Maladie d’Alzheimer (Suite)

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Première partie

Diagnostic :

Le diagnostic de démence de type Alzheimer repose sur les critères définis par le DSM IV.

Il peut être suspecté à l’aide de tests simples d’évaluation de l’état mental.

Le Mini Mental State (MMS) de Folstein et al est l’un des plus robustes et des plus universellement employés aussi bien à des fins diagnostiques qu’ épidémiologiques, évolutives ou thérapeutiques.

Maladie d'Alzheimer (Suite)On retiendra cependant que le MMS permet un dépistage de la démence, mais non un diagnostic de MA, a fortiori au stade prédémentiel.

Sa sensibilité et sa spécificité ont été optimisées par plusieurs équipes, comme ont été précisées les limites de son utilisation.

Les scores sont principalement dépendants de l’âge et du niveau d’instruction.

D’autres tests d’évaluation de l’état mental ont été proposés durant ces 20 dernières années sans avoir plus de sensibilité et de spécificité que le MMS pour le diagnostic de démence.

On peut rapprocher de ces tests les batteries neuropsychologiques simplifiées qui incluent des subtests de mémoire de Wechsler ou de Buschke, des épreuves de fluence verbale, de catégorisation de mots, les tests de Benton de rétention visuelle et d’orientation.

Ces épreuves plus sélectives d’évaluation du déficit cognitif n’ont qu’une valeur de dépistage pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer.

Leur reproductibilité, leur simplicité se prêtent à des évaluations séquentielles comparatives pour juger de l’évolutivité de la maladie.

Parmi les critères diagnostiques de la maladie d’Alzheimer, trois ont fait l’objet d’un développement spécifique et d’une utilisation internationale : le DSM IV dérivé des versions antérieures DSM III et DSM IIIR, la classification CIM 10 de l’OMS et les critères NINCDS/ADRDA.

Les critères NINCDS/ADRDA définissant les formes probable, possible et certaine du diagnostic sont rappelés ci-dessous.

Pour ces derniers qui n’ont pas varié en plus de 10 ans, c’est spécifiquement le terme de maladie d’Alzheimer qui a été retenu pour éviter toute confusion avec d’autres démences dégénératives.

Ces trois niveaux de probabilité (certaine, probable et possible) rappellent la difficulté de conclure cliniquement en l’absence de marqueur spécifique biologique ou d’imagerie, seule l’étude pathologique ayant une valeur formelle pour un diagnostic « certain ».

Le diagnostic « probable » qui a le meilleur niveau de fiabilité en l’absence de vérification anatomique suppose l’apparition insidieuse de troubles mnésiques et d’une autre fonction cognitive, une évolution progressive, l’absence de troubles de vigilance, l’exclusion de toute autre cause de démence.

On remarquera que le NINCDS et le DSM IV font référence au concept clinique de démence qui est en fait rarement présent au début de la maladie, à un stade où les perturbations sont perceptibles cliniquement et font de plus en plus souvent l’objet d’une consultation.

Les informations nécessaires au diagnostic font appel à l’interrogatoire, à l’examen clinique et aux examens complémentaires.

Les manifestations les plus fréquentes, bien explorées par les échelles type IADL (Instrumental Activities of Daily Living) sont les oublis, les erreurs topographiques, les difficultés quotidiennes dans les activités demandant une stratégie (utiliser les transports, le téléphone, bricoler, etc), les problèmes d’adaptation aux changements d’environnement, les troubles de la lecture, de l’écriture, la manipulation de sommes d’argent, la gestion de médicaments.

Très rapidement, ces troubles conduisent à un isolement social ou à un arrêt de l’activité professionnelle pour les sujets les plus jeunes.

Les modifications de la personnalité, des troubles psychiques ou du comportement encore mineurs sont fréquemment associés.

Contrairement à l’examen neuropsychologique qui est déterminant, il n’y a pas grand-chose à attendre de l’examen clinique traditionnel où aucun signe physique n’est habituellement présent au début de la maladie.

C’est seulement la recherche de signes ou symptômes orientant vers une autre cause (psychiatrique, vasculaire, infectieuse, néoplasique, etc) qui importe.

Pour les sujets les plus âgés, la prise en compte des déficits perceptifs élémentaires (vision, audition), des carences nutritionnelles, mais aussi affectives contribue à la fiabilité du diagnostic.

De même, toute sémiologie organique atypique, neurologique (épilepsie, troubles de la marche, troubles sphinctériens précoces, signes de localisation) ou non (altération de l’état général, douleurs, fièvre, troubles digestifs, insuffisance cardiaque, etc) incitent à placer des indicateurs de suspicion.

Quant aux examens complémentaires, ils sont plus utiles au diagnostic différentiel qu’au diagnostic de MA.

Le diagnostic probable ou possible de MA est donc le plus souvent fait, après examen clinique et examens complémentaires, par exclusion d’autres causes de démences, curables, vasculaires ou dégénératives, la certitude n’étant donnée, actuellement, que par l’examen neuropathologique.

La validation des critères diagnostiques de MAa révélé des discordances de reproductibilité en partie fonction de la définition de certains items.

Plusieurs études anatomiques prospectives ont validé, à l’aide de l’imagerie, les critères cliniques, ceux du DSM III, du CERAD, du NINCDS.

La validité du diagnostic n’a pratiquement jamais été inférieure à 70 %, le plus souvent située entre 80 et 90 %, une fois égale à 100 %.

En réalité, beaucoup de ces études ont accepté le diagnostic de MA malgré des lésions vasculaires de petite taille.

Deux études ont bien montré que selon les critères anatomiques retenus, le diagnostic de MA pouvait être discuté au profit du diagnostic de démence mixte ou, plus rarement, vasculaire, ce qui a conduit à proposer le concept de MAavec lésions vasculaires.

