Maladie de Behçet

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Introduction :

La maladie de Behçet (MB) représente une des étiologies des arthrites inflammatoires récidivantes.

Lorsque Hulusi Behçet, dermatologue turc, l’a décrite en 1937, il rapportait une triade associant une aphtose buccale, une aphtose génitale et une uvéite.

Depuis, la symptomatologie s’est enrichie et la MB a pris rang parmi les vascularites du fait de ses multiples localisations viscérales : neurologiques, vasculaires, digestives et exceptionnellement rénales.

La redéfinition des critères cliniques et les recherches d’un test diagnostique expliquent le regain d’intérêt de cette maladie.

Épidémiologie :

Maladie de BehçetObservée avec prédilection dans les pays du bassin méditerranéen et au Japon, elle est en fait ubiquitaire, et les cas français autochtones sont fréquents, sans qu’il y ait toutefois de données épidémiologiques.

Sa prévalence est de 80 à 300/100 000 en Turquie, d’environ 10/100 000 au Japon et de 0,6/100 000 dans leYorkshire.

Outre les facteurs géographiques, un facteur génétique est vraisemblable compte tenu de la fréquence accrue de l’antigène HLA B51 chez les sujets atteints, mais les cas familiaux sont rares (moins de 5 %).

La MB survient généralement entre 18 et 40 ans ; des cas à début infantile sont décrits.

Après l’âge de 50 ans, le diagnostic de première poussée doit être tenu comme exceptionnel et recouvre le plus souvent une erreur de diagnostic.

Le sex-ratio est à prédominance masculine pour les formes symptomatiques (7/10) mais s’annule, voire s’inverse, dans des études épidémiologiques regroupant les formes peu symptomatiques.

Pathogénie :

La pathogénie reste inconnue. Successivement, des facteurs environnementaux, immunologiques et infectieux ont été incriminés.

Les lésions de vascularite sont le siège d’un infiltrat fait de cellules T-CD4+ induisant la production de diverses cytokines (interleukine 2 [IL2], IL10, IL12, interféron ç [IFN ç], TNF â [tumour necrosis factor â]).

Pour l’instant, ces données parcellaires portent sur des malades à divers stades de leur évolution, souvent déjà traités, sont spéculatives et sans portée pratique.

Toutefois, il a récemment été démontré une augmentation de l’expression des lymphocytesT gamma-delta après exposition de lymphocytes en culture à des peptides issus de protéines de choc thermique.

Si ces données se confirment, on pourrait enfin disposer d’un test diagnostique.

Le rôle du virus herpès et du virus de l’hépatite C a été évoqué par certains auteurs et réfuté par d’autres.

En revanche, le rôle favorisant des infections et notamment du streptocoque a conduit à des traitements antibiotiques dont l’effet semble positif dans les rares séries publiées.

La MB est vraisemblablement d’origine multifactorielle, l’infection pouvant avoir un rôle inducteur ou déclenchant de la réaction inflammatoire sur un terrain génétique prédisposant.

Un facteur génétique est en effet vraisemblable compte tenu de la fréquence accrue de l’antigèneHLAB51 et plus récemment du gène MICAA, proche de l’HLA de classe I, chez les sujets atteints.

Clinique :

La MB évolue par poussées, capricieuses, sans parallélisme entre les lésions cutanéomuqueuses et viscérales.

Les manifestations inflammatoires sont rares, une fièvre est rarement présente et doit alors faire rechercher une atteinte vasculaire sous-jacente.

A – Atteinte articulaire :

Elle survient dans 5 à 70% des cas.

Dans notre expérience portant sur 480 patients, des manifestations articulaires sont retrouvées dans 54 % des cas.

Dans une étude coréenne récente, après 45 mois de suivi moyen, 70 % des patients ont eu au moins un épisode articulaire et 25 % d’entre eux un épanchement articulaire.

L’atteinte féminine y est prédominante (89 %versus 59 %).

L’atteinte articulaire est précoce et peut précéder de plusieurs années les autres manifestations.

II s’agit d’arthralgies et/ou d’oligoarthrites inflammatoires généralement fixes, siégeant aux grosses articulations généralement porteuses (genoux, chevilles).

Elles sont rarement destructrices.

L’évolution est récidivante et asymétrique.

