Surveillance d’un malade sous plâtre

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Une immobilisation par plâtre ou par résine reste encore une éventualité fréquente, notamment chez l’enfant.

Chez l’adulte, les progrès de la chirurgie de l’appareil moteur en restreignent les indications ou les limitent souvent à un simple adjuvant de la chirurgie.

Les durées d’hospitalisation de plus en plus courtes font que leur surveillance n’est que partiellement hospitalière et que tout médecin doit désormais pouvoir l’assurer.

Diagnostic :

A – Surveillance d’un malade immobilisé dans un plâtre cruro-pédieux pour une fracture de jambe fermée en complément d’une ostéosynthèse :

Surveillance d’un malade sous plâtre
1- Suites immédiates :

  • État du plâtre, durant les premières 24 h seront surveillés : le séchage du plâtre, sa solidité, l’état du pansement (saignement), la quantité de sang dans les flacons des drains de Redon.
  • Douleur sous plâtre : le signe d’appel d’une complication est la douleur:

– sensation de striction douloureuse globale dès le réveil : on vérifie la température du pied et sa couleur (aspect violacé d’une stase ou lividité d’une ischémie), la sensibilité et la motricité active des orteils.

On s’assure de la motricité volontaire des orteils.

Le membre étant surélevé, on effectue un examen périodiquement en l’absence de signes de gravité au niveau du pied.

Cette sensation de striction est habituelle après un plâtre mais elle doit s’atténuer en quelques heures.

En cas de doute, il ne faut pas hésiter à échancrer la partie du plâtre située à la face dorsale du pied pour palper le pouls pédieux (au besoin au doppler : instrument de surveillance indispensable).

Il ne faut pas hésiter à fendre le plâtre ou, mieux, à le bivalver (surtout s’il y a une ostéosynthèse assurant une certaine stabilité) ;

– la striction douloureuse s’accentue : le pied est oedématié et violacé, la motricité des orteils est réduite mais les pouls périphériques sont conservés.

La sensibilité superficielle est altérée.

En l’absence de suppression immédiate de la compression, on peut voir s’installer un syndrome de loges : sous l’effet du plâtre et d’un oedème et (ou) d’un hématome, les loges de la jambe sont mises en hyperpression, la circulation veino-capillaire est diminuée ou même arrêtée, les masses musculaires sont en hypoxie et en imminence de nécrose si la compression n’est pas rapidement levée.

Attention à ce tableau qui peut être trompeur : le pied reste rassurant, car les pouls artériels passent alors qu’une nécrose des muscles de jambe peut s’installer sous le plâtre.

Une fois celui-ci ouvert, on note nette tension douloureuse des loges de jambe dont le volume s’est accentué.

Nous verrons plus loin que si, dans certains cas, l’ouverture du plâtre peut suffire, il faut bien souvent aller au-delà en pratiquant de larges aponévrotomies ;

– la douleur est localisée à un point précis : il y a conflit entre le plâtre et la peau au niveau d’une saillie osseuse (malléoles, talons, rotule) ce peut être l’amorce d’une escarre si une « fenêtre » n’est pas effectuée dans le plâtre avec un nouveau matelassage local.

Il est souvent nécessaire de refaire le plâtre ;

– la douleur est traçante et accompagnée de brûlure, de paresthésies, le long d’un tronc nerveux : ici, le nerf sciatique poplité externe qui peut être comprimé au niveau du col du péroné et créer une parésie et même un pied tombant ;

– la douleur n’est localisée qu’au pied : celui-ci est pâle, froid, sa mobilité est réduite, sa sensibilité altérée.

Il n’y a plus de pouls périphériques même au doppler : attention à la recherche des pouls périphériques.

Il faut une certitude de leur présence ou de leur absence, d’où l’importance du doppler.

Il s’agit d’un syndrome ischémique par atteinte d’un tronc artériel principal (fréquent en traumatologie des membres) et passé inaperçu au moment du traitement.

Le plâtre d’une part, l’atteinte nerveuse ischémique d’autre part, risquent encore de retarder le diagnostic et de laisser s’installer des lésions nécrotiques irréversibles.

2- Suites tardives :

Passées les 48 premières heures, toute persistance ou toute apparition d’une symptomatologie doit faire rechercher une des complications suivantes.

  • Hématome : l’aggravation d’un hématome et l’évolution vers un syndrome de loges sont évoqués devant une tension persistante de la jambe, malgré l’ouverture du plâtre, un aspect luisant et violacé de la peau.

Une prise éventuelle de pression avec une aiguille spéciale pour ce geste est possible. Vérifier à nouveau les pouls périphériques au doigt et au doppler, refaire un bilan de coagulation.