Néanmoins, les critères neuropathologiques eux-mêmes doivent être mieux standardisés pour réaliser un réel consensus clinicopathologique.

A – Critères diagnostiques de démence de type Alzheimer définis par le DSM IV (traduction JD Guelfi et al, 1996) :

A. Apparition de déficits cognitifs multiples comme en témoignent à la fois :

– 1) une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement) ;

– 2) une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes :

a) aphasie (perturbation du langage) ;

b) apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes) ;

c) agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier des objets malgré des fonctions sensorielles intactes) ;

d) perturbations des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite).

B. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 sont tous les deux à l’origine d’une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement antérieur.

C. L’évolution est caractérisée par un début progressif et un déclin cognitif continu.

D. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 ne sont pas dus à :

– d’autres affections du système nerveux central qui peuvent entraîner des déficits progressifs de la mémoire et du fonctionnement cognitif : maladie cérébrovasculaire, maladie de Parkinson, maladie de Huntington, hématome sous-dural, hydrocéphalie à pression normale, tumeur cérébrale, etc ;

– des affections générales pouvant entraîner une démence : hypothyroïdie, carence en vitamine B12 ou en folates, pellagre, hypercalcémie, neurosyphilis, infection par le VIH, etc ;

– des affections induites par une substance.

E. Les déficits ne surviennent pas de façon exclusive au cours de l’évolution d’un delirium.

F. La perturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble de l’axe I (par exemple, trouble dépressif majeur, schizophrénie).

B – Critères diagnostiques NINCDS/ADRDA de MA (traduction P Davous, 1992) :

1- Maladie d’Alzheimer probable :

Les critères diagnostiques de MAprobable comprennent :

– une démence mise en évidence par l’examen clinique et étayée par leMMS de Folstein et al (1975), l’échelle de Blessed et al (1968) ou par un test équivalent, et confirmée par des tests neuropsychologiques ;

– un déficit d’au moins deux fonctions cognitives ;

– une altération progressive de la mémoire et d’autres fonctions cognitives ;

– une absence de trouble de la vigilance ;

– un début entre 40 et 90 ans, le plus souvent après 65 ans ;

– l’absence d’affection systémique ou cérébrale susceptible d’être responsable de l’altération progressive de la mémoire et des autres fonctions cognitives.

Le diagnostic de MAprobable s’appuie sur les critères suivants :

– une aggravation progressive de fonctions cognitives précises comme le langage (aphasie), les activités motrices (apraxie) ou perceptives (agnosie) ;

– une réduction des activités de la vie quotidienne et des troubles du comportement ;

– une histoire familiale de troubles identiques, surtout s’ils ont été confirmés anatomiquement ;

– les résultats paracliniques suivants : liquide céphalorachidien (LCR) de formule cytochimique normale, électroencéphalogramme normal ou perturbé de façon non spécifique par des ondes lentes diffuses, atrophie cérébrale au scanner, s’aggravant lors d’évaluations successives.

Après exclusion d’autres causes de démence, sont compatibles avec le diagnostic de MA probable les éléments suivants :

– présence d’une phase évolutive en plateau ;

– présence des signes suivants : syndrome dépressif, insomnie, incontinence sphinctérienne, hallucinations, bouffées d’agressivité verbale ou physique, émotivité excessive, troubles sexuels, amaigrissement ;

– d’autres anomalies neurologiques survenant en général à un stade avancé de la maladie : hypertonie, myoclonies, troubles de la marche, crises convulsives ;

– un scanner cérébral normal pour l’âge. Le diagnostic de MAprobable est incertain en cas de :

– début brutal ;

– signes neurologiques focaux (hémiparésie, troubles sensitifs, troubles du champ visuel, incoordination, crises convulsives, troubles de la marche) s’ils surviennent à une phase initiale ou peu évoluée de la maladie.

2- Maladie d’Alzheimer possible :

Le diagnostic de MA possible associe les arguments suivants :

– présence d’un syndrome démentiel ;

– absence d’affection neurologique, psychiatrique ou systémique suffisante pour expliquer la démence ;

– présence d’une atypie dans le mode de début, le syndrome clinique ou l’évolution, appréciée par l’anamnèse, l’examen neurologique, psychiatrique et systémique, les tests neuropsychologiques et les examens complémentaires.

Ce diagnostic est compatible avec l’existence d’une autre affection cérébrale susceptible d’entraîner une démence si elle n’est pas considérée comme le facteur étiologique dans le cas considéré.

Il doit être utilisé dans les protocoles de recherche lorsqu’il n’existe qu’un seul déficit cognitif sévère s’aggravant progressivement, s’il n’existe pas d’autre cause identifiable.

3- Maladie d’Alzheimer certaine :

Le diagnostic de certitude de MA repose sur la réunion de tous les critères nécessaires au diagnostic de MA probable et une confirmation anatomopathologique par biopsie ou autopsie.

Sémiologie neuropsychologique :

Les déficits neuropsychologiques de la MA ont les caractéristiques sémiologiques d’une démence corticale.

Ils sont généralement corrélés à la topographie et à la sévérité des lésions étudiées anatomiquement, par imagerie tridimensionnelle ou métabolique.

Ils doivent être analysés en fonction de la sévérité des troubles cognitifs et de certaines données comportementales intégrant les modifications de la personnalité, les facteurs psychologiques, la motivation (conation) et la conscience des troubles (nosognosie).

Certains tests ont été proposés pour une détection présymptomatique de la MA, alors que d’autres ont été adaptés pour évaluer des formes particulièrement avancées de la maladie.

On a pu décrire des variations neuropsychologiques significatives, à la fois entre différentes fonctions cognitives et au sein d’une même fonction, reflétant non seulement des variétés de topographie lésionnelle, mais aussi des variations interindividuelles.

Les études de groupes portant sur des malades vus assez précocement, comme les études longitudinales, ont bien montré cette hétérogénéité.

