Maladie de Dupuytren

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Introduction :

Survenant le plus souvent chez un homme de 40 à 50 ans et se rencontrant chez 4 à 10% d’une population générale, la maladie de Dupuytren, fibrose rétractile de l’aponévrose palmaire superficielle, est encore actuellement d’étiologie inconnue mais de multiples hypothèses sont émises.

L’existence d’affections présumées de même origine, mais avec des manifestations et des localisations différentes, amène à la notion de terrain, sans doute génétique, avec une diathèse de Dupuytren.

L’anatomie, les différentes hypothèses physiopathologiques et étiopathogéniques permettent de mieux aborder les possibilités thérapeutiques.

Maladie de Dupuytren
Anatomie :

Bien que le point de départ du processus extra- ou intra-aponévrotique soit source de controverses, les structures aponévrotiques de la face palmaire de la main et des doigts constituent la trame selon laquelle se développe l’affection.

A – Aponévrose palmaire superficielle :

Elle comporte trois parties :

– l’aponévrose palmaire interne qui tapisse les muscles hypothénariens et il faut insister sur la bandelette cubitale interne prolongeant le tendon du muscle court abducteur vers le cinquième rayon ;

– l’aponévrose palmaire externe qui recouvre les muscles thénariens ; il faut y adjoindre les éléments fibreux de la première commissure dont la rétraction limite l’ouverture de celle-ci ;

– l’aponévrose palmaire moyenne triangulaire à sommet supérieur.

Troisième partie de l’aponévrose superficielle, son anatomie est bien connue et nous rappellerons certains points essentiels.

L’aponévrose palmaire moyenne occupe la partie moyenne de la paume et comporte des formations frontales et sagittales.

Dans le plan frontal, les quatre bandelettes prétendineuses vont diverger vers chacun des rayons digitaux.

Elles sont réunies à la hauteur du pli palmaire distal par trois lames de fibres transversales au niveau des deuxième, troisième et quatrième espaces constituant le ligament transverse superficiel qui est situé à la face profonde des bandelettes prétendineuses.

Le bord proximal du ligament transverse superficiel est toujours bien individualisé avec, dans les intervalles des bandelettes prétendineuses, une zone bien visible à l’examen clinique contenant de la graisse lobulée et en profondeur la bifurcation artérioveineuse et les nerfs collatéraux.

Dans la première commissure, les fibres du ligament transverse superficiel se poursuivent en formant le ligament commissural proximal.

Une deuxième formation, plus distale, le ligament palmant interdigital ou ligament natatoire, croise superficiellement la base des phalanges proximales et forme le squelette fibreux des commissures interdigitales.

Son bord proximal est rectiligne, allant du bord radial de l’index au bord cubital de l’auriculaire et son bord distal se prolonge dans le fascia digital.Au niveau de l’auriculaire, il se dédouble pour englober le paquet vasculonerveux cubital ainsi que le tendon du court abducteur auquel il adhère.

Dans sa partie radiale, il se poursuit par le ligament commissural distal dans la première commissure. Le ligament palmant interdigital a, outre ses fibres transversales, des fibres longitudinales bien décrites par Gosset, puis par Thomine, et qui sont profondes par rapport aux pédicules vasculonerveux.

Il existe donc au niveau des commissures un véritable chiasma fibreux commissural adhérent à la peau au niveau des crêtes commissurales.

En revanche, la peau à la partie latérale des commissures est libre d’adhérences et cette zone facilement décolable constitue un point important dans la dissection des lésions digitales.

Dans le plan sagittal, il existe des formations qui vont de la face profonde de l’aponévrose palmaire superficielle vers l’aponévrose profonde.

Ces cloisons débutent à la hauteur du bord proximal du ligament transverse superficiel et forment une série de huit cloisons verticales décrites par Legjueu et Juvara déterminant des loges contenant, soit les tendons fléchisseurs, soit les muscles lombricaux et les pédicules vasculonerveux.

Enfin, l’aponévrose palmaire moyenne superficielle est reliée à la peau palmaire, épaisse, par des tractus fibreux verticaux.

Le fascia digital, enfin, se dédouble au niveau des faces antérolatérales des doigts pour englober les pédicules vasculonerveux palmaires.

La fine enveloppe sous-cutanée est séparée de la peau palmaire par un tissu celluloadipeux cloisonné par des tractus fibreux qui le relient à la face profonde du derme et le coussinet adipeux disparaît au niveau des plis de flexions digitaux.

Ce fascia adhère latéralement à la gaine fibreuse des tendons fléchisseurs mais n’adhère pas à sa face antérieure, sauf en regard de l’articulation interphalangienne proximale (IPP).

Dorsalement, par rapport aux pédicules vasculonerveux collatéraux palmaires, on constate un cloisonnement frontal allant du squelette au derme, décrit par Cleland, perforé de nombreux orifices pour le passage des éléments vasculonerveux destinés à la portion dorsale du doigt.

Le ligament de Cleland semble se confondre en partie avec la bandelette rétrovasculaire, mais McFarlane pense que ces deux formations coexistent.

En avant du pédicule vasculonerveux palmaire, existe, enfin, une très fine membrane qui correspond aux « ligaments » décrits par Grayson et qui serait le feuillet de dédoublement antérieur de la gaine fibreuse entourant les pédicules.

B – Déformations :

Toutes les structures aponévrotiques de la main ne sont pas atteintes par la maladie de Dupuytren.

La fibrose rétractile atteint essentiellement les plans aponévrotiques superficiels et les aponévroses thénariennes et hypothénariennes sont rarement intéressées.

La quasi-totalité des lésions siège dans les plans superficiels de l’aponévrose palmaire moyenne et du fascia digital, c’est-à-dire les bandelettes longitudinales prétendineuses, mais surtout, dans leur partie distale, le ligament palmant interdigital, ses expansions digitales et son prolongement dans la première commissure et au niveau des doigts, en plus de la bandelette rétrovasculaire dans le ligament de Grayson.

Certains auteurs comme Skoog et McFarlane ont noté que le ligament transverse superficiel n’était pas atteint, peut-être parce qu’il est moins soumis à des variations de tension lors des mouvements des doigts, en notant, cependant, que son prolongement dans la première commissure, peut, lui, être atteint avec rétraction du ligament commissural proximal.

Toute déformation par une bride fibreuse implique un segment osseux mobile sur lequel peut agir la rétraction et les déformations siègent essentiellement au niveau digital.

