Maladie de Hansen. Lèpre

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Épidémiologie :

A – SITUATION :

La dernière enquête épidémiologique réalisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1998 a montré une prévalence mondiale de la lèpre de 1,4/10 000 habitants et une persistance de l’endémicité (plus de 1 cas/10 000 habitants) dans seulement 13 pays (4,4 cas/10 000 habitants).

Selon les régions de l’OMS, la prévalence enregistrée pour 10 000 habitants a été de 4,3 en Asie du Sud-Est, 1,1 en Afrique (avec une nette prédominance en Afrique noire), 1,1 en Amérique, 0,1 en Océanie et 0,2 en Méditerranée orientale.

Maladie de Hansen. LèpreMalgré tous les efforts entrepris sous l’égide de l’OMS depuis 1980, plus de 700 000 nouveaux cas sont dépistés par an.

Trois pays, l’Inde, le Brésil et l’Indonésie concentrent 90 % des nouveaux cas.

Dans la zone « Europe » de l’OMS (50 pays), la situation est mal connue. Officiellement, le nombre de cas enregistrés en 1998 a été de 523 cas et 37 nouveaux cas ont été détectés (Espagne, Portugal, Kazakhstan).

Ces chiffres sont très vraisemblablement faussement bas. En effet, rien qu’en France métropolitaine, durant la période de 1995 à 1998, en moyenne 18 nouveaux cas par an ont été détectés et en 1998, 70 cas étaient enregistrés et 232 cas étaient suivis. Ces nouveaux cas détectés étaient soit d’origine immigrée, soit originaires des DOM-TOM où la maladie de Hansen est toujours présente, ou encore d’origine métropolitaine avec une notion de séjour en pays d’endémie.

En métropole, on peut considérer que la lèpre autochtone a disparu. Les deux derniers cas « autochtones » diagnostiqués en 1983 et 1987 étaient des patients immunodéprimés dont un avait été en contact avec un patient lépromateux.

Aux Antilles, en Guyane, à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française, de nouveaux cas sont régulièrement détectés mais le taux de détection annuelle est inférieur au seuil de 1/10 000 habitants (moins de dix cas par an).

B – FACTEURS DE DISTRIBUTION :

La lèpre peut apparaître à tous les âges.

On note cependant deux pics de plus haute incidence, entre 10-14 ans et 30-60 ans.

Chez l’adulte, elle atteint plus volontiers l’homme que la femme avec un ratio de 2/1.

La lèpre lépromateuse est globalement moins fréquente que la lèpre tuberculoïde.

Cependant sa fréquence varie selon les continents (4-18 % en Afrique, 20-40 % en Asie, 50 % en Amérique du Sud).

En pays d’endémie, en cas de contact domiciliaire avec un patient lépromateux, le risque de développer la maladie est multiplié par 4,4.

C – MODE DE DISSÉMINATION ET TRANSMISSION :

1- Réservoirs de « Mycobacterium leprae » (« M. leprae ») :

Le principal réservoir de M. leprae ou bacille de Hansen (BH) est humain et classiquement limité aux sujets multibacillaires lépromateux.

Cependant, depuis ces dernières années, quelques cas de lèpre lépromateuse « naturelle » ont été observés chez des singes Mangabey et des tatous sauvages.

2- Sources de « M. leprae » :

Les sécrétions nasales des sujets lépromateux non traités qui peuvent excréter de 104 à 107 BH par jour constituent la source principale de BH.

En l’absence d’ulcération, les lésions cutanées ne sont pas reconnues comme source de bacilles.

En effet, aucun BH n’a pu être détecté dans l’épiderme humain, en revanche les bacilles sont nombreux dans le derme des lépromateux non traités, et de ce fait toute ulcération chez ces patients non traités constitue une source potentielle de contamination.

De nombreux BH peuvent être observés dans les selles et le lait maternel de patients lépromateux, ce qui les fait considérer comme des sources potentielles d’infection.

3- Voie de pénétration de « M. leprae » :

Le mode de pénétration du BH reste encore mal connu.

Les études expérimentales chez l’animal ont permis de montrer que la voie la plus probable de pénétration du bacille serait les voies aériennes supérieures, dans des conditions idéales de température et d’humidité, et qu’elle serait favorisée par l’existence d’altérations même minimes de la muqueuse.

En revanche, il n’a pu être obtenu de contamination par voie pulmonaire ni gastro-intestinale ni percutanée.

Chez l’homme, des contaminations accidentelles par blessures cutanées ont été rapportées.

Une contamination in utero semble possible chez l’homme mais uniquement lorsque les mères sont atteintes d’une forme lépromateuse multibacillaire.

Les arguments en faveur d’une possible transmission transplacentaire sont l’isolement de BH dans le placenta et le sang du cordon, la détection d’anticorps anti-M. leprae de type immunoglobulines (Ig) M chez les nouveau-nés et la survenue de lèpre chez des nourrissons de moins de 12 mois.

Une cinquantaine de cas seulement ont été rapportés, mais il est possible que ce mode de contamination soit considérablement sous-estimé.

D – DURÉE D’INCUBATION :

La période d’incubation de la maladie de Hansen est longue, de 3 à 5 ans dans les formes tuberculoïdes et de 7 à 10 ans dans les formes lépromateuses.

Des délais plus courts (6 mois) ou plus longs (20 ans) ont été rapportés.

Bactériologie :

M. leprae appartient à la famille des mycobactéries atypiques classées dans le groupe des Actinomycetes.

Bacille à Gram positif, acido-alcoolo-résistant (BAAR), à parasitisme intracellulaire obligatoire dans les cellules phagocytaires mononucléées (macrophages, cellules nerveuses de Schwann), il a pour particularités, d’une part son tropisme pour la peau et les cellules nerveuses des nerfs périphériques, d’autre part l’impossibilité jusqu’à présent d’être cultivé in vitro.