Néanmoins, même avec des batteries d’examen complètes et variées, les études portant sur des malades plus évolués et les études de suivi montrent de fortes corrélations des scores d’altération des différentes fonctions cognitives, suggérant une voie finale commune de détérioration globale.

Troubles de mémoire :

Les troubles de mémoire sont constants au cours de l’évolution de la MAet constituent dans la plupart des cas les premiers symptômes de la maladie, qu’il s’agisse des formes préséniles ou séniles.

Les performances mnésiques de ces malades diffèrent quantitativement et qualitativement de celles des sujets normaux ou atteints de troubles mnésiques sans démence.

Elles sont explorées aujourd’hui de façon standardisée et hiérarchisée.

Excepté la mémoire immédiate, liée à la vigilance et longtemps intacte, les deux types de mémoire, à court et long termes, sont affectés dans la MA.

Le défaut de mémoire à court terme ou mémoire de travail résulterait d’une diminution globale des capacités de traitement de l’information impliquant précocement l’administrateur central.

La mémoire à long terme, qui concerne les souvenirs directement accessibles à la conscience, qui code des événements vécus dans le temps et dans l’espace, est très déficitaire. Les tests de mémoire verbale montrent que l’effet de primauté (qui reflète la mémoire à long terme) est précocement altéré, alors que l’effet de récence (qui reflète la mémoire à court terme) reste plus longtemps conservé.

Les scores du rappel libre à long terme et de la sensibilité à l’indiçage sont précocement déficitaires.

L’atteinte de la mémoire sémantique est plus tardive que celle de la mémoire épisodique, révélant une dégradation hiérarchisée avec troubles des fluences catégorielles, déficit des tâches de connaissance générale, déficit aux épreuves d’appariement, rapidement intriquée avec les troubles du langage oral et écrit.

Cette atteinte mnésique épisodique et sémantique se reflète dans les troubles de mémoire autobiographique.

La mémoire implicite, procédurale, serait moins touchée que la mémoire explicite, déclarative, comme en témoigne la possibilité qu’ont les malades de réaliser et mémoriser des apprentissages et programmes moteurs dans des conditions semblables aux sujets contrôles jusqu’à un stade avancé de la maladie.

Les intrusions, qui se rencontrent dans la plupart des syndromes amnésiques, sont particulièrement fréquentes dans la MA aux stades de démence modérée, mais leur valeur prédictive est controversée.

Il en est de même des fabulations, présentes dans 20 à 70 % des cas.

En fonction des différents stades évolutifs de la maladie, on a pu proposer un profil hiérarchisé des déficits mnésiques touchant successivement mémoire épisodique, mémoire de travail, mémoire sémantique et mémoire procédurale.

Ce profil évolutif pourrait refléter l’extension des lésions anatomiques partant des structures hippocampiques, pour s’étendre aux aires frontales, aux aires associatives temporales et enfin aux structures souscorticales.

A – Troubles du langage oral et écrit :

Signalés dès la description princeps d’Alzheimer, les troubles du langage touchent environ un tiers des cas au début, et la quasi-totalité des malades au stade de démence sévère, leur fréquence et leur sévérité s’accentuant avec l’évolution.

Dans la MA, le langage spontané reste longtemps fluent, sans erreur phonologique ou syntaxique majeure, mais devient moins informatif par appauvrissement sémantique avec paraphasies, puis jargon.

Plusieurs auteurs ont insisté sur l’anomie (difficulté à nommer les objets présentés visuellement), indépendamment des capacités de reconnaissance visuelle, rapportée à une perte d’accès à la mémoire lexicale et/ou à une erreur de discrimination sémantique.

En situation de test, la réduction de la fluence verbale contraste avec la relative aisance du langage spontané.

L’étude du discours narratif (description d’une image complexe, d’une situation imagée) révèle sa détérioration au cours de l’évolution, mais cette situation met en jeu d’autres concepts (abstraction, reconnaissance visuelle…).

La répétition est longtemps préservée pour les mots et les phrases simples, alors qu’elle s’altère progressivement pour les phrases complexes.

La compréhension auditivoverbale et visuelle élémentaire et la lecture de mots à voix haute restent longtemps possibles, alors que les stades plus complexes de traitement de l’information sont partiellement altérés et évoluent parallèlement aux tests de détérioration.

Contrairement aux démences vasculaires, l’aspect articulatoire et phonologique du langage n’est altéré qu’au stade ultime de la maladie où apparaissent écholalie, palilalies, logoclonies.

Les troubles de l’écriture s’observent spontanément et en copie chez la plupart des malades.

Ils peuvent être précoces.

Les caractéristiques de l’agraphie associent à des degrés divers des agraphies aphasiques avec substitutions, dysorthographie, erreurs grammaticales, des perturbations spatiales du graphisme ou encore une réduction du discours narratif, avec des intrusions sémantiques et des persévérations.

L’agraphie, où les perturbations lexicosémantiques précèdent l’atteinte phonologique et syntaxique, est corrélée à la sévérité du syndrome démentiel.

De plus, les différents aspects des troubles linguistiques (dénomination, compréhension, expression orale et écrite) sont corrélés entre eux.

La sévérité des troubles du langage est également corrélée à la diminution du métabolisme dans l’hémisphère gauche et plus spécifiquement du gyrus angulaire pour les processus graphiques lexicaux.

D’une façon générale, les troubles du langage évoluent parallèlement aux autres déficits neuropsychologiques et leur sévérité est corrélée.

B – Manifestations apraxiques :

Les manifestations apraxiques peuvent toucher à des degrés divers l’ensemble des fonctions qui constituent l’organisation gestuelle.

L’apraxie constructive est probablement l’une des manifestations les plus constantes de ce domaine, souvent précoce. Elle s’objective par l’ écriture et des épreuves de dessin plus ou moins complexes.

