique, Black et al ont montré qu’une récupération complète était impossible avec un traitement médical seul.

Tous les patients furent finalement traités chirurgicalement, soit par labyrinthectomie, soit par neurotomie.

En revanche, certaines séries font état d’une rémission spontanée en quelques mois.

Examen clinique :

Il diffère selon qu’il est mené durant ou entre les crises.

A – DURANT UNE CRISE :

Durant une crise, l’examen clinique est limité, mais riche d’enseignements.

L’interrogatoire est tout d’abord fondamental pour caractériser le syndrome et surtout localiser l’oreille atteinte, en se renseignant sur le côté de l’acouphène et de la surdité.

L’otoscopie est normale.

L’acoumétrie instrumentale oriente vers une surdité de perception, du côté de l’acouphène.

Mais surtout, le médecin objective la réalité du vertige, en mettant en évidence, au mieux derrière des lunettes de Bartels ou de Frenzel, un nystagmus vestibulaire spontané.

Ce nystagmus est typiquement spontané, horizontorotatoire et atténué par la fixation oculaire, bref de type périphérique.

Le problème essentiel est posé par sa direction.

En effet, il a été clairement établi qu’il pouvait changer de sens au cours de la crise, battant vers l’oreille affectée au tout début de la crise, et c’est alors un nystagmus de type « irritatif », puis battant très rapidement après la phase initiale, au coeur de la crise, vers l’oreille saine, et c’est alors un nystagmus de type « destructif ».

Un nystagmus « irritatif » peut enfin être observé en fin de crise ; il est alors appelé « nystagmus de récupération ». ce dernier serait lié à un phénomène d’adaptation centrale réactionnel à la sidération vestibulaire critique. Lorsque cesse la crise apparaît une stimulation apparente et paradoxale du côté opposé.

Cette hypothèse, également mise en avant pour le phénomène de surcompensation, reste une hypothèse, et le mécanisme réel de la variation directionnelle du nystagmus au cours de la crise de Ménière reste inexpliqué.

Deux remarques doivent être faites :

– il est erroné d’assimiler « irritation » et « hyperexcitabilité ».

Si le premier est utilisé par opposition à destruction, le second est synonyme d’hyperfonctionnement, ce qui reste difficile à admettre d’un organe fonctionnel en état de souffrance aiguë.

La prudence invite donc à ne plus parler, à propos de la crise de Ménière, d’hyperexcitabilité labyrinthique ;

– dans tous les cas, le sens du nystagmus observé ne permet pas de préjuger à lui seul du côté qui souffre.

Après cet examen cochléovestibulaire succinct (le patient est souvent incapable d’effectuer les manoeuvres de déviations segmentaires), le reste de l’examen clinique doit bien sûr être complet, surtout aux plans ORL et neurologique.

B – EN PÉRIODE INTERCRITIQUE :

L’examen ORL et neurologique est classiquement négatif en période intercritique.

Tout élément déficitaire observé doit orienter vers une autre cause que la maladie de Ménière.

Dans les formes évoluées de la maladie, il est cependant classique de provoquer l’apparition d’un nystagmus lorsque l’on crée une hyperpression dans le méat acoustique externe (au doigt ou au spéculum pneumatique).

C’est le signe d’Hennebert ou « signe de la fistule sans fistule », qui serait lié à une fibrose intralabyrinthique solidarisant la base du stapes aux structures vestibulaires.

Il s’observerait dans près d’un tiers de ces formes évoluées, notamment lors des variations brutales de pression : mouchages, éternuements, vibrations fortes, etc.

Examens paracliniques :

Toute suspicion de maladie de Ménière doit faire l’objet d’un bilan cochléovestibulaire, radiologique et biologique, dans le dessein d’étayer le diagnostic et d’éliminer une autre pathologie possible.

A – BILAN COCHLÉOVESTIBULAIRE :

La maladie de Ménière provoque une surdité de perception endocochléaire caractéristique, tout du moins dans les premiers temps, et un déficit tardif de la réflexivité vestibulaire.

Actuellement, le bilan initial doit comporter au minimum une audiométrie tonale, une audiométrie vocale, une impédancemétrie, un examen calorique et un test osmotique.