A – MORPHOLOGIE EN MICROSCOPIE OPTIQUE ET ÉLECTRONIQUE :

1- Microscopie optique :

Après la coloration de Zielh-Neelsen ou de Fite-Faraco, le BH apparaît comme un bâtonnet rouge fuschia, de 1 à 8 µm de long et de 0,3 µm de large.

Il peut être coloré, soit en totalité, correspondant à la « forme homogène » considérée comme la forme viable du BH, soit de façon fragmentée constituant la « forme granuleuse » non viable.

Dans la sérosité dermique ou sur coupes histologiques, les bacilles peuvent être isolés ou groupés en amas ou « globi ».

2- Microscopie électronique :

Le BH apparaît souvent entouré d’une structure vésiculeuse ou mousseuse transparente aux électrons, qui pourrait correspondre à une capsule ou à une formation des cellules infectées, et qui serait responsable de l’aspect « spumeux » des cellules de Virchow de l’infiltrat lépromateux.

Sa paroi est constituée de deux ou trois zones :

– une zone externe dense aux électrons ;

– une zone centrale transparente aux électrons ;

– une zone interne électrondense inconstamment distincte de la membrane cytoplasmique.

Celle-ci est constituée de deux feuillets électrondenses de même épaisseur, à la différence des autres mycobactéries.

B – MÉTABOLISME DE « M. LEPRAE » :

L’activité métabolique du BH est relativement faible en comparaison des autres mycobactéries.

Le bacille possède une O-diphényloxydase qui, en agissant sur les dérivés de la phénylalanine, pourrait jouer un rôle dans la dépigmentation des lésions cutanées.

Il possède également des peptidases, en particulier une glutamatedécarboxylase différente de celle des mammifères, qui pourrait expliquer son tropisme pour le tissu nerveux dont l’acide glutamique est un des constituants essentiels.

M. leprae possède des activités peroxydase et superoxyde-dismutase, des activités de phosphorylation oxydative et de glycolyse.

Il synthétise de l’acide folique, ce qui explique sa sensibilité aux inhibiteurs foliques comme la dapsone (DDS).

C – GÉNÉTIQUE DE « M. LEPRAE » :

L’acide désoxyribonucléique (ADN) de M. leprae a 2,2 ´ 108 Da.

Il présente une faible homologie avec les autres mycobactéries (52 % avec M. tuberculosis) et en revanche une forte homologie avec les corynébactéries (68 %).

D – STRUCTURE CHIMIQUE ET ANTIGÉNIQUE DE « M. LEPRAE » :

Le peptidoglycane, structure de base de la paroi des bactéries, est peu abondant.

Contrairement aux autres mycobactéries, ses chaînes latérales contiennent peu de L-alanine, remplacée par de la glycine.

Fixé au peptidoglycane, on trouve un lipopolysaccharide (LPS) riche en acides mycoliques de haut poids moléculaire. M. leprae contient de nombreux lipides essentiellement dans la zone électrondense de sa paroi.

Le phénolglycolipide 1 (PGL1) est le plus abondant.

Le PGL1 de M. leprae se distingue de celui des autres mycobactéries par l’association de trois sucres : le 3,6- diméthylglucose, le 2,3-di-O-méthylrhamnose et le 3-Ométhylrhamnose.

Il est spécifique du BH et joue un rôle important dans la réponse immunitaire spécifique cellulaire et humorale.

Le lipoarabinomannane (LAM-B), lipopolysaccharide phosphorylé, est un constituant antigénique majeur ancré à la membrane cytoplasmique et traversant la paroi, mais il n’est pas spécifique de M. leprae.

De nombreuses glycoprotéines ont été isolées, elles portent des épitopes spécifiques de M. leprae et d’autres communs à d’autres mycobactéries.

Il s’agit des glycoprotéines de 12, 18, 28, 35, 36, 65, 70, 200 kDa. Par une structure non encore déterminée de sa paroi, M. leprae peut fixer la laminine 2.

Cette dernière peut se fixer aux cellules nerveuses de Schwann par l’intermédiaire de l’a-dystroglycane présent à leur membrane, permettant ainsi à M. leprae d’adhérer et peut-être de pénétrer dans les cellules de Schwann.

D – CULTURE DE « M. LEPRAE » :

Le BH n’est toujours pas cultivable in vitro et le seul moyen actuellement de le cultiver repose sur les techniques d’inoculation à l’animal.

Il s’agit de techniques lourdes réalisées seulement dans certains centres.

1- Culture sur coussinet plantaire de souris immunocompétente :

Cette technique est la plus courante.

Elle est utilisée pour tester la sensibilité des BH aux différents antibacillaires, détecter les résistances et étudier l’efficacité des nouveaux antibiotiques.

La souris immunocompétente est partiellement sensible à M. leprae.

En effet, après une période de latence de 2 à 3 mois après l’inoculation de BH viables (5 à 10 000 BH) prélevés chez un malade non traité (léprome) dans le coussinet plantaire de la souris, apparaît une phase de croissance exponentielle avec obtention de 105 à 108 BH au sixième mois.

Puis, surviennent une phase en plateau et une phase de décroissance traduisant le développement d’une réponse immunitaire efficace chez la souris.

L’inhibition ou la persistance de la croissance des BH chez une souris traitée permet de connaître leur sensibilité.

2- Culture chez des animaux immunodéficients :

L’inoculation des BH peut se faire chez des animaux immunodéficients congénitalement (souris nude) ou artificiellement (souris thymomectomisée).

Ces animaux, après avoir développé un léprome, font une maladie disséminée mortelle au bout de 18 mois.

Ces techniques permettent d’obtenir de grandes quantités de BH (1010, 1012).

3- Culture chez des animaux « sensibles » :

Certains singes Rhésus et Mangabey d’Afrique et surtout le tatou à neuf bandes ou armadillo d’Amérique centrale sont naturellement sensibles à M. leprae.

