Maladies héréditaires du collagène et du tissu élastique

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Les fibres de collagène et du tissu élastique forment la charpente fibrillaire du tissu conjonctif de nombreux organes.

Avec deux autres familles de macromolécules, elles constituent la matrice intercellulaire des organismes pluricellulaires (les protéoglycanes et les glycoprotéines de structure).

Seules sont étudiées dans ce chapitre les maladies où l’altération majeure porte sur le collagène et/ou le tissu élastique.

Les progrès récents de la biologie moléculaire ont permis l’identification d’anomalies géniques dans nombre de ces affections.

Syndrome d’Ehlers-Danlos :

Maladies héréditaires du collagène et du tissu élastiqueDécrit dès 1682 par Job Van Meeckeren, le syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) regroupe des maladies génétiques ayant en commun une hyperélasticité cutanée, une hyperlaxité articulaire et une fragilité tissulaire en rapport avec des altérations du collagène.

Plus de dix types distincts ont été individualisés sur des critères cliniques ou biochimiques.

Les manifestations cliniques peuvent être protéiformes : évidentes ou plus discrètes, mises en évidence par un examen clinique minutieux, de diagnostic parfois difficile en l’absence d’anomalie biochimique décelable.

A – Manifestations dermatologiques :

1- Hyperélasticité cutanée :

La peau se laisse étirer de façon excessive puis, relâchée, elle revient aussitôt en position normale, contrairement aux peaux atrophiques où le pli cutané augmenté se maintient longtemps.

Elle est parfois évidente, à l’origine de clowneries attractives.

Ailleurs, elle demande à être recherchée avec soin, à la face antérieure des cuisses, à la face postérieure des bras ou sur les joues.

L’aspect cutané est théoriquement normal, la peau douce et fine.

2- Fragilité cutanée :

La fragilité dermique ou dermatorrhexie est responsable de déchirures au moindre traumatisme, de retard de cicatrisation, de cicatrices disgracieuses.

Elle rend les sutures difficiles. Les cicatrices caractéristiques atrophiques, en « pelures d’oignon » plissées, pigmentées ou leucodermiques, prédominent dans les zones les plus exposées aux traumatismes : genoux, face antérieure de jambes, coudes, front…

Parfois, les cicatrices sont saillantes, pseudomolluscoïdes, formant des bourrelets brunâtres dépressibles comparés à des grains de raisin vidés de leur contenu.

De nombreuses autres manifestations dermatologiques ont été décrites au cours du SED : atrophie cutanée généralisée, spécifique du type IV, papules xanthomatoïdes, nodules profonds de petite taille, calcifications profondes, ecchymoses et hématomes liés à la fragilité vasculaire.

B – Manifestations rhumatologiques :

* L’hyperlaxité articulaire, parfois modérée, est objectivée par la possibilité de dorsiflexion passive du cinquième doigt à plus de 90° sur la main, d’apposition passive du pouce sur la face de flexion de l’avant-bras, d’hyperextension des coudes ou des genoux au delà de 10°, de flexion du tronc avec les mains à plat sur le sol sans flexion des genoux.

L’hyperlaxité s’accompagne parfois d’une instabilité avec luxations multiples souvent spontanément réductibles, d’entorses récidivantes, d’épanchements articulaires, voire d’hémarthroses, de spondylolisthésis avec risque de compression médullaire.

Certaines articulations (hanche et coude) s’enraidissent progressivement du fait du développement d’une arthrose secondaire.

* Une ostéoporose a été décrite.

C – Fragilité vasculaire :

* La fragilité vasculaire cutanée ou muqueuse, fréquente, est à l’origine d’hématomes après un traumatisme insignifiant ou d’épistaxis.

Elle n’a pas de signification pronostique.

Il en est de même des varices dues à une insuffisance pariétovalvulaire.

* En revanche, la fragilité vasculaire des gros vaisseaux (aorte, artères viscérales, artères cérébrales, artères des membres), essentiellement observée dans le type IV, conditionne le pronostic vital.

Elle est à l’origine de catastrophes artérielles multiples, responsables de mort subite, d’hématomes, d’hémorragies, d’anévrismes, de fistules artérioveineuses.

Une très grande prudence est alors nécessaire quant aux indications d’éventuelles interventions chirurgicales ou d’investigations paracliniques comportant une ponction artérielle.

D – Manifestations oculaires :

* L’atteinte annexielle conduit à l’éversement facile de la paupière supérieure, à un strabisme avec épicanthus, à un ptosis.

* L’atteinte du globe oculaire, plus grave, peut retentir sur la vision.