À la paume, la rétraction entraîne une flexion des articulations métacarpophalangiennes (MP) et, de plus, la rétraction du ligament palmant interdigital rétrécit transversalement les espaces commissuraux empêchant l’écartement des doigts et contribuant, par ailleurs, à la rétraction en flexion des IPP.

Au niveau digital, la rétraction entraîne, outre la flexion MP, une flexion IPP alors qu’il est très rare d’avoir une flexion interphalangienne distale (IPD) qui est plutot déformée en hyperextension, cette hyperextension serait due à la rétraction du faisceau longitudinal du ligament rétinaculaire, équivalent d’une déformation en boutonnière fixée.

Cette rétraction est controversée dans sa physiopathologie, car il semble qu’il ne soit pas atteint par la maladie de Dupuytren, mais rétracté secondairement du fait du flessum de l’IPP aboutissant à une déformation en boutonnière fixée. Plusieurs variétés de brides digitales existent, bien décrites par McFarlane :

– la bride axiale digitopalmaire constitue le prolongement de la bandelette prétendineuse ;

– la bride latérale adhère à sa partie proximale au ligament palmant interdigital, sauf au niveau du versant cubital du cinquième doigt où elle est fixée sur le tendon du court abducteur, et elle s’interpose entre la peau et le pédicule vasculonerveux qu’elle refoule vers la ligne médiane ; distalement, elle s’insère dans le derme avec parfois une extension fibreuse qui s’insère sur la gaine fibreuse à la base de la deuxième phalange passant en avant du pédicule vasculonerveux ;

– les brides spirales ont, comme leur nom l’indique, un trajet spiralé autour d’un pédicule ; il en existe plusieurs variétés selon leurs insertions proximales qui peuvent être en continuité avec la bride palmaire prétendineuse ou un tendon d’un muscle intrinsèque ; la bride passe sous le pédicule, devient axiale puis surcroise le pédicule pour s’insérer sur la gaine fibreuse ou sur le squelette ; l’aggravation de la rétraction fait que le pédicule est, certes, déplacé vers la ligne médiane, mais surtout superficiellement, ce qui rend toutes dissections à ce niveau très dangereuses ;

– la bride rétrovasculaire longitudinale qui emprunterait la bandelette rétrovasculaire se prolongeant jusqu’à la phalange distale avec rétraction de l’IPP, mais parfois de l’IPD et ces fibres rétrovasculaires non excisées peuvent être responsables de récidive ;

– les brides du cinquième doigt, enfin, présentent des caractères particuliers ; c’est au cinquième rayon que l’on peut voir des lésions digitales isolées sans continuité avec les lésions de l’aponévrose palmaire moyenne et aussi les rétractions les plus marquées ; toutes les variétés de brides déjà décrites peuvent s’y rencontrer, mais l’une est spécifique et presque constante, la bride cubitale attachée sur le tendon de l’abducteur du cinquième doigt et cette bride qui peut rester latérale décrit souvent une spirale autour du pédicule vasculonerveux ; elle est parfois très épaisse et peut rétracter en flexion la MPou attirer l’auriculaire en abduction quand la commissure avec l’annulaire n’est pas envahie.

Enfin, au pouce et à la première commissure, les rétractions sont en rapport avec l’atteinte des structures aponévrotiques avec une bride fibreuse longitudinale sur le bord radial de l’éminence thénar, une bride latérale parfois spirale sur le bord cubital du pouce se prolongeant dans la première commissure, une atteinte de la première commissure par rétraction des ligaments commissuraux pouvant se prolonger vers l’index s’il existe une atteinte du ligament commissural distal.

Hypothèses physiopathologiques et étiopathogéniques :

Si l’étiologie de la maladie de Dupuytren est encore inconnue, de multiples hypothèses ont été émises.

A – Hypothèse traumatique :

C’est l’étiologie retenue par le baron Dupuytren, lorsqu’il décrivit l’affection qui porte son nom.

Dans la législation française, la maladie de Dupuytren n’est pas reconnue comme maladie professionnelle, alors qu’elle l’est dans certains pays (Suède, Russie).

On peut cependant, à la lumière des travaux récents, considérer que le travail manuel, quand il est dur et poursuivi longtemps, aggrave une maladie de Dupuytren débutante et accélère l’évolution d’une forme au stade nodulaire.

B – Hypothèse héréditaire :

Cette étiologie repose sur l’existence contrôlée de cas familiaux (20 à 30 %) avec une transmission génétique sur le mode dominant, et Bower a pu, sur des cultures de fibroblastes, mettre en évidence des anomalies chromosomiques.

Cette hypothèse de transmission génétique cadre avec l’existence d’un facteur racial car la maladie de Dupuytren, très fréquente chez les Anglo-Saxons et les Scandinaves, 4 %chez les moins de 40 ans, 30 % chez les plus de 60 ans selon Hueston, est moins fréquente dans les populations méditerranéennes et exceptionnelle chez les Noirs, Indiens et Chinois. Egawa a rapporté récemment le chiffre de 16 %chez les Japonais.

On a rapproché cette notion de transmission héréditaire avec la fréquence de l’association entre épilepsie idiopathique et maladie de Dupuytren (42 %des épileptiques selon Skoog).

Si certains auteurs pensent qu’il s’agit d’un facteur génétique unique, l’épilepsie idiopathique se transmettant également sur un mode dominant, d’autres attribuent à l’administration continue de barbituriques l’apparition ou l’aggravation de la rétraction palmaire.

Dans ce chapitre, on peut aborder le terrain sur lequel se développe la maladie.

Il existe en effet une « diathèse » de la maladie de Dupuytren : son association, son analogie histologique avec les coussinets dorsaux des phalanges, la maladie de Ledderhose et la maladie de

La Peyronie sont bien connues.

Pour Touraine et Ruel, toutes ces localisations témoignent d’une sorte de diathèse sclérogène, d’un état de polyfibromatose héréditaire caractérisé par une tendance à l’hyperplasie du tissu conjonctif.

La fréquence de ces associations est variable et en France l’étude de séries importantes permet d’apporter les chiffres suivants : 10 % de coussinets des phalanges, 7 % de nodules plantaires, l,5 % de maladie de La Peyronie.

Ces chiffres sont bien inférieurs à ceux publiés par les auteurs anglo-saxons et notamment scandinaves qui retrouvent par exemple 40 à 50 % de coussinets fibreux des phalanges.