1- Audiométrie tonale :

Cet examen objective deux des caractéristiques essentielles de la surdité de perception du Ménière : son aspect ascendant ou plat et son évolution fluctuante. Des études ayant porté sur de grandes séries de patients ont montré que cette surdité était de type ascendant, affectant les fréquences graves jusqu’à 1 kHz d’environ 30 à 50 dB, en période critique.

Au stade précoce de la maladie et durant de nombreuses années, l’audition s’améliore, voire se normalise en période intercritique.

À un stade avancé, les fréquences aiguës sont elles aussi affectées, la ligne audiométrique se stabilisant entre 40 et 60 dB de perte sur toutes les fréquences ; puis la surdité perd son caractère réversible.

On n’observe toutefois qu’exceptionnellement une cophose.

Quatre faits doivent être signalés :

– le caractère ascendant et fluctuant de la courbe audiométrique est très évocateur d’hydrops endolymphatique.

Il n’est cependant pas pathognomonique de la maladie de Ménière ;

– les fluctuations du début de l’affection sont au mieux objectivées par le test osmotique que nous reverrons plus loin ;

– un Rinne de 10 à 15 dB peut être observé sur les fréquences graves.

Il serait dû à une distorsion harmonique déplaçant vers la base de la cochlée la zone de résonance ;

– une chute sur les fréquences aiguës peut parfois être observée, dont la signification n’est pas connue.

2- Impédancemétrie :

L’impédancemétrie permet, par la détermination du réflexe stapédien (RS), de préciser la nature endocochléaire de la surdité, en objectivant un autre élément très caractéristique de l’affection : le recrutement.

Aucune autre pathologie cochléaire n’est capable de s’accompagner d’un phénomène aussi intense.

Ainsi, les seuils des RS restent normaux, quelle que soit l’intensité de la surdité, celle-ci ne dépassant jamais 60 à 70 dB.

Ce recrutement est également bien objectivé par les potentiels évoqués auditifs (PEA), mais ceux-ci sont d’obtention moins facile et moins rapide que l’impédancemétrie.

3- Audiométrie vocale :

Elle montre une discordance souvent marquée avec les scores en audiométrie tonale.

Exprimée en décibels d’intelligibilité, en pourcentage de discrimination ou par le simple aspect de la courbe, elle révèle en effet de plus mauvaises performances que l’audiométrie tonale, ce qui explique les faibles possibilités d’appareillage de ces patients.

Elle fluctue elle aussi avec l’évolution de la maladie, mais assez rapidement dans l’évolution, la courbe vocale n’atteint plus les 100 % de discrimination, et présente souvent un aspect en dôme ou en cloche .

La raison de ce phénomène pourrait être une atteinte élective du ganglion spiral, secondaire à une dégénérescence nerveuse rétrograde.

4- Épreuves vestibulaires :

Pratiquées en dehors de tout traitement vertigineux ou sédatif, elles restent dominées par l’épreuve calorique calibrée.

Cet examen fournit, en effet, et de façon concordante dans la littérature, des informations quant à la réflexivité et à la prépondérance directionnelle.

Nous n’évoquerons ici que les résultats des épreuves effectuées en période intercritique.

La fonction vestibulaire reste longtemps subnormale, et se caractérise par une grande variabilité des réponses aux épreuves, sans parallélisme avec les réponses auditives.

Elle se détériore cependant au fil du temps, et dans 50 à 70 % des cas s’installe une hyporéflectivité du côté atteint.

Finalement, l’hyporéflexie se stabilise à la moitié ou au tiers de sa valeur initiale.

L’aréflexie, comme la cophose, est, en principe, exceptionnelle (5 à 10 % des cas à la phase terminale) et impose, si elle est retrouvée à plusieurs examens successifs, de toujours chercher une autre étiologie, tumorale notamment.

La prépondérance directionnelle, contrairement à l’hyporéflectivité, n’a pas de valeur localisatrice, car elle peut être dirigée vers l’oreille saine ou l’oreille atteinte.

En revanche, elle révèle parfois le phénomène de surcompensation, caractérisé par une prépondérance directionnelle du côté de l’oreille atteinte, alors qu’elle est normalement dirigée du côté sain.