Elle donne un amincissement des membranes, avec sclérotiques bleues, un kératocône, un relâchement du ligament suspenseur du cristallin responsable de subluxation, une dégénérescence de la lame vitrée de la choroïde avec stries angioïdes, des hémorragies ou des déchirures des enveloppes oculaires pouvant entraîner des décollements parcellaires de la rétine, une dégénérescence maculaire.

E – Manifestations digestives :

La fragilité et la distensibilité des parois du tube digestif peuvent être responsables de prolapsus rectal, de dilatations des différents segments du tube digestif (méga-oesophage, atonie gastrique, mégaduodénum avec ou sans malabsorption liée à une pullulation microbienne, mégacôlon…) et de diverticuloses (gastrique, colique, vésiculaire…).

Les hernies sont fréquentes, favorisées par l’hypotonie de la paroi musculaire abdominale.

Les ruptures digestives, en particulier les coliques, souvent itératives lors de simples efforts de défécation et les hémorragies graves sont surtout à craindre dans le type IV.

F – Autres manifestations viscérales :

Les études échocardiographiques systématiques ont mis en évidence la fréquence d’un prolapsus valvulaire mitral.

D’autres anomalies sont possibles : prolapsus tricuspidien, sténose des valves aortiques et pulmonaires, dilatation du sinus de Valsalva, de la crosse de l’aorte ou des artères pulmonaires, communication interauriculaire, tétralogie de Fallot, troubles de la conduction auriculoventriculaire et intraventriculaire.

D’autres manifestations viscérales sont décrites, témoignant toutes de la déficience du tissu conjonctif dans les organes intéressés : pneumothorax spontané, pneumomédiastin, dilatation des bronches, diverticulose vésicale, chute des dents (type VIII), prolapsus génital…

G – Syndrome d’Ehlers-Danlos et grossesse :

Des complications maternelles graves du SED sont surtout à redouter dans les types I et IV, particulièrement dans la période du pré- ou du post-partum, avec de sévères hémorragies.

Dans le SED de type IV, ce risque obstétrical est considérable, avec 10 à 25% de mortalité par rupture intestinale, utérine ou vasculaire.

Ailleurs, les incidents sont moins dramatiques : accentuation de l’instabilité articulaire ou de varices des membres inférieurs, insuffisance cervicale pouvant conduire à un avortement ou à un accouchement prématuré, déchirures périnéales, élargissement de cicatrices d’épisiotomie, prolapsus utérins ou vésicaux…

Les complications foetales comprennent essentiellement une rupture précoce des membranes si le foetus est atteint et une prématurité, très fréquente dans le type I.

Une présentation par le siège peut conduire à une luxation de hanche ou à une atteinte du plexus brachial.

H – Hétérogénéité du syndrome d’Ehlers-Danlos :

De nombreuses formes de SED ont été individualisées sur des bases cliniques, génétiques ou biochimiques.

Actuellement, la nomenclature décidée en 1986 à Berlin est encore largement utilisée, identifiant neuf types différents.

Les anciens types IX et XI ont été exclus de cette classification.

De nombreux chevauchements existent entre ces types, et la classification précise d’un malade est souvent très difficile, surtout en l’absence d’études biochimiques difficilement réalisables et coûteuses.

Les trois premiers types sont les plus fréquents, représentant 80%des cas.

1- Syndrome d’Ehlers-Danlos type I (grave) :

L’hyperélasticité, la fragilité cutanée et l’hyperlaxité articulaire sont importantes, avec de nombreuses cicatrices atrophiques et des complications de l’hyperlaxité.

Les atteintes viscérales sont fréquentes : squelettiques (pieds plats, scoliose…), cardiovasculaires, gastro-intestinales (multiples hernies) et oculaires.

Les malades ont parfois un visage particulier avec épicanthus, hypertélorisme et grandes oreilles.

Aucune anomalie biochimique n’a été mise en évidence.

Un défaut de l’assemblage des fibres et des fibrilles de collagène a été évoqué sans être démontré.

La transmission est autosomique dominante.

2- Syndrome d’Ehlers-Danlos type II (moyen) :

L’hyperélasticité et la fragilité cutanée sont plus modérées.

L’hyperlaxité est limitée aux mains et aux pieds. Les atteintes viscérales sont beaucoup plus rares.

Il n’y a pas de risque de prématurité en cas de grossesse.

Le défaut biochimique est inconnu et la transmission autosomique dominante.

3- Syndrome d’Ehlers-Danlos type III (hypermobile) :

Les manifestations cutanées sont minimes, contrastant avec une hyperlaxité importante et généralisée sans déformation squelettique.