Le coussinet des phalanges se caractérise par une nodosité unique ou multiple, se développant lentement, occupant la face dorsale des articulations interphalangiennes et respectant le plus souvent le pouce.

Cette callosité est arrondie ou ovalaire, convexe, de 1 cm de diamètre, à surface lisse ou kératosique, de coloration rose brunâtre.

Sa consistance est ferme et élastique, la nodosité est mobile sur la capsule articulaire mais adhérente à la peau.

Le cadre nosologique est difficile à préciser et Mikkelsen en Norvège étudie d’une part, une population de 1 871 consultants (752 hommes et 1 119 femmes) indemnes de maladie de Dupuytren et, d’autre part, 869 personnes ayant une maladie de Dupuytren.

Dans la population indemne de la maladie de Dupuytren, moins de 10 % des personnes examinées (9 % des hommes et 8,6 % des femmes) avaient des coussinets dorsaux des phalanges.

Cet auteur ne donne aucun renseignement sur la localisation à un ou plusieurs doigts et précise qu’aucune étude, notamment la sienne, n’a été faite pour savoir si un individu porteur de coussinets dorsaux appartenait à une famille comportant des maladies de Dupuytren et si leur découverte devait faire présager la survenue plus ou moins rapide d’une fibrose de l’aponévrose palmaire.

En revanche, dans la population atteinte de maladie de Dupuytren, la fréquence de l’association est importante, avec des variations géographiques :

– 21,3 % des hommes et 12,6 % des femmes en Angleterre ;

– 29 % des hommes et 13 % des femmes au Danemark ;

– 11 % des cas aux États-Unis ;

– 10 à 15 % des cas en France selon Gosset ;

– 20 %des cas en Australie selon Hueston et ce pourcentage passe à 75 %si l’on envisage les cas de récidives de maladie de Dupuytren ;

– 44 % des cas en Suède selon Skoog ;

– 45 % des hommes et 62 % des femmes en Norvège selon Mikkelsen avec une fréquence plus grande pour la main gauche et dans les formes bilatérales ; cet auteur précise que la corrélation avec la gravité de la maladie ou l’âge du sujet n’est pas significative. Hueston, en revanche, précise sans donner de chiffre que les coussinets phalangiens et les lésions plantaires doivent être considérés, chez tous les malades atteints de maladie de Dupuytren, comme fournissant une information utile sur la gravité de la diathèse et que, par ailleurs, leur découverte isolée chez certains sujets doit faire présager la survenue d’une fibrose de l’aponévrose palmaire.

Enfin, la présence dans une même famille de maladie de Dupuytren et de coussinets fibreux des phalanges isolés ou associés est un élément de poids en faveur d’une prédisposition génétique à l’origine de la maladie.

Ces coussinets sont parfois inesthétiques et certains patients demandent leur excision.

Leur volume diminue de façon notable par des infiltrations de corticoïdes et les indications chirurgicales avec ou sans greffe de peau doivent rester exceptionnelles.

Il en est de même pour les nodules plantaires.

C – Hypothèse métabolique :

Le diabète est fréquemment associé à la maladie de Dupuytren : 15 à 20 % des malades ont une maladie de Dupuytren, chiffre bien supérieur à ce que l’on observe dans une population caucasienne tout-venant.

La maladie de Dupuytren est, semble-t-il, quatre fois plus élevée chez le diabétique que chez le non-diabétique.

L’association diabète-éthylisme a également été incriminée : elle agirait en aggravant les désordres métaboliques.

Bouissou et al, après une étude au microscope électronique, ont conclu à une modification de la sécrétion normale des fibroblastes et à une altération du collagène due à un procollagène anormal, non clivé.

Cette absence de clivage pourrait avoir une origine génétique et l’on pourrait ainsi réunir les deux hypothèses contribuant à la formation d’un collagène anormal moins résistant.

Si l’élasticité du collagène vient à diminuer, les mouvements entraînent des microruptures. L’évolution capricieuse de la maladie de Dupuytren pourrait être expliquée dans cette hypothèse avec une période de stabilisation-cicatrisation entre microruptures et nouvelle rupture.

Ces microruptures se font sur une aponévrose palmaire fragilisée (diabète, facteurs héréditaires, sénescence, microtraumatismes lors des crises hypertoniques de l’épilepsie, oedèmes brutaux après traumatisme du poignet ou de la main, algodystrophie).

Une cicatrisation qui dépasse son but s’installerait alors, amorçant le cycle de la rétraction de l’aponévrose palmaire.

Ces hypothèses expliquent bien la fréquence de la bilatéralité des lésions (50 à 70 %), la survenue de l’affection aussi bien chez des travailleurs manuels que sédentaires et même la localisation au bord cubital de la main (quatrième, cinquième doigts), car c’est dans cette région que les contraintes sont maximales lors de la préhension.

Ces hypothèses n’expliquent cependant pas tout ; elles n’expliquent pas la prédominance masculine (80 %) ou alors il faut envisager un facteur génétique lié au sexe.

Les chiffres dans la littérature sont cependant variables et le ratio semble être de trois hommes pour une femme mais sans que l’on ait de données épidémiologiques précises.

Elles n’expliquent pas non plus les formes extensives chez le jeune : si l’âge moyen de survenue se situe entre 45 et 60 ans, il existe cependant des formes survenant très tôt, de 20 à 30 ans, parfois extensives à toute la main, avec localisations à la face dorsale (coussinets des phalanges), à l’aponévrose plantaire ou aux corps caverneux.

Ces formes correspondent-elles, dans le cadre d’une « diathèse », à l’accumulation de plusieurs facteurs génétiques ?

Des études plus récentes font intervenir, par ailleurs, un trouble primaire de la biologie cellulaire

Les études au microscope électronique ont montré notamment dans les nodules à la phase précoce de la maladie des fibroblastes particuliers ayant des adhérences intercellulaires et dont le cytoplasme contient un grand nombre de filaments, ce qui a conduit à classer ces cellules comme des myofibroblastes.

L’origine de ces cellules est encore inexpliquée, mais l’on sait que les filaments intracellulaires ont un pouvoir de contraction, que l’on peut extraire l’actomyosine de ces cellules et qu’elles montrent une réaction avec un antigène marqué contre les cellules musculaires lisses.