Un tel signe s’observe au décours d’une période de crises vertigineuses de quelques jours ou semaines, et s’explique par un mécanisme central : pour atténuer le déséquilibre, le noyau vestibulaire central controlatéral au côté atteint freine son activité spontanée ; lorsque cesse la période de souffrance du labyrinthe malade, l’activité du noyau vestibulaire homolatéral se rétablit.

C’est alors le côté sain qui paraît hypoexcitable, expliquant la prépondérance paradoxale.

Il a été démontré au sein de canaux semi-circulaires postérieurs de grenouilles, que les récepteurs ampullaires étaient inhibés par une augmentation de la pression hydrostatique, peut-être à cause d’une modification du largage des neurotransmetteurs au niveau du pôle synaptique des cellules ciliées.

L’épreuve rotatoire est plus rarement pratiquée.

En période intercritique, elle ne semble normale que dans 15 % des cas.

Une asymétrie des réponses est retrouvée dans près d’un cas sur deux.

Un recrutement vestibulaire n’a pas été objectivé, après des épreuves rotatoires chez des patients atteints de maladie de Ménière.

5- Test au glycérol :

En 1966, Klockhoff, en adaptant un test de dépistage du glaucome, constata que la prise de glycérol, un puissant agent osmotique, pouvait temporairement soulager un hydrops endolymphatique, et donc induire une amélioration temporaire de la fonction des cellules ciliées externes et du seuil auditif.

Les tests osmotiques ont ainsi acquis un grand intérêt diagnostique, car ils constituent le seul moyen disponible permettant d’objectiver l’hydrops endolymphatique.

Ils ont par ailleurs une valeur pronostique, car leur positivité témoigne du stade encore a priori réversible de l’affection, et une valeur thérapeutique, car ils constituent une aide dans le choix du traitement.

Cependant, un résultat négatif n’écarte pas la maladie de Ménière.

* Principe :

Le principe de ces tests repose sur l’induction d’un gradient entre les compartiments vasculaire et labyrinthique, par la rapide et transitoire élévation de l’osmolalité sanguine que provoque l’ingestion ou l’injection d’une substance à fort pouvoir osmotique.

Ce gradient entraîne un déplacement d’eau hors de l’oreille interne, qui soulage l’hyperpression intralabyrinthique et, par là, améliore la transduction mécanoélectrique au sein de l’oreille interne, donc améliore la fonction auditive ou vestibulaire.

Cette amélioration est objectivée par des tests fonctionnels, réalisés avant et après le test.

Le fait que la soustraction chirurgicale d’endolymphe puisse détériorer l’audition, tandis que l’administration de glycérol l’améliore, pourrait signifier que le déplacement liquidien induit par le test osmotique concerne la périlymphe plutôt que l’endolymphe, et que la baisse de pression périlymphatique serait instantanément transmise à l’endolymphe.

Cependant, l’hypothèse d’un simple effet osmotique direct ne suffit pas à expliquer les différences observées entre les divers produits utilisés.

D’autres mécanismes, tels qu’une augmentation du débit sanguin cochléaire ou un effet hémodynamique direct de la pression artérielle, ont été évoqués.

* Technique :

Le produit le plus couramment utilisé est le glycérol.

Celui-ci est administré per os, à jeun, au repos strict, à raison de 1,5 g/kg de poids, mélangé à un volume égal de sérum salé isotonique et à quelques gouttes de jus de citron, si le goût ne plaît pas au patient.

Outre ses effets sur l’audition, il peut provoquer une céphalée (par hypotension du liquide céphalorachidien) ou des vomissements.

L’urée est parfois utilisée, per os, à raison de 20 g mélangés à 200 mL de jus de fruit.

Le mannitol peut être utilisé, par voie veineuse, avec semble-t-il d’excellents résultats.

Juste avant le test et dans les deux ou trois premières heures qui suivent l’ingestion du produit sont effectués des examens audiométriques.

* Résultats :

L’audiométrie tonale est la plus couramment pratiquée.

Le critère de positivité communément admis est une amélioration des seuils tonaux de 10 dB au moins sur deux des trois fréquences 500, 1 000 et 2 000 Hz.

L’audiométrie vocale est considérée comme plus sensible que l’audiométrie tonale.

Une amélioration de la discrimination de 10 % est considérée comme significative.

Le test au glycérol est positif dans environ 60 % des cas de maladie de Ménière, en ce qui concerne l’audiométrie.