Le défaut biochimique est inconnu et la transmission autosomique dominante.

Le diagnostic peut être difficile avec le SED de type VII, différent du type III du fait de la stature, d’une micrognathie et des anomalies biochimiques.

Le syndrome d’hypermobilité articulaire familiale est également très proche du SED de type III ; il en diffère par l’absence d’atteinte cutanée.

4- Syndrome d’Ehlers-Danlos type IV (ecchymotique ou artériel de Sack et Barabas) :

À la différence des autres types de SED, l’hyperélasticité cutanée et l’hyperlaxité articulaire sont absentes ou modérées.

Le diagnostic est évoqué devant la finesse de la peau, dont la transparence rend visible le réseau veineux sous-jacent.

Il existe une tendance ecchymotique avec un retard à la cicatrisation des plaies. Dans la forme acrogérique, l’aspect du visage est particulier avec un nez fin et pincé, des lèvres minces, des joues creuses, des yeux proéminents.

La peau des mains et des pieds est alors particulièrement amincie et flétrie, avec disparition du tissu adipeux sous-cutané.

Les complications vasculaires et digestives dominent le pronostic : décès précoce par rupture artérielle spontanée ou traumatique, perforation intestinale ou hémorragie digestive.

Le diagnostic est essentiellement clinique.

Le dosage du propeptide aminoterminal du procollagène de type III, indicateur de la synthèse du procollagène de type III, a une mauvaise sensibilité mais une grande spécificité lorsqu’il est effondré.

L’analyse moléculaire du gène du collagène de type III (COL3A1), localisé sur le bras long du chromosome 2, a permis de caractériser plus d’une vingtaine de mutations.

La transmission du SED de type IV est essentiellement autosomique dominante.

5- Syndrome d’Ehlers-Danlos type VI (oculoscoliotique) :

Il s’agit d’une forme sévère, proche du type I, avec hyperélasticité cutanée, hyperlaxité articulaire sévère, possibilité de ruptures vasculaires artérielles.

S’y associent une cyphoscoliose, souvent présente à la naissance et s’aggravant avec l’âge, une hypotonie musculaire et des signes oculaires (microcornée, myopie, fragilité oculaire conduisant à des décollements de rétine ou à des ruptures du globe oculaire pour des traumatismes mineurs).

6- Syndrome d’Ehlers-Danlos type VIII (péridontal) :

Il s’agit d’une forme rare, de transmission autososmique dominante, caractérisée cliniquement par une chute des dents lors de la troisième décennie, avec résorption alvéolaire.

I – Traitement :

Il n’y a malheureusement pas de traitement satisfaisant de ces affections, et aucun protocole de thérapie génique n’est actuellement envisagé.

L’intervention médicale est limitée au traitement symptomatique, aux mesures prophylactiques et au conseil génétique.

La majorité des SED sont bénins, ne contreindiquant pas les interventions chirurgicales.

Dans les formes sévères, en particulier dans les types I et IV, celles-ci sont à discuter au cas par cas, en fonction de leur risque.

Pseudoxanthome élastique ou élastorrhexie systématisée :

A – Manifestations dermatologiques :

Elles sont caractéristiques par leur aspect et leur localisation mais ne révèlent qu’exceptionnellement l’affection.

Les grands plis de flexion sont préférentiellement atteints : faces latérales du cou, aisselles, plis du coude, région inguinale, creux poplités, mais aussi la région périombilicale et les anciennes cicatrices.

Habituellement bilatérales et symétriques, les lésions se présentent soit sous la forme de papules jaunâtres, donnant à la peau un aspect quadrillé ou de « peau d’oie plumée », soit sous la forme d’épaississement cutané homogène avec une peau lâche, pâteuse, ayant perdu son élasticité.

L’étendue des lésions cutanées, très variable d’un malade à l’autre, ne permet pas de présumer de l’extension des lésions viscérales.

Certaines atteintes dermatologiques infracliniques ne sont mises en évidence que par l’examen anatomopathologique systématique d’un pli de flexion ou d’une ancienne cicatrice.

Des localisations muqueuses micronodulaires ont été rapportées dans la bouche et les muqueuses vaginale, rectale et gastrique.

À la nuque ou dans les zones exposées, le diagnostic peut se rapprocher d’une élastose solaire d’aspect voisin, mais habituellement absente dans les aisselles.

B – Manifestations oculaires :

Elles sont très fréquentes, présentes dans environ 90%des cas.

Les stries angioïdes, secondaires à la déchirure de la membrane élastique de Bruch, sont souvent asymptomatiques, variables dans leur nombre, leur aspect, leur couleur.