Le tatou est actuellement utilisé pour obtenir de grandes quantités de BH nécessaires à la fabrication de la lépromine standardisée et des produits de vaccination, car il développe une forme lépromateuse.

Immunopathologie :

La résistance des individus lors du contact avec le BH dépend de la qualité de la réponse immunitaire spécifique en particulier de l’immunité à médiation cellulaire (IMC).

Le niveau de réponse est responsable du développement ou non de la maladie et également de la forme clinique de la maladie.

Le témoin d’une bonne IMC vis-à-vis de M. leprae est, in vivo, la positivité de la réaction de Mitsuda (cf « Examens paracliniques ») et, in vitro, la prolifération des lymphocytes T circulants (TTL) en présence de M. leprae.

Schématiquement chez les tuberculoïdes paucibacillaires, réaction de Mitsuda et TTL à M. leprae sont positifs alors qu’ils sont négatifs chez les lépromateux multibacillaires.

La pénétration de M. leprae dans l’organisme s’accompagne d’une réponse humorale plus ou moins intense (tuberculoïde +/-, lépromateux +++) avec production d’anticorps anti-M. leprae non protecteurs (cf « Sérologie »).

A – RÉPONSE IMMUNITAIRE À MÉDIATION CELLULAIRE :

La pénétration du BH dans les macrophages tissulaires provoque l’activation du macrophage qui va produire de nombreux produits toxiques pour le BH et en particulier le tumor necrosis factor alpha (TNFa) qui de plus est un facteur autocrine d’activation macrophagique.

Le macrophage activé va réaliser le processing des BH, aboutissant à sa destruction en de nombreux antigènes peptidiques qui, exprimés à la surface de la cellule infectée, pourront être présentés aux lymphocytes T, deuxième population cellulaire impliquée dans l’IMC.

L’étape d’induction de la réponse spécifique vis-à-vis de M. leprae, au cours de laquelle les antigènes (Ag) microbiens en combinaison avec les molécules du système human leukocyte antigen ou HLA (phénomène de restriction) sont présentés par les macrophages aux lymphocytes T, fait intervenir le récepteur T spécifique de l’Ag (TCR) présent à leur surface, et aboutit à leur stimulation.

Ainsi peuvent être stimulés des lymphocytes T spécifiques de M. leprae de sous-type helper CD4+ ou cytotoxique/suppresseur CD8+.

Ces lymphocytes T stimulés produisent un grand nombre de médiateurs chimiques appelés cytokines.

Selon la catégorie prédominante de cytokines produites, ces lymphocytes sont dits de type 1 (Th1) ou de type 2 (Th2).

Les lymphocytes de type Th1 produisent de l’interleukine (IL) 2, facteur de croissance autocrine des lymphocytes T, de tumor necrosis factor (TNFa) et d’interféron gamma (IFNc), facteurs d’activation des macrophages et des cellules cytotoxiques natural killers (NK).

Les lymphocytes de type 2 synthétisent de l’IL4, facteur de désactivation des lymphocytes Th1, de l’IL5, facteur de stimulation des lymphocytes B et donc de la production d’anticorps et de l’IL10, facteur de désactivation des macrophages.

Ainsi, il existe un système dichotomique de production de cytokines proactivatrices (type 1) et désactivatrices (type 2).

Au niveau des lésions cutanées de lèpre, il a été montré que l’infiltrat tuberculoïde était riche en lymphocytes T majoritairement de type CD4 et producteurs de cytokines de type 1.

La production des cytokines Th1 permettrait l’amplification de la réponse T CD4+ (IL2) et l’augmentation de l’activité bactéricide des macrophages (IFNc).

À l’inverse, les lésions lépromateuses non seulement sont pauvres en lymphocytes T, mais ceux-ci sont essentiellement de type CD8+ et sécréteurs de cytokines de type 2.

In vitro, une restauration de la réponse proliférative des lymphocytes T à M. leprae chez certains lépromateux a pu être obtenue par addition d’IL2 ou d’IFNc.

L’injection dans les lésions lépromateuses d’IL2 ou d’IFNc est associée à une récupération partielle de la réponse et à une diminution du nombre de bacilles.

Ces résultats confirment l’importance de ces deux cytokines dans la qualité de la réponse immunitaire.

Une autre voie d’activation des lymphocytes a été récemment décrite.

Cette voie implique la présentation d’antigènes lipidiques non spécifiques de M. leprae (LAM, acides mycoliques) par des cellules « dendritiques » exprimant à leur surface une des molécules du complexe CD1 (CD1b, CD1c).

Ces cellules présentes dans les lésions cutanées et les ganglions sont capables d’activer des lymphocytes NK (CD8+ ou CD4-, CD8-) doués d’activité cytolytique vis-à-vis des macrophages.

B – PHÉNOMÈNES SUPPRESSEURS :

De nombreuses observations suggèrent l’existence de phénomènes suppresseurs dans la lèpre.

Certains macrophages de sujets lépromateux sont capables d’inhiber une prolifération lymphocytaire T spécifique.

Cette action pourrait s’exercer par l’intermédiaire de l’IL10 et du transforming growth factor beta (TGFb) secrétés par les macrophages activés.

Des lymphocytes T spécifiques de M. leprae de sous-type CD8+, capables d’inhiber la réponse proliférative lymphocytaire T vis-à-vis de M. leprae de patients tuberculoïdes, ont été extraits du sang et de la peau de sujets lépromateux.

Ces lymphocytes suppresseurs étaient de type 2 et leur spécificité antigénique, le PGL1, spécifique de M. leprae.

Immunogénétique :

L’influence génétique dans la susceptibilité ou la résistance des individus à la maladie de Hansen est discutée depuis de nombreuses décennies.

Actuellement, la question reste posée et est envisagée de deux façons : existe-t-il un contrôle génétique de la susceptibilité à la lèpre elle-même ?