Cependant, cette hypothèse pathogénique n’est pas vérifiée et il est impossible de dire pourquoi apparaissent des myofibroblastes qui ont des propriétés contractiles pouvant expliquer la rétraction progressive de l’aponévrose, notamment à la phase précoce de la maladie.

De ces étiologies multiples, génétique (par manque de sécrétion vraisemblable d’une protéase spécifique du procollagène), métabolique (l’excès de sucre dans le sang empêchant la formation du collagène normal), vasculaire (des phénomènes oedémateux brutaux entraînant des microruptures du collagène), liée à la sénescence (par altération du tissu de soutien), il faut retenir que la maladie de Dupuytren est une fibromatose avec altération du collagène.

Les rapports étroits entre l’aponévrose palmaire et le derme expliquent à la fois l’extension de la maladie le long des bandelettes prétendineuses avec rétraction entretenue par la traction longitudinale qui existe à ce niveau, et l’atteinte du revêtement cutané.

Ceci explique les deux théories développées :

– la théorie dite intrinsèque qui était celle de Dupuytren et qui a été corroborée par la découverte par Skoog de microruptures et de microhémorragies dans et autour des nodules permettant d’imaginer la formation d’un tissu de granulation réparant les microruptures et induisant par là même une rétraction cicatricielle à l’intérieur des éléments longitudinaux de l’aponévrose palmaire ;

– la théorie extrinsèque, développée par Goyrand puis par McCallum et Hueston, basée sur le fait que les nodules initiaux sont situés à la face ventrale, c’est-à-dire superficielle de l’aponévrose palmaire et qu’ils s’étendent ensuite dans la région sous-cutanée le long des septum fibreux préexistants ainsi qu’à l’intérieur et à la surface de l’aponévrose palmaire produisant ainsi une rétraction progressive de toutes les structures fibreuses.

Histologie :

Normalement, les coupes histologiques de l’aponévrose palmaire montrent l’existence d’un tissu collagène de type I alors que le collagène du tendon est de type III.

Sans entrer dans les études au microscope électronique, il faut retenir qu’il existe deux lésions distinctes :

– l’épaississement nodulaire de haute densité cellulaire ; de très nombreux fibroblastes et fibrocytes sont enclos dans un riche réseau de fibres collagènes avec une hypervascularisation locale ;

– l’épaississement aponévrotique lamellaire de faible densité cellulaire ; de rares fibrocytes existent entre les fibres collagènes.

Clinique :

Les nodules palmaires apparaissent souvent en premier puis surviennent progressivement les rétractions digitales prédominant sur les quatrième et cinquième doigts.

L’évolution se fait en règle générale par poussées, avec un taux d’activité variable mais souvent plus important dans les cinq premières années.

L’évolution est imprévisible et ne se fait absolument pas sur le mode linéaire. Les poussées pourraient être expliquées par les épisodes de microruptures avec des périodes parfois très longues de stabilité et à la question : comment ces lésions vont-elles évoluer ?

Il faut répondre qu’elles peuvent rester stables de très nombreuses années et qu’une surveillance est pratiquée mais qu’il n’y a aucune indication chirurgicale au stade I.

Les malades présentant des facteurs de risques évolutifs de gravité doivent en être prévenus.

L’importance de la rétraction peut être chiffrée en utilisant la classification en quatre stades de Tubiana et Michon, avec maintenant six stades pour les quatre doigts longs :

– stade 0 : absence de lésion ; – stade N : nodule palmaire ou digital sans rétraction ;

– stade I : total des rétractions des trois articulations entre 1 et 45o ;

– stade II : total des rétractions des trois articulations entre 45 et 90o ;

– stade III : total des rétractions des trois articulations entre 90 et 135o ;

– stade IV : total des rétractions des trois articulations supérieures à 135o avec un stade IV H lorsqu’il existe une hyperextension IPD.

En ce qui concerne la colonne du pouce,Tubiana propose une double évaluation :

– à la première commissure, en cinq stades correspondant à des pertes de 15o :

– stade 0 : absence de lésion ;

– stade N : nodule sans rétraction ;

– stade I : angle d’écartement entre 45 et 30° ;

– stade II : angle d’écartement entre 30 et 15° ;

– stade III : angle d’écartement inférieur à 15° ;

– en ce qui concerne les MC et les IP, chaque stade correspond à une progression de 45° avec six stades :

– stade 0 : absence de lésion ;

– stade N : nodule au niveau du pouce sans rétraction ;

– stade I : total des rétractions IP et MP entre 0 et 45° ;

– stade II : total des rétractions IP et MP entre 45 et 90° ;

– stade III : total des rétractions IP et MP entre 90 et 135° ;

– stade IV : total des rétractions IP et MP supérieures à 135°.

Sur le plan clinique, il faut cependant bien séparer pour comparer des cas identiques dans l’étude des résultats :

– les formes palmaires pures nodulaires qui sont à surveiller et il n’y a aucune indication tant que le malade peut mettre la main à plat sur une table ;

– les formes palmodigitales avec déficit d’extension portant uniquement sur la MP (groupe I), pour lesquelles la récupération complète après aponévrectomie est prévisible ;

– les formes digitales avec déficit d’extension prédominant sur l’IPP (groupe II), beaucoup plus difficiles à traiter car il est impossible de prévoir en préopératoire une récupération complète de l’extension, notamment sur le cinquième rayon ;

– les formes palmodigitales avec déficit d’extension MP et IPP (groupe III).

On apprécie, d’une part l’importance du déficit d’extension qui peut être modéré ou au contraire entraîner une rétraction du doigt qui est collé dans la paume et, d’autre part, l’importance de la fibrose avec soit une longue bride sous une peau souple, soit une forme plus diffuse avec envahissement cutané (ombilications, nodules).

L’extension de la fibrose permet de définir des formes localisées, en règle générale, aux quatrième et cinquième doigts et des formes extensives atteignant les autres doigts, le pouce et la première commissure.

Tubiana propose d’obtenir des précisions en rapport avec sa méthode en précisant un certain nombre de données.

Les lésions palmaires sont indiquées par la lettre P et les lésions digitales indiquées par la lettre D et la lettre D suivie du signe + indique que la rétraction IPP est égale ou supérieure à 70o et donc de correction aléatoire.

Si les lésions sont à la fois palmaires et digitales, le chiffre désignant le stade est suivi des lettres PD.

La lettre H pour hyperextension désigne les cas avancés dans lesquels la phalange distale est fixée en hyperextension.