Ce sont des craquelures volontiers bilatérales, roses, rouges ou grises, parfois anastomotiques, situées derrière le réseau vasculaire, rayonnant à partir d’un anneau grisâtre entourant la papille.

Si elles sont hautement évocatrices d’élastorrhexie systématisée, elles ne lui sont pas spécifiques, pouvant être détectées au cours d’autres affections du tissu conjonctif, de la maladie de Paget, d’hémoglobinopathies, d’anomalies du métabolisme phosphocalcique ou de purpuras thrombopéniques immunologiques…

Les lésions choroïdorétiniennes, généralement plus tardives mais plus graves fonctionnellement, sont à l’origine d’une pigmentation donnant à la région maculaire un aspect sombre et granité en « peinture pochée », d’hémorragies et d’exsudats puis de plages cicatricielles blanchâtres parsemées ou bordées de pigment noir.

L’évolution des lésions oculaires est lente et progressive, avec des poussées parfois déclenchées par des hémorragies ou une grossesse, aboutissant à une dégradation de la vision.

C – Manifestations vasculaires :

Les artères de moyen ou de petit calibre sont préférentiellement touchées, donnant des tableaux cliniques d’oblitération artérielle ou d’hémorragie.

Leur apparition chez un sujet jeune doit faire évoquer une pathologie du tissu conjonctif. L’atteinte artérielle des membres prédomine sur les artères distales.

Les manifestations fonctionnelles sont exceptionnelles du fait de l’évolution lente des lésions permettant le développement d’une circulation collatérale efficace.

Les pouls distaux sont souvent diminués ou abolis, et des calcifications artérielles sont visibles sur les clichés sans préparation.

L’artériographie, quand elle est pratiquée, révèle une artériopathie diffuse avec une diminution parfois étagée des calibres artériels pouvant conduire à l’oblitération complète.

L’atteinte coronarienne, souvent silencieuse, se manifeste parfois par des douleurs de type angineux, associées ou non à des anomalies électriques ou à des calcifications coronariennes.

Les infarctus sont plus rares.

L’atteinte cardiaque est le plus souvent asymptomatique, avec fréquemment un prolapsus mitral.

Des insuffisances et des rétrécissements aortiques ou mitraux et des fibroses endomyocardiques ont également été signalés.

Les accidents cérébroméningés ischémiques ou hémorragiques sont une des causes de décès précoce.

Là encore, des calcifications accompagnent volontiers l’atteinte artérielle, notamment au niveau du siphon carotidien.

L’hypertension artérielle est plus fréquente que dans la population générale.

Elle est rarement liée à une atteinte artérielle rénale spécifique.

Elle doit être dépistée et traitée précocement, car elle aggrave les autres atteintes vasculaires et majore le risque hémorragique cérébral ou digestif. L’atteinte des artères digestives se traduit plus souvent par des hémorragies que par des lésions ischémiques.

Les hémorragies prennent l’aspect de melaena, ou surtout d’hématémèses parfois abondantes ou récidivantes, apparaissant volontiers avant 30 ans.

Les explorations endoscopiques ou l’intervention révèlent des hémorragies diffuses de la muqueuse, éventuellement un granité jaunâtre, exceptionnellement une ulcération.

La biopsie gastrique met inconstamment en évidence des altérations du tissu élastique vasculaire avec constitution de microanévrismes et de calcifications.

D – Autres manifestations :

Les autres manifestations viscérales sont rares, habituellement en rapport avec une atteinte artérielle responsable notamment de métrorragies ou d’hématuries.

Le tissu élastique pulmonaire est généralement respecté.

Le pseudoxanthome élastique (PXE) retentit peu sur le déroulement des grossesses : discrète augmentation du risque de fausses couches dans le premier trimestre et d’une souffrance foetale en fin de grossesse.

La grossesse favorise les hémorragies digestives.

E – Anatomopathologie :

L’aspect anatomopathologique est évocateur du fait d’un nombre important de fibres élastiques pathologiques situées dans le derme moyen et profond.

Ces fibres sont épaissies, granuleuses, fragmentées, « enchevêtrées en fil de fer barbelé ».

Le réseau élastique du derme superficiel est respecté.

Des dépôts calciques, parfois importants, sont mis en évidence par la réaction de von Kossa, ou par l’étude ultrastructurale.

En microscopie électronique, les fibres élastiques apparaissent fragmentées, granuleuses, lacunaires, riches en inclusions denses aux électrons.

Au niveau des artères, des altérations voisines sont observées dans la média, associées à un épaississement de l’intima, une rupture de la limitante élastique interne et une sclérose de l’adventice.