Et/ou existe-t-il un contrôle génétique de l’expression clinique de la maladie ?

– Deux études réalisées chez des jumeaux homozygotes (MZ) et hétérozygotes (HZ) suggèrent l’existence d’une influence génétique mais a priori non exclusive.

La première étude a montré que 83 % des MZ présentaient la même forme de lèpre, alors que cela était le cas chez seulement 17 % des HZ.

Dans la seconde étude, une plus grande concordance de la présence de lèpre chez les MZ (37/62) que chez les HZ (8/40) a été observée mais une absence de lèpre chez un des jumeaux MZ a été notée dans 25 cas et une discordance de forme clinique dans cinq cas.

– L’utilisation du système HLA comme marqueur génétique a révélé une association entre les formes tuberculoïdes et le DR2 avec une diminution concomitante du DR6.

Récemment, il a été montré chez les patients indiens présentant une forme tuberculoïde, une augmentation de la prévalence de deux des cinq sous-types moléculaires différents de DR2 : DRB1-1501 et DRB1-1502.

Par opposition, chez les patients lépromateux, on a observé une prévalence accrue de l’haplotype DQ1, un allèle qui a un déséquilibre de liaison très important avec le DR2.

– Les analyses de ségrégation, recherchant l’existence d’un gène majeur de susceptibilité ou de résistance à la lèpre réalisées dans différents pays, suggèrent l’existence d’un gène majeur récessif pour la lèpre lépromateuse, pour la lèpre non lépromateuse et pour la lèpre per se.

En revanche, l’existence d’un seul gène ne peut rendre compte des différents phénotypes de la maladie.

De nombreuses recherches sont en cours actuellement pour déterminer quel serait ce gène et le produit de ce gène.

Classification :

En raison du tropisme particulier de M. leprae, les lésions sont avant tout cutanées et neurologiques.

Cependant, et particulièrement sur le plan cutané, il existe un grand polymorphisme clinique qui constitue la caractéristique majeure de la maladie.

Ce polymorphisme est directement dépendant du statut immunitaire du patient et en particulier des capacités de son IMC à le défendre vis-à-vis de M. leprae.

En raison de ce polymorphisme, qui fait de la lèpre une « maladie à spectre », de nombreuses classifications ont été proposées.

Parmi celles-ci, la classification en cinq groupes de Ridley et Jopling est la plus précise.

A – CLASSIFICATION DE RIDLEY ET JOPLING :

En 1962, Ridley et Jopling ont proposé une classification basée sur des critères cliniques, histologiques, bactériologiques et immunologiques qui distinguent cinq formes : TT-BT-BB-BL-LL.

1- Forme tuberculoïde polaire (TT) :

Elle est caractérisée par une « bonne » réponse de l’individu vis-àvis du BH. Cette bonne réponse se traduit :

– sur le plan clinique par l’existence d’une seule lésion cutanée et l’absence habituelle d’atteinte névritique ;

– sur le plan bactériologique par l’absence de bacille décelable ;

– sur le plan histologique par l’existence d’un granulome lymphoépithélioïde ;

– sur le plan immunologique par une intradermoréaction à la lépromine (réaction de Mitsuda) très positive.

2- Forme lépromateuse polaire (LL) :

À l’opposé de la précédente, elle traduit une incapacité totale de réponse immunitaire vis-à-vis du BH responsable de la multiplication et de la dissémination du bacille dans l’organisme.

Sur le plan clinique, les lésions cutanées et neurologiques sont très nombreuses, la charge bacillaire très importante, l’histologie montre un granulome de « cellules de Virchow » pauvre en lymphocytes et la réaction de Mitsuda est négative.

Entre ces deux formes, pour lesquelles le statut immunitaire vis-à-vis du BH est stable, il existe des formes dites borderline ou « intermédiaires » au cours desquelles les capacités de réponse peuvent se modifier spontanément ou sous l’influence de différents facteurs, dont le traitement antibacillaire.

La modification de l’IMC vis-à-vis de M. leprae des patients borderline a une traduction clinique correspondant aux « états réactionnels » dits de type 1.

Selon que prédominent les signes de lèpre tuberculoïde ou lépromateuse, on distingue les formes suivantes.

3- Forme « borderline » tuberculoïde (BT) :

Elle a sensiblement les mêmes caractéristiques histologiques et immunologiques que la forme TT mais elle expose, sur le plan clinique, à de plus nombreuses lésions cutanéonévritiques, et sur le plan bactériologique, à l’existence d’un petit nombre de BH décelables dans les lésions cutanées.

4- Forme « borderline » lépromateuse (BL) :

Elle se distingue de la forme LL par l’aspect des lésions cutanées souvent annulaires et en histologie par un infiltrat plus riche en lymphocytes.

En revanche, comme elle, elle associe une forte charge bacillaire et une réaction de Mitsuda négative.

5- Forme « borderline borderline » (BB) :

Rare, elle correspond à la forme la plus instable du point de vue immunologique.

Elle se caractérise par des lésions cutanées d’aspect uniquement annulaire.

La bactériologie est positive et la réaction de Mitsuda est négative ou douteuse.

B – CLASSIFICATIONS DE L’OMS :

La classification de Ridley et Jopling repose sur des critères souvent difficiles à obtenir dans les conditions de terrain ; pour cette raison, l’OMS a proposé différentes classifications.

1- Classification bactériologique :

En 1981, l’OMS a proposé une classification, ou plus exactement une nomenclature, basée exclusivement sur la bactériologie et destinée à simplifier l’application des protocoles thérapeutiques.

Révisée en 1987, cette nomenclature distingue deux groupes de patients, le groupe paucibacillaire (PB) sans BH détectable à index bacillaire [IB] négatif et le groupe multibacillaire (MB) à IB positif pouvant aller de 1+ à 6+ (cf « Bactériologie »).