Les anomalies le plus fréquemment rencontrées sont le défaut de placement ou d’organisation spatiale, la négligence d’une partie de l’espace, les simplifications, la perte de perspective, de parallélisme ou de concentricité, le recouvrement ou closing in.

La fréquence des apraxies idéatoire et idéomotrice est controversée, fonction des formes cliniques et du stade évolutif.

Les autres formes d’apraxie ont été moins étudiées : l’apraxie réflexive serait particulièrement précoce, l’apraxie buccolinguale peut être associée à certaines formes aphasiques, l’apraxie de l’habillage n’est pas rare à un stade évolué de la démence.

Les symptômes pariétaux seraient plus fréquents dans les formes précoces de MA.

Ces apraxies reflètent un dysfonctionnement hémisphérique partiellement latéralisé qui rend compte des corrélations entre apraxie constructive et désorientation spatiale ou métabolisme cortical de l’hémisphère droit, mais les corrélations anatomiques sont encore insuffisamment établies.

C – Manifestations agnosiques :

La fréquence de l’anosognosie dans la MA a été confirmée dans des études spécifiques et sa signification a été rapportée par certains à la prééminence de dysfonctionnements frontaux.

Les troubles de reconnaissance visuelle pour les images complexes, les visages, les objets, indépendants des lésions oculaires dues au vieillissement toucheraient environ un tiers des cas.

Quelques cas d’agnosie visuelle, d’asimultagnosie, de négligence visuospatiale ou de syndrome de Balint ont été signalés à un stade précoce de la maladie et peuvent représenter la sémiologie dominante pendant plusieurs années.

D – Troubles des fonctions exécutives :

Définis par une perte de l’initiative, des capacités de jugement et de raisonnement, des fonctions de planification et de régulation des tâches, les troubles des fonctions exécutives caractérisent la démence mais ne sont pas spécifiques de la MA.

Cliniquement, une évaluation succincte fait appel aux capacités d’abstraction du malade dans les épreuves de définition ou de catégorisation de mots, et consiste à lui faire trouver des similitudes ou résoudre des problèmes simples et réaliser des tâches où interviennent attention, catégorisation, programmation.

Ces troubles sont évalués au mieux par des échelles standardisées comme la WAIS (Wechsler Adult Intelligence Scale), les matrices de Raven, les temps de réaction, le Trail making Test, le test de Stroop, le Wisconsin.

Dans la MA, les troubles des fonctions exécutives reflètent la sévérité de la démence, le degré d’anosognosie, la sévérité des lésions frontales.

E – Troubles psychiques et du comportement :

La fréquence de la dépression et ses conséquences sur la démence ont été diversement appréciées, mais l’association des deux syndromes, qu’ils se succèdent ou coexistent, est généralement acceptée.

Les épisodes dépressifs majeurs seraient moins fréquents que dans les démences vasculaires.

De simples comportements passifs ou négatifs, distincts de ceux existant dans la dépression, sont fréquents au début de la MA, associant troubles de l’attention, perte d’initiative et réduction d’activité, émoussement affectif, anhédonie.

Les modifications de la personnalité, du caractère, avec altération ou renforcement des traits prémorbides sont classiques.

Les troubles du comportement le plus fréquemment signalés sont l’agitation, l’agressivité, l’errance, la perte d’hygiène, l’incontinence sphinctérienne, l’altération des rythmes de sommeil qui ont tendance à s’aggraver parallèlement au déficit cognitif.

Les perturbations des comportements alimentaire et sexuel sont plus rares.

Les hallucinations et les idées délirantes, à thème de préjudice ou de persécution, non spécifiques, s’observeraient dans 20 à 50 % des cas.

Des échelles d’évaluation, comme le Neuropsychiatric Inventory ou « Échelle de dyscomportement frontal », contribuent à mieux analyser et quantifier les troubles psychocomportementaux et à les distinguer de ceux propres aux démences frontotemporales.

Les épisodes confusionnels sont souvent favorisés par une affection intercurrente, un changement d’environnement ou une intervention pharmacologique intempestive.

Sémiologie neurologique :

La symptomatologie clinique de la démence dégénérative a été détaillée dans les traités classiques, mais se trouvait alors entachée de biais de recrutement faute de critères diagnostiques standardisés ou reproductibles.

Plusieurs études standardisées et prospectives, portant soit sur des malades relativement jeunes et modérément déments, soit sur des sujets âgés à un stade plus avancé de la maladie, ont précisé la sémiologie neurologique de la MA.

A – Troubles de la marche :

Les troubles de la marche ne font pas partie de la sémiologie de la MA au début, même dans les formes séniles, mais la fréquence de ces troubles atteint 30 à 50 % des cas après plusieurs années d’évolution, quel que soit l’âge.

Il est vraisemblable que ces troubles correspondent à une apraxie de la marche.

Leur association significative à un réflexe de grasping ou de préhension renforce l’hypothèse d’un dysfonctionnement frontal, éventuellement en liaison avec la dilatation ventriculaire, ce qui paraît compatible avec les études neuroradiologiques.

B – Signes extrapyramidaux :

La classique triade parkinsonienne akinésie-rigidité-tremblement n’a été observée que dans de rares cas.

Ceci n’exclut pas que ces malades aient des lésions anatomiques des noyaux gris, proches de celles observées dans la maladie de Parkinson.

La rigidité constitue le signe le plus fréquent.

Elle réalise rarement le phénomène typique de la « roue dentée », plutôt une hypertonie d’opposition ou un mélange des deux.

Cette rigidité, classiquement décrite comme paratonia ou gegenhalten, est particulièrement fréquente dans les formes évoluées de la maladie où elle s’associe significativement aux troubles de la marche.

Le tremblement d’attitude n’est pas rare, contrairement au tremblement de repos typiquement parkinsonien.