Ces altérations sont beaucoup moins spécifiques que celles des lésions cutanées.

F – Génétique :

L’existence de phénotypes partiels de PXE, avec uniquement des lésions ophtalmologiques infracliniques et/ou des anomalies histologiques cutanées, explique la difficulté des études génétiques et l’incertitude quant à la prévalence exacte du PXE, estimée, suivant les auteurs, de 1/40 000 à 1/1 000 000.

Il s’agit en tout état de cause d’une affection hétérogène de transmission plus souvent autosomique récessive qu’autosomique dominante.

G – Traitement :

Il est symptomatique.

Un geste de chirurgie réparatrice peut être proposé en cas de gêne esthétique.

Une photocoagulation au laser est indiquée sur les néovaisseaux choroïdiens responsables de la dégénérescence maculaire.

Des mesures préventives sont indispensables, en particulier l’évitement de l’irradiation solaire et le contrôle de tous les facteurs de risque vasculaire.

Maladie de Marfan :

La maladie de Marfan est la dystrophie héréditaire du tissu conjonctif la plus fréquente.

Il s’agit habituellement d’une affection autosomique dominante, apparaissant comme sporadique dans 15 à 25%des cas.

A – Manifestations ostéoarticulaires :

Un morphotype particulier permet d’évoquer le diagnostic dès la naissance ou au cours de la première enfance.

Les malades sont grands, longilignes, avec un allongement excessif des membres (dolichosténomélie) prédominant à leur extrémité.

Les mains et les pieds allongés sont de plus décharnés, déformés en « pattes d’araignée » (arachnodactylie). Radiologiquement, les os des membres sont anormalement longs, les diaphyses et les épiphyses grêles.

Les vertèbres sacrées peuvent être érodées par une ectasie durale. Le thorax est presque constamment déformé en carène, en entonnoir, en « bréchet de pigeon ».

D’autres manifestations sont fréquentes : scoliose, diminution de la cyphose dorsale, voûte palatine ogivale, hyperlaxité ligamentaire…

B – Manifestations cardiovasculaires :

Présentes dans 95 % des cas, elles sont à rechercher systématiquement du fait de leur gravité (90 % des décès).

L’insuffisance aortique, la dissection et la rupture aortique sont les principales causes de décès précoces.

Une dilatation de l’aorte ascendante, localisée ou diffuse, serait présente dans 80 % des cas, habituellement sous-estimée par la radiographie thoracique de face car se projetant sur la silhouette cardiaque.

Elle est évaluée et surveillée par une échographie annuelle.

Le risque d’insuffisance aortique, de dissection ou de rupture aortique, augmente avec la diffusion et le degré de la dilatation aortique.

La pratique d’un scanner et/ou d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’aorte thoracique, tous les 2 ans, est également indispensable à la recherche d’un autre siège de dilatation aortique moins fréquent.

Un prolapsus affectant les deux feuillets mitraux est présent chez 60 à 80% des malades, avec épaississement de type myxoïde et risque d’évolution vers une insuffisance mitrale.

L’association à un prolapsus tricuspidien est fréquente. Plus rare est la survenue de dilatations anévrismales ou de dissections sur le réseau artériel pulmonaire ou les autres artères de gros ou moyen calibre.

C – Manifestations oculaires :

Les signes ophtalmologiques, présents dans 60 à 90 % des cas, sont parfois révélateurs.

La subluxation du cristallin, liée à l’insuffisance du ligament suspenseur, habituellement bilatérale et symétrique, est initialement asymptomatique, puis s’associe à une diminution de l’acuité visuelle.

Elle doit être systématiquement recherchée par un examen à la lampe à fente.

Elle peut se compliquer de glaucome aigu ou chronique, de décollement rétinien et de cécité.

Une myopie, un allongement du globe oculaire, une cataracte, une coloration bleutée des sclérotiques ou un kératocône peuvent également être observés.

D – Manifestations du système nerveux central :

Les anomalies ostéoneuroméningées lombosacrées font à présent partie des critères diagnostiques considérés comme les plus spécifiques.

Elles doivent être recherchées systématiquement par scanner et/ou IRM.

Une ectasie durale serait présente chez deux tiers des malades, correspondant à une expansion du sac dural résultant de la pression du liquide céphalorachidien sur une séreuse anormalement élastique.

La localisation en est essentiellement sacrée, du fait d’une forte pression sousarachnoïdienne à ce niveau.

L’évolution peut se faire vers une érosion vertébrale lombosacrée, un kyste arachnoïdien, plus rarement vers un méningocèle pelvien antérieur.