En fait, cette positivité dépend du stade de l’affection. En raison du caractère fluctuant de l’audition, on conçoit en effet qu’il puisse être négatif en dehors d’une crise.

Certains auteurs ont proposé de le sensibiliser par une surcharge sodée dans les jours qui précèdent, ce qui aggrave momentanément l’audition.

Les tests à l’urée et au mannitol semblent globalement moins sensibles que le test au glycérol.

De plus, la prise de ces produits peut, dans certains cas, entraîner non pas une amélioration, mais une aggravation.

L’électrocochléographie par électrode transtympanique est une méthode d’enregistrement de potentiels évoqués auditifs très précoces, c’est-à-dire une latence maximale de 2 ms.

L’origine de ces potentiels se situe dans la cochlée ou dans le nerf cochléaire.

Le potentiel électrocochléographique est constitué de trois éléments : les potentiels microphoniques, qui seront éliminés ; les potentiels de sommation, qui reflètent le déplacement statique de la membrane basilaire ; et les potentiels d’action nerveux, qui proviennent de l’origine du nerf cochléaire.

L’amplitude des potentiels de sommation est augmentée en valeur absolue dans la maladie de Ménière par rapport à celle des sujets normaux.

Cette augmentation est corrélée à la distension de la membrane basilaire vers la rampe tympanique.

Eggermont a mis au point une méthode d’évaluation de ces potentiels, en calculant le rapport des amplitudes des potentiels de sommation sur celles de potentiels d’action (PS/PA).

Si ce ratio est supérieur à 0,35, un hydrops endolymphatique peut être affirmé.

Sous l’action du glycérol d’ailleurs, l’amplitude des PS diminue (traduisant sans doute la diminution de la distension de la membrane basilaire), tandis que celle des PA augmente (traduisant l’amélioration de l’audition).

L’électrocochléographie, qui montrerait une augmentation du rapport PS/PA dans 80 % des cas, apparaît donc actuellement comme la meilleure méthode pour objectiver un hydrops endolymphatique.

Cependant, un test négatif ne permet pas d’écarter formellement un hydrops, car une diminution de ce dernier peut s’être produite avant le test.

Par ailleurs, la technique demande à être codifiée, et il existe encore des problèmes pour obtenir des enregistrements stables et reproductibles.

Certains auteurs pensent que le test au glycérol permet de repérer les patients ayant une maladie de Ménière au stade précoce, et utilisent ce test comme un indicateur de la réponse au traitement.

6- Autres tests cochléaires :

* Potentiels évoqués auditifs :

À défaut d’imagerie par résonance magnétique (IRM), leur intérêt est double : ils permettent d’éliminer un processus tumoral rétrocochléaire pouvant simuler cliniquement une maladie de Ménière, et ils montrent le recrutement si spécifique de cette affection.

* Otoémissions acoustiques :

Elles montreraient, par leur absence, la souffrance des cellules ciliées externes, et seraient susceptibles de réapparaître sous test osmotique.

* Autres tests peu usités :

Citons enfin quelques tests peu usités, soit du fait de leur manque de spécificité, soit du fait de leur complexité :

– étude des courbes d’accord psychoacoustiques.

La déformation imposée à la membrane basilaire par l’hydrops se traduit par une perte de sélectivité et une perte du pouvoir masquant, ce qu’explorent les courbes d’accord. Cette épreuve reste du domaine de quelques laboratoires seulement ;

– test à l’acétazolamide.

Il consiste à pratiquer une audiométrie tonale juste avant et 45 minutes après administration intraveineuse en 1 minute de 500 mg d’acétazolamide.

Cette substance est un inhibiteur de l’anhydrase carbonique contenue en grandes quantités dans l’oreille interne. Son mécanisme reste mal expliqué.

Il pourrait entraîner une chute transitoire de l’osmolalité sanguine.

Ce test est considéré comme positif s’il existe une aggravation des seuils d’au moins 10 dB.

D’une grande sensibilité, provoquant une aggravation et non une amélioration auditive, il pourrait permettre de prédire la bilatéralisation en présence d’une oreille controlatérale apparemment saine ;

– test vestibulaire au furosémide. Curieusement, les substances osmotiques déjà mentionnées n’ont pas d’effet sur le vestibule.