Les dyskinésies bucco-linguo-faciales paraissent plus fréquentes dans les formes sévèrement évoluées de la maladie, de même que les réflexes de grasping ou de préhension et de la moue, classiquement associés à une souffrance frontale.

C – Myoclonies et épilepsie :

La fréquence des myoclonies est faible dans la MA, inférieure à 10 %.

Leur survenue précoce pourrait avoir une valeur pronostique péjorative.

Des crises d’épilepsie s’observeraient dans 10 à 30 % des cas, à un stade évolutif avancé de la maladie.

D – Déficits sensoriels :

Les troubles visuels de la MA sont, nous l’avons vu, d’origine centrale car la dégénérescence du nerf optique semble particulièrement tardive.

Le handicap auditif, lorsqu’il existe, pourrait contribuer à aggraver l’évolutivité du déclin intellectuel dans la MA.

La perception olfactive est sévèrement altérée, en liaison avec les lésions neuropathologiques qui affectent la voie olfactive.

E – Autres signes :

La rareté des signes pyramidaux et cérébelleux est en accord avec les critères diagnostiques de MA.

Les anomalies du diamètre pupillaire après anticholinergiques ont peu de spécificité.

Imagerie cérébrale :

L’imagerie a profondément modifié l’approche diagnostique des démences et de la MA depuis l’apparition du scanner.

Ces deux dernières décennies ont vu se développer d’autres techniques d’imagerie comme l’IRM, la tomographie d’émission monophotonique (TEMP), passées dans la pratique, ou la tomographie d’émission de positons (TEP), réservée à la recherche.

Cependant, aucune de ces techniques, aussi précise et sensible soit-elle, ne peut aujourd’hui faire le diagnostic de démence ou de MA.

A – Imagerie anatomique par scanner et IRM :

La contribution du scanner au diagnostic de MA consiste avant tout à exclure les causes curables de démence.

En effet, les caractéristiques morphologiques observées sont difficilement quantifiables et non spécifiques.

La comparaison de groupes de sujets contrôles et déments correctement appariés pour l’âge et le sexe révèle une atrophie par perte de substance grise corticale, une dilatation ventriculaire et un volume de LCR supérieurs aux témoins.

Ces anomalies, particulièrement la dilatation ventriculaire, sont liées à la sévérité et à l’évolutivité de la démence et non à de simples variations non spécifiques dues à l’âge. Dans certains cas, l’atrophie cérébrale peut manquer, surtout dans les formes vues précocement.

Dans d’autres, l’atrophie est asymétrique, souvent en rapport avec une sémiologie focale, aphasique ou apraxique, orientant vers des lésions prédominant à l’un des hémisphères cérébraux.

L’existence d’une leucoaraïose (raréfaction de la substance blanche) s’observerait dans 30 à 50 %des cas de MA, mais sa signification reste discutée : facteurs de risque vasculaires associés ou pathologie intrinsèque ou secondaire de la substance blanche.

Par définition, le scanner ne visualise pas de lésions ischémiques dans la forme « pure » de MA.

L’IRM définirait l’atrophie mieux que le scanner, mais elle s’avère surtout plus performante pour la distinction entre substance grise et substance blanche, pour l’identification de petites lésions de la substance blanche, ou encore pour distinguer des hypersignaux non spécifiques observés chez des sujets normaux.

L’IRM peut être employée pour quantifier l’atrophie de l’hippocampe et d’autres structures du lobe temporal.

L’atrophie hippocampique objectivée en IRM a pu être corrélée à l’atrophie anatomique, à certains troubles mnésiques de la MA et serait un facteur prédictif de démence chez les sujets âgés atteints de troubles mnésiques.

Sa spécificité pour le diagnostic de MA reste discutée.

Les études de spectroscopie au 31P ont montré qu’il existerait une altération des phospholipides membranaires dans la MA.

B – Imagerie fonctionnelle et métabolique ou de perfusion :

Plusieurs techniques isotopiques en tomographie (TEP, TEMP) sont aujourd’hui disponibles pour mesurer les débits sanguins et les métabolismes globaux ou régionaux, mais leur sensibilité et leur spécificité pour le diagnostic de MA restent à optimiser.

Les études s’accordent sur la baisse du débit sanguin cérébral (DSC) et de la consommation d’oxygène et de glucose dans la MA, indépendamment de l’atrophie, corrélée au déficit neuropsychologique.

Cette baisse du DSC est en général diffuse, survient secondairement au processus démentiel et ne s’accompagne pas d’une perte de réactivité au CO2, caractéristiques qui distinguent la MA des démences vasculaires.

L’imagerie métabolique peut révéler des déficits de perfusion ou de métabolisme, là où l’imagerie morphologique paraît encore normale.

La plupart des études (TEMP ou TEP) ont rapporté un hypométabolisme bitemporopariétal postérieur dans la MA.

Les mesures de métabolisme régional sont en faveur de la prédominance du déficit au cortex associatif pariéto-occipital et du respect des cortex primaires visuel, moteur et sensitif, ainsi que des noyaux gris et du cervelet, sauf à un stade très avancé de la maladie.

L’hypométabolisme postérieur démontré en TEP est corrélé à l’atrophie hippocampique et la coexistence des deux augmente leur valeur diagnostique propre.

Au cours de l’évolution de la démence, on observe une majoration et une extension topographique du déficit métabolique qui peut avoir une prédominance frontale, en particulier dans les formes sévères.

Des asymétries métaboliques, corrélées à la prédominance de certains déficits neuropsychologiques, sont observées en regard des cortex associatif postérieur ou préfrontal dans certains cas de MA.

Des perturbations métaboliques plus sélectives ont pu être corrélées à certains déficits neuropsychologiques, comme les troubles mnésiques ou de l’orientation, les troubles du langage, les troubles visuospatiaux.