  • Infection : l’apparition d’une fièvre oscillante associée à un syndrome douloureux local révoque une complication infectieuse :

– cas simple : au 4e-5e jour postopératoire, après ouverture du plâtre ou de l’attelle, qui est le premier geste à effectuer, la plaie opératoire est inflammatoire, une sérosité louche peut être prélevée pour identification du germe et antibiogramme ;

– un cas difficile : malgré une fièvre oscillante et des douleurs pulsatiles, les téguments paraissent normaux.

On doit rechercher une tension douloureuse en profondeur, mettre en culture les drains de Redon, éliminer toute autre étiologie infectieuse (ORL, pulmonaire, urinaire, etc.), suivre l’évolution locale et générale pendant 24 ou 48 h avant de chercher une confirmation opératoire de la suppuration (la simple ponction risque d’être souvent insuffisante).

  • Thrombose veineuse profonde : l’apparition d’un oedème blanc ou violacé dépassant souvent les limites du plâtre en avant, mais aussi en amont, doit faire suspecter systématiquement une thrombose veineuse profonde notamment à partir du 6e-7e jour, même si le malade a été mis préventivement sous un traitement anticoagulant, héparine de bas poids moléculaire de préférence.

On vérifie la dose d’héparine de bas poids moléculaire prescrite (souvent trop faible en traumatologie et orthopédie où le risque est majeur : taux de thrombose veineuse profonde voisin de 50 %).

Le plâtre, même fendu, ne permet pas une utilisation correcte du doppler veineux et de l’échographie.

La phlébographie bilatérale reste l’examen de référence.

Parallèlement, sera effectuée la recherche de signes d’embolie pulmonaire.

La douleur aux points de contact peut réapparaître ou s’aggraver, notamment s’il y a oedème : une nouvelle escarre se constitue.

  • Complications autres :

– sous un climat chaud, un prurit peut se manifester par sudation avec lésions de grattage induites par les divers instruments que le malade essaie d’introduire dans son plâtre ;

– après la phase immédiate de 8 à 10 j, l’oedème ayant normalement disparu, on doit systématiquement vérifier que le plâtre n’est pas, à l’inverse, trop large et que sa contention n’est pas devenue moins efficace.

Une radiographie de contrôle systématique (notamment en traumatologie) doit rechercher un éventuel déplacement. L’atrophie du membre sera mesurée.

Le plâtre est éventuellement complété ou refait ;

– sur le plan général, en dehors d’un syndrome fébrile ou thrombotique, un examen médical systématique, durant toute la durée de l’immobilisation (et notamment s’il y a décubitus) va rechercher : d’autres possibilités d’escarres (sacrées, fessières, trochantériennes) ; des troubles du transit intestinal (ballonnements, constipation) ; des troubles urinaires de rétention ; la mobilité active et passive des autres segments de l’appareil moteur non immobilisés.

B – Cas particuliers :

1- Selon l’âge :

  • Chez l’enfant, un plâtre immobilisant le coude doit être particulièrement surveillé.

Autrefois souvent mis en circulaire et en flexion forcée, il peut être à l’origine d’un syndrome de Volkman (ischémie de l’avant-bras et de la main avec griffe digitale, paralysie et souvent plicature ou compression de l’artère humérale). Attention à toute griffe douloureuse des doigts !

  • Chez le vieillard : la fragilité de la peau jointe à la proéminance des reliefs osseux due à la maigreur fait que les escarres surviennent rapidement et sont fréquentes.

Tout décubitus prolongé doit être évité ou surveillé attentivement sur le plan respiratoire, digestif et urinaire.

2- Selon la localisation du plâtre :

  • Tête et cou : une minerve peut entraîner des escarres occipitales et mentionnières.
  • Tronc : un corset a plusieurs appuis à surveiller : sternum, pubis, crêtes iliaques.

Il doit avoir une fenêtre en regard et de l’estomac pour permettre une distension au moment des repas.

Surveiller le transit intestinal et les mictions.

  • Membre supérieur : des anneaux pour fracture de la clavicule peuvent comprimer le paquet vasculo-nerveux dans l’aisselle imposant la recherche de fourmillements de refroidissement de la main ; un plâtre pendant pour fracture de l’humérus peut entraîner une compression nerveuse, en particulier radiale, imposant la surveillance de la sensibilité et de la motricité de la main ; une gouttière ou un plâtre circulaire du poignet placés après une fracture de l’extrémité inférieure du radius doivent très souvent être refaits vers le 4e-5e jour du fait de la résorption de l’oedème habituel qui accompagne cette fracture ; pour la main et les doigts, des attelles simples, en résine, suffisent mais on vérifie la position d’immobilisation (en général position intrinsèque « plus » : flexion des métacarpo-phalangiennes et extension des interphalangiennes).

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