Le furosémide, en revanche, paraît susceptible de modifier la fonction vestibulaire chez les patients porteurs d’une maladie de Ménière.

Le test consiste à pratiquer une épreuve calorique froide (50 mL à 30 °C) avant et 1 heure après l’administration intraveineuse de 20 mg.

Il est positif s’il existe un accroissement de la vitesse maximale du nystagmus supérieur à 9,4 %. Il serait positif dans 80 % des maladies de Ménière typiques, et pourrait être positif au stade de surdité stable, alors que le test au glycérol n’est plus positif.

En raison d’effets secondaires gênants (céphalée, diarrhée, vomissements, diurèse augmentée), les diurétiques osmotiques (glycérol, furosémide, etc) ne sont pas utilisés couramment.

De plus, le diabète, la déshydratation, l’insuffisance cardiaque, rénale ou hépatique sont des contreindications à leur emploi ; – l’enceinte hypobare.

En 1975, Densert rapporta que l’hypoacousie de trois patients en crise de Ménière avait été améliorée par des séjours de 30 à 129 minutes, à -300, -900 mm d’eau, dans une enceinte hypobare.

L’auteur supposa que la crise de Ménière était due à une obstruction partielle ou totale, mais temporaire, du canal endolymphatique, par une stase veineuse.

Dès lors, si l’organisme était exposé à une baisse de la pression ambiante, il se pourrait que les vaisseaux de l’oreille interne se décongestionnent, comme ceux de l’oreille moyenne, et que l’hypertension endolymphatique soit ainsi neutralisée.

Plus récemment, Kitahara et al ont décrit un test diagnostique de la maladie de Ménière.

Les patients supposés atteints sont placés dans une enceinte hypobare, d’abord à une pression ambiante de -500 mm d’eau puis, après 5 minutes, à -700 mm d’eau.

La pression est maintenue à ce niveau durant 5 autres minutes, puis ramenée à 0 mm d’eau. Cette procédure est effectuée trois fois de suite.

Il est demandé aux patients de n’effectuer des manoeuvres d’équilibration des oreilles moyennes que lorsque la pression est à 0 mm d’eau.

Un gain de 10 dB sur au moins deux des fréquences 250, 500 et 1 000 Hz est considéré comme un effet positif du test.

L’audition ne fut améliorée que chez les patients porteurs d’une maladie de Ménière (50 %) et/ou d’une forme cochléaire pure de la maladie (32 %).

Pour les auteurs, un résultat estimé positif à ce test signe une maladie de Ménière.

En revanche, ils ne parviennent pas à expliquer pourquoi une diminution de la pression ambiante peut améliorer l’audition de patients atteints d’une maladie de Ménière ;

– autres tests.

Le test de Fowler, le SISI test, le Bekesy, le Tone Decay Test, confirment la nature endocochléaire de l’affection, mais ils ne sont plus pratiqués.

B – IMAGERIE :

L’imagerie a, dans le cadre de la maladie de Ménière, un double but :

– éliminer une affection susceptible d’emprunter la symptomatologie méniérique : neurinome de l’acoustique, méningiome de l’angle pontocérébelleux, malformation congénitale de l’oreille interne (syndrome de Mondini), malformation de la colonne cervicale ou de la charnière occipitoatloïdienne ;

– tenter de mettre en évidence des variations anatomiques de l’oreille interne, susceptibles de favoriser le développement de la maladie.

Les progrès de l’imagerie médicale, et notamment l’avènement du scanner, ont permis de corroborer les constatations histologiques d’une petite taille de l’aqueduc du vestibule, et d’une diminution de la pneumatisation mastoïdienne périaqueducale chez les patients atteints d’une maladie de Ménière.

Ainsi, des coupes scanographiques de l’os pétreux ont montré une hypoplasie de la région rétrolabyrinthique, et de l’aqueduc du vestibule, chez des patients atteints.

Toutefois, d’autres travaux, fondés sur des scanners des rochers, n’ont pas permis de porter des conclusions définitives quant aux caractéristiques de l’aqueduc du vestibule, car le diamètre du canal endolymphatique n’est pas strictement corrélé à celui de l’aqueduc.