Électrophysiologie :

A – Électroencéphalogramme :

Les études récentes sont en faveur de l’anormalité du tracé de l’électroencéphalogramme dans la quasi-totalité des cas de MAdès le début de la maladie.

L’analyse visuelle des tracés et les études quantifiées révèlent des anomalies non spécifiques mais distinctes des tracés de sujets contrôles appariés : la fréquence de l’activité rythmique alpha, sa réactivité, les cohérences diminuent.

Certaines altérations EEG ont été corrélées à la sévérité du déficit intellectuel.

Leur aggravation dans le temps n’est pas toujours parallèle à celle de la maladie.

L’activité EEG est aussi anormale durant le sommeil, avec perturbation du sommeil paradoxal.

B – Potentiels évoqués :

Le potentiel P300 est le plus utilisé en clinique, après stimulations visuelles ou auditives.

Plusieurs études ont conclu à un allongement de latence et à une diminution d’amplitude du P300 dans la MA, mais seul le premier paramètre a été corrélé au déficit neuropsychologique, et ces anomalies ne sont pas spécifiques.

Marqueurs biologiques :

La recherche de marqueurs biologiques de la maladie s’est développée dans des directions très variées.

Dans la majorité des cas, les résultats peuvent certes montrer des différences entre patients Alzheimer et contrôles si l’on considère l’ensemble des groupes, mais il existe toujours un recouvrement considérable entre les valeurs individuelles des deux groupes.

Des travaux récents, révélant des modifications des isoformes de l’APP plaquettaire corrélées à la progression des signes cliniques, ont relancé l’intérêt pour les marqueurs diagnostiques périphériques.

Dans le LCR, une élévation significative des concentrations de protéine Tau semble confirmée.

Cependant, des très nombreux résultats publiés, on retiendra qu’ ils n’ont pas démontré de sensibilité et spécificité supérieures à la clinique pour le diagnostic de MA.

Évolution et pronostic :

Le diagnostic de MA est souvent fait avec retard, 1 à 2 ans après le début réel des troubles, ceux-ci étant aisément minimisés par l’entourage, surtout après 70 ans.

Les formes à début focal, aphasique, apraxique ou agnosique, beaucoup plus rares, sont reconnues plus précocement.

Il est habituel de voir le syndrome démentiel progresser régulièrement, les déficits cognitifs évoluer parallèlement aux troubles du comportement et à la perte d’autonomie, ce qui se reflète dans les échelles globales de handicap comme dans les tests psychométriques ou les batteries d’évaluation plus spécifiques.

Schématiquement, on peut distinguer trois phases évolutives durant respectivement environ 2 à 4 ans :

– stade I de démence légère avec troubles mnésiques dominants mais modérés, autres fonctions cognitives peu altérées, autonomie conservée, absence de signes neurologiques, imagerie peu contributive ;

– stade II de démence modérée avec troubles mnésiques importants et invalidants, atteinte manifeste d’une ou plusieurs autres fonctions cognitives, autonomie partiellement limitée, imagerie contributive ;

– stade III de démence sévère avec syndrome aphaso-apraxo-agnosique, perte d’autonomie, troubles de la marche, rigidité, incontinence, atrophie cortico-sous-corticale et hypométabolisme étendus.

L’évolutivité de la maladie reste imprévisible, variant d’un sujet à l’autre et chez le même sujet d’une période à l’autre, la mortalité et l’institutionnalisation ne semblant plus représenter des critères satisfaisants pour juger de l’évolution de la MA.

Le pronostic est considéré comme plus péjoratif en cas de myoclonies, de signes extrapyramidaux, de manifestations psychotiques précoces.

La durée de survie de la MAest inférieure à celle de la population générale de même âge.

Estimée à 7-10 ans après les premiers symptômes, elle a presque doublé ces 30 dernières années, probablement par meilleure efficacité de traitement des affections intercurrentes.

Celles-ci restent les principales causes, non spécifiques, de décès (infections, traumatismes, complications de décubitus, etc), alors que les pathologies associées sont relativement rares.

L’influence de l’âge précoce de survenue de la maladie, du sexe, des antécédents familiaux et d’autres facteurs sur son évolutivité reste controversée.

Diagnostic différentiel :

Dans la plupart des arbres de décision proposés dans la littérature, c’est encore le critère « démence » qui sert de mode d’entrée dans la démarche étiologique, ce qui suppose souvent un processus déjà évolué.

Dans la réalité, des outils diagnostiques plus performants incitent à une approche plus sélective.

Ne pas attendre la démence constituée, savoir distinguer une sémiologie cognitive corticale d’une atteinte sous-corticale, reconnaître un processus confusionnel chronique, rassembler un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques constituent une démarche de bonne pratique clinique.

Sur le plan pratique, le problème le plus fréquemment posé consiste à éliminer les causes potentiellement curables.

Le recommandations établies par plusieurs groupes de travail pour le choix des examens complémentaires, afin de reconnaître schématiquement deux groupes d’affections :

– les affections cérébrales organiques (tumeurs, hématomes, abcès, hydrocéphalie, etc) qui donnent souvent des signes neurologiques focaux et sont reconnues au scanner qui constitue ici le meilleur examen de dépistage ;

– les affections systémiques, métaboliques, infectieuses et apparentées, reconnues par une batterie d’examens biologiques simples.

En pratique de routine, les examens à recommander sont d’abord le scanner afin d’éliminer une lésion expansive, en particulier frontale, donnant rarement des signes focaux, des lésions vasculaires, un hématome sous-dural chronique, une hydrocéphalie.

L’existence d’une leucoaraïose incite à rechercher des facteurs de risque vasculaire.

L’EEG, généralement anormal dans la MA sous forme d’un ralentissement diffus, peut, s’il est normal, contribuer au diagnostic de démence frontotemporale ou maladie de Pick en cas de sémiologie corticale ou à celui de dépression pseudodémentielle en cas de sémiologie sous-corticale. Inversement, de grandes ondes lentes peuvent suggérer une encéphalopathie métabolique devant un syndrome confusodémentiel.