Les formes polyarticulaires sont rares (2 %).

Les radiographies sont normales ; tout au plus existent des érosions ostéocartilagineuses ou de minimes pincements.

La ponction articulaire met en évidence un liquide visqueux, inflammatoire, riche en cellules, notamment en polynucléaires.

L’histologie, rarement pratiquée, met en évidence une hyperplasie villeuse modérée avec des nécroses de surface, une hyperplasie ou une destruction partielle de la couche bordante, une sclérose du tissu de soutien, une multiplication des sections vasculaires avec épaississement des parois vasculaires et thromboses, enfin un infiltrat inflammatoire périvasculaire, témoin, là encore, de la vascularite.

La survenue de kyste poplité est possible, dont la rupture peut être difficile à différencier d’une thrombophlébite, d’autant que des associations ont pu être observées.

Une atteinte spécifique de la sacro-iliaque est retrouvée de façon variable selon les auteurs (1 à 34 %), de même que l’association à une authentique spondylarthrite ankylosante chez des sujets HLA B27 (2 %).

La MB fait-elle partie des spondylarthropathies séronégatives ?

Les problèmes méthodologiques, liés notamment à des biais de sélection et à l’interprétation des clichés radiologiques, ne permettent pas de trancher ce délicat problème nosologique.

L’association au syndrome de Gougerot-Sjögren semble anecdotique.

En revanche, des ostéonécroses ont été rapportées sans qu’il soit possible de dissocier ce qui revient à la vascularite ou à la corticothérapie.

Une observation fait état de lésions ostéolytiques multiples régressives sous traitement.

B – Atteinte musculaire :

Elle est rare mais indiscutable et peut s’associer aux manifestations articulaires.

Elle s’exprime essentiellement par des myalgies diffuses ou prédominant aux muscles proximaux, et une myosite vraie est possible.

Les formes localisées peuvent poser des problèmes de diagnostic différentiel avec une thrombophlébite.

Des formes à début infantile ont été rapportées.

À l’examen, on peut noter des tuméfactions douloureuses.

La biopsie montre une dégénérescence des fibres musculaires et une infiltration par des cellules mono- et polynucléées.

Les créatinephosphokinases (CPK) sont exceptionnellement élevées et doivent alors faire discuter les myopathies et les exceptionnelles rhabdomyolyses secondaires au traitement par la colchicine.

C – Manifestations cutanéomuqueuses :

Elles sont fondamentales à objectiver car seule leur présence permet un diagnostic de certitude, trois des quatre critères de diagnostic étant d’ordre dermatologique.

Ces manifestations peuvent précéder ou survenir concomitamment aux autres éléments systémiques.

Apparemment banales, elles peuvent être mal signalées par le patient.

Elles peuvent survenir plusieurs mois, voire plusieurs années, après les autres manifestations ; lorsqu’elles sont absentes, un diagnostic de certitude est alors impossible, expliquant d’importants retards de diagnostic.

Les aphtes buccaux existent dans 98 %des cas et sont exigés dans les critères internationaux ; il s’agit d’ulcérations douloureuses, isolées ou multiples, parfois précédées d’une vésicule éphémère ; les bords en sont nets, l’ulcération est tapissée d’un enduit « beurre frais », le pourtour est inflammatoire et douloureux.

Ils siègent sur la face interne des joues, le sillon gingivolabial, le pourtour de la langue et le frein.

Ils peuvent être favorisés par l’alimentation (peau des fruits, noix, noisettes, amandes), les traumatismes dentaires, parfois par les cycles menstruels et les émotions.

Lorsqu’ils sont nombreux ou de grande taille, ils peuvent gêner l’alimentation et l’élocution.

L’évolution se fait vers la guérison sans cicatrice et sans adénopathie.

On ne peut les différencier de l’aphtose buccale banale, mais leur nombre, leur répétition et l’invalidité qu’ils entraînent doivent inquiéter.

Les aphtes génitaux existent dans 60 à 65 %des cas et sont très évocateurs de la MB.

Ils siègent chez l’homme sur les bourses, plus rarement sur la verge ou dans l’urètre ; chez la femme, ils siègent sur la vulve ou le vagin où ils peuvent être soit disséminés et douloureux, soit totalement latents.

Les aphtes génitaux laissent des cicatrices dépigmentées permettant un diagnostic rétrospectif.