Ces lésions, le plus souvent asymptomatiques, peuvent se manifester par une compression des organes de voisinage, voire une méningite, après rupture spontanée ou fistulisation dans le rectum.

E – Manifestations cutanées :

Des vergetures sans cause évidente sont parfois présentes dans des localisations atypiques (pectorales, deltoïdiennes ou sur les cuisses). Des hernies inguinales ou sur des cicatrices sont signalées.

F – Autres manifestations :

Les pneumothorax spontanés et les lésions emphysémateuses apicales résultent de la fragilité du tissu conjonctif pleural et interalvéolaire.

Une diverticulose digestive est parfois notée.

G – Anatomopathologie :

Au niveau des artères, la média est préférentiellement touchée avec des fibres élastiques disloquées, hyperplasiées et une perte de cohésion des fibres musculaires lisses. Des zones lacunaires pseudokystiques sont remplies d’une substance prenant les colorations des protéoglycanes (bleu alcian, bleu de toluidine).

L’examen histologique des valvules cardiaques révèle également cette dégénérescence fibromyxoïde non spécifique.

Dans la peau, le réseau élastique papillaire est raréfié alors que les fibres élastiques du derme moyen et profond sont nombreuses et irrégulières.

H – Diagnostic :

Évident dans les cas typiques, le diagnostic est plus difficile dans les formes paucisymptomatiques, notamment en l’absence d’antécédent familial.

Une réunion internationale d’experts a établi, en 1986, une liste de critères diagnostiques avec individualisation de critères majeurs.

I – Physiopathologie :

Une liaison génétique a été clairement établie entre plusieurs familles de maladie de Marfan et un des gènes des fibrillines (famille de glycoprotéines associées à l’élastine) situé sur le chromosome 15.

Dans ce gène (FBN1), plusieurs mutations ont été caractérisées.

Toutefois, les mutations de FBN1 ne sont pas constamment retrouvées au cours de la maladie de Marfan.

Par ailleurs, elles peuvent être également observées au cours de syndromes apparentés de pronostic différent (anévrisme aortique familial ou ectopia lentis).

La traduction biochimique de ces mutations est variable avec des modifications de la synthèse, de la sécrétion, de l’incorporation de la fibrilline dans le milieu extracellulaire ou avec fibrilline apparemment normale.

Les progrès considérables de la génétique moléculaire devraient permettre, dans les prochaines années, d’affiner la corrélation entre phénotype, génotype et anomalies biochimiques, de dépister les sujets asymptomatiques, et de proposer un conseil génétique.

J – Traitement :

L’utilité d’un traitement bêtabloquant dans la prévention des complications aortiques, principale cause de décès, est démontrée, depuis la publication récente d’une étude randomisée comprenant 70 malades présentant une maladie de Marfan, avec une dilatation minime à modérée de l’aorte ascendante.

La progression du diamètre mesuré/diamètre théorique et le nombre d’événements cliniques (décès, insuffisance cardiaque ou aortique, dissection aortique ou chirurgie cardiovasculaire) étaient moins importants dans le groupe traité.

Le mode d’action des bêtabloquants semble plus complexe que la seule réduction de la pression artérielle.

Aussi, cette étude incite à débuter très précocement l’administration d’un traitement bêtabloquant au long cours.

Une surveillance est indispensable, par échographie, scanner et/ou IRM. Étant donnée la corrélation entre le risque d’insuffisance aortique ou de dissection aortique et la taille de la racine de l’aorte, un geste chirurgical préventif est actuellement proposé chez les malades dont le diamètre initial aortique dépasse 60mm, voire 55mm.

Ce geste associe un remplacement valvulaire aortique et un remplacement prothétique de l’aorte ascendante.

La chirurgie de l’insuffisance mitrale fait actuellement plus volontiers appel à une réparation par plastie plutôt qu’au remplacement prothétique.

Le danger maternel de la grossesse dépend surtout de l’importance des manifestations cardiovasculaires avant le début de celle-ci.

Si la dilatation aortique ne dépasse pas 40 mm et l’atteinte cardiaque est minime, le risque est limité, mais jamais nul.

Ailleurs, il existe un risque de dissection justifiant une surveillance étroite par échographie transoesophagienne, un traitement chirurgical en début de grossesse si l’anneau aortique dépasse 55 mm, l’utilisation prophylactique de bêtabloquants (métoprolol, aténolol) avec anticipation de leurs effets secondaires sur l’enfant (retard de croissance, bradycardie, hypoglycémie, hyperbilirubinémie…), et la pratique systématique d’une césarienne avant le début du travail.