Plus rarement, des pointes pseudopériodiques orientent vers une maladie de Creutzfeldt-Jakob. Les examens biologiques sont réduits aux plus courants, complétés des sérologies de la syphilis et du virus VIH.

Dans certaines unités spécialisées ou dans des cas particuliers, l’enquête d’imagerie ou de biologie sera plus approfondie, soit pour détecter en IRM des lésions vasculaires infraradiologiques, soit pour objectiver un hypométabolisme focal en cas d’imagerie normale, soit encore pour reconnaître une cause rare de démence (hypothyroïdie, carence en vitamine B12, etc) parfois suspectée sur des antécédents ou des signes cliniques particuliers, des anomalies d’un premier bilan biologique. Deux problèmes diagnostiques plus difficiles sont relativement fréquents :

– le diagnostic de dépression en raison de l’association fréquente de ce syndrome à la MA, surtout si le traitement antidépresseur, qui doit toujours être tenté, s’avère inefficace ou aggravant ;

– le diagnostic « de déclin cognitif lié à l’âge », évoqué par des troubles mnésiques isolés ; le contexte est cependant différent : la personnalité est préservée, la plainte mnésique réelle, le retentissement sur la vie sociale ou l’autonomie quotidienne minime ou nul ; ce diagnostic s’avère plus délicat lorsque se surajoutent des facteurs aggravants comme un état dépressif, des troubles visuels ou auditifs.

Les intoxications médicamenteuses iatrogènes, dont l’expression clinique est souvent aiguë ou subaiguë, plus confusionnelle que démentielle, sont aisément curables par la seule suspension du traitement suspect.

Reste le diagnostic différentiel des démences dégénératives où dominent démences frontotemporales et démences à corps de Lewy diffus qui répondent aujourd’hui à des critères diagnostiques bien définis.

Il en est de même des démences sous-corticales dont la fréquence n’est pas négligeable, qu’il s’agisse des démences vasculaires ou d’autres affections (Huntington, Parkinson avec démence, gliose de Neumann, démence alcoolique avec syndrome de Korsakoff).

S’il existe des facteurs de risque vasculaire et/ou des lésions ischémiques radiologiques mais un contexte clinique évocateur de MA, on discutera le diagnostic de démence mixte.

Traitement :

A – Traitements pharmacologiques :

Les thérapeutiques visant à rétablir une neurotransmission normale concernent essentiellement, pour la MA, le système cholinergique.

Leur utilisation est pharmacologiquement fondée sur la mise en évidence du déficit en choline-acétyltransférase (ChAT), associé à la dégénérescence des neurones cholinergiques.

Leur manipulation est rendue délicate par la nécessité de traverser la barrière hématoencéphalique, la mauvaise biodisponibilité de certains précurseurs, la fréquence ou la sévérité des effets périphériques.

Leur conception a fait appel à trois mécanismes schématiques :

– Augmenter la quantité d’ACh présynaptique à l’aide de précurseurs (choline, lécithine, déanol…).

Plusieurs études ont montré leur faible efficacité.

– Augmenter l’effýcacité de l’ACh synaptique en retardant sa destruction par l’acétylcholinestérase à l’aide d’inhibiteurs plus ou moins sélectifs.

Quatre inhibiteurs ont été mis successivement sur le marché depuis 5 ans.

La tacrine (Cognex) a été la seule molécule disponible jusqu’en 1997 et plus de 5 000 malades en ont bénéficié en France.

L’utilisation du produit a révélé une efficacité contrastée à l’échelle individuelle, mais un bénéfice cognitif et comportemental statistiquement modeste.

La posologie efficace a été estimée à 120-160 mg, les effets secondaires étant dose-dépendants.

Les principaux effets secondaires étaient une toxicité hépatique et des troubles digestifs, plus rarement des effets neuropsychiatriques ou cardiovasculaires.

Le donepezil (Aricept) est la seconde molécule a avoir été commercialisée.

Prescrit à une posologie de 5 à 10 mg/j, sa pharmacocinétique lui donne l’avantage d’une simplicité d’observance (prise unique).

Les effets secondaires d’ordre digestif, cardiovasculaire ou comportemental semblent rares et bénins.

La rivastigmine (Exelon), imposant des adaptations posologiques de 6 à 12 mg/j en plusieurs prises, et le metrifonate, prescrit en prise unique à 30-60 mg/j, viennent d’être mis sur le marché.

Compte tenu des essais thérapeutiques, leurs propriétés ne devraient pas être significativement différentes de celles des autres inhibiteurs.

D’une façon générale, il apparaît que les inhibiteurs d’acétylcholinestérase sont des produits qui ont une action bénéfique clinique plus comportementale que cognitive et qu’ils n’ont que peu d’effet sur l’évolutivité de la maladie.

Les indications de ces traitements sont les formes « légères, modérées ou modérément sévères » de MA, soit des malades dont le score MMS est supérieur à 10 et dont la maladie, définie par les critères de Mc Khann comme probable, évolue depuis au moins 6 mois.

– Agir directement sur les récepteurs muscariniques

Les premiers agonistes muscariniques comme le RS 86, l’arécoline, le bétanéchol se sont révélés d’un maniement difficile.

Des agonistes plus spécifiques, agissant en particulier sur les récepteurs postsynaptiques M1 (xanomeline, milameline, SB 202026) sont les successeurs logiques des inhibiteurs de cholinestérase.

L’utilisation des psychotropes est l’affaire de cas individuels, fonction du stade évolutif de la démence, fondée sur une bonne analyse des troubles du sommeil, des épisodes d’agitation et d’agressivité, de la composante dépressive ou anxieuse, de l’existence ou non de manifestations délirantes ou hallucinatoires.