Les aphtes peuvent également siéger sur l’oesophage, l’estomac, l’intestin, entraînant exceptionnellement des perforations, et sur la marge anale.

Les autres manifestations cutanées comportent érythèmes noueux, papules, vésicules, pustules et purpura, mais les lésions les plus caractéristiques sont la pseudofolliculite, pustule non centrée par un follicule pileux, et l’hyperréactivité cutanée aspécifique aux agressions de l’épithélium, qu’il s’agisse d’injection, d’éraflure superficielle ou d’intradermoréaction à des antigènes variés.

Ces lésions ont tendance à régresser spontanément et à rechuter.

L’hypersensibilité est à l’origine du pathergy-test, critère cardinal qui est considéré comme positif lorsqu’une papule ou une pustule est obtenue 24 à 48 heures après la piqûre de la face antérieure de l’avant-bras par une aiguille de 21G (8/10 mm).

La sensibilité de ce test est diminuée par l’usage de matériel jetable et par la désinfection cutanée, c’est dire que dans les pays occidentaux son apport au diagnostic est très faible.

D – Manifestations oculaires :

Elles viennent au troisième rang par leur fréquence et conditionnent le pronostic fonctionnel, d’autant que la bilatéralisation des lésions peut être rapide (2 ans en moyenne).

Elles se caractérisent par des poussées récidivantes d’inflammation endo-oculaire associée à une destruction progressive du tissu rétinien.

Les chambres antérieure et/ou postérieure de l’oeil peuvent être touchées.

L’uvéite antérieure à hypopion fut la première décrite.

Parfois quiescente, elle peut n’être visible qu’à l’examen à la lampe à fente.Appréciée subjectivement par une cotation de Tyndall, elle peut maintenant être mesurée objectivement par le Laser Cell flare meter.

Elle expose particulièrement aux synéchies cristalliniennes et à l’hypertonie oculaire par troubles de l’écoulement de l’humeur aqueuse.

Cette atteinte est inconstante et régresse rapidement.

En cas d’atteinte oculaire, l’uvéite postérieure est pratiquement constante.

Il s’agit de vasculites occlusives et nécrosantes associées à un tyndall vitréen.

Ces vasculites sont marquées par un engainement blanchâtre oedémateux périveineux puis périartériel visible au fond d’oeil, parfois seulement en périphérie, ou par angiographie à la fluorescéine qui montre les dilatations capillaires avec des zones d’obstruction et des fuites.

Le caractère occlusif des lésions est marqué par des hémorragies et un oedème rétinien.

L’extension d’une ischémie peut se compliquer d’une prolifération néovasculaire prérétinienne.

Le vitré est touché secondairement, perd sa transparence, se rétracte et se durcit, ayant tendance à tirer sur la rétine qu’il peut déchirer.

D’autres lésions oculaires peuvent être plus rarement observées : aphte conjonctival, épisclérite, kératite.

Le pronostic de ces atteintes oculaires est sévère.

Les lésions régressent incomplètement sous traitement et évoluent par poussées.

Elles conduisent à des complications majeures : cataractes, hypertonies oculaires et cécité par atteinte du segment postérieur.

On considérait classiquement que la cécité survenait dans environ 50 % des cas dans les 5 ans suivant le premier signe oculaire.

La prise en charge par des équipes spécialisées sachant utiliser corticothérapie et immunosuppresseur et organiser un suivi régulier en a diminué l’incidence (16 %de pertes oculaires à 6 ans dont 2 %de novo chez nos patients d’origine autochtone suivis régulièrement).

E – Lésions neurologiques :

L’atteinte oculaire peut également s’intégrer dans les lésions neurologiques : paralysies des nerfs moteurs de l’oeil, oedème papillaire avec hypertension intracrânienne par thrombose veineuse intracérébrale, papillite entraînant toujours une baisse de l’acuité visuelle et une atteinte du champ visuel.

Les manifestations neurologiques de la maladie sont observées dans 20 %des cas en moyenne (4 à 42 %selon les séries).

Elles surviennent généralement dans la quatrième décennie de la vie et dans les 10 ans suivant le premier symptôme.

Elles sont extrêmement variées et font toute la gravité de la maladie du fait des séquelles fonctionnelles qu’elles entraînent.