En ce qui concerne les résultats après intervention chirurgicale, il est possible d’utiliser, pour comparer l’état pré- et postopératoire, le coefficient d’amélioration (Thomine, Tubiana).

X étant le stade global peropératoire et Y le stade global postopératoire en degré, le coefficient d’amélioration CA est alors le suivant :

CA = X-Y/X

On obtient un chiffre compris entre 1, correction complète des rétractions, et 0 échec total que l’on peut exprimer en pourcentage pour chaque rayon digital.

Un malade ayant un stade global préopératoire de 210o et un stade global postopératoire de 20o a un coefficient d’amélioration de :

210-20/210 = 0,90 soit 90 % d’amélioration.

À côté de ce coefficient d’amélioration, Tubiana propose pour la révision d’une main opérée de noter un certain nombre de données qui sont alors indiquées par une lettre :

– G = greffe cutanée ;

– R = récidive vraie ; indique une résurgence des lésions dans un territoire déjà opéré ;

– E = extension ; indique l’apparition de nouvelles lésions en dehors du territoire opéré ;

– F = limitation de la flexion des doigts, raideur postopératoire dont il faut préciser, par ailleurs, la localisation et le degré ;

– A= amputation ;

– AZ = arthrodèse. Un certain nombre de diagnostics peuvent être évoqués devant cette rétraction en flexion desMPet IPP des doigts ne s’accompagnant d’aucune douleur, sauf parfois localisée sur les nodules palmaires.

Il n’en reste pas moins que l’interrogatoire et l’examen clinique permettent facilement d’éliminer :

– une raideur en flexion, séquelle d’algodystrophie portant le plus souvent sur les IPP et les IPD ;

– une rétraction diffuse avec localisations articulaires dans certains diabètes du jeune ;

– un rhumatisme fibroblastique.

En fait, la maladie de Dupuytren, fibrose rétractile de l’aponévrose palmaire superficielle, ne peut être confondue avec un autre diagnostic.

Son problème essentiel est étiologique et pathogénique et les manifestations extrapalmaires montrent bien qu’il s’agit non pas d’une maladie locale mais d’une maladie générale, notamment dans certaines formes extensives chez le jeune.

Indications thérapeutiques :

A – Généralités :

Elles dépendent de la clinique et des hypothèses physiopathologiques.

Il faut apprécier l’importance de la rétraction, l’atteinte MP, IPP ou les deux et différencier :

– les formes uni- ou bidigitales ;

– les formes pluridigitales ;

– les formes extensives.

Il faut préciser :

– l’atteinte uni- ou bilatérale ;

– l’existence de brides sous une peau souple, ou à l’inverse des adhérences, ombilications, nodules palmaires et/ou digitaux.

Il faut poser un certain nombre de questions :

– âge, 45 à 50 ans, et un âge plus jeune fait craindre une évolution rapide ; chez la femme, par ailleurs, le début est souvent plus tardif, mais l’évolutivité est très capricieuse ;

– existence de cas familiaux ;

– présence d’un diabète et de son caractère équilibré ou non, insulinodépendant ou non ;

– présence de troubles hépatiques ou métaboliques etc ;

– traitements particuliers, notamment antiépileptiques.

Il faut examiner, certes la face palmaire des mains, mais également la face dorsale à la recherche de coussinets dorsaux et rechercher une atteinte de l’aponévrose plantaire et de la verge.

En ce qui concerne le poids de chaque variable comme facteur évolutif de risques, ceux qui pèsent le plus lourd sont l’âge, l’hérédité, le diabète, l’atteinte bilatérale et enfin les formes extensives. Les hypothèses pathogéniques ont-elles des conséquences concrètes ?

– oui, si la connaissance du terrain (diabète, épilepsie, traitement gardénalique) permet d’éviter un certain nombre de complications générales et locorégionales ;

– oui, si l’hypothèse de microruptures avec rétraction cicatricielle localisée fait pratiquer des aponévrectomies sélectives partielles ; les aponévrectomies totales ne se justifient plus et ont été abandonnées par presque tous les auteurs et si le revêtement cutané est envahi de façon importante, son excision et son remplacement par des greffes de peau totale doivent être envisagés au doigt où les récidives sont les plus fréquentes ;

– oui, si un traitement préventif peut être découvert, mais nous n’en sommes qu’au stade d’hypothèses pathogéniques. Dans l’état actuel des nos connaissances, les possibilités thérapeutiques sont les suivantes :

– le traitement médical n’existe pas et les tentatives de traitement par la vitamine A, la vitamine E, la colchicine ont été des échecs ; on peut en rapprocher les injections locales de corticoïdes ou de produits fibrinolytiques qui n’ont pas donné de résultats ;

– le seul traitement est chirurgical à partir du moment où existe une gêne fonctionnelle (stades I et II) et le test de la main à plat sur une table est très utile. Plusieurs volets doivent être considérés.

B – Aponévrotomies :

Déjà préconisées par Dupuytren, elles ont été réactualisées en 1980 par Lermusiaux et Debeyre, qui ont développé la technique de l’aponévrotomie à l’aiguille, utilisant après anesthésie locale l’action mécanique du biseau pour rompre la bride et ce, aussi bien au niveau palmaire que digital.

Ces auteurs ont rapporté leur expérience en 1993 et dans un article récent en 1996, ils précisent qu’il est possible de réaliser de une à cinq aponévrotomies. Des orthèses maintenant la correction doivent être portées la nuit.

Trente-quatre pour cent de leurs malades ont été perdus de vue et leur taux de récidive à 5 ans des cas restants est de 50 %, mais ils précisent que la reprise de l’aponévrotomie est possible et que leurs résultats sont comparables à court et long termes avec ceux obtenus par l’aponévrectomie chirurgicale.

Enfin, ils font état de complications rares, cinq ruptures tendineuses pour 5 000 aponévrotomies et six lésions graves des nerfs collatéraux, aucune algodystrophie locale et seulement deux algodystrophies localisées.

Compte tenu de la bénignité de cette intervention, ils proposent de traiter tous les stades I et II par cette méthode et de discuter les indications d’aponévrectomie pour les stades III et IV, mais ceci est en contradiction avec leur article de 1993 puisque sur 123 mains traitées, 72 sont aux stades I et II et 51 aux stades III et IV.