Plus récemment, les études d’imagerie par résonance magnétique (IRM) ont semblé montrer que l’aqueduc du vestibule était significativement moins souvent visualisé chez les patients porteurs de la maladie de Ménière que chez des sujets témoins. Nous reverrons plus loin que le calibre de l’aqueduc du vestibule semble jouer un rôle prépondérant dans la genèse de la maladie.

L’IRM a également montré que la distance entre la partie verticale du canal semi-circulaire postérieur et la fosse cérébrale postérieure était représentative de la taille du sac endolymphatique d’une part, et que cette distance était significativement inférieure, chez les patients porteurs d’une maladie de Ménière, à celle mesurée chez les patients indemnes, d’autre part.

Cependant, les mêmes auteurs n’ont pas observé de différence significative entre une oreille affectée et une oreille non affectée, chez une même personne.

Ils évoquent pour finir une anomalie anatomique congénitale.

Il faut donc se méfier de possibles variations interindividuelles et du manque d’études comparatives, en raison du défaut de codification des techniques d’imagerie utilisées.

La non-visualisation radiologique de l’aqueduc du vestibule ne doit pas être considérée comme étant significative de son atteinte fonctionnelle.

L’imagerie sert, pour certains, uniquement à éliminer d’autres pathologies, et notamment un neurinome vestibulaire.

C – BILAN BIOLOGIQUE :

Toute suspicion de maladie de Ménière impose un bilan biologique, à la recherche d’une anomalie causale ou intercurrente, dont la correction est, théoriquement, susceptible d’améliorer l’allure évolutive de l’affection.

Sont ainsi demandés : un ionogramme sanguin, une glycémie à jeun et, au moindre doute, une hyperglycémie provoquée orale, une osmolalité sanguine, un bilan lipidique, une sérologie de la syphilis.

D’autres examens ont parfois été recommandés : dosage des hormones thyroïdiennes, tests immunitaires (recherche d’anticorps antinucléaires, électrophorèse des protéines sériques, bilan inflammatoire, étude du système human leucocyte antigen [HLA]).

Toutefois, comme nous le verrons plus loin, l’hypothèse d’une affection auto-immune n’a pour l’instant pas pu être prouvée.

Diagnostics différentiels :

Le problème du diagnostic différentiel se pose essentiellement lorsque la triade clinique n’est pas complète.

A – SYNDROME COCHLÉAIRE ISOLÉ :

Devant un syndrome cochléaire isolé, il faut éliminer :

– une forme cochléaire pure de la maladie, encore appelée surdité fluctuante.

L’individualisation d’une forme cochléaire pure de Ménière est discutée par de nombreux auteurs (AAO-HNS), au motif qu’il n’est nullement démontré que le substratum physiopathologique en soit un hydrops endolymphatique.

Mieux vaut donc parler de « surdité fluctuante, en attendant l’éventuelle survenue de crises vertigineuses associées, pour pouvoir évoquer une maladie de Ménière.

Cette maladie peut en effet évoluer de nombreuses années sur un mode monosymptomatique ;

– une surdité brusque.

Les surdités brusques, lorsqu’elles sont réversibles en quelques heures ou jours, peuvent faire évoquer le diagnostic de maladie de Ménière débutante.

C’est seulement la surveillance à long terme, en montrant l’absence ou au contraire la survenue de récidives, qui permet de poser le diagnostic exact ;

– une labyrinthite séreuse. Une atteinte inflammatoire, aiguë ou chronique, de l’oreille moyenne, peut engendrer un hydrops réactionnel.

Il est d’ailleurs très courant de noter une sensation de plénitude de l’oreille et de léger déséquilibre, ainsi qu’une courbe ascendante de la CO, sur l’audiogramme d’otites séreuses.

Le diagnostic repose sur l’otoscopie et le contexte clinique ; – une syphilis labyrinthique.

La syphilis dans sa phase tertiaire se traduit histologiquement par une atteinte inflammatoire du labyrinthe membraneux, avec hydrops, évoluant secondairement vers la fibrose.

Le diagnostic repose sur les antécédents, les classiques signes associés, le signe d’Hennebert (signe de la fistule sans fistule), particulièrement net ici du fait de la fibrose, et surtout les réactions sérologiques ;

– un syndrome de Cogan ou une autre maladie auto-immune.