La survenue de l’atteinte neurologique est imprévisible, parfois dans le contexte d’une maladie floride, parfois après un sevrage intempestif des traitements ou après plusieurs années d’évolution de lésions cutanéomuqueuses apparemment banales.

Les manifestations cliniques, parfois précédées par fièvre et céphalées, sont dominées par les méningoencéphalites, les paralysies des nerfs crâniens et les signes pyramidaux.

À titre tout à fait exceptionnel, l’atteinte peut toucher les nerfs périphériques, notamment le VII et le VIII.

Les manifestations psychiatriques sont indiscutables, parfois difficiles à dissocier des effets de la corticothérapie et des conséquences socioprofessionnelles d’une maladie chronique invalidante.

Elles s’améliorent, voire régressent, sous traitement spécifique de la maladie, témoignant bien d’une relation de cause à effet.

Les hypertensions intracrâniennes dites « bénignes » correspondent en fait à des thromboses du réseau veineux intracrânien.

En cas d’atteinte neurologique, la ponction lombaire, avec prise de pression en cas de suspicion de thrombose, est pratiquement toujours anormale avec une méningite lymphocytaire et une hyperprotéinorachie.

Le taux des gammaglobulines est diversement apprécié selon les auteurs.

La tomodensitométrie cérébrale est de peu d’appoint, en revanche, l’imagerie par résonance magnétique (IRM), bien que non spécifique, montre des hypersignaux diffus très évocateurs ; à moyen terme, les hypersignaux persistent bien qu’atténués après traitement, ce qui autorise un diagnostic rétrospectif.

Anatomiquement, les lésions neurologiques comportent trois ordres d’altération :

– des lésions inflammatoires avec méningoencéphalite et infiltrations périvasculaires témoignant de la vascularite ;

– des foyers de ramollissements avec nécroses développées autour des vaisseaux de moyens et petits calibres témoignant de la thrombose vasculaire ;

– des altérations neuronales avec chromatolyse, la gliose étant discrète et la démyélinisation modérée.

Le pronostic, encore sévère, est amélioré par les traitements corticoïdes (bolus de méthylprednisolone) et immunosuppresseurs, et vraisemblablement par leur rapidité d’administration.

Des récupérations cliniques ad integrum sont possibles dans les cas vus précocement.

Dans certaines séries, à 4 ans, près de 20 % des patients sont handicapés, et la mortalité significative est en grande partie liée aux complications de décubitus.

F – Atteintes vasculaires :

L’atteinte vasculaire est très évocatrice de la MB et ne se rencontre avec une telle diversité que dans le syndrome des antiphospholipides, facilement différencié par sa signature biologique.

L’atteinte vasculaire ne relève pas d’anomalies authentifiées de l’hémostase.

De même, le rôle des anticardiolipines, d’une résistance à la protéine C activée ou d’une mutation de la méthylènetétrahydrofolate-réductase peut être écarté.

Les thromboses veineuses surviennent dans près de 30 % des cas.

Les thromboses veineuses superficielles sont fugaces et migratoires et retrouvées à l’interrogatoire ; les érythèmes noueux, qui ont tendance à être étagés sur le trajet veineux, peuvent être considérés comme des formes dégradées de thromboses.

Les thromboses veineuses profondes peuvent toucher tous les troncs veineux.

L’originalité tient au calibre des troncs touchés, iliofémoral, territoire cave supérieur et/ou cave inférieur (syndrome de Hughes-Stovin en association avec des anévrismes pulmonaires), et à certaines localisations :

– thrombose des veines sus-hépatiques (syndrome de Budd-Chiari) dont la MB représente une des grandes étiologies ;

– thromboses veineuses cérébrales dont la sémiologie est stéréotypée : céphalées, oedème papillaire bilatéral et élévation de la pression du liquide céphalorachidien.

Dans notre expérience, les thromboses veineuses intracrâniennes sont responsables d’un tiers des formes neurologiques.

Leur visualisation est plus facile depuis les séquences angiographiques de l’IRM.

Ces thromboses, souvent récidivantes, sont parfois révélatrices ou tout au moins sont l’occasion de porter le diagnostic de MB, une thrombose étant surprenante chez un sujet jeune sans autre facteur de risque vasculaire.

Elles surviennent une fois sur quatre la première année de l’évolution.