En tout état de cause, il est nécessaire d’interdire toute activité sportive et de pratiquer une prophylaxie de l’endocardite bactérienne en cas d’insuffisance valvulaire.

Cutis laxa :

Le cutis laxa généralisé est une affection exceptionnelle, le plus souvent congénitale, parfois acquise, caractérisée par un aspect dermatologique particulier, et la possibilité de nombreuses lésions viscérales.

A – Manifestations dermatologiques :

La peau, trop grande pour le revêtement cutané, forme de nombreux plis flasques, mobiles sur les plans profonds, donnant un aspect de sénilité précoce.

Ces plis sont particulièrement nets sur le visage, le cou, les épaules, le tronc, la racine des membres.

L’épaisseur cutanée est normale, la peau reste douce au palper mais a perdu complètement son élasticité, avec un pli cutané anormalement grand et persistant très longtemps.

Ces modifications cutanées très disgracieuses sont mal tolérées par les malades qui paraissent prématurément vieillis.

B – Manifestations pulmonaires :

L’atteinte pulmonaire est la plus fréquente, surtout à type d’emphysème panlobulaire précoce et évolutif, avec risque de retentissement cardiaque et de décès précoce.

Plus rarement, sont observés des pneumothorax, une trachéobronchomégalie, des bronchectasies, une fibrose interstitielle ou des infections bronchiques chroniques. Le dosage sanguin d’alpha-1-antitrypsine est normal ou élevé.

C – Manifestations cardiovasculaires :

Elles sont soit secondaires à l’atteinte pulmonaire, aboutissant à un coeur pulmonaire chronique, soit liées à une atteinte du tissu élastique artériel, localisée principalement sur l’aorte et l’artère pulmonaire.

Sont surtout observées : des sténoses artérielles pulmonaires ou des ectasies aortiques pouvant éventuellement se rompre.

Des communications interventriculaires ont été également rapportées.

D – Manifestations digestives :

Elles ne mettent généralement pas en jeu le pronostic vital et témoignent de la diffusion de l’atteinte du tissu élastique.

Elles sont responsables essentiellement de diverticuloses sur tout le tube digestif, le plus souvent asymptomatiques en dehors d’hémorragies, mais aussi de hernies diaphragmatiques, d’ulcères gastriques, de sténoses du pylore, de prolapsus rectaux, d’anomalies de positionnement colique.

Le tube digestif est parfois engagé dans des hernies pariétales.

E – Autres manifestations :

Des diverticules vésicaux, une hydronéphrose par sténose de la jonction vésico-urétérale, des prolapsus génitaux, une hyperlaxité articulaire, une luxation congénitale de hanche, une rupture du tendon rotulien, un palais ogival, un ectropion bilatéral, peuvent être occasionnellement associés aux autres manifestations cliniques du cutis laxa.

Les dépressions, fréquentes, sont liées à un aspect physique difficile à assumer psychologiquement.

F – Anatomopathologie :

Quel que soit l’organe prélevé, il existe une diminution des fibres élastiques.

Dans la peau, le réseau élastique, absent du derme superficiel, persiste sous la forme de quelques amas de fibres épaisses et granuleuses dans le derme profond.

Les études ultrastructurales confirment la raréfaction du tissu élastique avec des anomalies variées de l’élastine et/ou des microfibrilles.

Le collagène est normal ou altéré avec une irrégularité du diamètre de ses fibres.

G – Génétique-physiopathologie :

Les cutis laxa héréditaires sont transmis sur un mode autosomique dominant, autosomique récessif ou récessif lié à l’X.

Les lésions viscérales sont plus fréquentes et graves dans les formes autosomiques récessives.

Le blépharochalasis est une forme localisée d’apparition tardive, à partir de l’adolescence, caractérisée par une ptose des paupières supérieures, avec raréfaction des fibres élastiques.

L’association de cette ptose à un dédoublement de la lèvre supérieure définit le syndrome d’Ascher. Les cutis laxa acquis peuvent être soit primitifs, soit secondaires.

Les formes secondaires apparaissent à la suite d’une dermatose, le plus souvent aiguë (érythémateuse, urticarienne, vésiculeuse, bulleuse, nodulaire…), ou sont en rapport avec une amylose éventuellement associée à un myélome, avec infiltration cutanée par la substance amyloïde.

Plusieurs hypothèses ont été émises quant à la physiopathologie de ces maladies, aucune n’ayant reçu de confirmation : défaut de synthèse de l’élastine, anomalies enzymatiques avec augmentation de l’activité élastasique tissulaire ou hypothèse immunologique, notamment pour les formes secondaires.