Les neuroleptiques classiques type halopéridol sont modérément efficaces et souvent mal tolérés justifiant de les réserver aux manifestations productives en recherchant la posologie minimale efficace.

Les neuroleptiques atypiques ayant moins d’effets secondaires extrapyramidaux (clozapine, rispéridone) seraient à privilégier.

L’emploi des anticholinergiques est à proscrire, même en cas de recours aux neuroleptiques.

Les antidépresseurs seront choisis pour leur absence d’effet anticholinergique dans les drogues non imipraminiques, en particulier les inhibiteurs de recapture de sérotonine qui peuvent aussi améliorer les comportements agressifs.

Les benzodiazépines, susceptibles de majorer les troubles cognitifs, de modifier la vigilance, sont à réserver aux formes avec anxiété majeure en prescrivant les drogues à demi-vie courte sur de brèves périodes.

On peut leur préférer les carbamates ou les antihistaminiques.

D’autres drogues, normothymiques et/ou anticonvulsivantes (lithium, carbamazépine, valpromide) ont des indications ponctuelles.

Certaines thérapeutiques, actuellement à l’étude, résultent des connaissances physiopathologiques acquises et des facteurs de risque identifiés : AINS ou non, oestrogènes, antioxydants, agonistes du glutamate, facteurs de croissance et analogues.

B – Traitements non pharmacologiques :

La prise en charge des déficits cognitifs doit prendre en compte leur hétérogénéité et les aptitudes préservées, la progression de la maladie, la collaboration des proches.

Pour les troubles mnésiques, on peut s’attacher à faciliter l’encodage et la récupération, à coordonner des tâches concurrentes, à apprendre de nouvelles connaissances, à optimiser des performances dans des domaines d’expertise antérieure.

D’autres approches thérapeutiques de la maladie ne doivent pas être négligées, même si elles apparaissent comme secondaires.

Elles prennent en compte l’aspect psychiatrique et comportemental de la démence, l’environnement physique, familial et social.

Elles visent à restaurer ou maintenir une autonomie suffisante.

Il s’agit de psychothérapies individuelles ou de groupes, thérapies souvent « médiatisées », impliquant une participation corporelle.

On peut aussi avoir recours à l’aménagement de l’environnement, à la modification des interactions sociales, aux stratégies interpersonnelles.

D’une façon générale, toutes les actions visant à maintenir l’autonomie et la dignité, qu’il s’agisse des troubles cognitifs, des comportements, des soins personnels, de la continence, sont à prendre en compte, tant en milieu familial qu’institutionnel.

Ceci suppose de réels réseaux de soins adaptés à une prise en charge globale du patient.

C – Perspectives thérapeutiques :

Si une approche thérapeutique univoque est difficile à concevoir, certaines constantes se retrouvent pour privilégier la lutte contre les dépôts amyloïdes, les phénomènes d’oxydation liés à la production de radicaux libres, les altérations du métabolisme énergétique et tenter d’intervenir sur des facteurs promoteurs voire d’initiation.

On peut se demander, à l’heure où nous n’opposons à la maladie qu’un groupe pharmacologique de drogues symptomatiques, si nous formerons demain des sous-groupes pour des thérapeutiques spécifiques ou pour une réelle prévention.

Cette dernière perspective, étayée par les données récentes de la génétique devrait contribuer au développement de la thérapie génique.

Dans la MA, la thérapie génique peut être dirigée contre la composante génétique lorsqu’elle existe (APP, présénilines, ApoE) ou pour le codage d’une molécule « protectrice », trophique, antiapoptotique, antioxydante, anti-inflammatoire, etc.

Ces approches thérapeutiques, encore expérimentales, supposent le développement de modèles animaux ou in vitro appropriés et des garanties technologiques d’efficacité et de sécurité qui sont loin d’être réalisés.

Aspects éthiques :

Envisager la MA comme une maladie chronique génétiquement déterminée a des implications éthiques dans le diagnostic et la prise en charge, qu’elle soit thérapeutique ou sociale.

En termes de diagnostic, nos comportements évoluent rapidement.

La situation d’hier était d’attendre la démence pour confirmer un diagnostic de maladie incurable.

Aujourd’hui, l’information des médecins et du public conduit à des diagnostics beaucoup plus précoces mais qui ne restent que « probables » faute de marqueurs spécifiques.

Ils nous confrontent à la formulation du diagnostic au malade ou à son entourage qui doit se faire avec la retenue, l’éclairage propres à une relation tripartite médecin-malade-famille empreinte de confiance et de disponibilité.

Les problèmes soulevés par le génotypage de l’ApoE ou d’autres gènes attachés à des formes familiales sont assez proches de ceux rencontrés dans d’autres pathologies en termes de confidentialité, de respect des volontés individuelles, de consentement éclairé.

Ils sont différents des problèmes propres aux tests spécifiquement diagnostiques et/ou du contexte où une prévention peut être réalisée.

Des aspects particuliers résultent de la modification du jugement et de la personnalité inhérents à la démence, mais aussi des implications sociales, professionnelles et financières que constitue un diagnostic défini de MA.

On doit donc recommander la mise en place de structures de conseil génétique assurant les mêmes garanties que pour d’autres affections.

En termes de prise en charge, outre les efforts des partenaires sociaux, des associations, le comportement des médecins est plus responsable.

Ils se trouvent confrontés, généralistes comme spécialistes, dans un souci de plus grande qualité de vie, à participer aux mesures de protection juridique, aux aides au maintien à domicile, aux décisions de placement en institution, à l’accompagnement en fin de vie.

Ils doivent donc en permanence être à l’interface entre le patient, ses proches, les acteurs paramédicaux et sociaux, les associations et les institutions, tout en se tenant informés de l’évolution des connaissances, particulièrement rapide dans ce domaine.

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