Enfin, malgré le long recul de leurs observations, ils ne précisent jamais si la bride sectionnée involue et ce que deviennent les nodules.

Quoi qu’il en soit, cette technique est particulièrement intéressante et nous la pratiquons depuis 1993-1994.

Notre indication de choix est la forme unidigitale ou bidigitale avec rétraction MP et une longue bride sous une peau souple.

Les formes avec rétraction IPP prédominante sont pour nous des contre-indications ou des indications relatives au cas par cas du fait du risque de blessure des nerfs collatéraux.

Enfin, les formes avec adhérences cutanées, ombilications sont des indications d’aponévrectomies.

Nos résultats sont identiques à ceux publiés, soit 90 à 92 % d’excellents résultats dans les stades I et II.

Une étude prospective, à long terme, de l’aponévrotomie percutanée est en cours pour apprécier les récidives, le devenir de la bride (involution ?) et des nodules.

On peut, peut-être, rapprocher de cette aponévrotomie les techniques d’excision fragmentaire par petites incisions séparées préconisées par Goyrand et reprises par Vilain et Ebelin qui ne semblent pas avoir donné de résultats satisfaisants, mais semblent cependant prometteuses en sélectionnant les patients âgés de plus de 60 ans, aux stades I et II.

C – Aponévrectomies :

L’intervention se déroule sous bloc plexique, garrot pneumatique et main de plomb.

Des lunettes grossissantes sont utiles avec repérage premier des pédicules collatéraux qu’il faut toujours voir et suivre, notamment à la base des doigts où leur trajet est modifié par les brides.

Il faut signaler deux points importants :

– les aponévrectomies sont des aponévrectomies sélectives localisées aux lésions sur l’aponévrose palmaire superficielle et ses prolongements avec respect, si possible, du ligament transverse superficiel non atteint par la maladie ; les aponévrectomies étendues totales sont à proscrire car on n’opère pas des segments digitaux normaux qui ne seront, pour la plupart, pas atteints par la maladie ;

– les différentes possibilités techniques dépendent du siège, de l’importance des déformations, ainsi que du terrain et des différentes hypothèses pathogéniques.

1- Voie d’abord longitudinale et incision en zigzag digitopalmaire ou digitale avec plastie en VY :

Elle nous paraît excellente. Nous n’utilisons plus ou exceptionnellement les plasties en Z après incision verticale en raison des risques de nécrose des petits lambeaux mal vascularisés.

La plastie d’allongement en VYest utilisable jusqu’au stade III mais au-delà elle est dépassée au niveau digital par l’importance de la rétraction.

2- Technique paume ouverte :

La technique paume ouverte est réalisée avec incision transversale dans le pli palmaire distal, selon McCash, et cicatrisation dirigée (orthèse, mobilisation précoce) en 4 à 6 semaines.

Les lésions digitales, quant à elles, peuvent être excisées par des incisions séparées en laissant un pont entre elles ou en reliant l’incision transversale dans la paume aux incisions digitales, comme le préconisent certains auteurs.

De même, on peut utiliser un lambeau d’avancement en réalisant une incision latérocubitale sur le cinquième doigt, selon Jacobsen ou des incisions transversales avec greffe de peau « coupe-feu ».

3- Lambeau digital :

Le lambeau digital, notamment latérodigital cubital sur le cinquième rayon, est associé à une greffe de peau sur la partie découverte par la rotation du lambeau qui vient recouvrir la face palmaire de la première phalange.

4- Remplacement cutané par greffe de peau totale ou lambeau locorégional :

L’extension des lésions, les adhérences à la peau, les formes évolutives, notamment chez le jeune, et enfin les cas de récidives ont amené Hueston, en 1967, à préconiser l’excision radicale de l’aponévrose et l’excision de la peau en unités fonctionnelles, notamment au niveau digital et son remplacement, soit par un lambeau locorégional, soit par une greffe de peau totale, soit par les deux.

Hueston précise qu’il existe quatre circonstances dans lesquelles le remplacement cutané peut être envisagé :

– après correction d’une déformation en flexion lorsqu’il existe une perte de substance cutanée qui n’a pu être compensée par une plastie locale ;

– en cas de dévitalisation cutanée ; il faut, là encore, souligner l’importance de ne pas créer de lambeau dévascularisé et de ne pas faire de suture sous tension ;

– en cas de récidive ;

– enfin, l’excision cutanée prophylactique pour prévenir les récidives qui paraît un point important lorsqu’il s’agit d’un malade à prédisposition particulière pour la maladie et notamment la forme extensive chez le jeune.

5- Au pouce :

Au pouce, outre les voies longitudinales en zigzag, il faut, à la première commissure, utiliser des plasties en Z ou en trident.

D – Schéma d’indications :

Nos indications, si l’on tient compte de toutes les données précédentes, sont fonction des cas cliniques et peuvent être schématisées de la manière suivante :

– les formes uni- ou bidigitales avec une longue bride sous une peau souple et atteinte prédominante de la MP sont traitées par une aponévrotomie percutanée ;

– les formes unidigitales avec rétraction MP et IPP peuvent être traitées par aponévrectomie avec incision enVYà partir du moment où la rétraction n’est pas trop importante, notamment ne dépassant pas 45o pour l’IPP ; dans le cas contraire, la voie en VY palmaire est possible, associée à un lambeau local digital ou une greffe de peau ;

– les formes bidigitales prédominant sur un rayon peuvent, lorsque la rétraction n’est pas trop importante, être traitées par une voie en VY palmodigitale sur le doigt le plus atteint et une incision séparée digitale pure sur l’autre doigt ;

– les formes pluridigitales avec envahissement cutané sont traitées par Mc Cash et incisions digitales plus ou moins greffe de peau ;

– les formes digitales prédominant sur l’IPP sont traitées selon l’importance de la rétraction par incision en VY digitale ou par lambeau latérodigital et greffe de peau ; il faut faire une mention particulière pour le cinquième rayon qui pose un problème non résolu quant à l’évolution à long terme après la meilleure des interventions donnant un résultat précoce satisfaisant ; il faut insister sur la technique précise et la nécessité de toujours vérifier l’existence d’une bride au niveau de l’extension des muscles hypothénariens ;

– cas particuliers :

– les raideurs fixées de l’IPP posent un problème très difficile ; les arthrolyses ne donnent que des résultats très moyens et le brochage temporaire expose aux infections locales ; l’arthrodèse est possible dans certaines rétractions graves ; la technique d’extension continue est peutêtre une solution, comme le propose Messina ;

– l’hyperextension fixée IPD éventuellement associée est traitée :

– soit par section transversale de l’appareil extenseur au dos de la deuxième phalange et l’incision cutanée est verticale et laissée ouverte pour ne pas créer de problème vasculaire et de défaut de cicatrisation ; la correction est souvent incomplète et un brochage temporaire de l’IPD peut être utile ;

– soit par arthrodèse raccourcissante IPD en flexion à 30o ;

– l’amputation, enfin, se discute dans certaines rétractions graves avec troubles trophiques ;

– enfin, les formes extensives du jeune doivent faire envisager l’excisiongreffe, notamment au niveau digital.