2- Classification clinique :

L’application et la reproductibilité des examens bactériologiques étant apparues difficiles dans de nombreux pays, l’OMS a proposé (sans exclure la précédente) en 1995 et en 1998 une nouvelle nomenclature basée sur la seule clinique, qui distingue :

– la lèpre PB à lésion unique (SL : single lesion) : une lésion hypoou anesthésique, maculeuse ou infiltrée ; absence d’atteinte nerveuse ;

– la lèpre PB : présence de deux à moins de cinq lésions, hypo- ou anesthésiques, maculeuses ou infiltrées, hypopigmentées ou érythémateuses, de distribution asymétrique ; atteinte d’un seul nerf (perte de sensibilité et/ou de force musculaire) ;

– la lèpre MB : présence de cinq ou plus de cinq lésions, avec troubles de la sensibilité, maculeuses ou infiltrées, de distribution plus symétrique ; atteinte de plusieurs nerfs (perte de sensibilité et/ou de force musculaire).

3- Correspondance entre les différentes classifications :

Si on essaie de faire une corrélation entre ces classifications et la classification de Ridley et Jopling, on a schématiquement : les formes SL = les formes TT, les formes PB = 40 % des formes BT et les formes MB = 60 % des formes BT, et les formes BB, BL et LL.

Clinique :

Le diagnostic de lèpre est généralement évoqué devant des lésions cutanées et neurologiques, plus rarement devant des atteintes neurologiques isolées et exceptionnellement devant des atteintes d’autres organes (oeil, os…).

A – MANIFESTATIONS CUTANÉES :

1- Lèpre tuberculoïde (formes TT, BT, PB) :

Les lésions T peuvent être maculeuses ou infiltrées. Les lésions maculeuses sont hypochromiques, planes, de grande taille (plus de 5 cm de diamètre), avec une limite nette par rapport à la peau saine avoisinante.

Leur surface peut être normale ou discrètement sèche.

Les lésions infiltrées, succédant ou non à des lésions maculeuses, sont des lésions en relief, hypochromiques et érythémateuses. De taille supérieure à 5 cm, elles peuvent atteindre 15 à 20 cm de diamètre.

Ces lésions peuvent être soit infiltrées en totalité, constituant un placard surélevé à limite nettement découpée par rapport à la peau saine, ou infiltrées seulement en bordure prenant un aspect annulaire avec un centre d’aspect parfois normal et une bordure surélevée bien découpée.

Qu’elles soient maculeuses ou infiltrées, les lésions tuberculoïdes sont toujours hypo- ou anesthésiques à un, deux ou aux trois modes de sensibilité (tact, chaleur, douleur).

Elles sont peu nombreuses, généralement inférieures à 10 et disposées de façon asymétrique sur le tégument, sans localisation préférentielle.

Sous traitement et en l’absence d’état réactionnel, les lésions tuberculoïdes disparaissent sans laisser de cicatrice.

Les troubles sensitifs à leur niveau peuvent persister ou disparaître sous traitement.

Dans la forme TT, il existe théoriquement une seule lésion cutanée, maculeuse ou infiltrée, anesthésique.

Dans la forme BT, les lésions sont plus nombreuses (deux à dix), avec souvent quelques lésions « satellites » de petite taille à proximité des lésions plus importantes.

Elles sont maculeuses ou infiltrées et alors volontiers annulaires, disposées de façon asymétrique et toujours hypo-, voire anesthésiques.

2- Lèpre lépromateuse (formes BB, BL, LL, MB) :

Les lésions lépromateuses peuvent également être maculeuses ou infiltrées. Les lésions maculeuses sont des lésions planes, de petite taille, de 0,5 à 2 cm de diamètre, plus ou moins discrètement hypochromiques sur la peau noire et de teinte érythématocuivrée sur la peau blanche, à limites floues par rapport à la peau saine avoisinante, leur surface est généralement normale.

Les lésions infiltrées résultent de l’infiltration des lésions maculeuses.

Cette infiltration peut être soit globale et les lésions ont alors l’aspect de papules ou de papulonodules appelés « lépromes », de petite taille (0,5 à 2 cm de diamètre), de teinte érythémateuse plus ou moins hypochromiques.

L’infiltration peut parfois se faire en bordure des lésions maculeuses, réalisant alors des lésions annulaires dont le centre est plus ou moins infiltré et dont la bordure est large (1 à 2 cm) et mal limitée par rapport à la peau saine avoisinante.

Ces lésions annulaires sont généralement de plus grande taille que les lésions à type de lépromes et peuvent atteindre 5 à 10 cm de diamètre.

En l’absence de traitement, les lésions lépromateuses peuvent confluer, particulièrement les lésions à type de lépromes, et être responsables d’une infiltration diffuse provoquant au niveau du visage le classique « faciès léonin ».

Les lésions lépromateuses sont généralement très nombreuses, classiquement supérieures à 20 lésions pouvant aller jusqu’à plus de 100 lésions.

Elles ont une disposition bilatérale et symétrique sur le corps.

Elles n’ont pas de localisation préférentielle, cependant, il est habituel d’observer et de rechercher au niveau des lobules des oreilles l’existence de lépromes ou d’une infiltration diffuse.

Il est également habituel d’observer au niveau des extrémités une infiltration responsable d’un aspect boudiné des doigts et des orteils.

La lèpre lépromateuse n’est pas alopéciante au niveau du cuir chevelu, en revanche la classique « chute de la queue des sourcils et des cils » s’observe lorsque l’infiltration lépromateuse est importante.

Qu’elles soient maculeuses ou infiltrées, les lésions lépromateuses ne sont pas ou très peu hypoesthésiques.

Sous l’effet du traitement et en l’absence d’états réactionnels, les lésions disparaissent sans laisser de cicatrice, sauf en cas d’infiltration très importante, particulièrement au niveau du lobules des oreilles, où il peut persister après guérison un aspect atrophique et chalazodermique.