H – Traitement :

Il n’y a pas de traitement médical des cutis laxa en dehors des traitements symptomatiques.

La chirurgie plastique est souvent pratiquée du fait de la bonne cicatrisation, de l’absence de fragilité cutanée ou d’anomalie de l’hémostase.

Les résultats, souvent satisfaisants au début, ne sont pas très durables, d’où la nécessité d’interventions correctrices itératives.

Ostéogenèse imparfaite :

C’est une ostéopathie génétiquement déterminée, en rapport avec des anomalies du collagène de type I de l’os.

Ces anomalies sont très diverses d’une famille à l’autre, sans relation évidente avec l’aspect phénotypique.

A – Manifestations osseuses :

L’ostéoporose domine la symptomatologie clinique, avec une fragilité osseuse exposant à des fractures quasispontanées.

Radiologiquement, il existe une hypertransparence diffuse du squelette, avec corticales minces et parfois gracilité des os. Les vertèbres sont volontiers aplaties ou biconcaves.

Suivant le type d’ostéogenèse imparfaite, les fractures sont plus ou moins précoces, pouvant exister dès la naissance, survenir lors de la marche ou plus tardivement.

Elles se consolident habituellement de manière satisfaisante, avec parfois un cal très volumineux.

Les déformations osseuses sont surtout observées dans les formes sévères en rapport avec des fractures multiples et une malléabilité excessive des os : incurvation externe des fémurs, incurvation antérieure des tibias (en lame de sabre), tronc court par platyspondylie, saillie sternale, scoliose…

Un défaut d’activité ostéogène du périoste peut être à l’origine d’os minces et graciles, avec notamment un aspect filiforme du péroné.

Le défaut de croissance en longueur explique la petite taille des sujets avec de nombreuses lignes transversales des os.

Dans la forme précoce, l’ossification de la voûte crânienne peut être défectueuse, avec un aspect en mosaïque des os wormiens.

Le bilan phosphocalcique est habituellement normal.

Les phosphatases acalines peuvent être élevées.

B – Autres manifestations cliniques :

La teinte bleu ardoisé des sclérotiques, caractéristique, est liée à la minceur de la sclère sur une choroïde noire.

Dans un tiers des cas il existe une surdité, s’installant généralement entre 20 et 30 ans, en rapport avec des lésions de l’oreille moyenne proches de l’otospongiose, pouvant être améliorée chirurgicalement.

D’autres manifestations témoignent de la diffusion de l’atteinte collagénique : hyperlaxité et fragilité ligamentaire, fragilité des dents par anomalies de la dentine, peau fine avec ecchymoses fréquentes, hernies…

C – Hétérogénéité de l’ostéogenèse imparfaite :

L’ostéogenèse imparfaite est hétérogène, avec quatre formes principales.

Le type I, le plus classique, correspond à la maladie de Lobstein, de transmission autosomique dominante.

Les sujets atteints ont une taille normale ou subnormale, avec peu ou pas de déformation des os.

La fragilité osseuse est tardive, ne se manifestant qu’après le début de la marche.

Les sclérotiques sont bleues.

Il existe volontiers une surdité et une hypermobilité articulaire modérée. Un sous-groupe est caractérisé par une dentinogénèse imparfaite.

Le type II, léthal, est de transmission autosomique dominante, ou plus rarement récessive.

La majorité des enfants atteints sont mort-nés ou meurent dans les semaines qui suivent la naissance.

Ils ont de multiples fractures et déformations, avec absence presque complète d’ossification de la voûte crânienne et sclérotiques bleues.

Le type III, progressif et déformant, est également de transmission autosomique dominante, ou plus rarement récessive.

La mortalité infantile est élevée, avec de multiples fractures souvent présentes dès la naissance, des déformations osseuses progressives, une cyphoscoliose et une taille petite à l’âge adulte chez les survivants.

Les sclérotiques sont blanches, la surdité rare, la dentinogénèse imparfaite commune.

Le type IV, de transmission autosomique dominante, ressemble au type I, avec des sclérotiques blanches et la possibilité de déformations très progressives, avec taille plus ou moins petite.

D – Traitement :

Il n’y a pas de traitement curatif de l’ostéogenèse imparfaite.

L’efficacité des traitements classiques de l’ostéoporose n’est pas démontrée (oestrogènes, androgènes, anabolisants de synthèse, fluorure de sodium…).

Un traitement chirurgical des fractures est parfois nécessaire, avec nécessité de réduire le temps d’immobilisation au minimum indispensable.

Tous les traitements favorisant l’ostéoporose, telle l’héparinothérapie, sont à éviter au long cours.

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