Résultats :

A – Globalement :

Les résultats dans la littérature vont de 90 %d’excellents résultats aux stades I et II à 60 % pour le stade IV.

Les complications per- et postopératoires grèvent le pronostic et sont souvent à l’origine de troubles trophiques ultérieurs, voire de syndromes algodystrophiques (3 %), essentiellement dans les stades III et IV.

La fréquence des lésions peropératoires de paquets collatéraux est diversement appréciée dans la littérature, de 2 à 5 %, essentiellement dans des statistiques anciennes.

Il semble bien que dans les statistiques actuelles, ce taux, entre des mains exercées, soit très faible.

Il en est de même des hématomes, à partir du moment où l’on fait une hémostase soigneuse en ayant lâché le garrot avant la fermeture cutanée et des nécroses des lambeaux si l’on a des indications précises.

Un problème reste la survenue toujours imprévisible d’un syndrome algodystrophique, et une grosse main douloureuse au troisième ou quatrième jour postopératoire doit faire suspecter la possibilité de cette complication et pratiquer un traitement préventif, à savoir blocs sympathicolytiques (guanéthidine, Fonzylanet) et éventuellement calcitonine avec des rétrocessions très fréquentes si l’on intervient rapidement.

La technique chirurgicale, l’immobilisation et les soins postopératoires jouent donc un grand rôle et il faut, par ailleurs, insister sur le rôle essentiel de la rééducation avec appareillage.

Le traitement doit donc être sélectif à tous les stades et tenir compte pour chaque malade, de l’âge, des données étiologiques, de l’extension, de la localisation aponévrotique, de l’état de la peau et des articulations.

Les résultats, fonction des stades préopératoires, sont stables à court terme mais peuvent à long terme, de 2 à 5 ans, se modifier du fait de l’évolution locale.

B – Voies d’abord longitudinales :

En ce qui concerne les voies d’abord longitudinales, aucune série dans la littérature n’a étudié spécifiquement les résultats et n’en a précisé explicitement les indications.

Les grandes séries cliniques montrent des pourcentages de récidive de l’ordre de 30 à 70 %, toutes formes confondues.

Il faut non seulement tenir compte des récidives nodulaires sans déficit d’extension, qui ne sont pas prises en compte par la plupart des études, mais aussi du recul postopératoire.

Tubiana et Leclerc ont 34 %de récidives à 2 ans, 48 % à 5 ans et 66 % à 10 ans et c’est également l’avis d’autres auteurs.

La chirurgie est incapable de guérir cette affection et elle ne fait qu’en retarder l’évolution, en notant cependant que les récidives sont souvent minimes sans gêne fonctionnelle.

Le pronostic fonctionnel est meilleur quand l’intervention est réalisée précocement, c’est-à-dire dès l’apparition d’un déficit d’extension, qu’il soitMPou IPP.

C’est là que la voie longitudinale trouve son indication élective car elle permet une dissection complète des pédicules vasculonerveux et ne comporte qu’un faible taux de complications.

Elle permet de réaliser des aponévrectomies régionales sélectives. Le pronostic dépend bien entendu du type d’atteinte.

Les formes où le déficit d’extension porte uniquement sur la MP ont un pronostic très favorable avec une récupération complète de l’extension, stable dans le temps avec la possibilité de récidives minimes.

Les formes où le déficit d’extension prédomine sur l’IPP, qu’elles soient digitales pures ou palmodigitales, sont beaucoup plus difficiles à traiter et leur pronostic beaucoup plus incertain.

Il faut prévenir les malades qu’un déficit persistant de 20 à 30o est fréquent lorsque l’on part d’un déficit IPP préopératoire de 80 à 90o.

Le type d’atteinte, que ce soit vers la superficie avec la présence de nodules adhérents avec des ombilications ou que ce soit en profondeur, conditionne également le type de voie d’abord.

Une longue bride longitudinale palpable sous une peau souple et mobile est une excellente indication de voie longitudinale.

La présence de multiples nodules adhérents la rendent plus difficile sans geste de remplacement cutané.

Une forme palmodigitale prédominant sur un rayon avec déficit d’extension MP et IPP et des brides palmaires se dirigeant vers les autres rayons sous une peau relativement souple est également une indication de voie longitudinale centrée sur le rayon atteint, qui permet par ailleurs d’exciser les prolongements latéraux vers les autres rayons à la base des doigts.

C – Technique de McCash :

En ce qui concerne la technique de McCash, depuis l’article orginal prônant la technique de la paume ouverte en 1964 (et reprenant ainsi à son compte le concept thérapeutique déjà énoncé par Dupuytren), de nombreux auteurs ont décrit leur expérience de la méthode.

Ils analysent en particulier les complications postopératoires par rapport aux autres techniques et pour certains analysent leurs résultats à long terme avec des indications correspondant le plus souvent aux formes affectant plusieurs rayons.

– Les douleurs postopératoires sont minimes ou nulles : Lubahn ne retrouve aucune douleur postopératoire, de même qu’Allieu ou Zachariae.

Foucher la retrouve chez 20 % des patients pour lesquels on a eu recours aux antalgiques mineurs dans seulement la moitié des cas pour une durée inférieure à 3 jours.

Quant à Gelberman, dans une étude prospective de 83 patients avec trois groupes, le premier opéré avec paume ouverte, le deuxième abordé par voies longitudinales et le troisième avec plasties en Z, il retrouve un syndrome douloureux beaucoup moins important dans le premier groupe : 8 % de douleurs postopératoires, contre 25 % dans le deuxième groupe et 20 % dans le troisième.