Leur caractère emboligène est certain mais moindre que dans une thrombophlébite idiopathique (10 à 15 % des cas de thrombose).

Les atteintes artérielles sont actuellement mieux reconnues et observées dans 3 à 5 % des cas selon les séries.

Cette fréquence est vraisemblablement sous-estimée si l’on tient compte de données autopsiques où l’atteinte artérielle est observée chez un malade sur trois.

Il peut s’agir de thromboses ou d’anévrismes, véritables « aphtes artériels », souvent multiples, siégeant sur les vaisseaux pulmonaires, l’aorte, les vaisseaux rénaux, poplités et radiaux ; le risque de rupture est majeur.

La chirurgie est impérative mais grevée de thromboses du greffon ou de récidive anévrismale aux points d’anastomose.

L’artériographie en elle-même peut être responsable d’anévrismes aux points de ponction et doit faire appel aux techniques les plus atraumatiques.

Les atteintes artérielles pulmonaires sont les plus graves, marquées par des hémoptysies.

Leur pronostic est extrêmement sévère, autorisant les tentatives thérapeutiques d’embolisation ou de résection.

Quelques rares rétrocessions sous traitement médical ont toutefois été observées.

Le pronostic des atteintes artérielles reste sévère (six décès parmi nos 25 observations) et justifie le recours aux immunodépresseurs, notamment quand une indication de pontage a été portée.

G – Atteintes cardiaques :

Elles touchent les trois tuniques : myocardite, dont on peut rapprocher les troubles du rythme ; endocardite avec valvulopathie aortique ou mitrale, endocardites fibroblastiques parfois compliquées de thrombus intracavitaires ; les péricardites peuvent être inaugurales, volontiers récidivantes, elles ont été également décrites associées à une coronaropathie.

L’atteinte coronaire est en effet possible avec anévrismes et thromboses compliqués d’infarctus myocardique, d’hémopéricarde et/ou de mort subite.

Des anomalies de la microcirculation ont pu être décrites en capillaroscopie (pétéchies, dystrophies capillaires…).

Elles n’ont aucune spécificité.

H – Manifestations gastro-intestinales :

Elles ressemblent aux lésions de la rectocolite hémorragique et de la maladie de Crohn, posant des problèmes nosologiques insolubles.

Ainsi, la fréquence est diversement appréciée, allant de 30 %dans les séries japonaises à moins de 5 % dans les séries turques, rejoignant là notre expérience.

La symptomatologie fonctionnelle est aspécifique : flatulence, nausées, ballonnement, éructations, diarrhée, anorexie ; les rectorragies sont possibles.

Radiologiquement, les images les plus fréquemment retrouvées sont des floculations anormales de la baryte, des épaississements des plis muqueux et des dilatations segmentaires de l’intestin grêle avec stase.

Il n’a pas été décrit d’aspect endoscopique ni histologique spécifique.

Toutefois, l’étendue en profondeur des lésions est en faveur de la MB.

Quelques cas de pancréatite ont été rapportés.

I – Atteinte pulmonaire :

Elle consiste essentiellement en des infiltrats, avec ou sans pleurésie, accompagnés d’hémoptysies.

Il faut cependant éliminer une pathologie embolique, vasculaire pulmonaire ou une surinfection à germes opportunistes favorisée par les traitements, avant d’en accepter l’autonomie.

Dans quelques cas, une vascularite a été mise en évidence.

J – Atteinte rénale :

Elle est exceptionnelle et n’a fait l’objet que de quelques publications rapportant des lésions de glomérulopathie proliférative ou de dépôts amyloïdes.

Toutefois, chez des sujets asymptomatiques, la pratique systématique de la ponction-biopsie rénale a pu mettre en évidence des dépôts glomérulaires mésangiaux et extramembraneux de C3, parfois associés à des dépôts d’IgA, d’IgG ou de C3 et une inflammation des artères interlobulaires.

L’atteinte testiculaire ou épididymaire est rapportée par divers auteurs, de même que l’urétrite.

Diagnostic :

Devant une suspicion clinique du diagnostic, il n’existe aucun critère biologique d’appoint.

Le groupage dans le système HLA n’a qu’un intérêt épidémiologique.