Dans la forme BB, les lésions sont strictement annulaires, en nombre variant de 10 à 20, de taille intermédiaire de 5 à 15 cm, à bordure floue, peu ou pas hypoesthésiques.

Dans la forme BL, les lésions sont à la fois de type lépromes et de type annulaires, rarement ou alors très peu hypoesthésiques.

Elles sont nombreuses, supérieures à 20 et elles ont une disposition bilatérale et symétrique.

Dans la forme LL, les lésions sont exclusivement à type de macules et/ou de lépromes, non hypoesthésiques.

Elles sont très nombreuses, supérieures à 50, disposées de façon bilatérale et symétrique.

Une infiltration du lobule des oreilles, des doigts et des orteils ainsi qu’une alopécie de la queue des sourcils sont habituelles, particulièrement dans les formes évoluées.

3- Lèpre indéterminée :

À côté des formes tuberculoïdes et lépromateuses, il existe une forme dite « indéterminée ».

Cette forme, qui correspondrait à la forme de début de la maladie, passe souvent inaperçue en raison de la discrétion de ses signes.

Elle serait susceptible de guérir sans traitement.

Elle s’observe surtout chez l’enfant dont elle représente 30 à 75 % des formes de lèpre.

De diagnostic difficile, elle se présente sous l’aspect de une à deux lésions discrètement hypochromiques, souvent arrondies, de 2 à 5 cm de diamètre, à limites floues, sans (pré-L) ou avec de très discrets troubles de la sensibilité (pré-T).

B – MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES :

1- Hypertrophie des nerfs périphériques :

Le signe, quasi pathognomonique, de l’atteinte neurologique de la maladie de Hansen est l’hypertrophie des nerfs périphériques.

Les nerfs intéressés sont les nerfs périphériques et en particulier, le nerf cubital dans la gouttière épitrochléenne, le nerf médian au niveau du canal carpien, le nerf radial à la face dorsale du poignet, le nerf sciatique poplité externe au creux poplité, le nerf tibial postérieur dans la gouttière rétromalléolaire interne, le plexus cervical superficiel au cou et le nerf sus-orbitaire au niveau du sourcil.

Cette hypertrophie peut être régulière, cylindrique ou fusiforme, ou au contraire irrégulière, monoliforme. Elle est parfois visible sous la peau.

Elle est de consistance ferme ou dure, devant faire craindre une fibrose nerveuse.

Le caractère douloureux spontanément ou à la pression est inconstant.

Lorsqu’il est majeur, il doit faire craindre une compression nerveuse, une névrite réactionnelle ou un abcès nerveux.

2- Déficit sensitif ou moteur :

Le deuxième signe de l’atteinte des nerfs périphériques est l’existence de déficit sensitif et/ou moteur sans atteinte des réflexes ostéotendineux, dans les territoires correspondant aux nerfs précédemment cités.

Le déficit sensitif se traduit initialement par des paresthésies, des sensations d’engourdissement et plus ou moins rapidement par une hypo- ou une anesthésie, globale ou dissociée, d’une partie ou de la totalité du territoire, réalisant une anesthésie en « manchette » aux membres supérieurs et en « chaussette » aux membres inférieurs.

La fréquente absence de systématisation stricte du déficit au territoire innervé est une des caractéristiques de l’atteinte lépreuse.

Les conséquences de cette atteinte sensitive font toute la gravité de la maladie de Hansen à long terme.

En effet, au niveau des mains et des pieds, elle est responsable de brûlures ou de blessures accidentelles non perçues par le patient, occasionnant des plaies dont la surinfection peut être à l’origine de la survenue d’ulcérations chroniques ou « maux perforants plantaires » et d’infection osseuse sous-jacente conduisant à des amputations.

Les troubles moteurs à type de faiblesse musculaire puis de paralysie sont responsables d’amyotrophies et de déformations des doigts et des orteils, réalisant les classiques aspects dits : en « griffe » cubitale ou cubitomédiane avec hyperextension de la première phalange et flexion des deuxième et troisième phalanges ; en « main de singe » par amyotrophie des muscles interosseux et des éminences thénar et hypothénar et en « marteau » des orteils.

L’atteinte du nerf sciatique poplité externe entraîne un steppage du pied avec impossibilité de le relever, gêne à la marche et déviation du pied en varus équin.

La paralysie du plexus cervical superficiel est responsable d’une paralysie faciale avec inocclusion des paupières et possible anesthésie cornéenne, exposant à des kératites lagophtalmiques et neuroparalytiques.

3- Atteinte selon la forme :

Ces signes sont communs à toutes les formes de la maladie.

Les différences portent sur le nombre de nerfs atteints et sur la gravité de l’atteinte.

– Dans les formes tuberculoïdes TT et BT, l’atteinte névritique intéresse un ou quelques nerfs de façon asymétrique.

Elle est généralement rapidement sévère en raison de l’existence au niveau des nerfs d’un granulome épithélioïde responsable d’une nécrose des cellules nerveuses.

– Dans les formes lépromateuses BB, BL et LL, l’atteinte névritique est généralement multiple, bilatérale et symétrique.

Elle reste assez longtemps silencieuse à type d’hypertrophie isolée et les déficits sensitivomoteurs sont généralement provoqués par la survenue d’états réactionnels.

C – AUTRES ATTEINTES SPÉCIFIQUES :

Les atteintes spécifiques de la maladie d’autres organes sont exceptionnelles dans les formes tuberculoïdes.

Cependant, des infiltrats tuberculoïdes ont été notés dans le foie, les ganglions et dans les os des extrémités ; dans ces deux derniers cas, toujours dans le territoire des lésions cutanées.

À l’inverse, dans les formes lépromateuses, les localisations extracutanées et neurologiques de la maladie sont fréquentes.

1- Atteinte oculaire :

Elle est fréquente, responsable de 1 à 2% des cas de cécité en pays d’endémie.