– Les hématomes postopératoires sont exceptionnels et il n’y en a eu aucun dans les séries publiées. Lubahn, comparant les patients traités par la méthode de McCash et ceux par d’autres techniques, ne retrouve aucun hématome pour les premiers et 3,8 % pour les autres.

– Quant à l’étude prospective de Gelberman, elle n’en retrouve pas non plus chez les patients « laissés ouverts » alors que 4 % sont notés chez ceux opérés par une autre méthode.

– De même, pour les infections et nécroses cutanées, aucun cas n’est reporté par Zachariae, Lubahn, Briedis et Gelberman, avec en revanche 7 % de nécrose après plasties en Z.

– Les complications nerveuses existent, avec dans les statistiques de Foucher et Lubahn 2,5 % d’atteinte nerveuse sans précision.

Jacobsen rapporte deux cas d’hypoesthésie et Gelberman un cas de section complète réparée immédiatement.

Cet auteur, en accord avec Tubiana, considère que le risque de lésions nerveuses est plus élevé (3,6 %pour Allieu) avec la méthode de la paume ouverte, lorsque des ponts cutanés sont conservés entre l’incision palmaire et les incisions digitales.

– L’algodystrophie est toujours une complication à redouter et Allieu en dénombre neuf cas sur 164, soit 6 %.

Ce chiffre peut paraître relativement élevé, mais l’auteur considère que ce chiffre n’est pas forcément en rapport avec la méthode mais peut-être aussi avec le fait qu’il a réservé cette technique aux patients le plus sévèrement atteints.

– Enfin, la cicatrisation a été obtenue dans des délais très concordants : de 4 à 6 semaines pour la plupart des auteurs. – Les résultats à long terme sont difficiles à apprécier du fait du recul souvent court.

Allieu a réexaminé 177 mains avec un recul moyen de 37 mois et il note 30 % de récidives, essentiellement digitales, et 18 % d’extensions et considère que récidives et extensions semblent sans rapport avec la technique utilisée.

Foucher, avec un recul supérieur à 5 ans, retrouve 40,6 % de récidives dont 23 % de formes sévères ayant nécessité une réintervention et ces chiffres sont voisins de ceux de Hueston, Neurotte et Rodrigo.

L’amélioration globale (IPP + MP) était de 74 % chez 83,5 % des patients avec un meilleur résultat sur la MPque sur l’IPP. Schneider, sur 49 cas avec un recul moyen de 5 ans, retrouve 34 % de récidives et 48 % d’extensions.

Les mobilités actives sont améliorées dans 88 % des cas avec néanmoins une perte de flexion de 10o retrouvée dans 41 % des cas. Lubahn dans son étude comparative conclut, quant à lui, à la supériorité des résultats à long terme avec la paume ouverte avec 83 % de bons résultats contre 66 % pour les autres techniques.

– Dans notre expérience concordant avec les données de la littérature, il faut souligner :

– le bon pronostic des formes n’atteignant que les MP, et ce quel que soit le rayon ; il faut d’ailleurs noter que ceci est vrai quel que soit le nombre de rayons atteints : nos patients ont toujours été très satisfaits du résultat obtenu, quel que soit le nombre de rayons, lorsque l’atteinte ne portait que sur les MP ;

– les moins bons résultats sur les IPP que sur les MP ;

– le caractère péjoratif de l’atteinte du cinquième doigt lorsque l’IPP présente un déficit d’extension.

Enfin, en ce qui concerne les formes du cinquième doigt, toutes les publications s’accordent à souligner leur mauvais pronostic, mais la quantification précise des risques de récidive et d’extension reste mal précisée.

Tous rayons et tous stades confondus, le taux de récidive varie entre 41 % et 66 %.

Vigroux retrouve 38 % de récidive des stades 4, à 10 ans de recul. Pour l’auriculaire, on retrouve de 17,6 % à 20 % de récidive à 5 ans.

Parmi les différentes formes isolées d’atteinte du dernier doigt, nos résultats concordent avec ceux de la littérature puisqu’il ressort que les rétractions isolées au niveau de l’articulation MP sont les plus favorables.

Logiquement, les formes d’atteinte mixte des articulations MP et IPP sont les plus sévères.

Lorsqu’une récidive survient, nous croyons, comme de nombreux autres auteurs, a l’effet « coupe-feu » de la greffe de peau.

Les récidives et les extensions grèvent le pronostic.

Les récidives définies comme l’apparition de nouvelles lésions dans une zone déjà opérée sont-elles prévisibles ou dépendent-elles du traitement chirurgical qui doit être adapté en fonction des lésions ?

Ces récidives sont diversement appréciées dans la littérature, de 20 à 60 %, mais dans ce dernier pourcentage, les auteurs incluent toutes les récidives, même celles qui n’entraînent aucun trouble fonctionnel, nodule ou petite induration locale.

Il faut donc essentiellement se focaliser sur les récidives gênantes fonctionnellement et celles-ci restent fréquentes dans les formes pluridigitales extensives et dans les formes du cinquième rayon.

Le traitement de ces récidives fait appel aux mêmes techniques chirurgicales, mais en utilisant, avec une plus grande fréquence, l’excision-greffe cutanée.

Cette technique pose cependant de difficiles problèmes :

– la dissection, notamment celle des paquets vasculonerveux qui peuvent être englobés dans la fibrose contrairement aux cas opérés de première intention ;

– la préparation du lit de la greffe et le risque de nécrose par nonincorporation si elle repose directement sur la gaine des tendons fléchisseurs, par exemple.

Les lambeaux locaux doivent donc être discutés dans ces cas spécifiques.

Les extensions, 15 à 20 %des cas, c’est-à-dire apparition de nouvelles lésions dans une zone non opérée jusque-là indemne, semblent dépendre du terrain et être plus fréquentes chez les sujets ayant commencé leur maladie dans le jeune âge, ayant des antécédents familiaux ou des associations lésionnelles.

La maladie de Dupuytren, fibrose rétractile de l’aponévrose palmaire de la main, est une entité anatomopathologique dont l’étiologie n’a pas encore été éclaircie.

Les études histologiques et histochimiques ont établi le rapport de l’affection avec l’histogenèse du collagène et avec celle du tissu cicatriciel et un certain nombre de corrélations ont été dégagées par des études cliniques.

Son seul traitement est, pour le moment, chirurgical et celui-ci doit être adapté en fonction des cas.

Les résultats doivent être explicités en comparant des cas comparables et ce, sur des études prospectives à long terme.

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