Les anomalies retrouvées sont aspécifiques : hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, anomalies de la fibrinolyse, élévation du facteur VIII, présence de complexes immuns circulants, cryoglobulinémie.

La biopsie cutanée d’une intradermoréaction au sérum physiologique permet d’observer une vascularite avec dépôts de complément.

Même en l’absence de traitement étiologique, reconnaître la maladie est toutefois important.

Le diagnostic permet en effet :

– de mieux adapter la surveillance aux complications prévisibles de la maladie ;

– d’éduquer le patient à prendre en considération des phénomènes apparemment bénins ;

– de proposer des thérapeutiques symptomatiques dont le maintien prolongé, voire indéfini, permet des récupérations parfois inespérées, limite les séquelles et prévient les rechutes.

En effet, le risque de la MB n’est pas une mortalité accrue, exception faite des rares atteintes artérielles, mais une dégradation fonctionnelle progressive, liée aux séquelles cumulatives des atteintes oculaires et/ou neurologiques.

Traitement :

Il repose, comme dans les autres vascularites, sur la corticothérapie.

Elle est efficace par voie locale (uvéite antérieure) et par voie générale.

Les indications indiscutables en sont l’atteinte oculaire et/ou neurologique aux doses initiales de 1 mg/kg/j. Des bolus de méthylprednisolone (1 g en intraveineux [IV] sur 3 heures) sont employés en initiation thérapeutique dans les formes graves et évolutives.

Cette corticothérapie une fois débutée sera poursuivie aux doses d’attaque au moins 6 semaines et diminuée selon les modalités habituelles de 10 %environ tous les 8 jours.

Si la corticorésistance est exceptionnelle, la corticodépendance est la règle.

Le sevrage en corticoïdes expose aux rechutes et une corticothérapie d’entretien (5 à 10 mg/j) est préférable, notamment lorsque l’état séquellaire fait redouter toute rechute supplémentaire.

La corticothérapie prolongée a ses complications propres, notamment sur le métabolisme osseux, imposant ses mesures préventives propres.

La thérapeutique anticoagulante est associée lorsque l’atteinte des vaisseaux est prédominante (l’association héparine-corticothérapie aggrave l’ostéoporose).

Les traitements immunodépresseurs facilitent le sevrage cortisonique mais ne doivent pas être employés seuls, notamment du fait de leur latence d’action.

Les plus utilisés sont le cyclophosphamide (per os : 2 mg/kg/24 h ou en bolus IV mensuels : 750 mg à 1 g), l’administration en bolus IV permettant une efficacité plus rapide et une observance « obligée », l’azathioprine (2,5 mg/kg/24 h), qui a une efficacité démontrée et dont l’utilisation précoce semblerait pour certains améliorer le pronostic lointain, le chlorambucil (0,1 à 0,2 mg/kg/24 h), d’utilisation moins fréquente ; quelques travaux concernent le méthotrexate (7,5 mg per os 1 fois par semaine et répartis en 3 prises).

Le risque oncogène à long terme des immunodépresseurs les font réserver aux formes majeures de la maladie, menaçant le pronostic vital et/ou fonctionnel.

Les plasmaphérèses et les immunoglobulines IV, l’interféron (alpha et gamma) n’ont donné lieu qu’à quelques études non randomisées.

L’efficacité des thérapeutiques dites « de fond » est difficile à apprécier.

Par analogie à son action dans l’aphtose banale, la colchicine est très employée.

Dans notre expérience, la prescription continue de colchicine aux doses de 1 à 2 mg/24 heures et d’antiagrégant plaquettaire (aspirine) est active dans les formes articulaires et dans les formes cutanéomuqueuses en diminuant le nombre, l’importance et la répétition des lésions.

Elle pourrait avoir un rôle préventif sur les poussées, d’autant que celles-ci ont pu être observées à son arrêt intempestif.

La disulone (après élimination d’un déficit en G-6-PD [glucose-6-phosphate-déshydrogénase]) et le thalidomide, sous couvert d’une surveillance électromyographique, peuvent être parfois utiles.

La ciclosporine est d’efficacité démontrée, mais le risque de néphropathie induite en limite l’emploi.

Quelques publications récentes ont signalé l’effet de la pentoxifylline dans l’uvéite et de la pénicilline retard en administration prolongée dans les manifestations cutanéomuqueuses et articulaires.

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