Bien que le BH soit probablement présent très précocement dans l’oeil, en particulier dans les larmes, la détection des lésions est rare avant la cinquième année d’évolution.

– Les lésions lépromateuses peuvent se localiser aux paupières et obturer les canaux et les glandes lacrymales entraînant une sécheresse oculaire.

Les lépromes peuvent également se localiser au niveau des différents segments de la chambre antérieure :

– au niveau de la conjonctive sous l’aspect de micronodules blanchâtres ;

– au niveau de la cornée réalisant une kératite ponctuée superficielle ou plus rarement une kératite interstitielle micronodulaire.

Ces lépromes peuvent s’ulcérer et laisser des taies cornéennes ou évoluer vers une calcification définitive.

Une iridocyclite micronodulaire chronique peut également survenir et évoluer vers des synéchies.

Les lépromes sont exceptionnels au niveau du cristallin et de la sclère.

– L’hypertrophie des nerfs cornéens visibles à la lampe à fente est quasi pathognomonique de la maladie.

Elle est asymptomatique et disparaît ou se calcifie sous traitement.

2- Atteinte oto-rhino-laryngologique :

Elle survient dans 80 % des cas de lèpre lépromateuse et est directement liée à la présence de M. leprae dans les muqueuses. Les atteintes sévères ne se voient que dans les formes très évoluées.

* Atteinte buccale :

Des lépromes peuvent se localiser aux lèvres, au voile du palais et plus rarement à la langue.

Ils peuvent s’ulcérer et laisser des cicatrices fibreuses.

Exceptionnellement des ulcérations de palais peuvent apparaître.

* Atteinte nasale :

Au stade précoce un enchifrènement avec rhinite séreuse est habituel.

La muqueuse est congestive avec parfois présence dans les cornets inférieurs de granulations jaunâtres ou grisâtres.

À un stade plus évolué s’installe une rhinite mucopurulente et croûteuse.

La muqueuse est le siège de plus volumineux lépromes et apparaît saignotante.

Au stade ultérieur correspond une rhinite atrophique intéressant la muqueuse et la sous-muqueuse.

Progressivement apparaît une résorption du cartilage et parfois des os propres du nez, qui aboutit à des déformations en « nez en lorgnette » ou « nez en selle ».

* Atteinte laryngée :

Elle est également fréquente (30-60 %) et débute au niveau de l’épiglotte par des microgranulations.

L’infiltration diffuse progressivement aux aryténoïdes et à la sous-glotte et des ulcérations peuvent survenir.

Elle peut évoluer exceptionnellement (de nos jours) vers une fibrose avec sténose laryngée.

3- Atteintes articulaires et musculaires :

– Les atteintes articulaires en dehors de tout état réactionnel ne seraient pas rares dans la lèpre lépromateuse mais souvent négligées.

Il s’agit le plus souvent de simples arthralgies et parfois de mono- ou polyarthrite.

Plus rarement on observe le « syndrome des doigts boudinés » (swollen hand syndrome) caractérisé par une infiltration ferme des doigts et/ou des orteils avec enraidissement pouvant évoluer vers des déformations proches de celles de la polyarthrite rhumatoïde.

– Les atteintes musculaires spécifiques symptomatiques sont exceptionnelles, bien qu’une infiltration lépromateuse des muscles striés ait été observée.

En pratique, les amyotrophies secondaires aux atteintes nerveuses constituent les seules atteintes musculaires de la maladie.

4- Atteinte osseuse et ostéoarticulaire et troubles trophiques :

Les lésions osseuses et ostéoarticulaires, spécifiques ou secondaires, ne sont pas rares et sont en général tardives.

Elles correspondent à des images radiologiques et des déformations très caractéristiques et siègent exclusivement au niveau des extrémités.

Les lésions spécifiques dues à la pénétration de BH dans l’os par voie hématogène réalisent des images de géode ou de pseudokyste, unique ou multiple au niveau des méta- ou des épiphyses phalangiennes.

Leur ouverture dans l’articulation est responsable d’une ostéoarthrite spécifique destructrice avec déformation en « tampon de wagon ».

Les lésions secondaires sont beaucoup plus fréquentes.

Elles sont d’origines vasculaire et trophonévritique et s’observent dans les formes tuberculoïdes et lépromateuses.

Elles sont insensibles au traitement spécifique et évoluent pour leur propre compte.

Elles réalisent des images d’ostéoporose diffuse, d’érosion à type d’encoche, d’ostéolyse latérale des phalanges en « sucre d’orge sucé » ou frontale en « virgule » au niveau des phalanges.

Leur traduction clinique est polymorphe : mobilité anormale, raccourcissement ou résorption d’un ou plusieurs articles des doigts ou orteils, déviations axiales.

Les troubles trophiques sont secondaires aux atteintes nerveuses (paralysie, anesthésie) et aux atteintes osseuses (déformations, résorptions osseuses).

Au niveau des pieds, ils correspondent aux classiques maux perforants plantaires, ulcérations chroniques, indolores, de taille variable, à bords atones couenneux, à fond difficilement bourgeonnant.

Ils siègent dans deux tiers des cas au niveau de l’avant-pied et au niveau de points d’appui anormaux liés aux déformations.

Leur surinfection est à l’origine d’ostéite ou ostéoarthrite sous-jacente et de poussées d’érysipèle.

5- Atteinte rénale :

Responsable de 13 à 38 % des décès au cours de la lèpre, elle est rarement spécifique car la présence d’un infiltrat lépromateux intrarénal est exceptionnelle.

Elle est surtout secondaire, observée chez les patients lépromateux ayant présenté des érythèmes noueux récidivants ou un mal perforant plantaire durant de nombreuses années.

Les lésions sont à type de glomérulonéphrite interstitielle, de glomérulonéphrite extramembraneuse et d’amylose secondaire.