Le syndrome de Cogan est une entité rare, qui associe, aux signes labyrinthiques, une kératite et des signes de vascularite diffuse.

Son diagnostic, confié à des spécialistes de médecine interne, repose sur des stigmates généraux suggérant un désordre immunitaire, et sur un bilan explorant la fonction immunitaire.

Le diagnostic, rarement posé, appelle un traitement associant, à des degrés divers, corticothérapie, immunodépresseurs, voire plasmaphérèse.

La lourdeur de ces traitements impose de ne poser ce diagnostic qu’avec la plus extrême prudence.

B – SYNDROME VESTIBULAIRE ISOLÉ :

Devant un syndrome vestibulaire isolé, il faut éliminer :

– une forme vestibulaire pure de la maladie.

Il faut attendre la survenue de signes cochléaires, durant des années et après avoir éliminé tous les diagnostics différentiels possibles, avant de pouvoir poser ce diagnostic ;

– une névrite vestibulaire.

La névrite vestibulaire se différencie de la maladie de Ménière par l’absence de symptômes cochléaires associés, l’unicité de la crise vertigineuse, sa durée, qui dépasse en règle quelques heures pour durer quelques jours, l’hypo- ou l’aréflexie unilatérale souvent définitive aux épreuves vestibulaires, et par le phénomène de compensation centrale, qui s’installe en quelques jours à quelques semaines ;

– un vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB). Le VPPB se caractérise par des épisodes vertigineux brefs, de l’ordre de quelques secondes, apparaissant à certains mouvements céphaliques. Ils sont reproductibles par la manoeuvre de Dix et Hallpike ;

– un vertige d’origine centrale.

Trois affections peuvent s’accompagner de manifestations vertigineuses pouvant évoquer une origine périphérique : la sclérose en plaques et le syndrome de Wallenberg, authentifiés par l’IRM et l’insuffisance vertébrobasilaire.

C – SIGNES VESTIBULAIRES ET COCHLÉAIRES :

Devant des signes vestibulaires et cochléaires, on élimine :

– une labyrinthite, ou encore une surdité brusque avec atteinte labyrinthique.

Elle se caractérise par la baisse, brutale et unilatérale, de l’audition et de la fonction vestibulaire, associée à un acouphène homolatéral.

Contrairement à la maladie de Ménière, la symptomatologie dure plusieurs jours et la récupération est aléatoire, comme pour la surdité brutale et la névrite vestibulaire ;

– un neurinome de l’acoustique.

Dans sa forme classique, intracanalaire puis pontocérébelleuse, le neurinome de l’acoustique est diagnostiqué par l’IRM, demandée en raison de l’absence de récupération après la première crise.

En revanche, dans son exceptionnelle variante à point de départ intralabyrinthique, il peut simuler longtemps une maladie de Ménière.

Ce n’est souvent qu’après plusieurs années que le diagnostic est posé, devant l’apparition de symptômes atypiques, avec notamment extériorisation tumorale dans l’oreille moyenne, voire externe.

Ce diagnostic doit donc être présent à l’esprit devant toute maladie de Ménière comportant des éléments atypiques, aréflexie vestibulaire et cophose notamment ;

– une fistule labyrinthique. D’origine traumatique (traumatisme crânien, barotraumatisme) ou iatrogène (chirurgie otologique), la fistule labyrinthique se traduit par des sensations vertigineuses fugaces déclenchées par l’effort, et associées à une baisse de l’audition progressive par paliers.

Un tel tableau prête rarement à confusion avec une maladie de Ménière.

Pourtant, il a été signalé que des fistules périlymphatiques de la fenêtre cochléaire pouvaient revêtir toutes les caractéristiques cliniques de la maladie de Ménière, et que seule l’exploration chirurgicale pouvait les identifier et les traiter ;

– l’ototoxicité médicamenteuse.

De nombreuses spécialités pharmacologiques sont susceptibles de léser l’oreille interne (antibiotiques tels les aminosides, par exemple).

D’autres possèdent un effet inhibiteur sur le labyrinthe, tels les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les antiépileptiques et les sédatifs.

L’interrogatoire, qui doit être policier, révèle une relation entre la prise du médicament et l’apparition des symptômes.

La crise dure par ailleurs plus longtemps qu’une crise de Ménière.

Suite

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