6- Atteintes d’autres organes :

Des infiltrats lépromateux ou des BH sont retrouvés dans de nombreux organes dont :

– les ganglions : des polyadénopathies sont présentes dans 95 % des cas lors du diagnostic ;

– le foie (90-100 %) : sans traduction clinique mais avec parfois de discrètes perturbations biologiques ;

– la moelle osseuse, la rate, les cellules endothéliales, de façon asymptomatique ;

– les organes génitaux chez l’homme (mais pas chez la femme) : la présence de BH peut entraîner une orchite ou une orchiépididymite (50 %) non douloureuse en dehors d’états réactionnels.

Celles-ci peuvent évoluer vers une atrophie testiculaire, responsable d’infantilisme chez l’enfant, de stérilité et d’une gynécomastie bilatérale (5 % des lèpres lépromateuses) chez l’adulte ;

– enfin, exceptionnellement, des granulomes lépromateux ont été observés dans le poumon, le coeur, le cerveau et le tube digestif.

Formes cliniques :

A – LÈPRE DE LUCIO-LATAPI :

Décrite initialement au Mexique en 1948, elle s’observe en Amérique du Sud et reste exceptionnelle ailleurs.

Il s’agit d’une forme lépromateuse polaire « diffuse ».

Elle se caractérise par l’installation progressive d’une infiltration cutanée diffuse sans nodule individualisable, donnant à la peau un aspect brillant, « succulent », myxoedématoïde.

Au début, l’impression donnée au niveau du visage est celle de « bonne santé » d’où son appellation de lepra bonita.

Puis progressivement s’installe une atrophie cutanée avec peau sèche, vieillie.

La chute des sourcils, cils et duvet corporel est constante. Plus rarement les poils pubiens, axillaires et les cheveux sont atteints.

B – LÈPRE HISTOÏDE :

La lèpre histoïde de Wade représente 8 à 13% des formes lépromateuses.

Il s’agit d’une forme lépromateuse polaire particulière par son aspect clinique et histologique.

Initialement, elle a été décrite comme plus fréquente lors des récidives de forme lépromateuse résistante secondaire à la DDS.

En fait, elle peut s’observer comme forme initiale de la maladie en dehors de toute résistance bacillaire.

Les lésions cutanées typiques sont des nodules érythémateux de 0,5 à 1,5 cm, hémisphériques, normoesthésiques, de consistance ferme, voire dure, posés sur la peau.

Il peut s’y associer des lésions papuleuses, des placards infiltrés et des nodules sous-cutanés fixes et indolores.

Les lésions siègent préférentiellement en regard des reliefs osseux et peuvent s’ulcérer.

L’atteinte neurologique est de type lépromateux, sans particularité.

Une atteinte ORL sévère est fréquente.

L’histologie est tout à fait particulière (cf « Anatomopathologie »).

Les index morphologique (IM) et IB sont toujours très positifs (IM : 20-50 % ; IB : 4-6+).

La réaction de Mitsuda est toujours négative.

Évolution : elle réagit normalement au traitement antibacillaire.

C – LÈPRE NERVEUSE PURE :

Rare (1 %), la lèpre nerveuse pure s’observe surtout en Inde.

Caractérisée par une atteinte neurologique isolée, elle peut être tuberculoïde (Mitsuda positif), touchant un ou deux nerfs, ou lépromateuse (Mitsuda négatif) bilatérale et symétrique.

Elle est rarement diagnostiquée au stade d’hypertrophie nerveuse mais le plus souvent au stade de troubles sensitifs et/ou moteurs.

Son diagnostic est souvent clinique, la maladie de Hansen étant la seule pathologie, à l’exception de la rare maladie de Déjerine-Sottas, qui donne une hypertrophie nerveuse.

Lorsqu’une biopsie nerveuse est réalisée, elle montre dans les formes récentes un infiltrat tuberculoïde ou lépromateux avec quelques BH et plus tardivement une fibrose.

Récemment, il a été décrit des cas de lèpre initialement neurologique pure qui dans des délais variables de quelques mois à plus de 1 an ont développé des lésions cutanées.

D – LÈPRE DE L’ENFANT :

La fréquence de la lèpre chez l’enfant varie de 4 à 27% selon les auteurs.

En 1998, la lèpre de l’enfant représentait 14 % des nouveaux cas dépistés.

Elle peut se voir à tous les âges entre la naissance et 15 ans avec un maximum de fréquence entre 5 et 14 ans (70-90 %).

Les particularités propres à l’enfant sont la fréquence égale entre les deux sexes et la prédominance des formes tuberculoïdes en particulier polaires TT, et des formes indéterminées LI.

L’aspect clinique est comparable à celui de l’adulte. Cependant, on décrit une forme tuberculoïde « papulonodulaire » caractérisée par une lésion unique nodulaire, de 1 à 3 cm, érythémateuse qui guérit spontanément.

E – LÈPRE ET GROSSESSE :

Outre le problème de la contamination in utero évoqué précédemment, il faut préciser qu’une plus grande fréquence d’enfants de faible poids a été signalée par certains auteurs, qu’une aggravation de la maladie peut être observée surtout dans le troisième trimestre de la grossesse chez les patientes lépromateuses non traitées et que la grossesse constitue une cause déclenchante d’érythème noueux lépreux (ENL).

F – LÈPRE ET INFECTION PAR LE VIRUS DE L’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE (VIH) :

Bien que les zones d’endémie des deux affections se recoupent, il n’a pas à ce jour été observé de recrudescence de la lèpre, contrairement aux autres affections à mycobactéries.

Il semblerait cependant qu’il y ait une augmentation des formes multibacillaires lépromateuses parmi les nouveaux cas co-infectés par le VIH.

Toutes les formes de lèpre et d’états réactionnels ont été observées indépendamment du degré d’immunodéficience.

Les poussées névritiques seraient plus fréquentes chez ces patients.

La réponse au traitement antibacillaire est la même que celle des patients VIH négatifs.

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